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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2795/2022

ATA/1276/2023 du 28.11.2023 sur JTAPI/564/2023 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2795/2022-PE ATA/1276/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 novembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______, agissant en son nom et au nom de son fils mineur B______, et C______ recourants
représentés par Me Nicolas GUIRAMAND, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2023 (JTAPI/564/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1985, est arrivée en Suisse en avion le 1er novembre 2018 comme touriste avec ses deux enfants, C______, née le ______ 2005, et B______, né le ______ 2012, tous ressortissants de Colombie.

b. A______ a travaillé depuis son arrivée en qualité de femme de ménage et de garde d’enfants pour plusieurs employeurs. Elle est employée de D______ SA depuis janvier 2019 et au bénéfice d’un contrat pour 40 heures hebdomadaires depuis le 1er septembre 2021. Ses revenus mensuels bruts moyens s’élèvent CHF 3'600.-. Depuis 2019, elle est déclarée aux assurances sociales et acquitte des impôts à la source.

c. Elle a sous-loué un studio à la rue E______ pour un loyer mensuel de CHF 1'300.- jusqu’en novembre 2021, date de son déménagement dans un quatre pièces au rond-point F______ à CHF 1'702.- par mois. Son employeur, locataire de l’appartement, le sous-loue officiellement à A______.

d. Elle a pris des cours de français dès 2020 et a un niveau attesté A2 de français tant à l’oral qu’à l’écrit.

e. Elle a sollicité l’appui de l’association du centre de contacts suisse-immigrés pour ses diverses démarches administratives notamment en lien avec son affiliation à l’assurance-maladie.

f. Elle ne fait pas l’objet de poursuites et n’a pas perçu d’aide financière de l’hospice général.

g. C______ a effectué trois années en classe d’accueil au cycle d’orientation. La doyenne des classes d’insertion la décrivait, en janvier 2022, comme appliquée, adéquate face à son travail scolaire, avec des capacités scolaires reconnues. Elle la recommandait vivement. Selon une attestation du directeur du service de l’accueil de l’enseignement secondaire II du 16 mai 2022, elle avait une attitude exemplaire. Elle a commencé le 22 août 2022 un apprentissage d’assistante de bureau à plein temps à l’école de commerce et de culture générale G______. Le contrat était prévu jusqu’au 28 juin 2024. Elle s’investissait par ailleurs comme bénévole à l’occasion de certains événements.

h. B______ a intégré l’école genevoise en 2e primaire en novembre 2018. En janvier 2022, il était décrit par son enseignante comme studieux, régulier dans son travail et bien intégré dans sa classe. Il pratique le football après avoir précédemment fait du basketball.

i. A______ a été condamnée par ordonnance du Ministère public du 9 avril 2021 pour séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation à une peine pécuniaire de 90 jours amende à CHF 30.- avec sursis pendant trois ans.

Le 16 octobre 2020, la police genevoise avait interpellé H______, qui avait notamment déclaré que « son épouse », A______, vivait et travaillait à Genève sans permis. La police avait auditionné celle-ci le lendemain. Elle avait reconnu vivre et travailler sans autorisation en Suisse.

Le dossier ne contient aucune indication sur la situation de H______.

À teneur de l’extrait du casier judiciaire, A______ est célibataire.

j. Elle n’a pas de famille en Suisse. Ses parents sont décédés et son frère a disparu. Elle a une sœur qui vit en Colombie.

B. a. Le 10 mars 2022, A______ a sollicité des autorisations de séjour pour cas de rigueur, pour ses enfants et elle-même, auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Souhaitant offrir le meilleur futur possible à ses deux enfants mineurs, elle avait, en octobre 2018, décidé de quitter son pays natal, la situation politique instable lui faisant craindre pour la sécurité et le bien-être de sa famille. Ils étaient bien intégrés, notamment les enfants. Un retour en Colombie leur causerait de graves séquelles.

Elle a produit de nombreuses pièces à l’appui de sa requête.

b. Par décision du 30 juin 2022, l’OCPM a refusé de soumettre au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) le dossier de A______ et de ses enfants avec un préavis favorable, et a prononcé leur renvoi.

Sans vouloir mettre en doute les efforts que tous trois avaient fournis pour s’intégrer en Suisse, la durée de leur séjour était courte. Elle avait vécu jusqu’à l’âge de 33 ans en Colombie. Ses enfants avaient certes démontré une excellente attitude en classe ainsi qu’un bon investissement sur le plan scolaire, mais la durée de leur séjour en Suisse était également brève, de sorte que leur réintégration dans leur pays d’origine ne devrait pas poser des problèmes insurmontables.

c. Par acte du 31 août 2022, A______ a interjeté recours contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le TAPI). Elle a conclu, principalement, à son annulation et à ce que des autorisations de séjour pour cas de rigueur en faveur d’elle-même et de ses enfants soient délivrées ou qu’une autorisation de séjour avec activité lucrative lui soit octroyée. Subsidiairement, elle a requis qu’il soit renoncé à ordonner leur renvoi et leur admission provisoire pour une durée d’une année.

Elle était arrivée en Suisse, depuis l’Espagne, le 1er novembre 2018, avec ses enfants. Elle avait travaillé en qualité d’aide de ménage et de baby-sitter dès son arrivée, à l’entière satisfaction de ses employeurs qui avaient souligné son attitude exemplaire et son intégrité. Depuis septembre 2019, elle œuvrait pour le compte de D______ SA. Elle y était très appréciée tant du directeur, I______, que de ses collègues et des clients de l'entreprise. Son honnêteté et son professionnalisme avaient été relevés. Son employeur s’était lié d’amitié avec elle et soutenait pleinement sa démarche en vue de l’obtention d’un permis B. Sa confiance à son égard était telle qu’il louait le logement de quatre pièces dans lequel vivait sa famille depuis peu. Elle avait déployé des efforts considérables pour s’intégrer, travailler et offrir à ses enfants des conditions de vie irréprochables. Financièrement indépendante, elle assumait seule les besoins de la famille. Elle souhaitait entreprendre une formation d’esthéticienne, laquelle était subordonnée à l’octroi du permis de séjour. Son dévouement à l’apprentissage d’une langue nationale, ses démarches associatives et projets professionnels démontraient sa volonté sérieuse de faire partie de la Suisse.

Scolarisés dans l’enseignement obligatoire, ses enfants attestaient d’un niveau d’intégration et de réussite supérieurs à la moyenne ; leurs enseignants notaient leur assiduité, leur très bon comportement et leur bon niveau de français. Son fils était un élève studieux se distinguant par un niveau de mathématiques hors du commun. Il avait suivi tout son enseignement primaire en Suisse et s’intégrait de manière irréprochable avec ses camarades. Il suivait des entraînements de basketball. Sa fille avait fait preuve d’un excellent parcours scolaire et ses enseignants, convaincus de son « magnifique potentiel », l’avait qualifiée de « respectueuse, aidante et très motivée », intéressée et apprenant vite. Elle s’était fortement investie dans la vie de l’école en participant activement dans tous les projets culturels extra-scolaires proposés, et avait commencé un apprentissage de deux ans. Âgée de 16 ans, elle avait vécu l’essentiel de son adolescence à Genève, où elle avait créé un réseau social fort, le seul qu’elle connaissait. Elle n’avait aucun lien avec la Colombie et s’était fortement intégrée et enracinée en Suisse.

Sa famille n’avait ni proches ni cercle social en Colombie. Elle était fille unique (sic), ses parents étant décédés. Elle n’avait pas d’autre famille dans son pays natal où elle ne disposait d’aucun bien, ni d’aucun logement.

Les conditions pour l’octroi d’autorisations de séjour pour cas de rigueur étaient réunies. L’art. 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l’Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), conduisait également à l’annulation de la décision litigieuse. En tout état, leur admission provisoire devait être prononcée, leur renvoi en Colombie étant contraire à la CDE.

d. Par jugement du 19 mai 2023, le TAPI a rejeté le recours. La conclusion tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative était irrecevable, puisque portant sur une question qui ne faisait pas l’objet du litige.

A______ séjournait en Suisse depuis novembre 2019 (sic). Cette durée n’était pas exceptionnellement longue et devait être fortement relativisée dès lors qu’elle avait été effectuée de manière illégale jusqu’au dépôt de la demande d’autorisation en mars 2022, puis à la faveur d’une simple tolérance. Elle avait passé toute son enfance et son adolescence ainsi qu’une bonne partie de sa vie d’adulte en Colombie. Elle ne pouvait pas se prévaloir d’une excellente intégration socio‑professionnelle au sens de la jurisprudence consacrée. Certes, son activité dans l’économie domestique et les efforts qu’elle avait déployés lui avaient garanti son indépendance financière. Toutefois, son intégration économique devait être considérée comme ordinaire, étant noté que son intégration professionnelle dans sa globalité ne pouvait être qualifiée d’exceptionnelle. Son retour dans son pays natal n’entraînerait pas de conséquences particulièrement rigoureuses. « Des membres de sa famille, en particulier sa sœur, y vivaient ». Elle avait évoqué l’existence d’une sœur en Colombie lors de son audition par la police le 17 octobre 2020. Son intégration sociale qui, même si elle pouvait être qualifiée de moyenne, et non bonne en raison de sa condamnation pénale, ne revêtait pas de caractère exceptionnel. ll ne semblait pas qu’elle s’était investie dans la vie sociale et associative genevoise ou qu’elle avait noué, d’une autre façon, des attaches profondes avec la Suisse qui justifieraient la poursuite de son séjour. Elle disposait en Colombie encore de membres de sa famille et vraisemblablement d’amis, voire des membres de la famille du père de ses enfants. Son état de santé était bon.

C______ était arrivée en Suisse en novembre 2018, à l’âge de 13 ans, de sorte qu’il fallait retenir qu’elle parlait l’espagnol. À l’instar de sa mère, et pour les mêmes motifs, la durée de son séjour devait être fortement relativisée. Sur le plan de l’intégration, sa situation était un peu délicate dès lors qu’elle avait passé une grande partie de son adolescence en Suisse. Un tel élément ne justifiait toutefois pas, en soi et à lui seul, de lui octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur, à moins de reconnaître, de facto, un droit à chaque jeune passant une partie de son adolescence en Suisse, voire la totalité de celle-ci, à y demeurer. À Genève, elle avait suivi sa scolarité avec succès et avait entrepris un apprentissage, mais n’avait pas encore achevé sa formation ni obtenu de diplôme et ne soutenait pas que sa formation ne pourrait se poursuivre en Colombie. Dans ces circonstances, même en reconnaissant que le processus d’intégration entamé par C______ ne pouvait être nié, il n’était pas à ce point profond et irréversible qu’un renvoi ne puisse être envisagé. Ainsi, sous l’angle de la durée, du degré de réussite, de l’effort d’intégration, de l’état d’avancement de sa formation professionnelle et de la possibilité de poursuivre celle-ci en Colombie, son renvoi ne représenterait pas une rigueur excessive. Son intérêt supérieur commandait qu’elle suive sa mère, même si la réintégration dans le pays d’origine ne se ferait peut-être pas sans difficultés, étant observé toutefois que les compétences, y compris linguistiques, qu’elle avait acquises en Suisse devraient lui profiter dans la suite de sa formation et que sa bonne intégration scolaire en Suisse dénotait des capacités d’adaptation qu’elle pourrait sans doute mettre à profit dans son pays natal, où elle avait vécu toute son enfance et le début de son adolescence.

La situation de B______ était fortement similaire à celle de sa sœur, étant précisé qu’il n’avait pas encore atteint l’adolescence, de sorte qu’il restait encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de sa mère. Si son intégration au milieu suisse s’était accentuée avec sa scolarisation, celle-ci ne pouvait toutefois être qualifiée de si profonde et irréversible, vu son âge, qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet.

La décision ne contrevenait pas à l’art. 3 al. 1 CDE. L’exécution du renvoi apparaissant licite et raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), c’était à bon droit que l’OCPM n’avait pas proposé d’admission provisoire au SEM.

C. a. Par acte du 22 juin 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation du jugement du 19 mai 2023 et a repris les mêmes conclusions qu’en première instance. Préalablement, C______ devait être entendue sur l’intensité de ses attaches avec la Suisse, son excellente intégration et l’absence de tout lien avec son pays d’origine. Elle s’était créée en Suisse un réseau social fort, seul qu’elle connaisse. Elle n’avait aucun lien avec la Colombie. Elle avait une moyenne générale de 5.0 dans sa formation.

B______ avait une moyenne de 4.8 en français 5.2 en allemand et 5.8 en mathématiques. Les attestations scolaires faisaient état d’un élève qui se situait au‑dessus de la moyenne et qui fournissait constamment d’énormes progrès.

Le TAPI avait violé le droit en déclarant irrecevable la conclusion tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative, en appliquant de manière erronée la CDE, excédé négativement son pouvoir d’appréciation en ne prenant pas suffisamment en compte l’ensemble des circonstances et constaté les faits de manière inexacte notamment en retenant que C______ avait 13 ans et non 12 ans lors de son arrivée en Suisse.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, la recourante a insisté sur le bon déroulement des études de sa fille, la participation de celle-ci à l’animation d’un stand lors de la cité des métiers et le fait qu’un retour dans son pays d’origine constituerait une invalidation des efforts et sacrifices considérables consentis par son aînée. Un refus d’une autorisation de séjour à cette dernière violerait la définition même de la rigueur excessive. La délivrance du permis à C______ imposait la poursuite du séjour de sa mère et de son frère.

d. Lors de l’audience du 5 octobre 2023, A______ a déclaré ignorer où se trouvait H______, père de ses deux enfants. Il était colombien, avait vécu en Suisse une « certaine période ». Il n’y avait aucun contact entre lui et les enfants depuis 2021 au minimum. Quand elle était venue en Suisse en 2018, il était en Colombie. Elle était venue en Suisse principalement pour la tranquillité, pour une meilleure qualité de vie pour ses enfants et un meilleur futur. Le père des enfants avait voulu les rejoindre. Ils avaient vécu ensemble à Genève, puis s’étaient séparés vers 2021 environ. C’était à tort qu’il l’avait qualifiée d’« épouse » à la police car ils n’étaient pas mariés. Leur relation était compliquée. Elle préférait rester en Suisse alors que H______ avait souhaité retourner en Colombie. Il avait perdu ses deux parents, et elle, sa mère. Elle ignorait si son père vivait toujours en Colombie et n’avait aucun contact avec lui. Elle était fille unique, n’était jamais retournée en Colombie depuis 2018 et n’avait aucun contact avec ce pays. Elle travaillait tous les jours de 8h à 12h et de 13h à 17h30 chez D______ SA. Cela lui procurait environ CHF 3'800.- nets, comprenant CHF 700.- d’allocations familiales. Elle était bénévole à la paroisse catholique J______ les samedis, où beaucoup de personnes âgées ne parlaient que le français. Un rendez-vous devrait être fixé prochainement pour l’assurance-maladie de C______ qui aurait 18 ans d’ici quelques semaines et verrait sa prime augmenter. C______ faisait de la gymnastique à côté de son apprentissage et B______ avait arrêté le basketball pour le football, et s’était mis au skateboard. Il s’était créé un groupe d’amis et était bien intégré, à l’instar de C______ pour qui la situation était toutefois un peu différente car elle semblait côtoyer plus de personnes sans papiers dans le cadre de sa formation.

La représentante de l’OCPM a précisé que l’office appliquait des critères « post‑Papyrus » depuis la fin de l’opération, consultables sur le site de l’État et presque similaires à ceux valables jusqu’au 31 décembre 2018. Si les critères étaient remplis au moment du dépôt de la demande, les dossiers pouvaient être régularisés, d’entente avec le SEM.

En réponse à la question de la juge déléguée de savoir si elle pouvait interroger C______ sur ses liens avec son père, A______ a d’abord répondu positivement avant de se rétracter. C______ avait fait l’objet de harcèlement à l’école parce qu’elle n’avait pas de papiers. La situation était difficile pour elle. Le père des enfants avait changé à la suite du décès de ses parents. A______ s’était fâchée quand le père de ses enfants avait été arrêté par la police et qu’il avait mentionné leur présence en Suisse. Cela les avait contraints à déposer la demande de régularisation. Elle ne savait pas si C______ était aussi fâchée pour cette raison. C______ n’avait jamais demandé d’avoir des contacts avec son père, ni par téléphone, ni par Skype. Elle ne savait pas si sa fille avait envie de retourner en Colombie, notamment pour voir son père, mais ne le pensait pas. La situation était identique pour B______ qui ne posait pas de question sur son père et n’avait jamais demandé à avoir des contacts avec lui après son départ. Elle ne faisait pas interdiction à ses enfants d’avoir des contacts avec leur père.

C______ a déclaré être en deuxième année d’apprentissage d’assistante de bureau. Cela lui plaisait. Elle avait eu des bonnes notes en première année et aimait toutes les branches. Elle avait gardé la même classe. L’ambiance était bonne et elle avait des amis. Elle devait finir en juin 2024 et souhaitait, par la suite, soit faire une formation en santé, soit entrer à l’Université en criminologie. À la sortie de l’école, soit elle partageait un moment avec ses amis, soit elle se rendait au fitness. Le week-end, elle sortait avec des groupes d’amis ou avec sa famille. Elle était contente de vivre en Suisse. Elle avait eu beaucoup de plaisir à intervenir à la Cité des Métiers notamment. Elle insistait sur le fait qu’il était important qu’ils puissent obtenir leurs permis, y compris pour qu’elle puisse ensuite étudier. Ne pas avoir de permis l’angoissait. Cela faisait cinq ans qu’elle était en Suisse.

e. Dans ses observations finales, la recourante, rappelant intervenir pour elle-même et en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, a persisté dans ses conclusions. En cas de départ en Colombie, sa fille verrait sa formation interrompue à un stade délicat et devrait se réadapter au système scolaire d’un pays où elle n’avait que très peu de liens et de repères et dont les conditions de vie lui étaient désormais étrangères. À plus long terme, son renvoi serait de nature à remettre en cause les acquis de l’enseignement genevois et à compromettre sérieusement toute future formation professionnelle. Ils remplissaient les critères permettant la régularisation de leur dossier à savoir une durée de séjour de cinq ans pour les familles avec enfants scolarisés, une indépendance financière, le respect de l’ordre juridique et une bonne intégration. Le refus de leur demande d’autorisation de séjour était intenable.

Les recourants ont notamment versé à la procédure copie d’un courriel du 6 octobre 2023 de l’employeur de C______. Celle-ci finissait cette année son apprentissage d’employée de commerce à plein temps mais souhaitait changer de profession. Depuis son arrivée en Suisse elle désirait faire des études dans les soins. Dans son pays elle voulait devenir infirmière, mais la vie en avait décidé autrement. La jeune fille était ponctuelle, souriante, responsable, autonome. L’entreprise avait eu beaucoup de plaisir à travailler avec elle. La possibilité d’effectuer un stage de deux jours auprès d’un établissement médico-social à Meyrin lui permettrait peut-être un potentiel changement d’orientation vers une profession qui correspondrait mieux à ses attentes.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

Le recours a été interjeté au nom des deux enfants mineurs par leur mère. L’aînée est devenue majeure en cours de procédure devant la chambre de céans. Conformément à l’art. 9 LPA, les parties peuvent être représentées par un ascendant. Entendue, la jeune femme a confirmé sa volonté de rester en Suisse et donc implicitement les conclusions prises dans le cadre de la présente procédure par sa mère alors qu’elle était encore mineure.

Le recours est recevable.

2.             Dans un premier grief, la recourante conteste que les conclusions en délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative soient irrecevables.

2.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 précité consid. 2b).

Ainsi, l'autorité de recours n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1390/2021 du 21 décembre 2021 consid. 2a et les références citées).

2.2 En l’espèce, la demande déposée par les recourants le 10 mars 2022 auprès de l’OCPM est expressément intitulée « demande de permis B pour cas de rigueur ». Suivent les noms des trois intéressés. Les développements portent sur l’impossibilité pour eux de réintégrer leur pays d’origine. L’activité professionnelle exercée par la recourante est évoquée, avec la mention qu’elle travaille depuis de nombreuses années et l’indication de ses revenus. Si certes la conclusion était formulée « demande de permis B pour cas de rigueur avec activité lucrative », l’argumentation développée ne concerne que l’application des dispositions relatives au cas individuel d’une extrême gravité. La décision querellée n’a d’ailleurs traité que de cette problématique. Dans ces conditions, l’objet du litige est la décision de l’autorité intimée du 30 juin 2022 refusant de transmettre le dossier des recourants au SEM avec un préavis favorable et prononçant leur renvoi de Suisse.

Il n’existait par ailleurs aucune obligation pour l’autorité intimée de transmettre le dossier de l’intéressé à l’OCIRT au sens de l’art. 6 al. 3 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 9 mars 2009 (RaLEtr - F 2 10.01), traitant des demandes d’admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative, disposition non applicable en l’espèce, la demande étant soumise à l’art. 8 RaLEtr, traitant des demandes d’admission pour d’autres motifs, conformément au considérant qui précède.

3.             La recourante fait grief au TAPI d’avoir mal établi les faits principalement quant à l’âge de C______ à son arrivée en Suisse, le 1er novembre 2018.

S’il est exact qu’elle était alors âgée de 12 ans et non de 13 comme retenu par le TAPI, ce grief frise la témérité, la jeune fille, née le 5 novembre 2005 ayant eu son anniversaire quatre jours après son arrivée.

Les autres faits évoqués ressortent de l’appréciation des preuves et seront discutés dans les considérants qui suivent, à l’instar de la « bonne intégration » de la famille.

4.             Les recourants se plaignent que l’autorité intimée ait excédé négativement son pouvoir d’appréciation en ne prenant pas suffisamment en compte l’ensemble des circonstances en application des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

4.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

4.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse [SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 état au 1er janvier 2021 [ci-après : directives LEI] ch. 5.6).

Selon l'art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l'intégration de l'étranger, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c) et la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d)

4.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

4.4 La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8).

La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

4.5 S'agissant de l'intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).

4.6 Constitue un excès négatif du pouvoir d'appréciation le fait que l'autorité se considère comme liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou encore qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1), ou qu’elle applique des solutions trop schématiques, ne tenant pas compte des particularités du cas d’espèce (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 514).

5.             Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

5.1 D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

5.2 Dans un arrêt de principe (ATF 123 II 125), le Tribunal fédéral a mentionné plusieurs exemples de cas de rigueur en lien avec des adolescents. Ainsi, le cas de rigueur n'a pas été admis, compte tenu de toutes les circonstances, pour une famille qui comptait notamment deux adolescents de 16 et 14 ans arrivés en Suisse à, respectivement, 13 et 10 ans, et qui fréquentaient des classes d'accueil et de développement (arrêt non publié Mobulu du 17 juillet 1995 consid. 5). Le Tribunal fédéral a précisé dans ce cas qu'il fallait que la scolarité ait revêtu une certaine durée, ait atteint un certain niveau et se soit soldée par un résultat positif (ATF 123 II 125 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a admis l'exemption des mesures de limitation d'une famille dont les parents étaient remarquablement bien intégrés ; venu en Suisse à 12 ans, le fils aîné de 16 ans avait, après des difficultés initiales, surmonté les obstacles linguistiques, s'était bien adapté au système scolaire suisse et avait achevé la neuvième primaire ; arrivée en Suisse à 8 ans, la fille cadette de 12 ans s'était ajustée pour le mieux au système scolaire suisse et n'aurait pu se réadapter que difficilement à la vie quotidienne scolaire de son pays d'origine (arrêt non publié Songur du 28 novembre 1995 consid. 4c, 5d et 5e). De même, le Tribunal fédéral a admis que se trouvait dans un cas d'extrême gravité, compte tenu notamment des efforts d'intégration réalisés, une famille comprenant des adolescents de 17, 16 et 14 ans arrivés en Suisse cinq ans auparavant, scolarisés depuis quatre ans et socialement bien adaptés (arrêt Tekle du 21 novembre 1995 consid. 5b ; arrêt non publié Ndombele du 31 mars 1994 consid. 2, admettant un cas de rigueur pour une jeune femme de près de 21 ans, entrée en Suisse à 15 ans).

5.3 Plus récemment, dans un cas concernant un couple avec deux enfants dont l'aîné était âgé de 13 ans, aucune des personnes concernées n'ayant par ailleurs de famille en Suisse, le Tribunal fédéral a confirmé un jugement du TAF déniant un cas d’extrême gravité, en estimant qu'« assurément, [l']âge [de l'aîné] et l'avancement relatif de son parcours scolaire sont des éléments de nature à compliquer sa réintégration dans son pays d'origine (…). Ils ne sont cependant pas suffisants, à eux seuls, pour faire obstacle au renvoi de la famille. Il est en effet établi que [l'enfant] parle parfaitement l'espagnol et qu'il n'a pas encore terminé sa scolarité obligatoire ; la poursuite de celle-ci en Équateur devrait donc pouvoir se faire dans des conditions satisfaisantes. À cet égard, sa situation n'est pas comparable à celle d'un jeune qui aurait entrepris des études ou une formation professionnelle initiale en Suisse, par exemple un apprentissage, qu'il ne pourrait pas mener à terme dans son pays d'origine » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4).

La chambre administrative a admis un cas d'extrême gravité au vu de la situation d'une famille qui vivait en Suisse depuis dix-sept ans pour le père et douze ans pour la mère, qui avait fait preuve d'un comportement irréprochable en ne contractant aucune dette et n'ayant jamais fait l'objet de poursuites pénales. En outre, la fille aînée, une jeune préadolescente, âgée de plus de 10 ans, était scolarisée en septième primaire à la satisfaction de ses enseignants (ATA/770/2014 du 30 septembre 2014). Elle a également admis un cas d'extrême gravité s'agissant d'une famille vivant en Suisse depuis plus de dix ans, dont l'intégration pouvait être qualifiée de relativement bonne, étant précisé que le père avait été condamné pour vol, avait enfreint une interdiction d'entrée en Suisse et avait des dettes. Il avait notamment été relevé que si un retour dans le pays d'origine pouvait être envisagé pour la fille cadette âgée de 9 ans, tel n'était pas le cas du fils aîné, âgé de 13 ans et ayant atteint l'adolescence, même si ses résultats scolaires n'avaient rien d'exceptionnel (ATA/12/2016 du 12 janvier 2016). La chambre administrative a admis l'existence de raisons personnelles majeures à demeurer en Suisse s'agissant d'un adolescent ayant suivi l'école durant plusieurs années en Suisse, achevé sa scolarité avec de bons résultats et fourni des efforts pour son intégration. La famille devant être considérée comme un tout, ses frères, leur mère ainsi que son concubin, devaient également être autorisés à séjourner en Suisse (ATA/171/2016 du 23 février 2016). La chambre de céans a admis l'existence d'un cas de rigueur, s'agissant d'une mère et de sa fille, cette dernière étant parfaitement intégrée et ayant passé l'entier de la période charnière de son adolescence en Suisse (ATA/203/2018 du 6 mars 2018). La situation de deux mineurs arrivés six ans plus tôt en Suisse à l'âge de 11 et 7 ans sans autorisation de séjour pour rejoindre leur père après la rupture avec leur mère vivant dans leur pays d'origine, a été jugée comme remplissant les conditions du cas de rigueur ; un départ en Macédoine présenterait pour eux, ayant entamé leur adolescence en Suisse, un déracinement qui serait particulièrement dommageable (ATA/1818/2019 du 17 décembre 2019). La situation de deux enfants mineurs, âgés de 11 et 7 ans, nés et ayant grandi en Suisse a été considérée comme constitutive de raisons personnelles majeures, et cela même si l'intégration de leur mère ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle mais restait suffisante pour faire prévaloir l'intérêt privé des enfants à rester en Suisse (ATA/434/2020 du 31 avril 2020).

5.4 En l’espèce, la jeune fille recourante a atteint ses 18 ans en cours de procédure, le 5 novembre 2023, soit après son audition mais quelques jours avant le prononcé du présent arrêt. Sa situation doit en conséquence être analysée séparément.

5.4.1 La jeune femme est arrivée en Suisse âgée de 12 ans, quatre jours avant de fêter ses 13 ans. Elle réside en conséquence en Suisse depuis cinq ans mais seulement depuis quatre ans au moment du dépôt de la demande et de la décision. Cette durée ne peut pas être considérée comme longue. De surcroît, la jeune femme n’a jamais été au bénéfice d’une autorisation de séjour, vivant de façon illicite en Suisse depuis son arrivée jusqu’au dépôt de la demande, puis faisant l’objet d’une tolérance depuis le 10 mars 2022.

À son arrivée en Suisse elle a été scolarisée en classe d’accueil au cycle d’orientation avant de rejoindre une classe d’orientation professionnelle pendant l’année scolaire 2021 - 2022. À teneur d’une recommandation du 12 janvier 2022 de la doyenne des classes d’insertion professionnelle, l’intéressée avait démontré une volonté qui lui permettrait de continuer à progresser dans ses acquisitions scolaires. Elle était décrite comme discrète mais à l’écoute, qui apprenait vite, ayant démontré une attitude en classe tout à fait adéquate face à son travail scolaire en général. Ses capacités scolaires sont reconnues par ses enseignants qui s’accordaient au surplus à qualifier la jeune fille de respectueuse et agréable. À cette date, elle se projetait dans une formation professionnelle dès la rentrée 2023 et avait déjà commencé à effectuer des démarches dans ce sens. La doyenne la recommandait vivement.

Ladite doyenne avait renouvelé sa recommandation le 16 mai 2022 dans une longue attestation où elle précisait que tous les enseignants qui travaillaient avec l’intéressée étaient convaincus qu’elle avait un magnifique potentiel scolaire, mais aussi le comportement, la volonté, l’esprit qui lui permettraient de continuer à progresser dans ses acquisitions scolaires et professionnelles, comme elle le faisait depuis ses premiers jours en classe. Elle avait énormément progressé sur sa capacité à s’exprimer oralement et était tout à fait capable d’interagir en français dans un cadre professionnel. Elle participait par ailleurs activement à tous les projets culturels extrascolaires proposés. Elle avait effectué toutes les démarches nécessaires (stage d’observation, dossier de candidature, test d’entrée) pour la construction d’un projet de formation professionnelle et avait réussi la sélection d’entrée pour effectuer une formation en école à plein temps d’assistante de bureau à l’école de commerce dès la rentrée 2022 - 2023.

Dans une lettre de recommandation du 16 mai 2022, le directeur du service de l’accueil du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) confirmait que l’intéressée était une élève assidue, appliquée, appréciée tant par les enseignants que par ses camarades de classe. Dès le début de sa scolarisation elle avait énormément progressé grâce à ses efforts constants et à sa grande motivation d’apprendre la langue française. Elle posait les questions nécessaires, s’investissait dans la construction d’un projet de formation professionnelle et redoublait d’efforts pour atteindre les prérequis nécessaires afin de rejoindre une filière ordinaire. Le directeur relevait son « attitude exemplaire. C’est une jeune fille qui s’est rapidement intégrée à l’école sans créer d’ennui ».

Elle avait, préalablement à son apprentissage, fait un stage d’observation et de découverte de la profession de logisticien auprès de DHL pendant une semaine à fin novembre 2021. L’évaluation était excellente pour les six critères examinés. Elle était qualifiée de polie, serviable et engagée, toujours ponctuelle et s’était très bien adaptée aux collaborateurs.

En mars 2022, elle avait effectué un nouveau stage d’observation, de la profession de gestionnaire de commerce, auprès de K______ d’une même durée. L’évaluation était excellente sur tous les critères. L’entreprise avait relevé que l’intéressée avait fait un très bon stage du début à la fin et avait effectué toutes les tâches confiées avec succès.

Elle s’était de même investie en qualité de bénévole pour le Generali Marathon Genève 2022.

Le 11 mai 2022, l’école de commerce et de culture générale G______ l’a informée avoir retenu son dossier parmi les candidatures reçues pour effectuer dans leur établissement une formation d’assistante de bureau à plein temps en école à compter du 22 août 2022 au 28 juin 2024. Ils étaient convaincus de sa motivation et de son réel intérêt pour cette formation.

Depuis lors, elle poursuit avec succès son apprentissage, ayant obtenu en fin de première année une moyenne générale de 5.0.

En parallèle, elle s’est investie dans l’accueil des visiteurs, la présentation de la filière et de la formation d’assistant de bureau, l’organisation de démonstrations pratiques et la gestion des activités du stand lors de la Cité des Métiers en novembre 2022.

L’intéressée a suivi avec succès sa scolarité et effectue son apprentissage à l’entière satisfaction de son employeur. Elle bénéficie de plusieurs attestations qui vantent sa bonne intégration et ses qualités humaines, scolaires et professionnelles.

La recourante est en conséquence arrivée en Suisse au début de son adolescence. Si elle a certes passé en Colombie les douze premières années de sa vie, y a été scolarisée et en parle la langue, elle a vécu toute son adolescence à Genève. Elle a rapidement appris le français et a obtenu le soutien de ses enseignants et des directions des établissements qu’elle a fréquentés, manifestant un investissement certain dans ses études. Outre une progression remarquable, elle s’est intégrée sans difficulté auprès de ses camarades. Tant la doyenne responsable de sa formation que le directeur ont mis en avant la cohérence de son parcours, l’intéressée anticipant et se donnant les moyens d’obtenir une place d’apprentissage. Sa formation se déroule manifestement à satisfaction de toutes les parties. Il doit dès lors être reconnu que la recourante a fourni des efforts importants en vue de son intégration qu’elle a manifestement réussie tant sur le plan privé que sur le plan de sa formation. Elle a vécu cette période délicate exclusivement à Genève. Sa formation n’est pas terminée et la renvoyer ne lui permettrait pas de garantir la poursuite de celle-ci en Colombie. Elle a par ailleurs d’ores et déjà entrepris des démarches, notamment un stage dans un EMS, aux fins d’acquérir une formation complémentaire dans les soins.

L’intéressée n’a aucun lien avec la Colombie. Elle n’entretient aucune relation régulière ou occasionnelle avec des tiers et n’y est jamais retournée.

En conséquence, au vu de l’ensemble des circonstances qui précèdent, la réintégration de la jeune femme dans son pays d’origine paraît gravement compromise. Partant, elle remplit les conditions d’un cas d’extrême gravité au sens de l’art. 30 LEI et 31 OASA.

5.4.2 L'intégration tant professionnelle que sociale de sa mère ne peut être qualifiée d'exceptionnelle, au sens strict de la jurisprudence. Cette dernière remplit toutefois la majorité des conditions requises pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité. Elle respecte la sécurité et l’ordre public, les valeurs de la Constitution et a acquis les compétences linguistiques nécessaires. La seule condamnation pour infraction au droit des étrangers pour avoir exercé une activité lucrative sans y être autorisée peut être relativisée dans le cas d’espèce. La recourante participe effectivement à la vie économique en travaillant à plein temps. Elle est indépendante financièrement, n’a pas de dettes et n’est pas aidée par l’hospice général. De nombreuses attestations font par ailleurs état de son excellente intégration, de son intégrité, sa fiabilité et la bien facture de son travail notamment. Elle est ainsi décrite par ses anciens employeurs notamment comme consciencieuse, disponible et attentive et une aide à domicile exemplaire. Le directeur de l’entreprise qui l’emploie la décrit comme une personne compétente, motivée et bénéficiant d’une expérience précieuse pour sa société. Honnête, consciencieuse, professionnelle et digne de confiance, il précise qu’elle est très appréciée des clients chez lesquels elle travaille. Il souhaite « vivement pouvoir collaborer avec l’intéressé sur le long terme ». Elle s’est donné les moyens d’apprendre rapidement le français pour être aujourd’hui au bénéfice d’un niveau attesté A2 tant à l’oral qu’à l’écrit.

5.4.3 De même, B______ aujourd’hui âgé de 11 ans a fourni, depuis son arrivée à l’âge de presque 6 ans, de gros efforts d’intégration pour apprendre notamment le français. Il poursuit une progression qualifiée de très satisfaisante par ses enseignants à l’issue de son premier semestre de l’année scolaire 2022 – 2023. Son enseignante précisait, le 23 janvier 2022, qu’il s’agissait d’un élève studieux, régulier dans son travail et qui participait très bien aux leçons. Il avait un très bon niveau en mathématiques. En français, il progressait bien dans ses apprentissages même s’il lui manquait parfois certains mots. Ceci était normal au vu de son arrivée récente à Genève. Il intégrait rapidement les nouveaux mots et les utilisait à bon escient. Il parlait tout à fait couramment le français. Il n’y avait aucun problème avec ses camarades : il était bien intégré et avait plusieurs amis. Il participait à tous les jeux, aussi bien en classe qu’à la récréation.

5.4.4 Ces circonstances, prises dans leur ensemble, sont de nature à faire admettre qu'un retour en Colombie constituerait pour C______, qui a passé toute son adolescence à Genève et est parfaitement intégrée, un déracinement important et présenterait une rigueur excessive au sens retenu par la jurisprudence.

Dès lors que la situation de la famille doit être considérée comme un tout, la situation de C______, devenue majeure il y a quelques jours, ne peut être séparée du sort de son frère et de sa mère, laquelle contribue notamment au quotidien à son entretien pendant la fin de sa formation et apparaît comme constitutive de raisons personnelles majeures pour les trois recourants étant enfin rappelé que le dossier ne contient aucune demande de visa pour rendre visite à de la famille en Colombie.

Au vu de ce qui précède, l'OCPM devra soumettre le dossier des trois recourants au SEM en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission.

Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission partielle du recours. Le jugement du TAPI sera annulé, de même que la décision de l'OCPM. Le dossier sera renvoyé à l'OCPM pour qu'il procède dans le sens des considérants en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur la disposition légale précitée.

6.             Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants, qui y ont conclu et ont eu recours aux services d'un mandataire professionnel (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 juin 2023 par A______, pour elle-même et son fils mineur B______, et C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2023 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2023 ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 30 juin 2022 ;

renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à A______, à la charge de l'État de Genève (OCPM), une indemnité de procédure de CHF 1'000.- ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal-Fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas GUIRAMAND, avocat des recourants, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.