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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2842/2013

ATA/805/2013 du 10.12.2013 ( LOGMT ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.02.2014, rendu le 04.02.2015, REJETE, 8D_1/2014
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2842/2013-LOGMT ATA/805/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 décembre 2013

 

dans la cause

 

Madame R______ D______ et Monsieur A______ D______

 

et

 

Madame S______ D______
représentés par l’Association genevoise des locataires (ASLOCA), mandataire

contre

OFFICE DU LOGEMENT



EN FAIT

1) Madame R______ D______ et Monsieur A______ D______, de nationalité suisse, sont locataires d'un appartement de 5 pièces sis au 1er étage du ______, rue G______ à Thônex, depuis près de vingt ans. Ils partagent ce logement avec leur fille S______ D______, née le ______ 1988.

2) Le loyer annuel de l'appartement est de CHF 22'332.- (CHF 24'672.- charges comprises), soit de CHF 1'861.- par mois (respectivement CHF 2'056.-).

3) L'appartement se situe dans un immeuble de catégorie HLM (habitation à loyer modéré) qui est sorti de l'aide étatique et du contrôle des loyers le 31 décembre 2011.

4) Par décision du 22 décembre 2011, l'OLO a octroyé aux époux D______ une allocation de logement de CHF 416,65 par mois pour la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013.

Le renouvellement de cette allocation à son échéance était soumis, notamment, à leur inscription comme demandeur de logement auprès de l'OLO et à la preuve de recherches d'un logement moins onéreux pendant cette période.

5) M. A______ D______ est bénéficiaire de prestations de l'assurance-invalidité à 100 %. Il perçoit à ce titre une rente de CHF 18'984.-/an, ainsi qu'une rente de 2ème pilier de CHF 23'054.- (année de référence 2012).

6) Mme R______ D______ n'exerce pas d'activité lucrative.

7) Leur fille S______ D______, née en 1988, est étudiante à l'école de culture générale pour adulte.

8) M. A______ D______ reçoit par ailleurs des prestations complémentaires fédérales et cantonales (ci-après : PCF et PCC ou, sans distinction : PC ou prestations complémentaires) du service des prestations complémentaires et des prestations complémentaires fédérales et cantonales à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (ci-après : SPC) à hauteur de CHF 908.-.- par mois.

9) Dans les dépenses reconnues fondant le calcul du droit aux PCF figurent un forfait pour les besoins vitaux de deux personnes (CHF 38'520.-) et la somme de CHF 15'000.- pour les dépenses liées au loyer (état au 1er janvier 2013). Dans celui des PCC, figure en outre un forfait pour les besoins vitaux de leur fille S______ D______ (soit 12'778.- à ce titre).

Les revenus du couple font état, outre des rentes sus indiquées, d'un gain potentiel estimé de CHF 12'801,05.

Des subsides d'assurance-maladie sont enfin octroyés pour l'ensemble du groupe familial, à concurrence de CHF 470.-/pers. pour les parents et de CHF 436.- pour leur fille.

10) Le 13 février 2013, les époux D______ ont demandé à l'OLO le renouvellement de leur allocation de logement.

Ils ont indiqué dans cette demande qu'aucun des occupants du logement ne percevait de PC du SPC.

11) Par décision du 16 avril 2013 adressée aux intéressés, l'OLO a renouvelé cette allocation en précisant que cet octroi se fondait sur les documents et informations en sa possession et que toute modification de situation devait lui être transmise sans délai.

12) Le 10 mai 2013, l'OLO a reçu des époux D______ une copie d'une décision du SPC du 1er février 2013 réévaluant le montant de leur droit aux PC.

13) Le 21 juin 2013, l'OLO a retiré l'allocation octroyée, avec effet au 1er juin 2013.

M. A______ D______ étant au bénéfice de PC, les occupants du logement ne pouvaient pas bénéficier de l'allocation demandée. En effet, depuis le 1er avril 2013, la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL -  I 4 05) interdisait le cumul entre les prestations complémentaires et ladite allocation.

14) Par courrier du 3 juillet 2013, les époux D______, ainsi que Mme S______ D______, ont formé réclamation contre cette décision auprès de l'OLO.

15) Cette réclamation a été rejetée par l'OLO le 8 août 2013.

L'art. 39A al. 4 LGL était une loi formelle claire dont le texte excluait le cumul entre l'allocation de logement et le versement de PC depuis le 1er avril 2013, sans lui laisser de marge d'appréciation.

16) Par acte du 4 septembre 2013, Mme et M. D______, ainsi que leur fille S______ D______, ont recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant sur le fond à son annulation, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure. Ils demandent préalablement à la chambre administrative d'ordonner à l'OLO de verser l'allocation accordée jusqu'au 31 mars 2014 par décision du 16 avril 2013, en raison de l'effet suspensif automatique du recours, interjeté contre la révocation de cette décision. Ils sollicitent également une comparution personnelle des parties.

L'art. 39A LGL avait été modifié suite à l'adoption de la loi sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales du 19 mai 2005 (LRD - J 4 06). L'exposé des motifs annexé au projet de loi y relatif (PL 9'135) démontrait que le but poursuivi était d'assurer l'égalité de traitement entre tous les citoyens face aux prestations sociales, quelle que soit la source de leurs revenus (salaire, assurances sociales, assistance, etc). En excluant les bénéficiaires de PC du droit d'obtenir une allocation de logement, l'art. 39A LGL allait à l'encontre de cet objectif.

Cette situation résultait d'une omission. Les membres du groupe de travail ayant participé à l'élaboration de la LRD avaient indiqué, dans leur rapport annexé audit projet de loi, que les prestations complémentaires n'étaient pas concernées par le nouveau système et qu'ils les avaient, par conséquent, écartées de leur analyse.

Or, les PC ne prenaient pas en considération les dépenses effectives afférant au loyer, celles-ci étant plafonnées à CHF 13'200.- pour une personne seule et à CHF 15'000.- pour un couple (avec ou sans enfants). Cette dernière somme était sans aucun rapport avec la réalité des loyers des appartements de 5 pièces à Genève.

Les PC étaient des prestations d'assurance fondées sur le droit des assurances sociales, alors que les allocations de logement constituaient une prestation d'assistance indépendante des conditions d'assurance (durée de résidence, survenance du risque, etc). Il n'y avait ainsi pas de cumul entre deux aides étatiques.

L'interdiction du cumul des PC et de l'allocation de logement ne reposait sur aucun motif sérieux et objectif. Elle discriminait sans raison valable les bénéficiaires de PC par rapport aux salariés. En outre, les personnes non bénéficiaires de prestations complémentaires, mais vivant sous le même toit qu'une personne en bénéficiant, telles que Mme R______ D______ et sa fille, subissaient l'interdiction de ce cumul alors même qu'ils ne percevaient pas de PC (art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Par ailleurs, elle violait les art. 7 et 12 Cst. qui garantissaient le respect de la dignité humaine, en réduisant leur niveau de vie au-dessous du minimum vital. Leur droit au logement, consacré à l'art. 10b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), les buts sociaux énoncés à l'art. 41 let. c Cst., ainsi que les principes de la bonne foi et de la proportionnalité, étaient également violés.

La décision entreprise révoquait celle du 16 avril 2013 leur octroyant l'allocation demandée jusqu'au 31 mars 2014, sans remplir les conditions de révocation.

17) L'OLO a répondu au recours le 7 octobre 2013 en concluant à son rejet.

Le régime des PC regroupait un ensemble de prestations qui assurait la couverture des besoins vitaux de ses bénéficiaires, ce qui était son but. Il constituait un régime à part, autonome, dont les prestations formaient un tout qui ne pouvait se cumuler avec les subventions et allocations allouées par la LGL.

Dans sa jurisprudence, la chambre administrative avait admis que la personne qui demandait une allocation de logement en plus de prestations complémentaires dont le forfait couvrait l'intégralité du loyer commettait un abus de droit. L'invalidation par cette juridiction de l'ancien art. 22 let. c du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), qui excluait le cumul de ces deux prestations sociales, se fondait sur l'absence de délégation législative autorisant le Conseil d'Etat à adopter une telle règle primaire ; elle n'avait pas remis en question la conformité de celle-ci à la Constitution sous ses autres aspects. Ce vice avait été réparé le 20 mai 2007 par l'adoption en votation populaire de l'art. 23B LGL.

La décision ne violait pas le principe de la bonne foi. En effet, l'entrée en vigueur le 1er avril 2013 de l'article de loi litigieux avait été publiée dans la Feuille d'Avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 24 mars 2010. Or, nul n'était censé ignorer la loi. En outre, l'OLO n'avait donné aucune assurance aux recourants concernant la pérennité de leur allocation.

18) Les recourants ont répliqué le 8 novembre 2013 en persistant dans leurs conclusions et leur argumentation.

19) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La qualité pour recourir de Mme S______ D______ doit être examinée.

a. A teneur de l’art. 60 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/199/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 et les références citées). La chambre administrative a déjà jugé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/193/2013 du 26 mars 2013; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 et les références citées).

b. Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 let. a de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi (ATA/399/2009 du 25 août 2009 ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 et les arrêts cités). Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (Arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3; 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

c. Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164; 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.152/2012 du 21 mai 2012 consid. 1.2). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire. Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 8C_696/2011 du 2 mai 2012 consid. 5.1 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009 ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant).

En l'espèce, Mme S______ D______ n'est pas destinataire de la décision attaquée. En effet, elle n'est pas co-titulaire du bail avec ses parents ni débitrice du loyer pour lequel l'allocation est octroyée. Elle ne prétend d'ailleurs pas s'acquitter d'une part de celui-ci. L'admission du recours n'est ainsi propre à lui procurer aucun avantage direct. Le risque pour la recourante de subir les conséquences d'une réduction des moyens d'existence de ses parents, lié à la charge supplémentaire de loyer qui résulterait du refus confirmé de l'OLO de renouveler leur allocation de logement n'est qu'un intérêt indirect, qui ne lui confère pas la qualité pour recourir. L'admission par l'OLO de cette qualité dans la procédure de réclamation ne modifie pas ce résultat.

Le recours de Mme S______ D______ est ainsi irrecevable.

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours des époux D______, qui sont destinataires directs de la décision entreprise, est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

3) A titre préalable, les recourants demandent à la chambre administrative de constater que l'OLO doit verser l'allocation octroyée par la décision du 16 avril 2013, entrée en force. Selon eux, le recours interjeté contre la décision litigieuse révoquant cet octroi aurait un effet suspensif, l'OLO n'ayant pas ordonné d'exécution nonobstant recours.

La question de savoir si cette demande constatatoire constitue, en l'absence de tout litige sur ce point, une demande de mesures provisionnelles peut rester ouverte. En effet, le présent arrêt statuant sur le fond du litige, ladite demande est devenue sans objet.

4) Les recourants sollicitent une audience de comparution personnelle.

Selon la jurisprudence fondée sur l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend pour l’intéressé celui d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b ; 127 III 576 consid. 2c ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008).

En l'espèce, les recourants entendent prouver des faits qui sont établis par les pièces du dossier ou non contestés par l'OLO.

Leur demande d'audition sera donc écartée.

5) Les recourants contestent la compatibilité de l'art. 23B al 4 LGL avec différentes normes de rang constitutionnel.

De jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral (P. MOOR/A. FLUCKIGER/ V. MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3e éd., 2012, p. 346, n. 2.7.3.1 ; R. ZIMMERMANN, L’évolution récente du contrôle préjudiciel de la constitutionnalité des lois en droit genevois, RDAF 1988 p. 1 ss). Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit des cantons, ancré à l’art. 49 al. 1er Cst. (ATA/532/2007 du 16 octobre 2007 consid. 4a et les arrêts cités). D’une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 127 I 185 consid. 2 p. 187 ; ATA/500/2005 du 19 juillet 2005 consid. 6 ; ATA/572/2003 du 23 juillet 2003 consid. 9 ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2ème édition, vol. 1, Berne 2006, p. 794 n. 2280 ss). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonales des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (P. MOOR/ A. FLUCKIGER/V. MARTENET, op. cit, p. 323, n. 2.7.2.1).

6) Aux termes de l'art. 39A al. 4 LGL, le cumul entre l'allocation de logement et les prestations complémentaires est exclu.

a. D'après les recourants, cette disposition violerait notamment l'interdiction de la discrimination ancrée à l'art. 8 Cst qui dispose que tous les êtres humains sont égaux devant la loi et que nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de sa situation sociale, de son mode de vie ou d'une déficience corporelle, mentale ou psychique (art. 8 al. 1 et 2 Cst.), car elle favoriserait les salariés par rapport aux bénéficiaires des prestations complémentaires. La discrimination ne provenant que de l'origine des revenus, la différence de traitement ne reposerait pas sur un motif objectif admissible. La norme discriminerait en outre Mme R______ D______ et sa fille, qui ne seraient pas bénéficiaires de PC, mais qui ne pourraient cependant percevoir d'allocation au motif que M. A______ D______ en perçoit.

b. Selon la jurisprudence, une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6 p. 357 ss ; V. MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, p. 260 ss).

7) Selon l'art. 39A al. 1 LGL, si le loyer d’un immeuble admis au bénéfice de la présente loi (HBM, HLM et HM notamment ; art. 16 al. 1 let. a, b et d LGL) constitue pour le locataire une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs, ce locataire peut être mis au bénéfice d’une allocation de logement.

8) Cette allocation est allouée du 1er avril de chaque année au 31 mars de l’année suivante (art. 28 al. 1 RGL).

9) Elle est proportionnelle au revenu, et vise à ramener le taux d’effort des bénéficiaires aux niveaux fixés à l’art. 21 RGL (par exemple : 26 % pour l’occupation d’un logement d’une pièce de plus que le nombre de personnes, art. 21 al. 1 let. a RGL). Elle s’élève au maximum à CHF 1'000.- la pièce par an et ne peut dépasser la moitié du loyer effectif (art. 24 al. 2 RGL).

10) Elle se distingue de la subvention personnalisée accordée à certaines conditions aux locataires d'un logement situé dans un immeuble d'habitation mixte (HM ; art. 23B LGL).

11) Le cumul entre cette dernière subvention et les prestations complémentaires est exclu par la LGL, à l'instar du cumul litigieux (art. 23B al. 4 LGL).

12) Il en va de même du cumul entre la subvention personnalisée et l'allocation de logement (art. 23B al. 3 LGL).

13) Les prestations complémentaires sont régies notamment par la loi fédérale
sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30), dont l'art. 2 dispose qu'elles ont pour but la couverture des besoins vitaux.

Cette loi est complétée et mise en œuvre par la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) dont les prestations sont supérieures à celles octroyées par la LPC ; art. 2 al. 2 LPC et 1ss LPCC).

14) Le cercle des bénéficiaires des PCF est fixé à l'art. 4 LPC. Y ont droit notamment les personnes majeures qui perçoivent une rente de vieillesse ou d'invalidité (ci-après : rentes AVS ou AI) si elles ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse (art. 4 al. 1 et art. 6 LPC).

Le droit aux PCC est plus restreint. Ainsi, le bénéficiaire suisse d'une rente AVS ou AI ne peut-il y prétendre s'il n'a pas été domicilié sur le territoire Suisse ou dans un Etat membre de l'Association européenne de libre-échange ou de l'Union européenne au moins cinq ans durant les sept dernières années précédant la demande (art. 2 al. 2 LPCC).

15) Dans le système des PC, le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC et 15 LPCC).

a. Dans le cadre des PCF, ces dépenses sont principalement : un montant destiné à la couverture des besoins vitaux correspondant au forfait fixé à l'art. 9 al.1 let.a LPC - dont la hauteur dépend du nombre de personnes composant le groupe familial - et le loyer d'un appartement et les frais accessoires y relatifs, dont le montant est plafonné à CHF 13'200.- pour les personnes seules et à CHF 15'000.- par an pour les couples avec ou sans enfants (art. 10 al. 1 let. b LPC).

b. Au niveau cantonal, les dépenses reconnues sont plus élevées (forfait pour la couverture des besoins vitaux, art. 3 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité - RPCC - J 4 25.03 ; forfait pour dépenses personnelles, art. 3 al. 3 RPCC p. ex.). En revanche, le forfait pour les dépenses de loyer est le même que celui fixé par le droit fédéral (art. 36F let. b LPCC a contrario).

16) Du droit aux PC découle tout un ensemble de droits sociaux complémentaires disséminés dans les lois spéciales, dont notamment les suivants.

a. Selon l'art. 14 LPC, les cantons remboursent aux bénéficiaires d'une prestation complémentaire annuelle les frais suivants de l'année civile en cours, s'ils sont dûment établis :

- frais de traitement dentaire ;

- frais d'aide, de soins et d'assistance à domicile ou dans d'autres structures ambulatoires ;

- frais liés aux cures balnéaires et aux séjours de convalescence prescrits par un médecin ;

- frais liés à un régime alimentaire particulier ;

- frais de transport vers le centre de soins le plus proche ;

- frais de moyens auxiliaires ;

- frais payés au titre de la participation aux coûts selon l'art. 64 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10 ; franchise, participation des assurés de 10 %).

b. L'art. 20 al. 1 let. b de la loi d’application de la LAMal du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05) accorde aux assurés bénéficiaires des PC un droit à des subsides pour tous les membres de la famille correspondant au montant de leurs primes d'assurance obligatoire des soins si ce dernier ne dépasse pas la prime moyenne cantonale (art. 22 al. 6 LaLAMal).

c. Les bénéficiaires de prestations complémentaires familiales, soit exclusivement des personnes ne pouvant prétendre à des prestations complémentaires fédérales ou à des prestations complémentaires cantonales (art. 36C al. 1 LPCC) ont droit au remboursement des frais, dûment établis, qu'ils ont engagés pour la garde des enfants âgés de moins de 13 ans et pour les frais de soutien scolaire des enfants âgés de moins de 16 ans, dans la mesure où ils supportent eux-mêmes ces frais (art. 36G LPCC).

d. Sur demande, ils sont exonérés de l'obligation de payer la redevance de réception de la radio et de la télévision (art. 64 al. 1 de l'ordonnance
sur la radio et la télévision du 9 mars 2007 (ORTV - RS 784.401).

e. Ils bénéficient d'une aide sociale ramenant à CHF 66.- pour chacun des membres du groupe familial l'abonnement Unireso annuel des transports publics genevois (art. 17 LPCC et 7A al. 1 RPCC).

f. Enfin, les revenus qu'ils perçoivent en vertu de la LPC et de la LPCC sont exonérés d'impôts (art. 27 let. i de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).

17) La pluralité des prestations et des lois applicables aux bénéficiaires de PC démontre que la couverture des besoins vitaux de ces personnes est considérée de manière globale et consolidée par les lois susmentionnées. Il s'agit d'un régime « intégral » dans lequel l'ensemble des besoins des ménages est appréhendé. Le choix opéré par les législateurs fédéral et cantonal de fixer un forfait pour les dépenses du loyer, avec le risque que celui-ci soit inférieur aux dépenses effectives, ne rend pas inconstitutionnelle l'interdiction du cumul figurant à l'art. 23B al. 4 LGL qui provient du fait que le régime légal des PC se suffit à lui-même et qu'il n'a pas besoin de l'apport d'autres prestations catégorielles (parmi lesquelles sont classées les allocations de logement et les subventions personnalisées HM ; art. 13 al. 1 let. a ch. 2 LRD) pour assurer la couverture des besoins vitaux des personnes concernées.

18) La situation des bénéficiaires de PC ne saurait ainsi être comparée à celle des bénéficiaires potentiels d'une allocation de logement ou d'une subvention personnalisée HM (notamment les salariés) qui ne bénéficient pas des mêmes prestations sociales et qui sont traités de manière totalement différente par la loi (revenus imposables, allocations de subsides pour les primes d'assurance-maladie dépendant de leur revenu, absence de prise en charge des traitements dentaires ou de la participation aux coûts de 10 % prévue par la LAMal, absence d'exonération de la redevance radio et télévisuelle, absence de réduction d'abonnement Unireso pour les membres de la famille, etc). Par ailleurs, Mme R______ D______ et sa fille sont bénéficiaires de PC au même titre que M. A______ D______, la LPCC intégrant tous les membres de la famille dans le calcul de celles-ci. Elles ne prétendent pas d'ailleurs vouloir renoncer à ces prestations qui leur allouent des moyens d'existence alors qu'elles sont, l'une et l'autre, non invalides et néanmoins sans revenu.

Le grief d'inégalité de traitement sera ainsi rejeté.

19) Par ailleurs, les PC accordant davantage que les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine au sens visé par l'art. 12 Cst., cette disposition n'est pas non plus violée.

A cet égard, la démonstration que tentent de faire les recourants dans leurs écritures sur leur revenu, qui serait inférieur au minimum vital fixé par l'office des poursuites, est fondée sur un calcul erroné, qui ne tient pas compte des allocations familiales perçues, ni des subsides d'assurance-maladie alloués, ni encore des prestations offertes aux bénéficiaires de PC, exposées en détail ci-dessus. Certes, la situation des recourants est critique. Cela n'est toutefois pas directement imputable à la décision entreprise, mais à l'absence de revenus de Mme R______ D______ et de sa fille.

Les spécificités du cas d'espèce ne permettent ainsi pas de remettre en cause la constitutionnalité de l'art. 23B al. 4 LGL au regard de l'art. 12 Cst. ni, par voie de conséquence, la légalité de la décision attaquée sous cet angle.

20) Il en va de même du droit au logement qui n'est pas menacé dans sa substance par la décision attaquée, mais par d'autres facteurs, auxquels il doit être remédié par l'application d'autres lois spéciales.

21) Sur le fond, la décision entreprise est dès lors conforme à la loi, sans qu’il ne soit nécessaire de déterminer si le droit au logement, garanti par l’art. 38 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE A 2 00), peut être invoqué en justice.

22) Reste à déterminer si, en vertu de la décision révoquée du 16 avril 2013, les recourants peuvent bénéficier de la subvention.

En effet, le 16 avril 2013, l'OLO a alloué aux époux D______ une allocation de logement de CHF 416,65 pour la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2014. Cette décision était fondée sur une déclaration inexacte des intéressés, qui ont indiqué à tort, dans leur demande de renouvellement, qu'aucun des membres du groupe familial ne percevait de PC.

23) Selon l'art. 48 let. a LPA, l'autorité administrative doit reconsidérer une décision lorsqu'elle prend connaissance de faits nouveaux qu'elle ignorait au moment où elle a pris la décision initiale, mais qui existaient à ce moment-là (en relation avec l'art. 80 let. b LPA qui n'est directement applicable qu'aux juridictions).

En l'espèce, l'OLO a retiré l'allocation octroyée après avoir appris que M. A______ D______ percevait des PC, fait qui existait, mais qui était inconnu de cet office au moment où il a pris la décision d'octroi du 16 avril 2013. La décision litigieuse est ainsi une reconsidération pour fait nouveau (unechte nova), qui a pour seul but de rétablir une situation conforme au droit (en l'espèce, pas de droit à une allocation de logement en application de l'art. 39A LGL). Elle n'est pas une révocation proprement dite, qui vise des situations autres que les cas de reconsidération.

Les conditions de l'art. 48 let a LPA étant réunies, l'OLO était fondé à prendre la décision entreprise.

24) Les recourants se prévalent enfin d'une violation du principe de la bonne foi.

a. Ce principe protège, à certaines conditions, les administrés contre les renseignements erronés de l'administration.

Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les arrêts cités ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1; 2C_1023/2011du 10 mai 2012 consid. 5).

Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, on doit être en présence d’une promesse concrète effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 137 et 131 précités ; ATA/811/2012 du 27 novembre 2012 consid. 2.a ; ATA/398/2012 du 26 juin 2012 consid. 8 ; P. MOOR/A. FLÜCKIGER/V. MARTENET, Droit administratif 2012, Vol. 1, 3ème éd. p. 922 ss, n. 6.4.1.2 et 6.4.2.1 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 196 s, n. 578 s ; G. MÜLLER/U. HÄFELIN/ F.UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2010, 6ème éd., p. 140ss et p. 157 n. 696 ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 546, n. 1165 ss).

En l'espèce, la décision du 16 avril 2013 ne constitue pas une promesse liant l'administration, les conditions de sa reconsidération étant réunies. Auparavant, les recourants n'ont reçu aucune assurance de l'OLO s'agissant de la pérennité de l'allocation octroyée depuis le 1er janvier 2012 pour le logement dans lequel ils demeurent depuis près de vingt ans.

25) Le recours sera ainsi rejeté.

26) Vu les circonstances de la cause et la proximité de celle-ci avec le domaine des prestations complémentaires, il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité (art. 87 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - E 5 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 4 septembre 2013 par Madame S______ D______ contre la décision sur réclamation de l'office du logement du 8 août 2013 ;

déclare recevable le recours interjeté le 4 septembre 2013 par Madame R______ D______ et Monsieur A______ D______ contre la décision sur réclamation de l'office du logement du 8 août 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'Asloca, mandataire des recourants, ainsi qu'à l'office du logement.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :