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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1350/2022

ATA/1120/2022 du 08.11.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;RÉSILIATION;MOTIF;PROPORTIONNALITÉ;JUSTE MOTIF;INFRACTIONS CONTRE L'AUTORITÉ PUBLIQUE;RELATION DE CONFIANCE;DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LSTUP
Normes : LPAC.20.al3; LPAC.21.al3; LPAC.22.letb; Cst.8.al1; CP.289; LStup.19.al1.letd; LPol.19.al1; LPol.18.al1; LPAC.1.letc; RPAC.20; RPAC.21; RPAC.22; RPAC.46A; Cst.5.al2
Résumé : Recours d’un policier contre son licenciement pour motif fondé (inaptitude à remplir les exigences du poste), pour s’être approprié des plants de cannabis provenant d’une saisie réalisée par ses collègues, et pour avoir menti, à plusieurs occasions, jusqu’à être démasqué et rendre les deux plants, stockés dans son armoire personnelle. Interprétation de l’arrêt de renvoi qui annulait la révocation du recourant pour ces faits. La chambre administrative ne s’était prononcée que sur la question de la révocation mais pas sur celle du licenciement, procédure différente, que le département pouvait choisir de suivre. En l’espèce, l’employeur était fondé à considérer que le lien de confiance était rompu, au vu de l’acte du recourant, du fait qu’il avait menti, et stocké les plants dans son casier. Il s’agissait d’une succession de comportement inadéquats, incompatibles avec la fonction de policier. Proportionnalité de cette mesure administrative, dès lors qu’il n’existe aucune autre solution permettant d’arriver au même résultat, malgré les relativement bons états de service et la longue carrière du recourant. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1350/2022-FPUBL ATA/1120/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 novembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Charles Piguet, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1970, a été nommé, pour un an et à titre d’épreuve, au poste de gendarme dès le 1er décembre 1990. Il a obtenu le grade d’appointé le 1er décembre 1996, de sous-brigadier le 1er janvier 2005, puis de brigadier (chef de groupe) le 1er mars 2011. À la suite de la mise en œuvre de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 105), il a obtenu le grade de sergent-chef le 1er avril 2017.

2) a. De mai 2007 à avril 2014, M. A______ a fait l’objet de
27 « félicitations », 17 « initiatives », 7 « investigations » et 3 « plus-values ». Ses qualités professionnelles lui ont en outre permis de recevoir, en juillet 2004, les remerciements de deux administrés victimes d’un accident, en septembre 2014, les « félicitations pour un travail d’initiative » de sa hiérarchie, en mars 2015, les félicitations de l’État-major de la gendarmerie pour la qualité de son travail, en décembre 2016, les félicitations du chef de police-secours pour la perspicacité, le professionnalisme et le dévouement dont il avait fait preuve, en octobre 2017, suite à une lettre d’administrés, la reconnaissance de la commandante de la police pour le travail accompli puis, toujours en octobre 2017, les félicitations du chef de
police-secours suite à une enquête de longue haleine ayant permis d’arrêter un voleur.

b. Au cours de sa carrière, M. A______ a fait l’objet de plusieurs évaluations.

c. En mai 1993, le Conseil d’État a suspendu M. A______ de ses fonctions pour une durée d’un mois, sans traitement, pour avoir cédé sa carte de police à un ami. En juillet 2006, il a été sanctionné d’un avertissement pour avoir endommagé la rampe de feux bleus et le système d’éclairage du véhicule qu’il conduisait. En mars 2009, il a fait l’objet d’une mesure organisationnelle pour avoir, alors qu’il conduisait un véhicule de service, endommagé le rétroviseur d’un véhicule stationné. En novembre 2014, le Ministère public (ci-après : MP) a rendu une ordonnance de classement dans laquelle il a retenu comme établi l’enregistrement, par M. A______, à l’aide d’un stylo équipé d’une caméra et d’un micro, d’interventions de la police auxquelles il avait participé et d’une audition tenue par l’inspection générale des services (ci-après : IGS), sans le consentement des personnes présentes. Dans un courrier du 3 mars 2015, la cheffe de la police a relevé que ce comportement était inadéquat et que l’intéressé avait violé son devoir de fidélité, ces enregistrements ayant porté atteinte à la personnalité des personnes enregistrées à leur insu. Le classement n’était intervenu qu’en raison de l’absence de plainte pénale, et la cheffe de la police espérait que M. A______ avait saisi la portée de ses actes.

3) Le 16 janvier 2018, l’IGS a rendu un rapport à l’intention du MP.

Le 13 janvier 2018, trois policiers, à savoir M. A______, l’appointé B______ et le gendarme C______, avaient dérobé des plants de cannabis stockés dans le garage du poste de police de D______. Cette drogue avait été saisie et figurait sous inventaire comme pièce à conviction.

4) Le 16 janvier 2018, le MP a ordonné l’ouverture d’une instruction pénale contre M. A______ (procédure P/1______).

5) Le 17 janvier 2018, la commandante de la police a suspendu
M. A______ de ses fonctions, en maintenant son traitement.

6) Par ordonnance pénale du 5 mars 2019, le MP a déclaré
M. A______ coupable de soustraction d’objets mis sous main de l’autorité
(art. 289 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et d’infraction à l’art. 19 al. 1 let. d de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121). Il l’a condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 140.- le jour avec sursis, le délai d’épreuve étant fixé à trois ans. Il l’a en outre condamné à une amende de
CHF 2'520.- et prononcé une peine privative de liberté de substitution de
dix-huit jours.

Le MP a retenu que le 13 janvier 2018, vers 05h20, au poste de D______, alors qu’il terminait son service de nuit, l’intéressé s’était rendu dans la partie fermée du garage du poste. Il avait ouvert une petite serre en plastique qui se trouvait sur l’emplacement réservé au dépôt des saisies de drogue et en avait retiré deux petites pousses de cannabis, saisies par ses collègues la veille. Il les avait placées dans un gobelet et les avait prises avec lui dans le vestiaire en passant près d’un collègue qui lui avait demandé s’il s’agissait d’une saisie de la nuit, il avait répondu par l’affirmative puis placé les plants dans son armoire personnelle et l’avait fermée à clé. Il avait ensuite participé à l’apéritif de fin de nuit avec notamment MM. B______ et C______ avant de rentrer chez lui.

M. A______ avait affirmé avoir oublié les plants dans son armoire. Le MP retenait que tel n’était pas le cas. L’intéressé n’avait rien dit à son collègue pour expliquer le fait qu’il tenait des plants dans sa main alors qu’il savait parfaitement qu’il n’avait rien à faire dans le vestiaire avec des pièces à conviction. Il avait volontairement laissé les plants dans son casier.

7) Le 24 mai 2019, à la suite de l’opposition que M. A______ avait formée à l’ordonnance pénale, le Tribunal de police a confirmé qu’il s’était rendu coupable de soustraction d’objets mis sous main de l’autorité et d’infraction à
l’art. 19 al. 1 LStup. Il l’a condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 130.- le jour avec sursis, le délai d’épreuve étant fixé à trois ans.

La faute de M. A______ n’était pas anodine. Les faits retenus avaient été commis par un gendarme expérimenté qui ne pouvait ignorer les conséquences de la disparition de stupéfiants saisis dans le cadre d’une enquête pénale en cours.

8) a. Le 19 juin 2019, le Secrétaire général et la Secrétaire générale adjointe du département de la sécurité, de l’emploi et de la santé, devenu le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : le département) ont entendu M. A______ au sujet des faits qui s’étaient déroulés le 13 janvier 2018. Ils lui ont fait savoir que l’employeur envisageait de demander sa révocation au Conseil d’État.

b. M. A______ a produit ses observations le 11 juillet 2019.

9) Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 16 octobre 2019, le Conseil d’État a révoqué M. A______ de ses fonctions avec effet au 31 janvier 2020. Il était libéré de son obligation de travailler jusqu’à la fin des rapports de service.

a. M. A______ avait gravement failli à ses devoirs de service. Il était intolérable qu’un policier, chargé de faire respecter la loi, profite de son statut pour soustraire des objets se trouvant sous la garde, respectivement sous la responsabilité de l’État, indépendamment du fait que les violations commises relevaient du droit pénal. Une telle attitude était aux antipodes du comportement exemplaire et digne que l’employeur devait pouvoir attendre en tout temps d’un policier. Elle était également préjudiciable à la fonction de policier, ainsi qu’au respect et à l’intégrité dont devaient bénéficier l’État et ses agents auprès de ses administrés.

La faute de l’intéressé était particulièrement grave puisque du fait de sa fonction, il savait que les pousses de cannabis constituaient des pièces à conviction et qu’il ne devait, sous aucun prétexte, ni les déplacer, ni les soustraire. Bien que le dossier de l’intéressé ne contienne pas d’antécédents disciplinaires durant les dix années précédentes, ses états de service ne pouvaient être qualifiés d’excellents.

b. À l’instar des autorités pénales, il fallait retenir que M. A______ avait pris deux plants de cannabis se trouvant dans une boîte rectangulaire contenant 77 petits plants, faisant partie d’une saisie, et les avait déposés dans son armoire personnelle se situant dans le vestiaire du poste, avant de rentrer chez lui. Il ne pouvait ignorer que ceux-ci se trouvaient dans la boîte provenant d’une saisie. En agissant de la sorte, l’intéressé avait volontairement soustrait et caché des pousses de cannabis faisant l’objet d’un séquestre pénal et dès lors placés sous la main de l’autorité.

c. Les allégations de M. A______ selon lesquelles il avait fortuitement découvert ces plants par terre étaient incohérentes. Aucun élément ne permettait d’expliquer pour quelle raison des pousses de cannabis se seraient trouvées à même le sol. Les explications données par l’intéressé, à savoir qu’une personne aurait pu être surprise en train de voler les pousses dans le garage, n’étaient corroborées par aucun témoignage, ni aucune pièce. Il avait fini par admettre, lors de l’audience de jugement, avoir vu, en ouvrant la boîte rectangulaire, que deux emplacements étaient vides. Au vu de ce constat, il n’avait raisonnablement pas pu penser que ces deux pousses provenaient d’une autre saisie. De plus, aucun des policiers qui avaient inventorié les plants de cannabis n’avait fait état du fait que certaines pousses étaient plus flétries que d’autres.

S’agissant du prétendu oubli des plants dans son armoire personnelle en raison du fait qu’il cherchait un tournevis, il n’avait jamais parlé à quiconque de cette recherche. Enfin, son prétendu état de fatigue ne l’avait pas empêché de participer à un apéritif de fin de service.

10) Par acte du 18 novembre 2019, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à la mise à néant de l’arrêté du Conseil d’État et au classement de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre.

11) Dans un arrêt du 3 février 2020, la Chambre pénale d’appel et de révision
(ci-après : CPAR) a rejeté l’appel de M. A______. Elle a partiellement admis l’appel du MP qui avait conclu à la confirmation dudit jugement et à ce que la sanction soit assortie d’une amende de CHF 2'340.-. Statuant à nouveau, la CPAR a déclaré M. A______ coupable de soustraction d’objets mis sous main de l’autorité (art. 289 CP) et d’infraction à l’art. 19 al. 1 let. d LStup. Elle l’a condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 90.- le jour avec sursis, le délai d’épreuve étant fixé à trois ans, et à une amende de CHF 1'620.- avec peine privative de liberté de substitution de dix-huit jours.

La CPAR a tenu pour établi que le matin des faits, M. A______ avait trouvé deux plants de cannabis, dans le garage du poste de D______, les avait pris et emportés, puis les avait placés dans son armoire personnelle. Qu’il les ait trouvés, comme il l’affirmait, au sol, à l’écart, ou directement dans la petite serre plastique où se trouvaient les autres plants, était de peu d’importance. En effet, il n’était pas crédible qu’il ait sérieusement pu envisager ne serait-ce qu’un instant que les plants en question provenaient d’une autre saisie que celle qui encombrait l’espace de stockage dédié aux saisies de stupéfiants du poste et qui venait d’être faite par les policiers en service juste avant qu’il ne prenne le sien.

Non contesté, cet arrêt est entré en force.

12) Par arrêt du 27 août 2020, la chambre administrative a partiellement admis le recours, annulé l’arrêté du Conseil d’État du 16 octobre 2019 et renvoyé le dossier à ce dernier pour qu’il « prononce une autre sanction administrative, précédée, le cas échéant, d’une enquête administrative ».

L’arrêté litigieux violait le principe de la proportionnalité et aurait dû être précédé d’une enquête administrative. L’intéressé, policier expérimenté et gradé, avait soustrait des pièces à conviction saisies par ses collègues, portant ainsi atteinte tant à leur travail qu’au bon déroulement de l’enquête pénale et de la justice. En prenant, puis en enfermant dans son armoire personnelle, des stupéfiants issus d’une saisie, le recourant avait, en outre, porté atteinte à l’image de la police. Il avait, par ailleurs, adopté un comportement contraire à celui attendu d’un représentant des forces de l’ordre dont le rôle consiste, entre autres, à préserver la sécurité et l’ordre publics des dangers émanant du commerce et de la consommation de stupéfiants (art. 1 let. d LStup). Sa faute était certes grave, mais devait être mise en relation avec son parcours professionnel de trente ans au sein du corps de police. Le prononcé d’une sanction moins sévère était apte, d’une part, à faire prendre conscience à M. A______ de la gravité de son acte et, d’autre part, à réparer l’image de la police, la faible quantité et la qualité du stupéfiant subtilisé permettant de nuancer l’atteinte portée à la réputation du corps de police au regard de son parcours professionnel. La révocation prononcée consacrait un abus et un excès du pouvoir d’appréciation par l’intimé.

Non contesté, cet arrêt est entré en force.

13) Le 20 novembre 2020, M. A______ a été informé par son employeur qu’il allait être convoqué à un entretien de service, en vue d’une résiliation des rapports de service. L’État de Genève estimait, à la suite de l’arrêt de la chambre administrative, que les faits du 13 janvier 2018, pour lesquels il avait été reconnu coupable de soustraction d’objets mis sous main de l’autorité au sens de
l’art. 289 CP et d’infraction à l’art. 19 al. 1 let. d LStup, par arrêt de la CPAR du 3 février 2020, n’étaient pas compatibles avec la fonction de policier.

Dans l’intervalle, il était libéré de l’obligation de travailler, ce qui devait être validé par le Conseil d’État.

14) Le 27 novembre 2020, M. A______ a répondu à son employeur que le projet de résiliation des rapports de service « [contournait] le jugement rendu par la chambre administrative ». Il se tenait à disposition de son employeur mais l’informait d’ores et déjà qu’il contesterait toute décision en ce sens.

15) Par arrêté du 20 janvier 2021, le Conseil d’État a libéré M. A______ de son obligation de travailler, cette mesure étant sans incidence sur son traitement. La décision était exécutoire nonobstant recours.

16) Le 1er mars 2021, M. A______ a été convoqué à un entretien de service au sens de l’art. 44 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

Le but était de l’entendre « au sujet de [son] inaptitude à remplir les exigences de son poste, s’agissant notamment des plants de cannabis qu’[il avait] pris dans le garage du poste de D______ » alors qu’ils avaient été saisis en tant que pièces à conviction par ses collègues, la veille dans le cadre d’une enquête de police.

17) Le 25 mars 2021 s’est tenu cet entretien de service, en présence de M. A______, de son avocat, de son responsable hiérarchique direct et des ressources humaines.

L’intéressé a été informé que son employeur envisageait de résilier les rapports de service pour motif fondé selon les art. 21 al. 3 et 22 let. a et b de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), en raison des faits ayant mené à l’arrêt de la CPAR.

18) Le 19 avril 2021, M. A______ a présenté ses observations à la suite de l’entretien de service. Le département avait d’abord tenté de le révoquer à titre de sanction au sens de l’art. 36 al. 1 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) avant de voir sa décision annulée par la chambre administrative, cette sanction ayant été jugée disproportionnée. L’arrêt de la chambre administrative n’avait pas été contesté et aucune autre sanction n’avait été prononcée à son encontre.

Or, le département s’appuyait sur le même complexe de faits pour contourner cet arrêt, par le biais de la résiliation des rapports de service, ce qui arrivait au même résultat que ce qui avait été jugé contraire au droit. Cette attitude relevait d’un nouvel abus du pouvoir d’appréciation par le département, le licenciement supposant une incompétence non fautive que le département n’avait jamais invoquée jusque-là.

Il sollicitait l’abandon de la procédure de résiliation des rapports de service et le prononcé d’une sanction administrative, telle que l’exigeait la chambre administrative dans son arrêt. Le département n’alléguait aucun motif au sens de l’art. 22 LPAC. Les éléments qu’il retenait comme prétendus manquements, d’ailleurs contestés, relevaient tous du même complexe de fait et n’étaient nullement compatibles avec une insuffisance des prestations ou une inaptitude.

19) Par décision incidente déclarée exécutoire nonobstant recours du 12 juillet 2021, le département a ouvert une procédure de reclassement.

Les motifs évoqués lors de l’entretien de service du 25 mars 2021 avaient été établis. Ils étaient constitutifs d’un motif fondé de résiliation. Les éléments retenus dans l’arrêt de la CPAR démontraient qu’il n’était plus apte à la fonction de policier.

Dans ce contexte, plusieurs entretiens se sont tenus entre les ressources humaines et le recourant, les 20 juillet, 2 septembre et 1er novembre 2021, jour de la clôture de la procédure de reclassement.

La direction des ressources humaines a également contacté ses homologues auprès des autres départements de l’État de Genève, ainsi que de la Chancellerie d’État, sans succès, aucun poste vacant n’étant disponible.

20) La clôture de la procédure de reclassement, prolongée jusqu’au 31 octobre 2021, à la demande du recourant, a eu lieu le 1er novembre 2021. Aucune des démarches de reclassement n’ayant abouti, l’employeur envisageait de clore cette procédure et de résilier les rapports de service en se fondant sur les art. 46A al. 6 RPAC et 22 let. b LPAC.

21) Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 11 mars 2022, le département a résilié les rapports de service de M. A______ pour motif fondé, à savoir inaptitude à remplir les exigences du poste, avec effet au 30 juin 2022
(art. 20 al. 3, 21 al. 3 et 22 let. b LPAC).

Sa faute avait rompu le lien de confiance et la collaboration n’était donc plus envisageable.

La procédure de reclassement n’avait pas abouti et les motifs invoqués lors de l’entretien de service du 25 mars 2021 justifiaient une résiliation des rapports de service.

22) Par acte du 2 mai 2022, M. A______ a interjeté recours à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre administrative, concluant principalement à son annulation et à ce que sa réintégration soit ordonnée, ainsi qu’au constat qu’il avait droit à son traitement à compter du 1er juillet 2022.

Préalablement, il a sollicité la restitution de l’effet suspensif au recours, à ce que soit versée à la présente cause la procédure A/4257/2019 clôturée par l’ATA/826/2020, et qu’il soit ordonné au département de produire l’intégralité de son dossier. Il a également conclu à la comparution personnelle des parties.

Subsidiairement, il convenait de constater que la décision du 11 mars 2022 était contraire au droit et de proposer sa réintégration du département. En cas de refus de ce dernier, il sollicitait une indemnité équivalente à vingt-quatre mois de son dernier traitement, avec intérêt à 5 % à compter du 11 mars 2022.

La procédure de résiliation des rapports de service n’avait pas été initiée en parallèle d’une procédure disciplinaire, mais était venue s’y substituer, lorsque son résultat avait été jugé contraire au droit. L’autorité intimée tentait d’obtenir par un moyen détourné ce que la chambre administrative lui avait refusé. Il s’agissait d’un cas d’abus de droit. Ce procédé vidait de son sens la contestation de la révocation. En effet, il suffisait à l’autorité dont la décision était jugée contraire au droit d’entamer postérieurement une procédure de résiliation des rapports de service afin d’infliger la sanction illégale souhaitée.

En outre, l’autorité intimée ne se prévalait que de l’art. 22 let. b LPAC, soit l’inaptitude à remplir les exigences du poste. La décision se basait sur les faits pour lesquels il avait été condamné. Le département retenait un manque de considération pour la fonction et pour le travail de ses collègues et citait l’atteinte à l’image de la police. Or, la chambre administrative avait déjà jugé que l’atteinte portée à l’image du corps de police devait être relativisée étant donné la faible quantité de stupéfiants impliquée dans les agissements du recourant et ses états de service. Aucun élément allégué par le département ne démontrait une inaptitude à remplir les exigences du poste.

Enfin, de nombreux policiers ayant fait l’objet d’une condamnation pénale demeuraient en activité. En tenant à tout prix à exclure le recourant des forces de police, le département violait l’égalité de traitement et faisait preuve d’arbitraire.

23) Par décision du 3 juin 2022, la chambre administrative a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif.

24) Le département a conclu au rejet du recours.

Le recourant avait été reconnu coupable de soustraction d’objets mis sous main de l’autorité (art. 289 CP) et d’infraction à l’art. 19 al. 1 let. d LStup. Ses agissements étaient graves. Ils avaient été accomplis au détriment de l’État de Genève. Le recourant avait manqué à son devoir de loyauté, de fidélité et d’exemplarité.

Les faits litigieux avaient eu des répercussions sur le fonctionnement du service, car son comportement avait porté atteinte au travail de ses collègues et au bon fonctionnement d’une enquête pénale. Par conséquent, la poursuite des rapports de service n’était plus conciliable avec le bon fonctionnement de l’administration. La police ne pouvait garder en son sein un « collaborateur qui commettait des infractions pénales au détriment de son employeur, respectivement qui volait des pièces à conviction placées sous la garde de la police ». Il en allait de la confiance des administrés. De plus, le recourant avait menti à son employeur et aux autorités pénales. Ce faisant, il avait manqué à son devoir de loyauté, de fidélité et d’exemplarité, et démontré qu’il n’était en mesure ni de reconnaître ni d’assumer les graves manquements commis. Son attitude avait rompu tout lien de confiance indispensable à la poursuite des rapports de service.

Certes, la chambre administrative avait jugé qu’une sanction moins sévère que la révocation aurait dû être envisagée, mais elle n’avait pas écarté la possibilité de prononcer une résiliation des rapports de service, dont les conséquences étaient considérées par le Tribunal fédéral comme « moins graves qu’une révocation ». Sur ce point, toute autre sanction qu’une révocation aurait eu pour effet que le recourant conserve son statut de policier, ce qui ne permettait plus le bon fonctionnement de l’administration ni de restaurer la confiance que la population devait avoir en tout temps envers la police. Il ne pouvait donc être imposé à l’État de Genève de maintenir dans ses rangs un policier qui avait agi à l’exact opposé du rôle qui lui avait été confié en tant que représentant des forces de l’ordre. Il en allait de « la crédibilité de l’État ». En outre, l’absence totale de prise de conscience du recourant quant aux faits ne permettait pas d’exclure une récidive.

La résiliation des rapports de service ne poursuivait pas le même but que la révocation, répondait à d’autres conditions et devait être précédée d’une procédure de reclassement. Il ne pouvait donc être affirmé que la décision litigieuse avait vidé de son sens l’annulation de la révocation.

Enfin, le recourant ne pouvait se plaindre d’une violation de l’égalité de traitement, dès lors que les infractions concernant certains de ses collègues étaient réalisées dans le cadre de courses officielles, au service de l’employeur.

25) Dans sa réplique, le recourant a ajouté que dans l’examen de l’inaptitude à remplir les exigences du poste, le département n’invoquait que les faits ayant entrainé sa condamnation pénale. Il s’agissait certes d’une faute, reconnue comme grave mais sans conséquences pour les administrés. L’arrêt cité par le département (ATA/389/2022) différait intégralement de son cas, puisque ses compétences professionnelles et ses qualifications n’étaient pas remises en question par le département. La jurisprudence invoquée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011) ne permettait pas à l’État employeur d’« essayer une voie avant d’emprunter l’autre ».

À cet égard, le raisonnement de l’autorité, qui précisait que la résiliation des rapports de service pouvait intervenir en lieu et place de la révocation, démontrait bien que la résiliation des rapports de service envisagée était une sanction déguisée, et donc un abus de droit.

Enfin, le département violait le principe de la proportionnalité, dès lors qu’il existait des postes moins exposés, si l’employeur craignait réellement la récidive. À ce sujet, la condamnation pénale avait été prononcée avec sursis, ce qui attestait d’un pronostic favorable sans équivoque. Une dégradation ou un changement d’affectation auraient été aptes à assurer le but recherché du bon fonctionnement de l’administration et à restaurer l’image de la police. Le département avait également omis de pondérer son comportement ponctuel et la confiance qui lui avait été témoignée tout au long de sa longue carrière, illustrée notamment par les nombreuses félicitations figurant dans son dossier, ainsi que son âge.

Il n’existait finalement pas de motif fondé, le département n’alléguant pas qu’il serait incapable d’exécuter les tâches qui lui étaient confiées. Son seul argument résidait dans des articles de presse justifiant l’atteinte portée à l’image de la police. Le département invoquait aussi la rupture du lien de confiance. Or, la CPAR avait estimé qu’il fallait distinguer son cas de celui de ses collègues, ce que le département refusait visiblement. En outre, la chambre de céans avait jugé que l’atteinte à l’image de l’institution n’excluait pas le maintien du recourant dans ses fonctions. Le département n’exposait pas en quoi le bon fonctionnement de l’administration serait atteint par l’incident, certes, grave, mais isolé qui lui était reproché. Il n’était d’ailleurs pas allégué que la procédure pénale ayant donné lieu à la saisie de stupéfiants avait été abandonnée ou entravée par son comportement.

26) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite plusieurs mesures d’instruction à titre préalable, soit l’apport de la procédure A/4257/2019, close par l’arrêt ATA/826/2020, la production de l’intégralité de son dossier administratif, ainsi que la comparution personnelle des parties.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1 ; ATA/1173/2020 du 24 novembre 2020 consid. 3a).

b. En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer par écrit devant le département et la chambre de céans, à de multiples reprises. Il a pu produire toutes les pièces utiles. À cet égard, il n’explique pas quels éléments supplémentaires essentiels à la solution du litige et qu’il n’aurait pas pu faire valoir par écrit apporterait son audition. Il en va de même des documents qu’il souhaite voir verser au dossier. Il n’indique par ailleurs pas en quoi ces éléments seraient nécessaires. En outre, les éléments essentiels de la procédure ont été transmis par les parties à la chambre de céans, à l’appui de leurs écritures, l’intimé ayant produit un bordereau de pièces complet, et le recourant ne faisant pas valoir que ce dernier serait lacunaire ou que des pièces déterminantes en seraient absentes. Le dossier contient ainsi suffisamment d’éléments permettant à la chambre de céans de trancher le litige.

Dans ces conditions, il ne sera pas donné suite aux mesures d’instruction supplémentaires sollicitées par le recourant.

3) Le litige porte sur la conformité au droit de la résiliation des rapports de service du recourant. Ce dernier estime tout d’abord que la décision querellée serait constitutive d’un abus de droit de la part du département. Elle contournerait l’arrêt de la chambre de céans du 27 août 2020 qui annulait sa révocation.

a. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi, qui découle du droit du fédéral non écrit (ATF 143 IV 214 consid. 5.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_79/2021 du 9 septembre 2021) implique que l’autorité cantonale à qui la cause est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants en droit de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui déjà été définitivement tranché et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées ou qui l’ont été sans succès (ATF 143 IV 214 consid. 5.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_79/2021 précité consid. 3.1). Ce principe est applicable par analogie au plan cantonal.

c. L’autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel [materielle Rechtskraft]) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée (ATF 142 III 210 consid. 2.1). Il y a identité de l’objet du litige quand, dans l’un et l’autre procès, les parties soumettent au tribunal la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits
(ATF 139 III 126 consid. 3.2.3 ; 116 II 738 consid. 2a). L’identité de l’objet du litige s’entend au sens matériel ; il n’est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique (ATF 142 III 210 précité consid. 2.1 ; 128 III 284 consid. 3b ; 123 III 16 consid. 2a ; 121 III 474 consid. 4a).

Les constatations de fait du jugement attaqué déterminent quelles sont les conclusions formées dans la procédure pendante. Cependant, pour savoir si ces conclusions ont été définitivement tranchées dans un jugement précédent, il convient de se fonder non pas sur les constatations du prononcé attaqué mais sur le jugement précédent, dont le dispositif définit l’étendue de la chose jugée au sens matériel. L’autorité de la chose jugée est limitée au seul dispositif du jugement. Pour connaître le sens et la portée exacte du dispositif, il faut parfois se référer aux considérants en droit du jugement (ATF 142 III 210 consid. 2.2 ;
128 III 191 consid. 4a ; 125 III 8 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2015 du 12 septembre 2016 consid. 3.1).

d. Si la révocation, sanction disciplinaire la plus lourde, prévue à l’art. 36 al. 1 LPol (et à l’art. 16 LPAC), revêt un caractère infâmant et ne peut être prononcée que lorsqu’une faute particulièrement grave a été commise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_47/2013 du 28 octobre 2013), la résiliation des rapports de travail au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC est une mesure administrative qui ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé, aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/506/2022 du 17 mai 2022 ; ATA/294/2022 du 22 mars 2022).

e. L'interdiction de l'abus de droit se déduit du principe de la bonne foi
(art. 2 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210 et art. 9 Cst.) et s'étend à l'ensemble des domaines juridiques (ATF 131 I 185 consid. 3.2.3 ; 130 IV 72 consid. 2.2). L’interdiction de l’abus de droit s’applique ainsi, tout comme la notion de fraude à la loi qui en constitue une composante, en droit administratif (ATF 142 II 206 consid. 2.3). Elle vise non seulement les particuliers, mais aussi l'administration (ATF 110 Ib 332 consid. 3a). L'abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger soit manifeste (ATF 130 IV 72 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_658/2021 du 15 mars 2022 consid. 4.2.1).

f. En l’occurrence, l’arrêt de la chambre administrative du 27 août 2020, dans son dispositif, renvoie le dossier à l’intimé pour qu’il prononce une autre sanction administrative précédée, le cas échéant, d’une enquête administrative. Il convient d’interpréter le dispositif à la lumière des considérants. Il ressort de l’arrêt précité, en particulier du consid. 8, que la sanction administrative prononcée, soit la révocation, consacrait « un abus et un excès du pouvoir d’appréciation du Conseil d’État ». Le prononcé d’une sanction moins sévère était « apte, d’une part, à faire prendre conscience au recourant de la gravité de son acte et d’autre part, à réparer l’image de la police ». En revanche, la chambre administrative ne s’est pas prononcée sur la résiliation pour motifs fondés des rapports de service, question exorbitante à l’objet du litige qu’elle devait trancher à ce moment-là, et qui poursuit un but différent de celui visé par la révocation. Il convient donc de retenir, à la lumière des considérants, que la chambre administrative a invité l’intimé, dans l’hypothèse où il entendait prononcer une sanction administrative, à respecter le principe de la proportionnalité en choisissant une sanction moins sévère. Contrairement à ce que soutient le recourant, l’arrêt du 27 août 2020 n’empêchait pas l’intimé de renoncer à prononcer une sanction et à engager une procédure de résiliation, en respectant les conditions qui y sont attachées. L’autorité de chose jugée ne portait en effet que sur la question de la révocation et non sur celle d’un licenciement pour motif fondé.

Partant, ce grief doit être écarté.

4) Le recourant estime ensuite que la résiliation des rapports de service ne reposerait sur aucun motif fondé.

a. En qualité de policier, le recourant fait partie du personnel de la police
(art. 19 al. 1 LPol). En outre, la LPAC et ses dispositions d'application s'appliquent au personnel de la police, sauf disposition contraire de la LPol (art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 let. c LPAC).

b. Les dispositions topiques s’appliquant aux fonctionnaires peuvent être de deux ordres lorsqu’un comportement lui est reproché, comme en l’espèce : soit l’intéressé fait l’objet d’une sanction disciplinaire en raison d’une violation fautive de ses devoirs de fonction et l’art. 16 LPAC (ou l’art. 36 LPol pour les policiers) est applicable, soit il est licencié pour motif fondé (art. 22 LPAC). Le licenciement pour motif fondé est indépendant de la faute du membre du personnel. En effet, comme déjà mentionné, la résiliation des rapports de service fondée sur cette disposition est une mesure administrative qui ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé, aux exigences relatives au bon fonctionnement de ce dernier (ATA/506/2022 du 17 mai 2022 ; ATA/294/2022 du 22 mars 2022).

Ces deux procédures doivent être distinguées. Lorsqu’elles sont menées en parallèle par l’employeur, elles doivent faire l’objet d’une instruction double et complète, portant sur la violation fautive et sur ses conséquences disciplinaires, d’une part, et sur le motif fondé, d’autre part. La préservation du droit d’être entendu au sens strict et le droit de participer à l’administration des preuves commandent en effet la différenciation de ces procédures (ATA/293/2014 du 25 novembre 2014). Lorsque l'autorité choisit la voie du licenciement ordinaire et non de la révocation disciplinaire, l'employé ne peut se plaindre d'une violation de son droit d'être entendu sur ce choix dans la mesure où le congé ordinaire a un impact moindre que la révocation disciplinaire, laquelle revêt l'aspect d'une peine et a un caractère infamant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du 17 mars 2015) Contrairement à la révocation, le licenciement ne vise pas à sanctionner un employé pour un comportement déterminé, mais à assurer le bon fonctionnement de l'administration (ATA/842/2021 du 24 août 2021).

D’une manière générale, le fonctionnaire doit pouvoir se déterminer autant sur les faits qui lui sont reprochés que sur la sanction ou les conséquences qu’il encourt. Il ne peut se défendre adéquatement s’il ne sait quelle procédure est engagée contre lui (invoquer son droit aux mesures de réinsertion professionnelle en cas de licenciement pour motif fondé, par exemple ; art. 21 al. 3 LPAC), ni participer de manière appropriée à l’administration des preuves (production de pièces, audition de témoins, etc). De même, si un licenciement est prononcé au terme de l’instruction, le motif final et la base légale doivent être clairement déterminés, pour que la personne puisse se défendre dans la procédure de recours.

c. L’employeur peut renoncer d'entrée de cause à utiliser la possibilité qui lui est offerte par la loi de prononcer le licenciement de son employé sur la base de l’art. 22 LPAC. Cependant, s’il change d’avis en cours de procédure, il doit ouvrir une instruction sur l’art. 22 LPAC (réalisation des conditions d’application de cette disposition, tentatives de reclassement, etc ; ATA/785/2012 du 20 novembre 2012).

5) a. À teneur de l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé.

b. Il y a motif fondé au sens de l'art. 22 LPAC, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations
(let. a) ; l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ; la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c). Le motif fondé, au sens de l'art. 22 LPAC, n'implique pas l'obligation pour l'employeur de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/856/2020 du 8 septembre 2020 consid. 6b). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel (ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7a ; Mémorial du Grand Conseil 2005-2006/XI A 10420). Le premier cas de figure visé par la loi est aisé à saisir. Le second concerne par exemple un collaborateur incapable de s'adapter à un changement dans la manière d'exécuter sa tâche. Il en va ainsi de collaborateurs incapables de se former à de nouveaux outils informatiques. Le troisième cas concerne par exemple des collaborateurs frappés d'invalidité et, dès lors, durablement incapables de travailler (Rapport de la commission ad hoc sur le personnel de l'État chargée d'étudier le projet de loi modifiant la LPAC du 29 septembre 2015, PL 7'526-F, p. 3).

Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le Tribunal fédéral admet le recours par le législateur cantonal genevois à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.2 et les références citées).

Selon le Tribunal fédéral, la violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif (soit, pour le canton de Genève, le licenciement pour motif fondé comme dans le cas d’espèce au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC). Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5).

c. Selon la jurisprudence, les motifs fondés de renvoi des fonctionnaires ou d'employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_585/2014 du 29 mai 2015 consid. 5.2).

Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012
consid. 6.3.2 ; ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7b et les références citées ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in
Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015,
pp. 161-162).

S'agissant des devoirs du personnel, les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). L'art. 21 RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de permettre et faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b). Les membres du personnel se doivent, par leur attitude, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c). Quant à l'exécution du travail, ils se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC). Le fonctionnaire doit s'acquitter de sa tâche, dans la mesure qui correspond à ses fonctions, en respectant notamment la légalité et l'intérêt public. Le fonctionnaire doit par ailleurs veiller à la conformité au droit de ses actes ; il lui appartient d'informer ses supérieurs des problèmes qui pourraient se poser et des éventuelles améliorations à apporter au service (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, Vol. III, 2ème éd., 2018, n° 7.3.3.1).

d. Le Tribunal fédéral retient qu'un fonctionnaire, pendant et hors de son travail, a l'obligation d'adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance. Sa position exige qu'il s'abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l'État, en particulier à la confiance du public dans l'intégrité de l'administration et de ses employés, et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l'employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l'attention (arrêt du Tribunal fédéral 8C_252/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.2).

Les exigences liées au comportement d'un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires. Sous peine de mettre en péril l'autorité de l'État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d'assurer le maintien de la sécurité et de l'ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 consid. 3.2.2 ; 8C_252/2018 précité et les références citées).

e. À titre exemplatif, il ressort de la jurisprudence que le Tribunal fédéral a confirmé une résiliation ordinaire, avec préavis de trois mois, d’un gardien de prison (surveillant-chef adjoint de piquet) qui n’avait pas signalé une bagarre à la relève. Dans le contexte professionnel d’un établissement pénitentiaire, les manquements revêtaient une gravité particulière. Les conditions de renvoi étaient réunies sans qu’un avertissement préalable soit nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_82/2013 du 3 décembre 2013).

De même, le licenciement, avec un préavis de trois mois, d’un agent de police municipal qui avait porté une accusation grave et infondée à l’encontre de son supérieur hiérarchique, a été confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 8C_615/2012 du 25 septembre 2012).

Il ressort de la jurisprudence du Tribunal fédéral que les fonctionnaires ne doivent commettre ni crime ni délit passibles de condamnation devant les tribunaux pénaux, au moins dans la mesure où il s'agit de délits dénotant une attitude incompatible avec la fonction publique (arrêt du Tribunal fédéral 2A.515/1995 du 6 septembre 1996 consid. 3a/bb et les références). Pour examiner le préjudice subi par une autorité du fait de la condamnation pénale d'un collaborateur, il faut tenir compte de la fonction exercée, de la nature de l'infraction, de sa gravité et de la durée de la peine ainsi que de l'impact du comportement incriminé sur le public (arrêt du Tribunal fédéral 2A.515/1995 précité consid. 3b et les références). De manière plus générale (indépendamment de l'issue de la procédure pénale), il faut distinguer les événements occasionnels, sans indice de récidive, des agissements durables ou répétés dans le temps. Il y a également lieu de tenir compte du laps de temps entre les actes incriminés et leur connaissance par l'employeur, en particulier lorsqu'entre-temps, ils n'ont pas eu d'impact sur la qualité du travail fourni et la capacité de l'employé à remplir les exigences du poste. Enfin, si l'on attend davantage d'exemplarité de la part d'un haut collaborateur, la question du rang occupé perd en importance lorsque la gravité des faits reprochés est particulièrement lourde. En tout état de cause, pour qu'un licenciement se justifie, il faut que l'infraction ait eu, selon une appréciation objective, un impact négatif tel sur la qualité du travail, sur le climat de travail ou sur la réputation de l'employeur public que l'on ne peut plus raisonnablement exiger de lui qu'il poursuive les rapports de service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_612/2022 du 19 mai 2022 consid. 6.2.2 ; Peter HÄNNI, Öffentliches Dienstrecht und Strafrecht, in Droit pénal et diversité culturelle, 2012, p. 249).

f. Selon la jurisprudence, le principe ne bis in idem est un corollaire de l'autorité de chose jugée, appartenant avant tout au droit pénal fédéral matériel. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_539/2020 du 28 décembre 2020 consid. 4.1 ; 2C_226/2018 du 9 juillet 2018 consid. 5.1). La référence à ce principe n'est d'aucune pertinence lorsque le recourant n'a pas subi deux sanctions disciplinaires à raison des mêmes faits (arrêt du Tribunal fédéral 2P.56/2004 du 4 novembre 2004 consid. 3.6), mais l'est dans le cas contraire (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., N 1206).

g. L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. Les rapports de service étant soumis au droit public (ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 8 ; ATA/82/2014 du 12 février 2014 consid. 11 et les références citées), la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) et de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. ; ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4e ; ATA/562/2020 du 9 juin 2020 consid. 6e et les références citées).

Traditionnellement, ce dernier principe exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

L'État et les communes sont tenus, d'une part, d'agir dans l'intérêt public et, d'autre part, de prendre en considération les intérêts privés de leurs fonctionnaires. Ils doivent, dans leur politique du personnel, comparer les deux intérêts en cause. Ainsi, lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a de justes motifs de licenciement, il convient de comparer l'intérêt public à se séparer d'un collaborateur avec l'intérêt de ce dernier à conserver son emploi. Il faut en outre tenir compte de la nécessité de l'existence d'un rapport de confiance entre l'autorité et ses collaborateurs. Tenus, vis-à-vis de l'ensemble de la population, d'assurer le respect du droit, l'État et les communes doivent pouvoir s'en remettre sans hésiter aux fonctionnaires qu'ils chargent d'assumer leurs tâches (ATA/148/2018 du 20 février 2018 consid. 8g ; ATA/308/2017 du 21 mars 2017 consid. 6f et les arrêts cités ; Philippe BOIS, La cessation des rapports de service à l'initiative de l'employeur dans la fonction publique, RJN 1983 p. 27).

À titre exemplatif, dans une affaire genevoise concernant un sergent-major instructeur de la police municipale et référent de l'école municipale y relative, ayant de bons états de service et dont les messages incriminés constituaient un acte isolé, le Tribunal fédéral a confirmé que le licenciement immédiat pour justes motifs était une sanction disproportionnée au vu, d'une part, de la gravité de la faute de l'intéressé et de l'absence d'antécédents et, d'autre part, de la possibilité de prendre d'autres mesures propres à atteindre le but visé, telles que la voie disciplinaire ou le changement d'affectation d'office. Selon le Tribunal fédéral, il existait un intérêt public considérable à sanctionner les manquements de l'intéressé, dont la gravité était particulièrement lourde pour un cadre de la police en charge de la formation des agents de la police municipale. Les autres mesures à disposition de l'autorité constituaient des mesures moins incisives que le licenciement immédiat pour atteindre les buts visés. Le fait qu'une autorité cantonale de recours annule, par un jugement entré en force, la décision de licenciement immédiat rendue par l'employeur public ne s'opposait pas en soi à ce que celui-ci résilie ensuite de manière ordinaire les rapports de travail sur la base du même état de fait, l'autorité de la chose jugée ne portant que sur la question du licenciement immédiat et non sur celle d'un éventuel licenciement pour motif objectivement fondé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.3, 5.3.6 et 5.4).

6) La procédure de reclassement est réglée à l’art. 46A RPAC, qui prévoit que lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d’entretiens de service, un reclassement selon l’art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). En cas de refus, d’échec ou d’absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).

Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise. La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/1782/2019 du 10 décembre 2019 consid. 13e).

7) a. La jurisprudence pose le principe selon lequel l’autorité administrative est en principe liée par les constatations de fait d’un jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés. Si les faits retenus au pénal lient donc en principe l’autorité et le juge administratifs, il en va différemment des questions de droit et de l’appréciation juridique à laquelle s’est livrée le juge pénal (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 7f et les références citées).

b. Lorsque les faits reprochés à un membre du personnel peuvent faire l’objet d’une sanction civile ou pénale, l’autorité disciplinaire administrative applique, dans les meilleurs délais, les dispositions des art. 16 (sanctions disciplinaires), 21 (résiliation des rapports de service) et 27 (enquête administrative) LPAC.

8) a. En l’espèce, il convient d’examiner en premier lieu si les comportements reprochés au recourant sont susceptibles de rendre la poursuite des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de la police, comme le soutient le département, qui jouit en la matière d’un large pouvoir d’appréciation.

L’employeur a indiqué de façon claire les raisons pour lesquelles le comportement du recourant avait rompu le rapport de confiance, notamment le fait que l’exercice de la profession de policier repose sur un ensemble de principes et de valeurs dont le respect et l’exemplarité sont les fondements tant entre l’employeur et les membres du personnel, qu’entre ces derniers et la population, que le recourant avait démontré peu de respect vis-à-vis de son employeur et du travail de ses collègues, ainsi que de son poste de chef de groupe, et de la tardiveté, voire l’absence de prise de conscience. Il a expliqué de manière convaincante que la gravité de la faute ne permettait plus la poursuite de la relation de travail. En effet, le recourant avait non seulement soustrait des plants de cannabis, qui provenaient d’une saisie et étaient des pièces à conviction dans une enquête en cours, mais également esquivé voire menti au collègue qui l’avait interpellé dans le vestiaire, pour expliquer le fait qu’il tenait des plants dans sa main et du fait que, comme il le prétendait, il les aurait trouvés sur le sol et qu’il cherchait à les remettre en place, alors qu’il savait pertinemment qu’il n’avait rien à faire dans le vestiaire avec des pièces à conviction, a fortiori dans son armoire personnelle. Sa version des faits, soit qu’il avait oublié les plants dans son casier et qu’il souhaitait enquêter sur leur provenance n’était pas crédible, étant précisé que le simple fait de déposer les plants dans son armoire personnelle était un acte inusuel qui ne pouvait s’oublier en quelques secondes. Il n’avait au demeurant pas informé le chef de groupe de la relève du fait qu’il avait pris des plants, alors qu’il était resté encore un moment au poste pour un apéritif de fin de service. Confronté le lendemain, il avait en outre minimisé son comportement. Il n’avait fait preuve d’aucune prise de conscience et avait menti à son employeur, tout en étant incapable d’expliquer de manière cohérente son attitude. Son comportement et son attitude étaient contraires à ce qui était attendu d’un représentant des forces de l’ordre, dont le rôle consistait justement à préserver la sécurité et l’ordre publics notamment du trafic et de la consommation de stupéfiants.

Pour ces faits, le recourant a été condamné pour soustraction d’objets mis sous main de l’autorité et pour infraction à l’art. 19 al. 1 let. d LStup, à une peine pécuniaire de nonante jours-amende, avec sursis. Le recourant estime qu’il ne s’agissait que d’un événement isolé dans sa longue carrière, mais comme l’autorité intimée l’a relevé à juste titre, ses comportements constituaient un cumul de mauvaises décisions, dont chacune prise séparément était déjà incompatible avec les devoirs d’un policier. Son mobile était égoïste. Il a porté atteinte de ce fait à l’enquête pénale, à la justice, au travail de ses collègues et en particulier à l’image du corps de police. En outre, sa qualité de chef de groupe et son expérience de policier font apparaître son comportement comme grave. Certes, le recourant peut se prévaloir d’une longue carrière et de bons états de service, mais ces derniers éléments ne peuvent l’exonérer des manquements précités. Son devoir de fidélité envers son employeur aurait par ailleurs prescrit qu'il rapporte sans tarder et de façon véridique les faits à sa hiérarchie au lieu de les dissimuler.  

Compte tenu du fait que l’employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration, ce dernier pouvait considérer, au vu de ce qui précède, que les manquements reprochés au recourant étaient graves, résultant de la réitération de plusieurs comportements inadéquats, incompatibles avec la fonction de policier, et étaient de nature à ébranler la confiance placée en lui. Cela à plus forte raison que le recourant était une personne expérimentée, occupant une fonction d’encadrement. L’employeur était ainsi fondé, sans excéder ni abuser de son pouvoir d’appréciation, à considérer que la poursuite des rapports de service était incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration, ceci même si ses états de service ne prêtaient, jusqu’à la survenance des faits en cause, pas le flanc à la critique, élément que l’autorité intimée a pris en compte dans le prononcé de la décision litigieuse. Il sera à cet égard rappelé que les exigences liées au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires, ces derniers assurant le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exerçant à ce titre une part importante de la puissance publique.

b. Reste à examiner si le licenciement respecte le principe de la proportionnalité. En l’occurrence, le licenciement est apte à assurer le bon fonctionnement de la fonction publique, notamment au vu du poste concerné, du respect du travail des collègues et de la nécessité que le public conserve la confiance en ses agents de police. On ne voit en outre pas quelle autre mesure le département pouvait prendre, même sous l’angle d’éventuelles sanctions, comme par exemple un retour au statut d’employé, au vu de la condamnation pénale du recourant, pour des infractions ayant une influence directe sur la fonction de policier, et de son attitude, au regard en particulier de la rupture du lien de confiance, détaillée par l’employeur. En effet, toutes les autres mesures possibles, notamment disciplinaires, auraient eu pour effet que le recourant puisse conserver son statut de policier, alors même qu’au vu des faits qui lui étaient reprochés, la confiance de son employeur
était – à juste titre – définitivement rompue. L’autorité intimée peut être suivie quand elle considère que la rupture du lien de confiance est telle qu’il ne « puisse lui être imposé de maintenir dans ses effectifs un policier ayant agi à l’exact opposé du rôle qui lui a été confié en tant que représentant des forces de l’ordre ». Dès lors, la nécessité d’assurer le bon fonctionnement de la police ne pouvait que conduire, vu la rupture du lien de confiance précitée et en l’absence d’une autre mesure moins incisive, comme par exemple un retour au statut d’employé, qui impose également de pouvoir se fier à celui-ci, à la résiliation des rapports de service dans le respect du délai de congé légal.

Enfin, au vu de la jurisprudence précitée, du fait qu’il s’agit d’un licenciement ordinaire et du caractère aisément reconnaissable de l’inadéquation du comportement adopté, malgré la longue carrière du recourant au sein de l’État, le principe de la proportionnalité au sens étroit est aussi respecté. L’absence d’antécédents, la longue carrière du recourant, ainsi que ses bons états de service ne permettent pas de modifier la conclusion précitée.

Quant à la procédure de reclassement, qui concrétise aussi le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.3.3), elle ne souffre d’aucune critique de la part du recourant et apparaît avoir été effectuée de manière conforme au droit, compte tenu des circonstances.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’intimé était en droit de résilier les rapports de service du recourant pour motifs fondés, à savoir l’inaptitude à remplir les exigences du poste, et ce avec effet au 30 juin 2022, dans le respect du délai fixé à l’art. 20 al. 3 LPAC, au vu de la rupture du lien de confiance, la poursuite des relations n'était pas dans l'intérêt de l'État, et ce malgré les qualités professionnelles démontrées par l'intéressé jusqu’aux faits litigieux.

Enfin, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il soutient que la résiliation des rapports de service constituerait une sanction déguisée. Comme cela a déjà été exposé, la résiliation n’est ici pas intervenue à titre de sanction, mais en raison de la rupture du lien de confiance consécutive à l’inaptitude du recourant à remplir les exigences du poste compte tenu de son attitude et de l’absence d’explications apportées.

9) a. Le recourant soulève ensuite le grief de violation du principe de l’égalité de traitement. Selon lui, la pratique du département permettrait que des policiers sous le coup d’une condamnation pénale demeurent en activité. Sa condamnation ne s’opposerait donc pas à ce qu’il soit maintenu dans une fonction au sein de la police, voire du département.

b. Aux termes de l’art. 8 al. 1 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Une décision ou un arrêté viole cette garantie lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l’État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais les dénie à une autre qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.5.1).

La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst., si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. Il ne suffit toutefois pas qu’une autre solution paraisse concevable, voire préférable. Pour qu’une décision soit annulée, elle doit se révéler arbitraire non seulement dans ses motifs, mais également dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; 138 I 49 consid. 7.1). Selon le Tribunal fédéral, l’inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 129 I 1 consid. 3 ; 127 I 185 consid. 5 ; 125 I 1 consid. 2b.aa).

c. En l’espèce, le recourant ne porte pas à la connaissance de la chambre de céans des exemples de fonctionnaires occupant la même fonction que lui, qui auraient, par des actes s’approchant de ceux qui lui sont reprochés, violé leurs devoirs de service, justifiant le prononcé d’une condamnation pénale similaire mais qui auraient rencontré plus de mansuétude de la part de l’intimé. Contrairement aux affirmations du recourant, la situation de policiers condamnés pénalement pour des excès de vitesse lors de courses officielles diffère de son cas, ces derniers officiant dans le cadre de leurs missions et agissant dans un but d’intérêt public. Le recourant n’a par ailleurs pas démontré l’existence d’une pratique illégale du département en matière de résiliation ordinaire des rapports de service. Il échoue en conséquence à prouver que ce dernier aurait violé le principe de l’égalité de traitement et son grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

10) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.-, qui comprend la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 11 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de procédure de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- :

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Charles Piguet, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf, Payot Zen-Ruffinen, Lauber, McGregor, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :