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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2860/2009

ATA/994/2014 du 16.12.2014 sur DCCR/1277/2010 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Parties : HOLDENER Eugène et autres, BOURQUIN Marc, BOURQUIN ROSSIER Yvette, RITTER BOURQUIN Claudine, FERNANDEZ Jacqueline, GHETTI Madeleine, GOLAY Georges, BOURQUIN Nicole, BOURQUIN SAFRASIANTZ Anne Catherine / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2860/2009-LCI ATA/994/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 décembre 2014

 

dans la cause

Monsieur Marc BOURQUIN,

Madame Nicole BOURQUIN,

Madame Anne BOURQUIN SAFRASIANTZ,

Madame Yvette BOURQUIN-ROSSIER,

Madame Jacqueline FERNANDEZ,

Madame Madeleine GHETTTI,
« Succession de Monsieur Georges GOLAY »,

Monsieur Eugène HOLDENER, et
Madame Claudine RITTER BOURQUIN

représentés par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juillet 2010 (DCCR/1277/2010)


EN FAIT

1) Monsieur Eugène HOLDENER et les consorts GOLAY, soit Mesdames et Messieurs Jacqueline FERNANDEZ, Madeleine GHETTI, Edouard BOURQUIN et Georges GOLAY (ci-après : les propriétaires ou les recourants) ont adressé le 8 juillet 1999 au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la République et canton de Genève, devenu depuis lors le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après: le département) une demande préalable en vue de la construction d'un ensemble d'habitat groupé comprenant trente-sept logements (soit 7'421 m2 de surface de plancher) sur des terrains dont ils sont propriétaires à Vernier, soit les parcelles nos 2’936 à 2’943 feuille 53 de la commune de Vernier.

2) Ces terrains sont classés dans la 5ème zone du plan d'affectation cantonal (zone résidentielle destinée aux villas, d'après la définition de l'art. 19 al. 3 de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30)

3) Le 20 avril 2000, le département a refusé l'autorisation préalable en indiquant qu'un reclassement en zone agricole était envisagé pour les parcelles concernées ; le refus était également fondé sur les normes relatives à l'équipement des zones à bâtir ainsi que sur des dispositions en matière de protection contre le bruit du trafic aérien, les terrains litigieux se trouvant à proximité de l'aéroport international de Genève.

4) Les propriétaires ont recouru contre cette décision auprès de l’ancienne commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission de recours) devenue dès le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI). Par un prononcé du 18 octobre 2001, cette autorité a admis le recours et renvoyé le dossier au département cantonal « pour nouvelle décision au sens des considérants », à savoir « pour examen des conditions posées à l'octroi de l'autorisation en matière d'équipement des parcelles et de mesure de protection contre le bruit et délivrance de l'autorisation sollicitée, le cas échéant sous conditions » (consid. C de ce prononcé).

5) Le département a recouru contre ce jugement auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ce recours a été rejeté par un arrêt rendu le 24 septembre 2002 (ATA/567/2002).

Le principe de l'égalité de traitement imposait en l'espèce la délivrance d'une autorisation de construire concernant un projet refusé pour des motifs de nuisances sonores. Étant précisé qu'aucun cadastre du bruit n’était adopté à ce jour, le fait qu'un projet voisin, soumis aux mêmes nuisances, ait été accepté par le département, ne lui permettait pas de maintenir son refus du projet litigieux.

6) L'État de Genève, agissant par l'intermédiaire du département, a ensuite formé un recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif. Le Tribunal fédéral a déclaré ce recours irrecevable par un arrêt rendu le 25 février 2003 (cause 1A.228/2002, ATF 129 II 225).

7) Le département a pris le 11 février 2004 une nouvelle décision sur la demande relative à l'ensemble d'habitat groupé, présentée en juillet 1999 par les propriétaires. Il a refusé l'autorisation en considérant que le projet n'était pas conforme aux art. 15 et 22 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01), ni aux art. 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41).

8) Les propriétaires (étant précisé que depuis le décès en 2003 de Monsieur Édouard BOURQUIN ce sont ses héritiers qui participent à la procédure) ont recouru le 15 mars 2004 contre cette décision auprès de la commission de recours. Cette autorité a entendu les parties à son audience du 23 septembre 2004. Le 18 octobre 2004, elle a rendu une décision par laquelle elle a transmis d'office le recours au Tribunal administratif (cette transmission est intervenue le 22 octobre 2004, avec la communication du prononcé). La commission a considéré que sa précédente décision sur recours, du 18 octobre 2001, était entrée en force ; que le département cantonal ne pouvait rendre ensuite qu'une décision d'exécution ; qu'une décision d'exécution de décision judiciaire n'ouvrait en principe pas de nouvelle voie de recours, en tout cas pas auprès de la commission cantonale de recours ; enfin que la transmission d'office au Tribunal administratif devait être ordonnée en application de l'art. 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
(LPA - E 5 10). Par arrêt du 16 août 2005 (ATA/549/2005), le Tribunal administratif a déclaré le recours irrecevable et renvoyé la cause à la commission de recours comme objet de sa compétence. Un recours au Tribunal fédéral contre ce dernier prononcé a été déclaré irrecevable par arrêt du 16 février 2006, vu la nature incidente de l’arrêt attaqué et l’absence de dommage irréparable (cause 1P.636/2005).

9) Par décision du 27 février 2006, la commission de recours a ordonné la délivrance de l’autorisation sollicitée. Cette décision est en force.

Les juges ont retenu que le motif relatif aux nuisances sonores dues au trafic aérien avait été « définitivement écarté », se référant à leur précédente décision du 18 octobre 2001, laquelle renvoyait le dossier au département « pour examen des conditions posées à l’octroi de l’autorisation en matière d’équipement des parcelles et de mesures de protection contre le bruit et délivrance de l’autorisation sollicitée ».

10) Le 15 septembre 2006, le département a délivré l’autorisation préalable sollicitée.

11) Le 9 juillet 2008, les propriétaires ont déposé une demande d’autorisation de construire définitive auprès du département.

12) Dans le cadre de l’instruction de cette demande, les préavis suivants ont notamment été collectés.

-         Le 23 juillet 2008, le service de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (ci-après : le SPBR) a préavisé défavorablement le projet. Vu la distance par rapport à l’axe des trajectoires des aéronefs (de l’ordre de 150 m), il était quasiment impossible de répondre à l’exigence de respect des valeurs limites d’immission du degré de sensibilité (ci-après : DS) par une typologie adaptée aux nuisances (par exemple : orienter les locaux sensibles au bruit du côté opposé à la source). La nature de la source de bruit, la gamme de fréquences en jeu (les basses fréquences sont prépondérantes) et son mode de propagation rendaient inopérants les éventuels écrans antibruit.

Selon le cadastre des immissions du bruit du trafic aérien, élaboré par l’office fédéral de l’aviation civile (OFAC - mars 2009), les valeurs d’exposition au bruit, à la hauteur des parcelles en question, étaient les suivants :

 

 

Période

 

Lr exposition

au bruit

 

Lr valeurs limites d’immission DS II

 

Lr valeurs limites

d’alarme DS II

 

06 - 22 h

 

65 - 66 dB(A)

 

60 dB(A)

 

65 dB(A)

 

22 - 23 h

 

59 - 61 dB(A)

 

55 dB(A)

 

65 dB(A)

 

23 - 24 h

 

53 - 55 dB(A)

 

50 dB(A)

 

60 dB(A)

 

05 - 06 h

 

< 45 dB(A)

 

50 dB(A)

 

60 dB(A)

 

-         Le 8 août 2008, l’aéroport international de Genève a préavisé défavorablement le projet, pour les mêmes raisons que le SPBR.

-         Le 3 février 2009, la direction générale de l’aménagement du territoire
(ci-après : DGAT) a préavisé défavorablement le projet, les valeurs limites d’immission de l’OPB étant largement dépassées de jour comme de nuit, les valeurs d’alarme étant dépassées sur la partie nord-ouest du périmètre.

-         Le 9 mars 2009, la DGAT a maintenu son préavis défavorable du 3 février 2009. Elle a ajouté que le 25 février 2009, le Conseil d’État avait prévu le déclassement des parcelles concernées en zone de développement industriel et artisanal, plus compatible avec les nuisances sonores dues à l’aéroport, si bien qu’elle préconisait l’application de l’art. 13B LaLAT.

13) Le 6 mai 2009, le Conseil d’État a adopté le plan d’attribution des degrés de sensibilité selon l’OPB pour le territoire de la commune de Vernier. Il a classé le périmètre litigieux en DS II.

14) Par décision du 22 juin 2009, le département a refusé l’autorisation définitive de construire.

Les parcelles concernées étaient fortement exposées aux nuisances sonores dues au trafic aérien provenant de l’aéroport international de Genève. À cet endroit, les valeurs limites fixées par l’annexe 5 de l’OPB, correspondant au DS II, étaient largement dépassées de jour comme de nuit. Les valeurs d’alarme étaient dépassées de jour sur une partie nord-ouest du périmètre. Compte tenu de l’ampleur du dépassement des valeurs limites sur lesdites parcelles, les solutions techniques proposées ne permettaient pas de répondre aux exigences légales, en particulier le respect des valeurs limites d’immission à l’embrasure des fenêtres ouvertes des pièces destinées à un usage sensible au bruit. Le département faisait sien le préavis du SPBR du 23 juillet 2008. Le projet ne pouvait donc être autorisé, étant souligné qu’il ne se justifiait pas d’octroyer une dérogation. En effet, les bruits résultant du trafic aérien présentaient une spécificité laissant à craindre qu’il en résulterait des inconvénients particulièrement graves pour les futurs occupants.

En outre, le déclassement des parcelles en cause en zone de développement industriel et artisanal était prévu. Les constructions projetées étaient de nature à porter atteinte à cet objectif d’urbanisme. Le département faisait à cet égard sien les préavis défavorables de la DGAT des 3 et 9 mars 2009.

15) Les propriétaires ont recouru contre cette décision auprès de la commission de recours par acte du 24 juillet 2009, concluant à son annulation et à la délivrance de l’autorisation définitive de construire.

16) Après avoir provoqué la détermination de l’autorité intimée, puis entendu les parties le 15 janvier 2010, la commission de recours a rejeté le recours, par décision du 19 juillet 2010, notifiée le 23 septembre 2010.

17) Par acte daté du 23 octobre 2010 mais posté le lendemain, les propriétaires - dont la « Succession Georges GOLAY » tel qu’indiqué en note de bas de page - ont recouru auprès du Tribunal administratif contre le jugement précité, reprenant leurs conclusions de première instance. Sollicitant qu’une expertise soit ordonnée et l’audition des parties et de témoins, ils ont également proposé toute une série de mesures techniques (pose de fenêtres, pose de portes, réalisations de murs spéciaux en maçonnerie et réalisation d’une dalle de béton en toiture), se référant aux recommandations de l’acousticien Horacio MONTI (ci-après : l’acousticien), dont ils ont produit un rapport.

Il sera revenu sur la teneur dudit rapport en tant que de besoin ci-après.

18) Dans ses observations du 7 janvier 2011, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement de première instance.

19) Le 3 février 2011, le juge délégué a invité le département à compléter sa réponse sur le rapport de l’acousticien, ce que ce dernier a fait en date du 23 mars 2011, produisant un nouveau préavis du SPBR du 21 mars 2011. Celui-ci demeurait défavorable. Les valeurs limites d’immission étaient toujours largement dépassées, de même que les valeurs d’alarme sur une partie du nord-ouest du périmètre.

20) Les recourants ont persisté dans leur argumentation dans leur réplique du 26 mai 2011.

21) Le 4 juin 2012, le juge délégué a prié le département de l’informer si des modifications étaient intervenues dans les valeurs d’exposition au bruit retenues par le cadastre des immissions de l’OFAC en 2009.

22) Le 29 juin 2012, le département a indiqué que les valeurs demeuraient les mêmes à ce jour.

23) Invités à se déterminer sur la question, les recourants ont produit leurs observations le 10 juillet 2012. L’acousticien confirmait l’absence de modification des valeurs.

24) Le 23 août 2013, les recourants ont souhaité s’exprimer sur l’ATA/448/2013 du 30 juillet 2013, qui présentait certaines similarités avec leur situation, s’agissant d’un projet de construction de trois villas jumelles sur la parcelle n° 3440 de la commune de Vernier, soit à proximité immédiate du périmètre du projet litigieux.

En outre, ils informaient la chambre qu’ils avaient déposé une demande d’indemnisation pour expropriation matérielle à hauteur de CHF 25'000'000.-, laquelle avait été suspendue jusqu’à droit jugé dans le présent litige.

25) Le département a dupliqué le 9 septembre 2013. L’ATA/448/2013, qui était erroné en droit, n’avait pas la portée que lui prêtaient les recourants. La comparaison n’était pas adéquate.

26) Le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties et d’enquêtes en date du 29 juillet 2014.

Interpellé par la chambre à ce sujet, le conseil des recourants a indiqué que M. Georges GOLAY était décédé « peu de temps avant le dépôt du recours ». Ses héritiers étaient les enfants de son épouse. Un délai lui a été imparti pour produire les documents relatifs à la succession de feu M. Georges GOLAY. Il a par ailleurs confirmé avoir déposé une requête en indemnisation pour expropriation matérielle.

Les recourants ont confirmé avoir l’intention ferme de réaliser les mesures techniques listées en page 20 de leur recours devant la chambre de céans. Ils avaient assisté à une séance le 8 décembre 2008 avec Monsieur Mark MULLER, lors de laquelle ce dernier leur avait demandé d’être patients, que les choses prenaient du temps, qu’il ne fallait pas s’inquiéter et que l’on se dirigeait vers l’octroi de l’autorisation définitive avec dérogation. Les promotions mises en place à l’époque étaient tombées à l’eau suite à la décision de refus du département.

Le département a quant à lui indiqué que la procédure de déclassement en zone agricole ou industrielle n’avait pas évolué. Il y avait toujours une intention politique d’y procéder. Les communes concernées, singulièrement la ville de Vernier, étaient opposées à ce projet. Il ignorait si le Conseil d’État avait émis une réserve en approuvant le plan directeur communal de cette dernière.

Les parties ont convenu que le cadastre du bruit relatif à l’aéroport n’avait pas évolué depuis 2009.

Entendu en qualité de témoin, Monsieur Nicolas GOUNEAUD, chef de secteur au sein du SPBR, a confirmé son rapport du 21 mars 2011 et ses conclusions. Le projet ne respectait pas les valeurs limites applicables, même en intégrant les mesures techniques proposées par les recourants. Le canton de Genève s’était prononcé en défaveur du projet d’adoption d’un art. 31a OPB traitant spécifiquement de la problématique du bruit aérien. L’approche du service se faisait au cas par cas et dans le respect de l’égalité de traitement, conformément au cadre légal notamment défini à l’annexe 5 de l’OPB. Vu l’ampleur des dépassements constatés, la norme SIA 181 n’avait pas à être examinée. Son examen se poserait, le cas échéant, en cas d’octroi d’une dérogation au sens de l’art. 31 al. 2 OPB. Le SPBR se limitait à objectiver la situation en termes de mesure de bruit et de respect des valeurs limites. Il appartenait ensuite au département de statuer sur l’octroi éventuel d’une dérogation. La localisation - c’est-à-dire l’orientation - des locaux sensibles était systématiquement calculée puis évaluée au regard de la situation projetée. Le projet litigieux prévoyait un axe opposé à la piste, étant précisé que les locaux sensibles étaient prévus latéralement et perpendiculairement à l’axe de piste. Le rapport de l’acousticien ne respectait pas la méthode préconisée par les directives de l’office fédéral de l’environnement (ci-après : l’OFEV), à savoir de procéder par calcul, et non par mesure. Les données indiquées dans ce rapport étaient surévaluées, puisque le lieu de détermination du bruit n’était pas l’embrasure de la fenêtre complètement ouverte des locaux sensibles. En outre, elles n’intégraient pas différents autres paramètres (trajectoire de l’avion, notamment), ce qui n’était possible que par calcul. Les directives de l’OFEV commandaient la prise en compte de nombreuses données (type d’avion, météo, trajectoire, condition de mesure, position des microphones, etc.). Le SPBR n’avait pris en considération que le critère du lieu de détermination, à savoir fenêtres complètement ouvertes. Dès lors que les valeurs limites n’étaient pas respectées fenêtres ouvertes, les mesures préconisées n’étaient que palliatives et n’avaient donc pas à être prises en considération. Le SPBR avait essentiellement rendu des préavis défavorables lorsqu’il avait été confronté à la problématique du cas d’espèce. Lorsqu’il avait rendu des préavis favorables, c’était en raison d’un dépassement peu important, à savoir 1 ou 2 décibels au maximum.

Entendu en qualité de témoin, l’acousticien a également confirmé son rapport. Il avait procédé aussi bien à des mesures qu’à des calculs. Premièrement, il avait intégré les mesures du cadastre de bruit lui ayant été communiquées par le SPBR. Deuxièmement, il les avait confrontées à la norme SIA 181, ce qui représentait des « calculs simples ». Troisièmement, il avait établi, « sur la base de son expérience », la valeur d’effet d’écran des constructions (atténuation liée à un emplacement latéral ou opposé à l’axe de piste). Le critère essentiel était que l’air devait pouvoir circuler librement, ce que les solutions techniques proposées permettaient. La norme 181 s’entendait « immeuble fermé ». À partir du moment où l’on souhaitait ouvrir la fenêtre, le droit de l’environnement devait être respecté. L’intégralité des paramètres (type d’avion, trajectoire, météo, etc.) était pris en compte par les services étatiques lors de l’établissement des courbes du bruit aérien. Il se contentait d’en prendre acte. L’ouverture d’une fenêtre en plein été, dans l’après-midi, n’était pas un critère pertinent ; seules les moyennes annuelles comptaient. Les données utilisées reposaient sur des mesures effectuées dans le laboratoire fédéral « EMPA » ; il ne s’était pas contenté de reprendre les données du fabriquant. Il ne pouvait pas se prononcer quant à savoir si toutes les fenêtres des habitations projetées respecteraient le standard décrit dans son rapport. Cela relevait de l’architecte. Il serait vraisemblablement possible d’ouvrir complètement une fenêtre tout en ayant une situation conforme aux valeurs limites d’immission, en fonction de son emplacement (pose d’un avant-toit, positionnement par rapport à l’axe de la piste, etc.). Il était possible de respecter l’OPB grâce aux mesures techniques proposées. La situation et ses conclusions ne seraient pas modifiées si le degré de sensibilité était revu à la hausse.

M. Georges HOLDENER, cousin du recourant M. Eugène HOLDENER, a également été entendu, en qualité de témoin. Il a confirmé avoir rencontré M. MULLER en rapport avec le projet. Il lui avait donné l’impression de rechercher tous les arguments possibles pour s’opposer au projet. Il avait ainsi défendu la position négative de ses services lors de cette réunion.

À l’issue de l’audience, un délai a été imparti aux parties pour produire différentes pièces complémentaires et conclure le cas échéant sur le litige.

27) Le 12 août 2014, le département a confirmé que la procédure de modifications des zones était toujours en cours, bien qu’en l’état « bloquée » au niveau communal.

28) Le 15 août 2014, M. Georges HOLDENER s’est spontanément adressé à la chambre, afin de « compléter ses déclarations ».

29) Par pli du 18 août 2014, le conseil des recourants a transmis un chargé de pièces complémentaires. Il en ressort notamment que M. Georges GOLAY est décédé le 18 juin 2010 à Morbio Inferiore, dans le canton du Tessin, un exécuteur testamentaire en la personne de Me Rossella DRESSI PETRINI étant nommé, et que ses six héritiers et l’exécutrice ont « approuvé le recours » en date du 4 août 2014.

30) Les 25 et 28 août 2014, les parties ont persisté dans leurs argumentations respectives, ne développant aucun motif sur la validité du jugement querellé ou encore sur la qualité pour recourir des recourants. Finalement, le 8 septembre 2014, les recourants ont produit une réplique spontanée, qui a été transmise au département.

31) À la suite de ces échanges, le 8 septembre 2014, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. L’écriture spontanée adressée le 12 août 2014 par le témoin M. Georges HOLDENER à la chambre de céans doit être écartée de la procédure, en tant qu’elle n’émane pas d’une partie à la procédure.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est à cet égard recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ; 62 al. 1 let. a LPA).

3. La chambre administrative applique le droit d'office. Elle ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, sans toutefois être liée par les motifs invoqués (art. 69 LPA) ni par l'argumentation juridique développée dans la décision entreprise (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, Berne 2011, p. 300 ss). Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n’a toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA) et non réalisée en l’espèce.

4. Il est ressorti de l’instruction de la présente cause que le jugement querellé avait été rendu après le décès du recourant M. Georges GOLAY, sans qu’apparemment les juges précédents n’en soient informés par les parties. Se pose par conséquent, d’office, la question de la validité dudit jugement.

a. Aux termes de l’art. 8 LPA, toute partie qui, à teneur du droit public ou du droit privé, peut agir personnellement ou par un mandataire de son choix a capacité d’ester. La capacité d'ester en justice (Prozessfähigkeit) est la faculté de mener soi-même le procès ou de désigner soi-même un mandataire qualifié pour le faire. Elle appartient à toute personne qui a la capacité d'être partie (Parteifähigkeit), c'est-à-dire à toute personne qui a la faculté de figurer comme partie dans un procès. Aussi bien la capacité d'être partie que la capacité d'ester en justice sont des notions de procédure et relèvent donc, théoriquement, du droit cantonal. Elles découlent néanmoins du droit matériel puisque la capacité d'être partie appartient à quiconque a la jouissance des droits civils, de même que la capacité d'ester en justice est le corollaire de l'exercice des droits civils (ATA/12/2013 du 8 janvier 2013, consid. 4 et les références citées). Tant la capacité d’être partie que celle d’ester en justice sont des conditions sine qua non de l’exercice des droits de partie devant les autorités et juridictions administratives. En conséquence, vu leur caractère impératif, ces conditions ne peuvent faire défaut et il est naturellement exclu de pallier un éventuel défaut par un accord des parties. Un défunt n’est pas une personne et n’a pas la jouissance des droits civils. Il est ainsi de jurisprudence constante qu’une personne décédée - ou une société ayant cessé d’exister - ne peut plaider ni comme demanderesse ni comme défenderesse (ATA/12/2013 précité, consid. 4 et les références citées).

b. Sur la base de ces principes, qu’elle a intégralement fait siens, la chambre a récemment précisé qu’un jugement de première instance rendu après le décès du recourant était nul de plein droit, la cause devant être suspendue et les parties invitées à se déterminer, conformément à l’art. 78 LPA (ATA/12/2013 précité, consid. 4 et 5).

c. En application de l’art. 22 LPA, les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu’elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi. La violation de ce devoir peut, selon les cas, conduire à l’irrecevabilité du recours (cf. art. 24 al. 2 LPA).

En l’espèce, le jugement querellé a été rendu en date du 19 juillet 2010 et notifié le 23 septembre 2010. Or, le recourant M. Georges GOLAY est décédé en date du 8 juin 2010, ce que la procédure n’a pu valablement apprendre qu’en 2014, en audience de comparution personnelle des parties, sur question expresse de la chambre administrative posée au conseil des recourants. Avant cette date, outre la mention de la « succession de M. Georges GOLAY » au titre des recourants, de surcroît en note de bas de page de l’acte de recours rédigé près de cinq mois plus tard, les recourants n’ont entrepris aucune démarche afin d’informer les premiers juges, l’autorité intimée et la chambre de céans de cet état de fait, documentant de ce fait leur qualité pour recourir. Pareil procédé viole leur devoir de collaboration (art. 22 LPA). À la date du dépôt du recours devant la juridiction de céans, le décès était en effet intervenu depuis près de cinq mois. Ce laps de temps était largement suffisant pour informer diligemment les intéressés, et on ne peut que s’étonner que les recourants, assistés d’un conseil, n’aient pas vu la nécessité d’y procéder sans délai. Quoi qu’il en soit, il s’ensuit la nullité du jugement attaqué, la juridiction précédente, qui n’est en rien responsable de cette situation, n’ayant pu statuer valablement alors qu’un des recourants était décédé au jour de son prononcé.

Subséquemment, faute d’acte attaquable, la chambre de céans ne peut se saisir du litige.

5. Compte tenu de la nullité du jugement querellé, le recours est irrecevable. La question de savoir si le recours devant la chambre de céans a été valablement formé, singulièrement au regard du fait que les recourants sont composés de plusieurs hoiries copropriétaires de parcelles et manifestement organisées en société simple (ATF 137 III 455, sp. consid. 3.4), peut demeurer ouverte ; il appartiendra aux premiers juges d’examiner ces points, le cas échéant. Il en va de même de l’éventuelle application des art. 22 ss LPA, qui devra toutefois entrer en ligne de compte dans le prononcé sur les frais (consid. 6 ci-après).

6. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourants, qui ont de toute évidence, par leur comportement pour le moins critiquable, violé leur devoir de collaboration et causé les frais ainsi engendrés (art. 22 et 87 al. 1 LPA). Il n’est pas alloué d’indemnité (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

écarte de la procédure l’écriture spontanée adressée le 12 août 2014 par Monsieur Georges HOLDENER ;

constate la nullité de la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 19 juillet 2010 (DCCR/1277/2010) ;

déclare irrecevable le recours interjeté par Monsieur Marc BOURQUIN, Madame Nicole BOURQUIN, Madame Anne BOURQUIN SAFRASIANTZ, Madame Yvette BOURQUIN-ROSSIER, Madame Jacqueline FERNANDEZ, Madame Madeleine GHETTTI, la « Succession de Monsieur Georges GOLAY », Monsieur Eugène HOLDENER, et Madame Claudine RITTER BOURQUIN contre ladite décision ;

renvoie le dossier au Tribunal administratif de première instance pour un nouveau jugement au sens des considérants ;

dit qu'un émolument de CHF 2'000.- est mis à la charge des recourants, conjointement et solidairement entre eux ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt, incident, peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat des recourants, au département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges, M. Jordan, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :