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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/708/2015

ATA/1027/2021 du 05.10.2021 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;CONSULTATION DU DOSSIER;MOTIVATION DE LA DÉCISION;CHANGEMENT D'AFFECTATION;POLICE;CLASSE DE TRAITEMENT;POUVOIR D'APPRÉCIATION;ACCÈS À UN TRIBUNAL
Normes : LPA.60.al1; LPA.61; Cst.29.al2; Cst.29A; LTrait.4; RTrait.2; LPAC.12.al2; LTrait.2.al5; RTrait.9.al3; RTrait.8.al4
Résumé : Confirmation de la décision litigieuse affectant, début 2015, un fonctionnaire de police à une fonction colloquée deux classes de traitement en-dessous à celle occupée jusqu’alors. Changement de classification pas critiquable in casu d’un point de vue juridique. Pas de violation du droit d’être entendu, que ce soit au sujet de l’accès au dossier d’évaluation de la nouvelle fonction ou de la motivation de la décision litigieuse. Irrecevabilité de la conclusion liée au lissage des salaires, exorbitant à l’objet du présent litige circonscrit par la décision attaquée. Blocage des annuités confirmé en application des art. 9 al. 3 cum art. 8 al. 4 RTrait. Confirmation de l’intérêt actuel et pratique à contester la décision litigieuse affectant la rémunération du recourant.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/708/2015-FPUBL ATA/1027/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 octobre 2021

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Daniel Kinzer, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ

_________



EN FAIT

1) M. A______, né en 1960, est entré en ______ 1979 en tant que gendarme dans la police cantonale, rattachée actuellement au département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : le département). Il a été promu à diverses fonctions jusqu’à occuper, dès le 1er mai 2010, celle de commissaire de police, située en classe 27.

2) À la suite de l’entrée en vigueur du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) le 1er janvier 2011, le Conseil d’État a décidé, le 31 août 2011, de créer un centre unique des opérations et planifications policières sous la conduite d’un seul chef, ayant pour but de renforcer la capacité de la police à planifier et à coordonner les opérations pour agir plus efficacement sur la sécurité publique.

Les fonctions de « commissaire » et de « responsable des commissaires » devaient être supprimées au profit de celles d'« officier de police de service »
(ci-après : OPS) respectivement de « chef des officiers de police de service »
(ci-après : chef des OPS).

3) Avec l’accord de principe du Conseil d’État, le département a transmis, en avril 2012, à l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE), rattaché au département des finances et des ressources humaines, le cahier des charges élaboré pour ces deux nouvelles fonctions et une demande d’évaluation de fonction afin de procéder à leur classification salariale.

a. Le 8 mai 2012, l’OPE a adressé une note concernant l’évaluation du poste d’OPS à la direction des ressources humaines (ci-après : RH) du département, proposant la création de la fonction d’OPS en classe 25 maximum avec le profil de cinq lettres « L E L A K », 228 points et le code fonction « 3.01.310 », conformément à la méthode en vigueur à l’État de Genève et à la décision du Conseil d’État du 7 décembre 2010 (n° 10073-2010). Le libellé de cette fonction était susceptible d’évoluer dans le cadre de la mise en œuvre du répertoire des emplois-référence.

Cette note faisait suite à la décision susmentionnée du 31 août 2011 du Conseil d’État relative à la création d’un centre unique des opérations et planifications policières, et à celle du 6 octobre 2011 par laquelle il donnait son accord de principe pour la création de diverses fonctions, dont celle d’OPS.

La création de la fonction d’OPS était, pour partie, la conséquence du nouveau CPP avec la disparition de la compétence de délivrer des mandats d’amener pour les officiers et les commissaires de police. La nouvelle fonction d’OPS concentrait ainsi les compétences décisionnelles des différents officiers de permanence et assurait la réponse de première urgence. Passée cette première réponse, les fonctions d’officiers de gendarmerie, de chefs de section « PJ » et respectivement les officiers de la « PSI » conservaient le même niveau de compétence pour le suivi des activités et la conduite dans les services opérationnels. L’action des OPS était initiée par une alerte, l’annonce d’un événement ou une demande émanant d’un service partenaire ou d’une autre autorité. L’OPS disposait d’un temps restreint pour évaluer et analyser la situation.

Dans ce contexte, les rôles et les responsabilités de la fonction s’articulaient principalement autour des axes suivants : la transmission de diverses directives aux collaborateurs afin d’orienter et de guider leurs actions sur le terrain ; l’engagement, la conduite et l’encadrement de collaborateurs dans des situations d’urgence, lors d’événements ou d’affaires de police ; la coordination des actions impliquant tous les services de la police ainsi que les services partenaires dans les situations d’urgence ; la transmission d’informations opérationnelles ou nécessaires à la communication vers les médias, à la cheffe de la police, au secrétariat général du département et au Procureur général. Ces éléments n’étaient pas exhaustifs mais représentaient les responsabilités prépondérantes du poste. Afin de pouvoir exercer cette fonction, il fallait posséder une formation de niveau bachelor, complétée par une formation complète d’officier et assortie d’une solide expérience professionnelle.

b. La cheffe de la police et le département ont respectivement émis un préavis favorable à la proposition de l’OPE les 1er et 4 juin 2012.

c. Lors de sa séance du 5 septembre 2012, le Conseil d’État a décidé de classer la fonction d’OPS en classe 25 maximum avec le profil « L E L A K », dont l’entrée en vigueur était annoncée pour le 1er octobre 2012. L’extrait du
procès-verbal relatif à cette séance a été communiqué au département et à l’OPE.

4) Le 10 avril 2013, une collaboratrice RH du département a informé M. A______ et d’autres collègues de l’intention du département de procéder à leur changement d’affectation et leur a communiqué le résultat de l’évaluation attribuant la classe 25 maximum à la fonction d’OPS. Tous ont protesté contre cette « rétrogradation ».

5) Annulant et remplaçant un courrier du 24 avril 2013, le conseiller d’État alors en charge du département a, le 2 juillet 2013, adressé à M. A______ un courrier intitulé « changement de fonction » l’informant qu’il occuperait, dès
le 1er avril 2013, la fonction d’OPS située en classe 25, avec un traitement annuel brut de CHF 167'602.- correspondant à la classe 27, position 8 (soit un traitement mensuel brut de CHF 12'892.50). Sous certaines réserves relatives à l’attribution des annuités, il serait au bénéfice de la classe 25, position 14, dès le 1er janvier 2018.

a. Cette décision a été annulée par le département, à la suite du recours déposé à son encontre par l’intéressé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 27 février 2014. Elle a été remplacée par une nouvelle décision de changement d’affectation du 27 janvier 2015.

b. À la demande de l’intéressé du 19 février 2015 et par décision du 24 février 2015, la chambre administrative a rayé la cause du rôle, le recours étant devenu sans objet (ATA/222/2015 du 24 février 2015). Le 23 mai 2014, le département l’avait informée qu’il annulerait son courrier du 2 juillet 2013 et qu’il rendrait une nouvelle décision relative à la situation professionnelle de l’intéressé dont la fonction demeurait dès lors inchangée.

6) Début 2014, l’intéressé et cinq autres collègues ont eu, par l’intermédiaire de leur avocat commun, divers échanges avec le département au sujet de leur changement de classe et d’affectation.

a. Le 11 février 2014, ils ont demandé au département une copie de la « décision » de l’OPE du 8 mai 2012, après avoir mené des discussions avec le département en vue d’une reconsidération de leur situation professionnelle. Après avoir renouvelé leur demande, ils ont obtenu du département le 25 février 2014 ledit document, soit la note précitée de l’OPE accompagnée des préavis positifs, ainsi que l’extrait du procès-verbal de la séance du Conseil d’État du 5 septembre 2012. Le département les invitait à s’adresser au service d’évaluation des fonctions de l’OPE pour recevoir des informations complémentaires concernant l’analyse de cette fonction.

b. Le 28 février 2014, le conseiller d’État du département a refusé d'entrer en matière sur une reconsidération de son courrier du 2 juillet 2013.

c. Le même jour, M. A______ et ses collègues lui ont demandé une revalorisation de leur traitement avec effet au 1er janvier 2010 « par le mécanisme du lissage [ayant] visé de très nombreuses fonctions à la police (gendarmerie, police judiciaire, sécurité internationale), mais dont ils n’[avaient] pas pu bénéficier ». Si cette question avait été abordée dans le cadre de l’accord de 2009 entre le Conseil d’État et le groupement des associations de police, des discussions avaient par la suite eu lieu sans aboutir à une décision. Ils sollicitaient l’accès à plusieurs pièces en lien avec le passage des collaborateurs de la police « à la grille lissée PAT/ENS au 1er janvier 2010 ». Ils quantifieraient ensuite leurs prétentions liées à ce lissage et demanderaient formellement une décision. Ils ont renouvelé cette requête le 25 février 2015, la question du lissage n'ayant pas reçu de réponse.

d. En mars 2014, ils ont, à deux reprises, sans succès, sollicité de l’OPE l’accès au dossier complet de l’évaluation des OPS ainsi qu’aux deux actes mentionnés dans sa proposition du 8 mai 2012 y relative (méthode d’évaluation en vigueur et décision du 7 décembre 2010 du Conseil d’État). L’OPE les a renvoyés, le 25 mars 2014, au département qui était en charge du dossier.

7) Le 2 avril 2014, M. A______ et six autres collègues ont fait, dans une même écriture, opposition contre la classification de la fonction d’OPS, faite par le Conseil d’État le 5 septembre 2012 à la suite de l’évaluation du 8 mai 2012 de l’OPE, auprès de la Commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions (ci-après : CREMEF). Celle-ci a accepté, début mai 2014, leur demande préalable de suspension de la procédure, précisant que cette décision ne préjugeait en rien de sa décision, notamment quant à la recevabilité de l’opposition.

8) Le 16 septembre 2014 s’est tenue une réunion entre la directrice et deux collaboratrices RH du département, le conseil de M. A______, excusé, et un des collègues de ce dernier au sujet de l’intention du département d'affecter M. A______ à la fonction d’OPS en application de l’art. 12 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et du passage correspondant à une classe de traitement inférieure, sans que cela n’entraîne de diminution de salaire.

Selon le compte rendu relatif à cette réunion, ledit conseil a informé le département, d’une part, contester tant la méthodologie utilisée par l’OPE que l’application de l’art. 12 LPAC et, d’autre part, rester en attente d’une réponse à sa demande d’accès aux documents relatifs à l’évaluation de cette fonction ainsi qu’à sa requête de février 2014 afférente au « lissage ». L’intéressé et ses collègues n’étaient pas d’accord avec la classification du poste OPS en classe 25. Le département envisageait d’affecter M. A______ à la fonction d’OPS suivant une évolution salariale présentée au 1er janvier de chaque année entre 2014 et 2021, qui tenait compte de sa position d’alors située en classe 27 annuité 9, du passage en classe 25 et d’un coulissement en classe 25 annuité 17. Le
1er janvier 2021, il basculerait dans la nouvelle classe de fonction, soit en classe 25 annuité 17, et ce sous réserve d’un éventuel blocage de la progression des annuités pouvant intervenir en tout temps.

a. Après cette séance, le département a transmis, le 24 septembre 2014, au conseil des intéressés la méthode d’évaluation utilisée et une analyse succincte du profil des fonctions OPS et chef des OPS, mentionnant les exigences pour chaque lettre du profil. Le profil de chaque fonction était pondéré en cinq critères représentés par les cinq lettres du profil, celles-ci correspondant au niveau de formation professionnelle, à l’expérience professionnelle, aux efforts intellectuels, aux efforts physiques et à la responsabilité.

b. Dans ses observations du 10 octobre 2014, M. A______ a persisté dans ses requêtes renouvelées lors de la réunion précitée et maintenu sa position, la fonction d’OPS devant être située en classe 27, et non 25. Cependant, il ne contestait pas l’application de l’art. 12 LPAC mais celle de l’art. 9 du règlement d’application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’Etat et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01) qui ne visait pas le cas d’espèce. Affecté à une position moins bien rémunérée indépendamment de son comportement, il ne devait subir aucun préjudice en termes de traitement, ce qui impliquait que sa progression en annuités devait se poursuivre (« garantie des droits acquis dynamiques »). Il devait ainsi rester en classe 27 avec progression normale des annuités.

Même si l’art. 9 RTrait devait s’appliquer, cette disposition l’avait été de façon erronée car le calcul présenté lors de la séance précitée était incorrect. Au lieu de le rétrograder de deux annuités puis de coulisser son traitement en classe 25, le département aurait dû d’abord coulisser son traitement en classe 25 puis le rétrograder de deux annuités, c’est-à-dire en faisant « l’opération exactement inverse de celle prévue en cas de promotion par l’art. 8 al. 4 RTrait ». L’approche de l’autorité intimée aurait des conséquences heurtant « le bon sens ». En effet, dans l’hypothèse où il serait, le mois suivant sa rétrogradation, promu de deux classes, il se retrouverait avec un traitement inférieur à celui de départ. Ce problème de « coordination » ne se poserait plus si on procédait, comme il le soutenait, d’abord au coulissement en classe 25 puis au retranchement de deux annuités. Dès lors, son évolution salariale devait être modifiée en ce sens qu’il basculerait dans la « nouvelle classe de fonction 25/17 » dès le 1er janvier 2016.

Enfin, il s’interrogeait sur la pertinence de « requalifier » les anciens commissaires de police en OPS alors que la nouvelle loi sur la police (n° 11228), adoptée le 9 septembre 2014 par le Grand Conseil, prévoyait à nouveau explicitement la fonction de « commissaire de police ».

9) Le 27 janvier 2014 (recte : 2015), le conseiller d’État en charge du département a rendu une décision « de changement d’affectation », exécutoire nonobstant recours, à l’égard de M. A______, sur la base des art. 12 LPAC et 2 al. 5 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15).

Il l’informait que, dès le 1er février 2015, il exercerait la fonction d’OPS vu la suppression de la fonction de commissaire résultant de la création du centre unique des opérations et planifications policières comme cela lui avait déjà été annoncé le 2 juillet 2013. Les besoins du service commandaient que son affectation soit modifiée afin d’être conforme aux modifications structurelles mises en place.

Il occuperait ainsi la fonction d’OPS à 100 % colloquée en classe 25. Son traitement annuel brut de CHF 171’423.- (soit CHF 13'186.40 par mois) correspondait à celui de la classe 27 position 9. Sous certaines réserves liées à l’attribution des annuités, il serait, dès le 1er janvier 2021, au bénéfice de la classe 25 position 17.

Le département ne pouvait pas donner suite à sa demande d’accès au dossier d’évaluation concernant le poste d’OPS, celle-ci faisant l’objet d’une autre procédure à la suite de son opposition du 2 avril 2014. La classification des fonctions d’OPS et de chef des OPS, effectuée par le département des finances, dépendait d’une procédure ne relevant pas de la compétence du département et étant indépendante de cette décision.

10) Le 25 février 2015, l’intéressé et ses collègues ont demandé à la CREMEF de reprendre la procédure concernant leur opposition du 2 avril 2014.

11) Le 2 mars 2015, M. A______ a formé recours contre la décision du 27 janvier 2015, reçue le 30 janvier 2015, auprès de la chambre administrative en concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit qu’il exerce « la fonction d’"Officier de police de service avec rang de Commissaire de police" » et qu’il bénéficie de la classe de traitement 27 position 12 dès le 1er février 2015, sans blocage des annuités.

À titre préalable, il a, d’abord, sollicité la suspension de la procédure jusqu’à droit connu sur sa demande de bénéficier du « lissage » avec effet au 1er janvier 2010 et sur la classe de traitement attribuée à la fonction d’OPS. Il a aussi, subsidiairement, conclu à ce qu’il soit ordonné au département de produire différentes pièces en lien avec le passage des collaborateurs de la police à la « grille lissée PAT/ENS » au 1er janvier 2010, ainsi que « l’intégralité du dossier relatif à l’attribution de la classe de traitement 25 à la fonction d’OPS, notamment les évaluations préliminaires ».

Sous l’angle procédural, il s’est plaint, en lien avec les pièces précitées, d’une violation de son droit d’être entendu, faute d’avoir accès au dossier complet. Il a aussi invoqué une motivation insuffisante de la décision litigieuse, ignorant les motifs « exacts » à l’origine de sa « rétrogradation salariale », soit du changement de classe 27 en classe 25. La motivation alléguée, à savoir « les besoins du service », était trop abstraite pour expliquer les raisons de la baisse de la classe de traitement des commissaires de police devenus OPS.

Sur le fond, il estimait premièrement que le traitement fixé dans la décision litigieuse était erroné car il ne tenait pas compte du « lissage » qui aurait dû intervenir dès le 1er janvier 2010 et qui aurait ajouté au minimum trois annuités de plus. Il ne comprenait au surplus pas les raisons pour lesquelles il n’avait pas été mis au bénéficie du lissage à l’instar de la « très grande » majorité de ses collègues, ce qui constituait aussi une violation de son droit d’être entendu. Faute de disposer des éléments utiles, il ne pouvait pas développer davantage ce grief et sollicitait de pouvoir compléter son recours sur ce point, après avoir reçu les documents sollicités.

Deuxièmement et à titre principal, il estimait que l’art. 2 al. 5 LTrait ne s’appliquait pas à sa situation car il n’avait concrètement pas changé de fonction, malgré la nouvelle dénomination. Il effectuait toujours le même travail, avec les mêmes compétences. La nature de son travail n’avait été modifiée ni par l’intégration des commissaires de police au centre unique des opérations et planifications policières, ni par les modifications découlant du nouveau CPP. Même si le mandat d’amener « à la genevoise » n’existait plus, la « police » restait compétente, à certaines conditions, pour « l’arrestation provisoire – même hors flagrant délit » avec des compétences particulières dans ce domaine en faveur des « officiers de police » au sens de l’art. 26 al. 2 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10). Les OPS avaient aussi conservé des compétences spécifiques en matière de mesures de contrainte. Leurs nouvelles responsabilités n’étaient pas toutes mentionnées dans le cahier des charges des OPS du 10 décembre 2012. Elles étaient devenues plus importantes et les OPS étaient considérés, selon le recourant, « comme le bras droit du Procureur général et des Premiers procureurs ». La nouvelle organisation de la police conduisait à des compétences plus importantes pour les OPS que l’étaient celles des commissaires de police, notamment les compétences en matière judiciaire et administrative et dans la gestion du terrain. Ainsi, l’évaluation de la fonction des OPS aurait dû conduire à sa revalorisation, voire en tout cas au maintien de l’ancienne classe 27, et non à une rétrogradation de la classe 27 à la classe 25. Il ne se trouvait dès lors pas dans une classification supérieure à celle de la fonction qu’il exerçait, qui était matériellement restée celle de commissaire.

À titre subsidiaire et à supposer qu’il soit considéré que la décision litigieuse ne revenait pas à consacrer l’attribution d’une nouvelle désignation à une fonction existante, il invoquait d’autres griefs liés à la « rétrogradation » de la fonction de commissaire, située en classe 27, à la fonction d’OPS colloquée en classe 25, à savoir : la collocation erronée (classe 25 au lieu de la classe 27) de la fonction d’OPS – question alors pendante devant la CREMEF, justifiant la suspension de la procédure – conduisant au traitement erroné figurant dans la décision litigieuse ; le non-respect des règles en matière de droits acquis dynamiques, puisque l’art. 12 al. 2 LPAC accorderait, au regard de l’ATA/835/2010 du 30 novembre 2010, une protection allant au-delà des droits acquis statiques garantis par les art. 2 al. 5 LTrait et 9 al. 3 RTrait, de sorte que la progression de ses annuités avait été bloquée à tort ; et une mauvaise application de l’art. 9 RTrait pour le motif évoqué dans ses observations du 10 octobre 2014, soit qu’il fallait d’abord procéder au coulissement en classe 25 puis le rétrograder de deux annuités.

Troisièmement, il se plaignait d’une dénomination incorrecte de la fonction d’OPS, se prévalant de l’art. 8A al. 2 de l'ancienne loi sur la police du 26 octobre 1957 (ci-après : aLPol), mentionnant l’existence d'« officier de police ayant rang de commissaire ». Considérant contraire au droit de supprimer la fonction de commissaire pour le « dégrader » au titre d'OPS, il concluait à ce que la décision litigieuse soit réformée en ce sens qu’il soit affecté à la fonction d’OPS « avec rang de Commissaire de police ».

12) Par décision du 10 mars 2015, la juge déléguée a prononcé la suspension de la procédure. Il se justifiait de suspendre l’instruction de la cause jusqu’à l’issue des procédures en cours devant le département concernant le traitement du recourant, à charge pour les parties de l’en informer sitôt celle-ci connue.

13) Par décision du 18 janvier 2016, la CREMEF a constaté l’irrecevabilité de l’opposition du 2 avril 2014 contre la classification de la fonction d’OPS aux motifs de l’absence de la qualité du recourant pour former opposition et du défaut d’une décision soumise à une telle procédure. Cette décision a été confirmée par arrêts de la chambre administrative du 11 octobre 2016 (ATA/850/2016), puis du Tribunal fédéral du 12 décembre 2017 (cause 8C_757/2016).

a. La chambre administrative a écarté le grief tiré de la violation de la garantie d’accès au juge ancrée à l’art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). La CREMEF avait refusé d’entrer en matière sur l’opposition au motif qu’une condition de recevabilité faisait défaut. En outre, cette commission n’était pas tenue de transmettre l’opposition dont elle était saisie à une autre autorité. Il revenait aux intéressés de s’adresser au Conseil d’État pour exiger une décision qu’ils pouvaient, le cas échéant, déférer devant la chambre administrative (ATA/850/2016 précité consid. 5b).

Rappelant le processus d’évaluation suivi pour la fonction d’OPS depuis la décision du Conseil d’État d’octobre 2011 d’autoriser la création de cette nouvelle fonction jusqu’à sa ratification, le 5 septembre 2012, de la décision de l’OPE – soit de la proposition de l’OPE acceptée par la cheffe de la police et le département de colloquer cette fonction en classe 25 –, la chambre administrative a estimé que la décision du Conseil d’État du 5 septembre 2012 ne pouvait pas faire l’objet d’une opposition auprès de la CREMEF mais, le cas échéant, d’un recours auprès d’elle. Toutefois, M. A______ et ses collègues n’avaient pas la qualité pour recourir car ils n’avaient « pas encore été nommés aux fonctions querellées ». Ainsi, la décision de la CREMEF, niant à ces derniers la qualité de former opposition contre la décision du Conseil d’État du 5 septembre 2012, était conforme au droit. Par ailleurs, ladite décision du Conseil d’État ne pouvait pas faire l’objet d’une opposition, à ce stade de la procédure, dans les circonstances de la création d’une nouvelle fonction, le règlement instituant une commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions du 7 avril 1982 (RComEF - B 5 15.04) ne prévoyant pas une telle possibilité dans ce cas (ATA/850/2016 précité consid. 9).

b. Le Tribunal fédéral a confirmé l’arrêt cantonal (arrêt du Tribunal fédéral 8C_757/2016 précité). Se fondant sur l’art. 11 RComEF, la chambre administrative estimait que, lorsque la CREMEF était saisie d’une opposition recevable, la compétence de cette commission se limitait à reconsidérer les décisions de l’OPE, à l’exclusion des prononcés du Conseil d’État. Le fait de considérer que la CREMEF ne pouvait intervenir qu’en amont de la première décision du Conseil d’État sur l’évaluation d’une fonction n’était ni déraisonnable, ni contraire au sens et au but du RComEF (consid. 5.2). L’argumentation des recourants ne faisait pas apparaître l’interprétation de la chambre administrative comme arbitraire. Le Tribunal fédéral a ainsi écarté le grief tiré d’une application arbitraire de l’art. 5 RComEF et celui d’une interprétation insoutenable de
l’art. 4 RComEF (consid. 4.2 et 5.2).

Pour trouver application, le principe énoncé à l’art. 11 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et découlant des règles de la bonne foi, selon lequel l’autorité déclinant sa compétence transmettait d’office l’affaire à l’autorité compétente et en avisait les parties, supposait, selon le Tribunal fédéral, que « la saisine de l’autorité incompétente soit le résultat des doutes que la partie pouvait éprouver sur l’autorité compétente ou de fausses indications sur les voies de droit ou d’indications peu claires. Si c’était consciemment que le recourant saisissait une fausse autorité, il n’y avait pas de place pour l’application de ce principe » (consid. 6.4).

Contrairement à leur avis, l’intéressé et ses collègues n’avaient pas voulu saisir alternativement la CREMEF ou le Conseil d’État, mais bien la seule commission précitée. Les conclusions de leur mémoire d’opposition, formulées à l’attention du Conseil d’État, ne l’étaient qu’en tant que celui-ci devait statuer « sur proposition de la Commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions » une fois l’évaluation litigieuse revue par cette dernière. Ledit mémoire ne pouvait donc pas apparaître comme un éventuel recours contre la décision du Conseil d’État du 5 septembre 2012 (consid. 6.4).

14) Par décision du 27 mars 2017, intitulée « mise en œuvre des articles 33
al. 1 LPol, 5 et 23 al. 1 et 2 ROPol et 2 RTrait », le conseiller d’État en charge du département a informé M. A______ que, dès le 1er avril 2017, il occuperait la fonction d’officier supérieur 2 à 100 %, colloquée en classe 25, avec le grade de capitaine et un traitement annuel brut de CHF 171'423.- (soit CHF 13'186.40 brut par mois) correspondant à la classe 27 position 9. Ce changement accordait à l’intéressé le statut de cadre supérieur. Exécutoire nonobstant recours, cette décision comportait l’indication de la voie de droit. Elle n’a pas été contestée devant la chambre de céans.

15) M. A______ a pris sa retraite le 30 juin 2018.

16) La procédure a continué à être suspendue, d’entente entre les parties, par décision du 1er octobre 2020 (ATA/975/2020). Sa reprise a été prononcée le 23 mars 2021 (ATA/339/2021), à la demande du recourant.

17) Le 15 mars 2021, le recourant a en effet sollicité la reprise de la procédure, les discussions avec le département en vue d’une solution amiable n’ayant pas abouti.

Il a maintenu ses conclusions et produit des échanges de 2012 et 2013 au sujet de la question du lissage de la grille salariale de 2010, dont un courrier du 7 mars 2013 du conseiller d’État alors en charge du département évoquant l’éventualité d’introduire des correctifs dans certains cas particuliers dans le cadre d’une discussion à proposer au sein du groupe technique. Ladite discussion concernant « les oubliés du lissage » n’avait pas eu lieu. Les salaires de certains cadres de la police avaient été « lissés », mais pas celui du recourant et de certains de ses collègues ayant aussi saisi la chambre de céans dans le cadre de procédures parallèles.

Il conservait un intérêt digne de protection à voir traitées, dans la présente procédure, ses prétentions salariales passées, soit celles entre le 1er février 2015 et son départ à la retraite le 30 juin 2018. La nouvelle loi sur la police entrée en vigueur le 1er mai 2016 prévoyait à nouveau expressément la fonction de commissaire de police, dont la réintroduction avait été soutenue par le Ministère public lors des travaux préparatoires du projet de loi PL 11228, en particulier aux art. 6 let. c et 14 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05). La création puis la suppression de la fonction d’OPS n’avait été qu’un « détour administratif inutile ».

Il découlait de l’ATA/850/2016 et de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_757/2016 précités que la collocation de la nouvelle fonction d’OPS n’avait pas été examinée sur le fond, de sorte qu’un tel contrôle ne pouvait que se faire dans les procédures encore pendantes devant la chambre administrative relatives à l’attribution individuelle des fonctions, notamment celle concernant le recourant.

18) Le 30 avril 2021, le département a conclu à ce que le recours soit déclaré sans objet. Le recourant n’avait plus d’intérêt actuel à l’annulation de la décision litigieuse.

Celle-ci avait uniquement pour objet un changement d’affectation fondé sur l’art. 12 LPAC. La question de la classification de la fonction d’OPS occupée par le recourant avait été définitivement tranchée par l’arrêt susmentionné du Tribunal fédéral, dans le cadre d’une procédure spécifique qui n’avait pas abouti, conformément à la jurisprudence de la chambre de céans dont l’ATA/1738/2019. Le recourant ne pouvait pas la remettre en cause dans le cadre de la présente affaire. En outre, les griefs en lien avec le lissage des grilles salariales de 2010 étaient exorbitants à l’objet du litige, en plus d’être tardivement allégués. En cas d’annulation de la décision querellée, le recourant ne pourrait plus exercer la fonction de commissaire, telle qu’elle existait avant son changement d’affectation du 1er février 2015, puisque celle-ci avait été supprimée. Il ne pourrait d’ailleurs exercer aucun autre emploi à l’État de Genève, dès lors qu’il avait quitté ses fonctions le 30 juin 2018. Était également produite la décision précitée du 27 mars 2017 affectant M. A______ à la fonction d’officier supérieur 2 avec le grade de capitaine, colloquée en classe 25.

Certes, la fonction de commissaire avait été réintroduite dans le cadre de l’entrée en vigueur de l’actuelle loi sur la police. Elle correspondait toutefois à une fonction d’officier supérieur, à laquelle avait été attribué le grade de capitaine. Cette fonction, située en classe 25, n’avait pas un cahier des charges identique à celle que le recourant avait exercée avant de devenir OPS. Étaient versés à la procédure le cahier des charges du 13 décembre 2010, actualisé en mars 2011, et celui du 12 mai 2015, mis à jour en juin 2017, concernant, dans les deux cas, la fonction de commissaire de police.

19) Le 25 mai 2021, le recourant a maintenu sa position.

Il avait un intérêt actuel à recourir. La décision litigieuse l’avait empêché de bénéficier des annuités de 2016 à 2018, sa perte salariale se répercutant sur ses prestations de retraite. L’absence de « lissage » lié à la grille salariale de 2010 lui avait en outre fait perdre, en tous cas, trois annuités supplémentaires.

Sans vouloir remettre en cause les arrêts de la chambre administrative et du Tribunal fédéral, l’argumentation du département relative à la classification querellée revenait à le priver du droit d’accès au juge. Son recours sur cette question ne pouvait pas être déclaré irrecevable tant devant la CREMEF que devant la chambre administrative et ce à la fois contre l’acte de « classification générale » et contre l’acte d’« affectation individuelle ». L’autorité administrative ne pouvait pas créer une nouvelle fonction – non encore occupée, de sorte que personne n’avait la qualité pour recourir – puis y « colloquer » des fonctionnaires en soutenant alors qu’ils auraient dû la contester précédemment. À la différence de l’ATA/1738/2019 cité par l’intimé, il avait formulé, dans son recours, des critiques sur la classification et détaillé les raisons pour lesquelles le cahier des charges d’OPS comportait davantage de tâches que la fonction occupée de commissaire de police. Il découlait du droit d’accès au juge en matière de traitement que la chambre administrative devait examiner la question de la classification dans le cadre du recours contre « l’arrêté de nomination qui attribu[ait] individuellement un fonctionnaire à une fonction ».

  Le litige ne portait pas uniquement sur le changement de dénomination (commissaire/OPS) mais également sur le blocage salarial dû à la dégradation salariale de la fonction et sur la non-prise en compte des règles du « lissage ». Ni les cahiers des charges produits ni la décision du 27 mars 2017 le concernant, produits par le département, n’apportaient d’élément concret, alors qu’il avait expliqué, avec d’autres collègues concernés par des procédures parallèles, que leurs tâches avaient augmenté avec la mise en vigueur du nouveau CPP et qu’il n’était ainsi pas cohérent de leur réduire leur salaire. Il regrettait que la suspension de la procédure n’ait pas conduit à une solution amiable et transactionnelle du litige.

20) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger
le 31 mai 2021.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Avant de statuer sur la question de la qualité pour recourir de l’intéressé, et en particulier sur son intérêt actuel et pratique à recourir, il faut d’abord cerner l’objet du présent litige.

a. L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1628/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1628/2019 précité consid. 2b).

b. En l’espèce, la décision litigieuse se situe dans un contexte particulier. D’une part, elle reprend, sous certaines réserves liées à l’écoulement du temps, le même contenu que la décision du 2 juillet 2013 qu’elle a annulée et remplacée à la suite de la procédure de recours – rayée du rôle en février 2015 – auprès de la chambre de céans. Ces deux décisions – ainsi qu’une antérieure, également annulée, du 24 avril 2013 – avaient pour même objet de modifier l’affectation du recourant en ce sens qu’il n’occuperait plus la fonction de commissaire de police, supprimée à la suite de la réorganisation décidée en 2011 par le Conseil d’État, mais celle d’OPS, nouvelle fonction créée par décision du Conseil d’État du 5 septembre 2012. Celle-ci a entériné sa collocation en classe 25 et a été communiquée au recourant fin février 2014. D’autre part et contrairement à ses collègues concernés par deux procédures parallèles, M. A______ s’est vu affecter, dès le 1er avril 2017 jusqu’à sa retraite fin juin 2018, à la fonction d’« officier supérieur 2 » – aussi colloquée en classe 25 – avec le grade de capitaine par une nouvelle décision du 27 mars 2017, entrée en force.

Ainsi, la période concernée par la présente procédure de recours s’étend du 1er février 2015, moment de la prise d’effets de la décision querellée, jusqu’au 31 mars 2017, les effets de la nouvelle décision du 27 mars 2017 – non contestée – sur la situation professionnelle du recourant se déployant dès le 1er avril 2017.

Dès lors, l’objet du présent litige porte uniquement sur la modification de la rémunération du recourant découlant de son changement d’affectation, prononcé le 27 janvier 2015, en OPS à 100 % dès le 1er février 2015, avec pour conséquence un blocage de ses annuités en classe 27 position 9, sa nouvelle fonction étant située en classe 25. Son traitement annuel demeurait toutefois celui correspondant à la classe 27 position 9, et ce en principe jusqu’au 1er janvier 2021 où il passerait en classe 25 annuité 17.

3) Dans ces circonstances et conformément à l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA et à la jurisprudence mentionnée ci-dessous, il y a tout d’abord lieu de confirmer l’intérêt actuel et pratique de l’intéressé à contester la décision litigieuse, dans la mesure où celle-ci l’a privé des annuités de 2016 et de 2017 octroyées aux autres fonctionnaires genevois. Affectant la fixation de sa rémunération, la décision litigieuse touche sa situation juridique. Le fait qu’il ait été affecté à une autre fonction dès le 1er avril 2017 et qu’il soit à la retraite dès fin juin 2018 n’y change rien, dans la mesure où une éventuelle annulation de la décision querellée pourrait entraîner en sa faveur une créance correspondant à la différence entre le salaire déjà perçu et celui incluant, par hypothèse, les deux annuités supprimées, sur la période visée par la présente procédure, et ce sans compter les effets éventuels sur sa rente de retraite.

Selon la jurisprudence, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation ou la modification de la décision attaquée
(ATF 138 II 42 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_865/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2 ; ATA/619/2020 du 23 juin 2020). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). En outre, le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 144 I 43 consid. 2.2). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire proscrite en droit suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_61/2019 du 21 janvier 2019 consid. 3.1). Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 143 II 578 consid. 3.2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_417/2018 du 13 décembre 2018 consid. 2 ; ATA/636/2020 du 30 juin 2020). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1).

Dès lors, le recourant a la qualité pour recourir contre la décision du changement d’affectation du 27 janvier 2015, vu son intérêt digne de protection, actuel et pratique, à obtenir ladite différence de salaire pour la période allant du 1er février 2015, date de la prise des effets de la décision attaquée, jusqu’à son changement d’affectation prononcé le 27 mars 2017 et non contesté. Celui-ci ne supprime d’ailleurs pas cette potentielle créance de salaire. Le recours de l’intéressé est donc recevable, sous les deux réserves suivantes.

4) Comme l’objet du litige est circonscrit par la décision querellée portant sur le changement d’affectation précité dès le 1er février 2015, la conclusion du recourant tendant à obtenir le lissage de son salaire avec effet au
1er janvier 2010, soit concrètement l’octroi de trois annuités supplémentaires, est exorbitante au présent litige et doit être déclarée irrecevable. Dès lors, sa demande tendant à l’obtention de pièces relatives à cette question doit être rejetée et le grief tiré d’une potentielle violation de son droit d’être entendu sur ce point, écarté.

Il en va de même de sa conclusion visant son affectation dans une fonction qu’il nomme « OPS avec rang de Commissaire de police », étant précisé qu’outre le changement d’affectation susmentionné du 27 mars 2017, la chambre administrative ne peut pas statuer en opportunité (art. 61 al. 2 LPA) et qu’elle ne saurait s’immiscer dans des décisions relevant de la gestion du personnel de l’État, telle que l’affectation d’un membre du personnel à une fonction, impliquant une grande liberté d’appréciation de l’autorité. Le pouvoir d’examen de la chambre administrative est en effet limité à des questions de fait et/ou de droit (art. 61
al. 1 LPA).

5) Circonscrit au changement d’affectation du 27 janvier 2015 du recourant, passant de la fonction de commissaire de police en classe 27 à celle, dès le 1er février 2015, d’OPS colloquée en classe 25, l’objet du litige doit être précisé à l’aune des griefs invoqués par le recourant dans ses écritures et de sa conclusion – recevable – tendant à être mis au bénéfice de la classe 27 annuité 9 sans blocage des annuités.

Le recourant se plaint essentiellement de la classification – inadaptée selon lui aux tâches réellement assumées et devenues plus importantes par rapport à celles effectuées en tant que commissaire de police – de la fonction d’OPS colloquée deux classes en-dessous de celle dont il bénéficiait jusqu’alors en tant que commissaire de police. Cette classification inférieure a eu pour effet de bloquer la progression de ses annuités, en le privant de deux annuités avant son changement d’affectation prononcé le 27 mars 2017 et non contesté. Dès ce moment, la question de son affectation n’est en revanche plus déterminante, aucune reprise d’activité n’étant envisagée.

Dès lors, l’objet du litige se limite in casu à la question du bien-fondé ou non de la collocation de la fonction d’OPS en classe 25, qui est à l’origine du blocage des deux annuités réclamées par le recourant dans la présente procédure.

6) Il convient d’abord d’examiner la demande du recourant d’accéder au dossier complet d’évaluation de la fonction d’OPS, notamment les « évaluations préliminaires » et les « documents liés à la création » de cette fonction, ainsi que son grief selon lequel la motivation de la décision querellée serait insuffisante.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées).

Le droit de consulter le dossier est un aspect du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 132 II 485 consid. 3.2). Selon la jurisprudence, le justiciable ne peut pas exiger la consultation de documents internes à l'administration, à moins que la loi le prévoie expressément (ATF 125 II 473 consid. 4a ; 122 I 153 consid. 6a). Il s'agit des notes dans lesquelles l'administration consigne ses réflexions sur l'affaire en cause, en général afin de préparer des interventions et décisions nécessaires. Il peut également s'agir de communications entre les fonctionnaires traitant le dossier. Cette restriction du droit de consulter le dossier doit de manière normale empêcher que la formation interne de l'opinion de l'administration sur les pièces déterminantes et sur les décisions à rendre soit finalement ouverte au public. Il n'est en effet pas nécessaire à la défense des droits des administrés que ceux-ci aient accès à toutes les étapes de la réflexion interne de l'administration avant que celle-ci ait pris une décision ou manifesté à l'extérieur le résultat de cette réflexion (ATF 115 V 297 consid. 2g ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2018 du 22 novembre 2019 consid. 4.4.2).  

b. Le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée. Il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’a pas l’obligation de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_404/2019 du 5 décembre 2019 consid. 4.2.1).

c. En l’espèce, comme cela ressort de la décision querellée, le changement d’affectation litigieux, à l’origine de la perte des deux annuités réclamées in casu par le recourant, résulte d’une nouvelle organisation des activités policières décidée par le Conseil d’État en 2011, à la suite de l’entrée en vigueur du CPP, visant à améliorer l’action de la police et la sécurité publique. Cette réorganisation s’est concrétisée, avant l’entrée en vigueur de l’actuelle LPol en mai 2016, par la création de nouvelles fonctions, dont celle d’OPS, et la suppression de celles de commissaire de police qu’exerçait précédemment l’intéressé. En motivant le changement d’affectation litigieux par le besoin de conformité aux modifications structurelles précitées, l’autorité intimée a expliqué les raisons du changement d’affectation, objet principal de la décision querellée, de sorte que le recourant pouvait en saisir la portée et la contester en toute connaissance de cause. Dès lors, son droit d’être entendu a, à cet égard, été respecté. Le fait que la fonction de commissaire de police a été réintroduite par l’actuelle LPol est un élément postérieur à la décision querellée, qui n’est in casu pas directement pertinent et qui est appréhendé par la nouvelle décision susmentionnée du 27 mars 2017, non contestée et exorbitante au présent litige, étant précisé que cette nouvelle fonction a été colloquée en classe 25, comme celle d’OPS.

Quant à l’accès au dossier complet d’évaluation de la fonction d’OPS, le recourant perd de vue que le processus d’évaluation et de classification d’une fonction comporte un volet interne entrant dans les prérogatives de l’employeur et impliquant un large pouvoir d’appréciation de ce dernier. Ainsi, seules les pièces susceptibles d’affecter la situation juridique du membre du personnel doivent lui être accessibles. En transmettant à l’intéressé, bien que sur son insistance et en deux temps, d’abord en février 2014, la note de l’OPE du 8 mai 2012 – accompagnée des préavis de sa hiérarchie et du département, et de l’extrait du procès-verbal de la séance du Conseil d’État du 5 septembre 2012 – ainsi qu’en septembre 2014, la méthode d’évaluation utilisée et une analyse succincte du profil de la fonction d’OPS, le recourant a disposé des pièces nécessaires pour comprendre la manière dont la fonction d’OPS avait été colloquée en classe 25. En effet, l’analyse du profil énumérait les exigences attendues de la fonction d’OPS parmi celles existant dans la grille d’évaluation utilisée, tandis que le tableau de cette dernière expliquait la manière d’attribuer les points, suivant le profil retenu, et d’aboutir au choix de la classe 25 pour ladite fonction. Le recourant a donc eu accès aux éléments pertinents susceptibles d’affecter sa rémunération. Dès lors, son droit d’être entendu a été respecté sur ce point également.

Pour ces motifs et ceux exposés plus bas, la chambre administrative considère qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de production de pièces du recourant relative au dossier d’évaluation de la fonction d’OPS.

7) Selon la jurisprudence de la chambre administrative, les critiques concernant l’évaluation d’une fonction doivent être formulées dans la procédure spécifique à condition d’en remplir les exigences (ATA/1146/2019 du 19 juillet 2019 consid. 6 ; ATA/1738/2019 du 3 décembre 2019 consid. 6c confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_90/2020 du 17 novembre 2020).

a. Le classement des fonctions permettant de fixer la rémunération du personnel est de la compétence du Conseil d’État (art. 4 a. 1 LTrait). Dans ce classement, il doit être tenu compte du rang hiérarchique et des caractéristiques de chaque fonction, en prenant en considération notamment l’étendue qualitative et quantitative des attributions dévolues et des obligations à assumer, les connaissances professionnelles et aptitudes requises, l’autonomie et les responsabilités, les exigences, inconvénients, difficultés et dangers que comporte l’exercice de la fonction (art. 4 al. 2 LTrait).

La classe prévue pour la fonction est déterminée par le résultat de l’évaluation des fonctions (art. 2 phr. 1 RTrait). Le RComEF institue la CREMEF qui permet aux membres du personnel de l’État et des établissements publics médicaux de « demander le réexamen des décisions relatives à l’évaluation des fonctions (rangement, cotation, classification) » (art. 1 al. 1 RComEF).

Sont susceptibles d’opposition toutes les décisions relatives à l’évaluation des fonctions mentionnées à l’art. 1 à l’exclusion des décisions prises lors de l’engagement (art. 4 RComEF). Peuvent faire opposition les membres du personnel de l'État et des établissements publics médicaux intéressés à titre individuel ou collectif pour la fonction qui les concerne ainsi que le département, l'établissement concerné ou le Grand Conseil, ce dernier étant représenté par son bureau (art. 5 RComEF). Le délai pour faire opposition est de trente jours dès réception de la décision (art. 6 RComEF). L’opposition est formée par écrit auprès de la CREMEF (art. 7 al. 1 phr. 1 RComEF). Dès le dépôt de l’opposition, l’office du personnel ainsi que le département, ou l’établissement intéressé, après avoir été dûment avisés, fournissent à la commission les dossiers et informations nécessaires (art. 8 RComEF). Chaque partie peut consulter le dossier soumis à la commission (art. 10 RComEF). Après avoir vérifié la procédure et l’objectivité de l’analyse effectuée par l’office du personnel, la commission se prononce sur la décision contestée en formulant une proposition au Conseil d’État (art. 11
al. 1 RComEF). Le Conseil d’État statue en dernier ressort et communique sa décision à l’intéressé (art. 11 al. 4 RComEF).

b. La décision du Conseil d’État peut être portée devant la chambre administrative par voie de recours (ATA/850/2016 du 11 octobre 2016 consid. 8c et les références citées). Comme déjà évoqué plus haut, le Tribunal fédéral a confirmé la jurisprudence de la chambre de céans, selon laquelle la CREMEF n’intervient qu’en amont de la première décision du Conseil d’État sur l’évaluation d’une fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_757/2016 précité consid. 5.2).

c. Selon l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, de par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. Cette norme constitutionnelle étend le contrôle judiciaire en principe à toutes les contestations juridiques. Elle garantit ainsi l'accès à un juge disposant d'un pouvoir d'examen complet des faits et du droit. Elle ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours ou de l'action. Elle ne s'applique pas, notamment, aux actes internes de l'administration qui n'ont pas le caractère d'une décision
(ATF 136 I 323 consid. 4.2 à 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2017 du 20 août 2018 consid. 7.1).

d. En l’espèce, le recourant a fait usage de la procédure spécifique permettant de remettre en cause la classification de la fonction d’OPS, mais en attaquant la décision de l’OPE du 8 mai 2012, ratifiée par la cheffe de la police et le département et approuvée par le Conseil d’État le 5 septembre 2012, de sorte qu’il s’est vu opposer une irrecevabilité confirmée par la chambre de céans puis le Tribunal fédéral. Dans ces circonstances, le grief tiré de l’absence d’accès au juge concernant la possibilité de contester directement la classification de la fonction d’OPS doit être écarté.

8) L'évaluation de fonctions contient, par la force des choses, une grande part d'appréciation, dont la concrétisation dépend de la façon dont une certaine tâche est perçue par la société, respectivement par l'employeur (ATF 125 II 385 consid. 5b et les références citées ; ATA/824/2012 du 11 novembre 2012). Le point de savoir si différentes activités doivent être considérées comme étant de même valeur dépend d'estimations qui peuvent conduire à des résultats différents (ATF 129 I 161 consid. 3.2 ; 125 II 385 consid. 5b ; ATA/664/2010 du 28 septembre 2010). Dans ce domaine, le pouvoir d'examen du juge est donc limité. Il doit ainsi en principe uniquement s'attacher à contrôler le respect des principes constitutionnels et à sanctionner, le cas échéant, l'abus du pouvoir d'appréciation (ATF 129 I 161 consid. 3.2 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_245/2007 du 30 octobre 2007 consid. 2 ; ATA/622/2013 du 24 septembre 2013 ; ATA/824/2012 précité).

a. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/1253/2015 du 24 novembre 2015 ; ATA/562/2013 du 27 août 2013).

b. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. À cet égard, il n'y a lieu de s'écarter de la solution retenue par l'autorité précédente que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; ATA/1296/2015 du 8 décembre 2015 ; ATA/757/2012 du 6 novembre 2012).

c. En l’espèce, le recourant conteste la collocation en classe 25 de la fonction d’OPS en fondant son argumentation sur la prémisse que l’attribution de la classe 27 à la fonction qu’il occupait précédemment en tant que commissaire de police serait correcte et immuable. Son raisonnement consiste à donner son appréciation personnelle sur les tâches incombant à l’OPS – qu’il juge plus importantes – et à les comparer à celles qu’il effectuait en tant que commissaire de police pour conclure qu’à défaut d’une valorisation de la fonction d’OPS, celle-ci devrait être colloquée dans la même classe de traitement que celle de commissaire de police. Il rappelle la réintroduction de cette fonction par l’actuelle LPol dont il cite les travaux préparatoires, en relevant la position du Ministère public, pour démontrer l’importance des nouvelles fonctions, en particulier de celle de commissaire de police, et l’incohérence résultant de la réduction salariale de ces fonctions colloquées en classe 25 au lieu de la classe 27. Ce faisant, le recourant avance sa propre appréciation, notamment en produisant un comparatif entre la fonction qu’il exerçait en tant que commissaire de police et celle d’OPS dans sa pièce n° 23, pour la substituer à celle de l’autorité compétente. Il ne met toutefois pas en lumière d’éléments susceptibles de constituer un abus du pouvoir d’appréciation, étant par ailleurs précisé qu’outre le fait qu'il ne dispose pas de droits acquis en la matière comme cela est exposé ci-après, il reconnait que par rapport à la situation antérieure, une nouvelle fonction a été introduite entre la cheffe de la police et les OPS, à savoir celle de « Chef des Opérations ». En conséquence et vu le large pouvoir d’appréciation de l’employeur dans la gestion de son personnel, l’attribution de la fonction d’OPS en classe 25 n’est in casu pas critiquable d’un point de vue juridique. Le recours doit donc être rejeté sur ce point.

9) Le recourant se plaint enfin du blocage de ses annuités, ce qui lui a fait perdre deux annuités pendant la période visée par la présente procédure, avant son nouveau changement d’affectation prononcé le 27 mars 2017 et non contesté, estimant principalement ne pas avoir changé de fonction entre celle qu’il occupait en tant que commissaire de police et celle d’OPS. Il remet aussi en cause l’application des art. 9 al. 3 et 8 al. 4 RTrait faite par l’autorité intimée et conduisant à un blocage de ses annuités jusqu’au 1er janvier 2021, moment prévu pour le coulissement dans la classe de sa nouvelle fonction, à savoir en classe 25 annuité 17.

a. L’affectation d’un membre du personnel dépend des besoins de l’administration ou de l’établissement et peut être modifiée en tout temps (art. 12 al. 1 LPAC ; art. 18 al. 1 LPol et art. 26 aLPol). Un changement d’affectation ne peut entraîner de diminution de salaire (art. 12 al. 2 LPAC et art. 18 al. 1 LPol et art. 26 aLPol), sous réserve de l’hypothèse de l’art. 12 al. 3 LPAC qui n’entre in casu pas en ligne de compte.

b. Les collaborateurs de l'État n'ont pas de droit acquis, ni la garantie d'immuabilité de leur cahier des charges. L'État est libre de revoir en tout temps sa politique en matière de salaire et d'emploi, et les personnes qui entrent à son service doivent compter avec le fait que les dispositions réglant leur statut puissent faire l'objet ultérieurement de modifications. Des droits acquis ne naissent dès lors en faveur des agents de la fonction publique que si la loi fixe une fois pour toutes les situations particulières et les soustrait aux effets des modifications légales ou lorsque des assurances précises ont été données à l'occasion d'un engagement individuel (ATF 143 I 65 consid. 6.2 et les références citées). Les prétentions pécuniaires des agents de la fonction publique, qu'il s'agisse de prétentions salariales ou celles relatives aux pensions, n'ont en règle générale pas le caractère de droits acquis (ATF 134 I 23 consid. 7.5 ; 129 I 161 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_158/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.4 ; 8C_903/2010 du 21 juin 2011 consid. 7.2).

c. Selon l'art. 2 al. 5 LTrait, applicable en vertu des art. 18 al. 2 LPol et 44 aLPol, les annuités supplémentaires ne sont pas accordées aux membres du personnel bénéficiant d'une classification supérieure à celle prévue normalement pour leur fonction ; ces derniers peuvent toutefois demander par la voie de service à réintégrer la classe de traitement prévue normalement pour leur fonction et bénéficier ainsi des annuités supplémentaires.

L’art. 9 RTrait, applicable en vertu des art. 18 al. 2 LPol et 44 aLPol et réglant le changement de fonction avec rétrogradation, précise, à son al. 3, que les normes prévues lors de la promotion s'appliquent « dans ce cas de manière inverse » ; toutefois, le niveau de rémunération atteint ne subit pas de réduction lorsqu'il est inférieur au montant maximum de la nouvelle classe. Le traitement est, dans ce cas, bloqué jusqu'au moment où, par le jeu des annuités, le niveau salarial fixé dans la nouvelle classe dépasse le traitement antérieur. Le titulaire bénéficie alors d'un déblocage de sa rémunération et d'un « coulissement » dans la classe de sa nouvelle fonction. Selon l’art. 9 al. 4 RTrait, en aucun cas, le montant maximum de la classe de la nouvelle fonction ne peut être dépassé.

En vertu de l’art. 8 al. 4 let. b RTrait, la promotion donne lieu immédiatement à l’octroi d’une augmentation extraordinaire de traitement qui correspond à « une double annuité et un coulissement dans la nouvelle classe ou dans la classe la plus proche lorsque la nouvelle fonction est située 2 classes
au-dessus de la fonction antérieure ».

d. Dans les travaux préparatoires ayant abouti à la teneur actuelle des al. 1 et 2 de l’art. 12 LPAC, était critiqué le manque de souplesse de l’ancienne règle, selon laquelle l’agent « transféré à un autre poste, pour les besoins de l’administration » devait conserver sa rémunération, même si le nouveau poste était inférieur dans l’échelle des traitements. Cette règle entravait des réorganisations nécessaires et créait des inégalités de traitement entre les agents d’un même service, ces inégalités étant mal comprises et pouvant avoir un effet décourageant. Elle présentait le risque, vu ses inconvénients, de donner lieu à des résiliations des rapports de service, au détriment de reclassements. Les organisations professionnelles s’opposaient à l’adaptation du salaire en cas de transfert ; elles soutenaient un droit acquis des membres du personnel au maintien de leur traitement, même en cas de transfert ; elles craignaient que l’autorité n’use de tels transferts dans le seul dessein de faire régresser les agents publics sur l’échelle des traitements (Exposé des motifs du projet de loi n° 7493 ayant conduit à l’adoption de la LPAC actuelle, in MGC 1996 43/VI 6355). Selon l’exposé des motifs dudit projet de loi, il était important que l’affectation des agents publics puisse être modifiée de façon à répondre aux besoins de l’administration ou de l’établissement. En principe, un changement d’affectation décidé par l’administration, pour un motif indépendant de l’intéressé, ne devait pas entraîner une diminution de traitement. Étaient réservés les cas appréhendés par l’ancien art. 12 al. 3 LPAC, à savoir la suppression ou la modification substantielle du poste de travail (exposé des motifs du projet de loi n° 7493, in MGC 1996 43/VI 6358 s).

e. En l’espèce, la réorganisation précitée de la police initiée en 2011 par le Conseil d’État a conduit à la suppression des fonctions de commissaire de police colloquées en classe 27, au profit de celle d’OPS située en classe 25, à la suite d’un processus d’évaluation juridiquement non contestable pour les raisons susévoquées. Le recourant prétend ne pas avoir changé d’activité, tout en soutenant que les tâches d’OPS étaient plus étendues que celles qu’il effectuait en tant que commissaire de police avant l’entrée en vigueur du CPP et que celui-ci a augmenté sa charge de travail. Quoi qu’il en soit, il n’est pas contesté qu’il disposait des aptitudes pour exercer la fonction d’OPS, que la création d’OPS découle d’une réorganisation des activités policières liées à la mise en place d’une nouvelle entité, placée sous la conduite d’un seul chef et destinée à améliorer l’action de la police et la sécurité publique, et que cette réorganisation a, à tout le moins dans un premier temps, eu pour effet de supprimer la fonction de commissaire de police qu’il occupait.

En modifiant l’affectation du recourant telle qu’elle a eu lieu in casu, l’autorité intimée a veillé à lui garantir un emploi adapté à ses compétences dans le cadre d’une nouvelle organisation des activités de la police, liée à l’entrée en vigueur du nouveau CPP et visant à rendre la planification et la coordination de ses opérations plus efficace, dans le respect, notamment, des art. 12 al. 1 et 2 LPAC. Comme cela découle des travaux préparatoires précités y relatifs, ces dispositions visent à introduire de la souplesse dans la gestion de l’État, en supprimant l’ancienne règle qui empêchait la modification de la rémunération de l’agent public, transféré dans un nouveau poste colloqué dans une classe inférieure à la fonction précédemment occupée. Cependant, selon lesdits travaux préparatoires, le changement d’affectation d’un membre du personnel, pour un motif indépendant de sa volonté, ne doit pas entraîner une diminution de son traitement. Dès lors, le système découlant des art. 12 al. 2 LPAC, 2 al. 5 LTrait et 9 al. 3 RTrait est conforme à la volonté du législateur cantonal en ce sens qu’il garantit le niveau de rémunération acquis au moment du changement d’affectation et défini par la classe de traitement et l’annuité atteinte, jusqu’au coulissement dans la classe de traitement correspondant au nouveau poste et à la rémunération « acquise ». Ce n’est qu’à partir de ce moment que le membre de personnel peut à nouveau prétendre bénéficier des annuités, et ce dans les limites fixées notamment par l’art. 9 al. 4 RTrait.

Or, en voulant continuer à percevoir les annuités alors que son traitement, au moment du changement d’affectation faisant l’objet de la présente procédure, était supérieur à celui correspondant à sa nouvelle fonction, le recourant cherche à se voir appliquer l’ancienne règle dont le manque de souplesse a été critiqué et les effets en termes d’inégalités de traitement et de démotivation du personnel relevés lors des travaux préparatoires susmentionnés, à l’origine de la réglementation actuelle des al. 1 et 2 de l’art. 12 LPAC. En outre, son grief tiré d’une application erronée des art. 9 al. 3 et 8 al. 4 RTrait doit aussi être écarté. En effet, l’approche suivie par l’autorité intimée (à savoir d’abord diminuer le traitement de l’intéressé de deux annuités, puis de le coulisser dans la nouvelle classe) correspond au texte clair de l’art. 8 al. 4 let. b RTrait mentionnant d’abord l’annuité puis le coulissement. Enfin, l’arrêt ATA/835/2010 précité ne lui est d’aucun secours, dans la mesure où il concerne un changement d’affectation en tant qu’alternative à une procédure de licenciement (consid. 10). C’est donc en conformité avec les normes précitées que le blocage des annuités du recourant jusqu’en principe au
1er janvier 2021 a, à juste titre, été prononcé par l’autorité intimée dans la décision litigieuse, la fonction d’OPS étant colloquée deux classes de traitement en-dessous à celle qu’il occupait jusqu’au changement d’affectation querellé et les art. 9 al. 3 et 8 al. 4 RTrait ont été in casu correctement appliqués.

Le recours doit donc être rejeté sur ce point également.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision litigieuse du 27 janvier 2015 confirmée.

10) Un émolument de CHF 1’000.- est mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 2 mars 2015 par M. A______ contre la décision du département de la sécurité et de l’économie, devenu l’actuel département de la sécurité, de la population et de la santé, du 27 janvier 2015 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de M. A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Kinzer, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory,
Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :