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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1053/2000

ATA/360/2001 du 29.05.2001 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : CHANGEMENT D'AFFECTATION; PERMIS DE CONSTRUIRE; AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; HANGAR AGRICOLE; ZONE AGRICOLE; HAMEAU; EQUIPEMENT(CONSTRUCTION); INCONVENIENT MAJEUR; ESTHETIQUE; tpe
Normes : LCI.14; LAT.19 al.1; LAT.24D; LALAT.22 al.1
Parties : VON NIEDERHAUSERN Willy / GALLAY Laurent, FONTAINE Jean-Marc, COMMISSION DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT
Résumé : Un bâtiment en zone agricole inscrit à l'inventaire et dans un état de délabrement avancé peut être rénové et transformé en habitation en accord avec les dispositions fédérales et cantonales du droit de l'aménagement du territoire. La parcelle est équipée. L'augmentation de la circulation liée à une maison individuelle ne saurait constituer un inconvénient grave. Enfin, le projet qui s'intègre au hameau, ne viole pas la clause d'esthétique.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 29 mai 2001

 

 

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur Willy VON NIEDERHÄUSERN

représenté par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

Monsieur Laurent GALLAY

représenté par Me Bruno Mégevand, avocat

 

Monsieur Jean-Marc FONTAINE

représenté par Me Pierre Daudin, avocat



EN FAIT

 

1. M. Willy Von Niederhäusern est propriétaire de la parcelle n° 2036, et son épouse de la parcelle n° 2706, feuille 3 de la commune de Cartigny.

 

Monsieur Laurent Gallay est propriétaire des parcelles voisines n° 202 et 235; il est de plus nu-propriétaire de la parcelle n° 200, dont il a donné l'usufruit à ses filles, Mmes Claire-Lise Desbaillets et Laurence Girardin.

 

Ces terrains sont tous situés à la route de Vorpillaz et constituent une partie du hameau de la Petite-Grave, actuellement en zone agricole, sur la commune de Cartigny. Un projet de modification de zone, visant à déclasser une partie des terrains concernés en zone 4B protégée, est en cours d'étude au Grand Conseil.

 

2. La parcelle des époux Von Niederhäusern, ainsi que la parcelle n° 200 appartenant à M. Gallay, supportent des bâtiments contigus anciens; celui sis sur la parcelle n° 200 est inscrit à l'inventaire, qui précise qu'il s'agit d'une "ferme genevoise traditionnelle réunissant sous un même faîte l'écurie, la grange et l'habitation".

 

3. Le 5 août 1994, M. Gallay a sollicité du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le DAEL ou le département) l'autorisation de transformer le bâtiment précité, sis sur la parcelle n° 200. Cette autorisation a été accordée le 6 février 1995, après que le projet eut été adapté selon les indications de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : la CMNS) et de la commune.

 

4. a. Le 13 mars 1995, les époux Von Niederhäusern ont saisi la commission de recours en matière de constructions (ci-après : la commission de recours). L'autorisation litigieuse violait l'article 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700); le projet nécessitait que des pièces de bois soient appuyées sur le mur mitoyen, ce qui ne pouvait être fait sans sa permission.

 

Des litiges civils ayant opposé les parties, la procédure est restée en l'état, jusqu'à ce que M. Gallay en demande la reprise, le 8 mars 1999.

 

b. Un autre voisin, M. Jean-Marc Fontaine, a aussi saisi la commission de recours.

 

5. Par décision du 15 août 2000, la commission de recours a rejeté les recours après avoir effectué un transport sur place, sans toutefois dresser de procès-verbal.

 

Les problèmes civils qui opposaient les époux Von Niederhäusern à M. Gallay ne nécessitaient pas la suspension de la procédure. Ils portaient sur des questions d'accès au bâtiment à rénover. Un accès suffisant était en tout état possible sur des terrains maîtrisés par M. Gallay.

 

Le bâtiment à transformer avait déjà été partiellement utilisé pour l'habitation, par le passé selon les constatations des parties. Il n'avait plus de vocation agricole. De plus, un projet de modification de zone était à l'étude. Le changement partiel d'affectation entraîné par le projet n'était dès lors pas contraire aux normes relatives à l'aménagement du territoire.

 

Les nuisances que l'occupation du bâtiment pourraient créer pour les époux Von Niederhäusern ne constituaient pas des motifs suffisants pour interdire le projet au sens de l'article 14 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

 

6. Le 25 septembre 2000, M. Von Niederhäusern a saisi le Tribunal administratif. Il reprochait à la commission de recours d'avoir effectué un transport sur place sans tenir de procès-verbal. D'autre part, le fait d'affecter une grange à l'habitation était contraire aux dispositions fédérales sur l'aménagement du territoire. Le bâtiment en question était situé en zone agricole, et il n'était pas possible d'appliquer par anticipation un éventuel déclassement avant son adoption. Au vu de l'importance des travaux, qui modifiaient complètement l'intérieur du bâtiment, il s'agissait d'un changement d'affectation contraire à l'article 24 LAT. Au surplus, la parcelle en question n'était équipée ni en voies d'accès, ni en canalisations, ce qui était contraire à ladite loi fédérale. Il n'était pas possible de construire des canalisations sans violer l'arrêt que le Tribunal fédéral avait rendu entre les parties, concernant l'utilisation du terrain qui faisait face à son bâtiment.

 

L'article 14 LCI était violé, car la création d'une habitation individuelle augmenterait de manière sensible le trafic à côté de la résidence des recourants. L'absence d'isolation phonique entre les bâtiments violait la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41.). Au surplus, le bâtiment projeté était inesthétique et ne s'inscrivait pas dans le hameau existant. Les préavis rendus par la commune et la CMNS, même favorables, faisaient ressortir de nombreuses réserves.

 

7. Le département s'est opposé au recours le 14 novembre 2000. L'absence de procès-verbal pouvait aisément être réparé si le Tribunal administratif procédait à un transport sur place. Bien qu'un litige civil opposât les parties, M. Gallay disposait d'un accès suffisant au bâtiment dont la rénovation était projetée, même en n'utilisant pas les terrains faisant l'objet du litige civil devant le Tribunal fédéral.

 

Le bâtiment litigieux avait déjà connu une affectation à l'habitation, et seules la grange et l'étable feraient l'objet d'un changement de destination. Le projet était dès lors conforme au droit fédéral et cantonal pertinents, surtout en tenant compte de la nouvelle teneur de l'article 24 LAT, qui autorisait un changement complet d'affectation de constructions ou d'installations dignes d'être protégées, à condition qu'elles soient effectivement placées sous protection par l'autorité compétente et que leur conservation à long terme ne puisse être assurée d'une autre manière.

 

8. M. Gallay s'est aussi opposé au recours. M. Von Niederhäusern avait indiqué, lors de son audition devant la commission de recours, que le projet était conforme à l'harmonie des lieux, et qu'il s'y opposait en raison des nuisances pouvant en découler. Au surplus, le projet était conforme au droit fédéral, et les terrains suffisamment équipés. Les nuisances sonores liées au chantier et celles dues à l'utilisation de l'habitation à édifier ne pouvaient entraîner le refus du projet. L'augmentation de trafic ne pouvait être qualifiée de sensible. Au surplus, les critiques des époux Von Niederhäusern sur l'esthétique du bâtiment manquaient de poids face aux préavis réunis auprès des commissions compétentes.

 

9. Le 12 février 2001, le Tribunal administratif a procédé à un transport sur place, dont le procès-verbal a été soumis aux parties afin qu'elles y apportent les précisions et corrections qu'elles jugeaient nécessaires, ce qu'elles n'ont pas manqué de faire.

 

Le juge délégué à l'instruction de la cause a constaté que le bâtiment de M. Gallay était en fort mauvais état. Pénétrant prudemment à l'intérieur de l'immeuble, les participants au transport sur place ont remarqué un bric à brac d'objets déposés, ainsi que des restes de cheminées, une pierre à eau dans l'entrée et des vestiges de carreaux en terre cuite rouge sur le sol.

 

S'agissant des accès, le juge délégué a constaté qu'il serait possible d'arriver à la parcelle soit en passant devant le bâtiment de M. Von Niederhäusern, ce que le Tribunal fédéral a en l'état interdit, soit en passant par le jardin des parcelles n° 202 ou 2035, propriétés de l'intimé.

 

Selon les derniers projets de déclassement, lesdites parcelles resteraient en zone agricole.

 

10. Informé de tous les actes de la procédure, M. Fontaine a déclaré qu'il n'avait pas d'observations à formuler.

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Le respect du principe du droit d'être entendu fait obligation aux autorités juridictionnelles de tenir un procès-verbal lorsqu'elles procèdent à un transport sur place. Toutefois, ce vice peut être réparé lorsque l'autorité supérieure procède elle-même audit acte, comme cela a été le cas en l'espèce.

 

Dès lors, ce grief sera rejeté.

 

3. a. Selon l'article 24d LAT, le droit cantonal peut autoriser l'utilisation de bâtiments d'habitation agricoles conservés dans leur substance à des fins d'habitation sans rapport avec l'agriculture. Il peut aussi autoriser le changement complet d'affectation de constructions ou d'installations jugées dignes d'être protégées, à condition que celles-ci aient été placées sous protection par l'autorité compétente, et que leur conservation à long terme ne puisse être assurée d'une autre manière. Ces dispositions, introduites par une modification législative du 20 mars 1998 et en vigueur depuis le 1er septembre 2000, sont directement applicables aux procédures d'autorisation de construire en cours.

 

b. Dans le canton de Genève, l'article 22 alinéa 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L 1 30) prévoit que le changement de destination d'une construction à vocation agricole pour y réaliser du logement ou des activités rurales et villageoises compatibles quant à leur nature et leur importance avec le caractère des lieux peut être autorisé, dans les hameaux, dans la mesure où aucun intérêt prépondérant de l'agriculture n'est lésé.

 

c. En l'espèce, le bâtiment où des travaux sont prévus est inscrit à l'inventaire, ce qui indique que l'autorité compétente l'a reconnu comme étant digne d'être protégé (art. 7 et 4 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin l976 - LPMNS - L 4 05). De plus, la CMNS a émis un préavis favorable à l'autorisation sollicitée, les réserves qu'elle avait émises ayant de plus été prises en compte avant la délivrance de l'autorisation de construire.

 

d. Par ailleurs, le Tribunal administratif a pu constaer, lors du transport sur place, que le bâtiment est dans un état de délabrement avancé. Situé à l'intérieur d'un hameau, il est manifeste que sa conservation ne peut être assurée que par la réalisation des travaux projetés par M. Gallay.

 

Dès lors, le grief relatif à une violation des dispositions fédérales et cantonales du droit de l'aménagement du territoire sera rejeté, sans que l'utilisation antérieure du bâtiment ne soit déterminante.

 

4. Le recourant soutient que le projet ne peut être autorisé du fait du défaut d'équipements et de voies d'accès.

a. Selon l'article 22 alinéa 2 lettre b LAT, aucune construction ne peut être autorisée si le terrain n'est pas équipé. L'équipement est la condition nécessaire - et non pas suffisante - à laquelle est subordonné tout octroi d'autorisation de construire (Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Office fédéral de l'aménagement du territoire, 1981 p. 231).

 

b. L'article 19 alinéa 1 LAT dispose qu'un terrain est réputé équipé, notamment lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès. Cette prescription importante vise avant tout des buts de police (santé, transports, feu). Les voies d'accès, notamment, doivent permettre d'assurer la sécurité du trafic et de garantir le libre accès des services publics de secours aux biens-fonds privés (ATA B. du 28 mars 1990). En outre, un terrain est équipé au sens du droit fédéral lorsque l'aménagement d'un accès suffisant à la construction future est techniquement possible et juridiquement probable (ATA B. du 28 juillet 1998; G.-R. du 20 juillet 1993).

c. Etudiée à la lumière de ce qui précède, la parcelle de M. Gallay et équipée. En effet, l'aménagement d'un accès suffisant à la construction ne pose pas de problème. De plus, et bien que des questions de droit privé n'aient pas à être traitées par le Tribunal administratif, le Tribunal fédéral a constaté, dans un arrêt rendu entre les parties le 14 juillet 2000, que l'accès entre la parcelle n° 200 et la voie publique peut se faire par les parcelles n° 202 et 2035, ce dont l'autorité de céans a pu s'assurer lors du transport sur place.

 

Dès lors, ce grief sera aussi rejeté.

 

5. Le recourant reproche au projet de violer l'article 14 LCI, car la création d'une habitation individuelle augmenterait d'une manière sensible le trafic et que l'accès pourrait entraîner un danger pour la circulation.

 

a. Les dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances n'ont plus de portée propre dans les domaines réglés par le droit fédéral (ATF 117 Ib 157; 113 Ib 220). En effet, les inconvénients graves pour le voisinage sont tout d'abord examinés en regard du droit fédéral sur la protection de l'environnement (ATA B. et C. du 17 mai 1992) qui règle depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) la protection des personnes contre les atteintes nuisibles et incommodantes telles que notamment les pollutions atmosphériques et le bruit (art. 1 et 7 al. 1 LPE). Aux termes de l'article 25 alinéa 1 LPE, de nouvelles installations fixes ne peuvent être construites que si les immissions causées par le bruit de ces seules installations ne dépassent pas les valeurs de planification dans le voisinage; l'autorité qui délivre l'autorisation peut exiger un pronostic de bruit. L'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) précise ces exigences. Selon l'article 36 OPB, l'autorité d'exécution détermine les immissions de bruit extérieur d'une installation fixe ou ordonne leur détermination, si elle présume que les valeurs limites d'exposition y relatives sont dépassées ou qu'elles pourraient l'être. Le bruit doit être déterminé de cas en cas en fonction de la situation concrète (ATF 117 Ib 125).

 

Les dispositions cantonales ou communales d'urbanisme conservent une portée propre en tant qu'elles règlent le point de savoir si une construction peut être érigée à l'endroit prévu et être vouée à sa destination. C'est encore le droit cantonal qui peut édicter les prescriptions relatives au mode et à l'intensité de l'utilisation des parcelles, élément déterminant pour le caractère d'un quartier; de telles prescriptions peuvent également servir indirectement à la protection des voisins contre les nuisances de toute sorte (ATF 118 Ia 112).

 

Ainsi, l'article 14 lettre e LCI qui tend à lutter contre un type de nuisances secondaires, tels que les difficultés de la circulation et le danger pour la sécurité humaine qui lui sont liées, conserve une portée propre. Il en va de même de l'article 14 lettre a LCI dans la mesure où les inconvénients invoqués se rapportent uniquement à la circulation et au stationnement des véhicules (SJ 1992 p. 517; ATA D. du 20 décembre 1994 et les références citées).

 

b. En l'espèce, ce grief apparaît purement et simplement téméraire. S'agissant de la rénovation d'un bâtiment pour y créer une habitation individuelle, il n'est pas pensable que l'augmentation de la circulation soit suffisante pour créer des nuisances secondaires graves pour mettre en danger la sécurité du trafic, ainsi que le Tribunal administratif l'a constaté en se rendant sur place.

 

6. M. Von Niederhäusern soutient ensuite que le projet violerait l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41.), car aucune isolation phonique ne serait prévue. A nouveau, ce grief apparaît téméraire. Il n'est pas nécessaire d'effectuer de longs développements juridiques et techniques pour admettre que la rénovation d'un bâtiment aux fins d'y installer une habitation individuelle dans un hameau ne peut violer l'OPB. A cet égard, le Tribunal administratif relève que le recourant n'amène aucun élément concret permettant de penser que ladite ordonnance serait violée.

 

7. En dernier lieu, le recourant reproche au projet de ne pas s'inscrire dans le cadre architectural du hameau, violant ainsi l'article 15 LCI.

 

a. Le département peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur, nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public. La décision du département se fonde sur le préavis de la CMNS qui tient compte, le cas échéant, de ceux émis par la commune et par les services compétents du département (article 15 alinéa 1 et 2 LCI).

 

b. La protection des monuments et des sites naturels ou bâtis, en particulier contre des modifications ou des adjonctions inesthétiques, répond en principe à un intérêt public (ATF 118 Ia 388, consid. 5a p. 389; 116 Ia 49; 115 Ia 370, consid. 3a p. 373). La question de l'enlaidissement éventuel d'un site par une construction projetée ne doit pas être résolue en fonction du sentiment subjectif de l'autorité : chaque cas doit être examiné sur la base de critères objectifs et scientifiques, tenant compte de la valeur esthétique des constructions et du paysage concernés (ATF 100 Ia 82 consid. 5 p. 87; ATF D. du 4 octobre 1993).

 

Il faut placer le projet considéré dans le contexte du quartier tel qu'il s'est développé jusqu'ici. L'autorité ne peut se borner à faire état d'une pratique adoptée depuis plusieurs années, sans la justifier au regard des dispositions topiques et sans examiner si la création des ouvertures envisagées peut effectivement porter préjudice au développement esthétique du quartier (ATF 100 Ia 82 consid. 5 p. 87-88).

 

c. La clause d'esthétique de l'article 15 LCI constitue une notion juridique indéterminée, laissant un certain pouvoir d'appréciation à l'administration, celle-ci n'étant limitée que par l'excès et l'abus de pouvoir. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif, bien que leur rôle soit le plus souvent considéré comme important dans l'appréciation du dossier (Mémorial des séances du Grand Conseil 1988 II p. 1640). En particulier, le préavis de la CMNS, qui est composée de spécialistes en matière d'architecture et d'urbanisme, émis à l'occasion d'un projet concret, revêt un poids prépondérant (ATA H. du 2 mars 1999 et réf. cit.; T. TANQUEREL, "La pesée des intérêts vue par le juge administratif" publié in La pesée globale des intérêts, A. MORAND et al., 1996, p. 201).

 

Le Tribunal administratif a de plus relevé à plusieurs reprises qu'il apprécie librement le caractère esthétique d'une construction lorsque, d'une part, il a lui-même procédé à un transport sur place et que, d'autre part, il a affaire à des préavis divergents, ou lorsque les préavis sont empreints d'éléments subjectifs sortant du cadre de la seule appréciation de l'impact d'une construction dans le site, auquel cas ils doivent être écartés du débat (ATA S.A. de l'immeuble des Amis de l'Instruction du 16 mai 1990; ATA S. du 4 mai 1999).

 

d. En l'espèce, la CMNS a préavisé favorablement le projet, sous réserve de modifications. Ultérieurement, le service des monuments et des sites n'a plus émis d'objection au projet, sous réserve de la modification de la dimension du châssis de toiture et de la soumission pour approbation du détail du traitement de certaines ouvertures. La commune, de son côté, a émis un préavis favorable au premier projet, comportant quelques réserves. Ultérieurement, le projet a été retravaillé, puisque celui autorisé porte le numéro 3. La commission de recours a procédé à un transport sur place, d'aucune utilité puisqu'aucun procès-verbal n'y a été tenu. De son côté, le Tribunal administratif a aussi effectué un transport sur place, qui lui a permis de s'assurer que le projet s'intégrait effectivement dans le hameau. Dès lors, ce grief sera aussi rejeté.

 

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Le recourant est formellement averti que si, dans d'autres procédures, il devait à nouveau soumettre au Tribunal administratif des griefs téméraires, une amende pour emploi abusif des procédures lui serait infligée (art. 88 LPA).

 

Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à M. Gallay, et un émolument de CHF 2'000.- sera perçu, tous deux à la charge du recourant. Aucune indemnité ne sera allouée à M. Fontaine, qui n'y a pas conclu.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 25 septembre 2000 par Monsieur Willy Von Niederhäusern contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 15 août 2000;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2'000.-;

 

alloue une indemnité de CHF 2'000.- à M. Gallay, à la charge de M. Von Niederhäusern;

 

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

 

communique le présent arrêt à Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, ainsi qu'au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, à Me Bruno Mégevand, avocat de M. Laurent Gallay et à Me Pierre Daudin, avocat de M. Jean-Marc Fontaine.

 


Siégeants : M. Schucani, président, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, M. Thélin, juges, M. Peyrot, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci