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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/564/2017

ATA/986/2019 du 04.06.2019 sur JTAPI/36/2018 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.08.2019, rendu le 07.07.2020, REJETE, 2C_729/2019
Descripteurs : IMPÔT SUR LE REVENU ; ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE ; ASSUJETTISSEMENT(IMPÔT) ; CALCUL DE L'IMPÔT ; PERSONNE PHYSIQUE ; ÉTABLISSEMENT STABLE ; ENTREPRISE ; APPARTENANCE ÉCONOMIQUE ; CONVENTION DE DOUBLE IMPOSITION ; REMISE CONVENTIONNELLE DE DETTE ; REVENU NET ; IMPUTATION DES PERTES ; FORTUNE COMMERCIALE ; BÉNÉFICE NET ; BILAN(EN GÉNÉRAL) ; FORCE OBLIGATOIRE(SENS GÉNÉRAL) ; PRINCIPE EN MATIÈRE DE DROIT FISCAL ; FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LIFD.3.al1; LIFD.6.al1; LIPP.2; LIPP.5.al1; LIFD.6.al3; LIPP.5.al4; LIFD.4.al2; LIPP.3.al3; LIFD.18.al1; LIFD.16.al1; LIPP.17; LIFD.25; LIFD.27; LIFD.31.al1; LIPP.30.letf; LHID.10.al1.letc; LHID.67.al1; LIFD.18.al3; LIPP.19.al4
Résumé : Faute pour le recourant d'avoir démontré que les sociétés civiles immobilières qu'il exploite en France sont des établissements stables, celles-ci constituent des entreprises à part entière, imposées en tant que telles. Leurs pertes ne peuvent donc être prises en considération en Suisse que pour la détermination du taux de l'impôt. À cet égard et au vu des éléments du dossier, il n'y a pas lieu de s'écarter des montants des pertes reportées pris en considération par l'AFC-GE, confirmés par le TAPI. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/564/2017-ICCIFD ATA/986/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juin 2019

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Schaer & Miffon Associés, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 janvier 2018


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1937, est de nationalité suisse et domicilié dans le canton de Genève. Il y exploite une entreprise en raison individuelle active dans le domaine immobilier, ayant pour objet la rénovation et l'entretien d'immeubles selon son inscription au registre du commerce.

Il exploite par ailleurs six sociétés civiles immobilières (ci-après : SCI) sises en France, à savoir les SCI B______, SCI C______, SCI D______, SCI E______, SCI F______ et SCI G______. Sa participation dans cette dernière société équivaut à 50 %.

2) Pour les années fiscales 2003 à 2009, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) n'a taxé le contribuable que sur sa fortune (s'élevant à CHF 12'172'183.- en 2009), ses revenus imposables étant nuls. Pour chaque année fiscale concernée, des pertes commerciales, reportées ou non compensées étaient prises en considération.

3) Dans sa déclaration fiscale pour l'année 2010, M. A______ a fait état de revenus bruts à hauteur de CHF 1'835'959.- pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et de CHF 1'845'466.- pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD), comprenant notamment le bénéfice de son entreprise genevoise en CHF 199'072.- et des loyers encaissés pour un montant total de CHF 1'418'450.-. En déduction de ces revenus, il a notamment fait valoir des pertes reportées pour CHF 6'909'578.-, sans produire de justificatifs à cet égard.

4) Par bordereaux du 19 mai 2014, l'AFC-GE a taxé le contribuable pour l'année 2010, arrêtant ses revenus imposables à CHF 1'027'255.- pour l'ICC et CHF 1'044'515.- pour l'IFD. À teneur des avis de taxation joints à ces bordereaux, aucune perte reportée n'avait été admise.

5) Par réclamation du 3 juin 2014, M. A______ a contesté ces bordereaux, en sollicitant un entretien pour expliquer les modalités du report de pertes des années précédentes comptabilisé, s'élevant à CHF 591'730.-.

L'AFC-GE ne l'avait pas admis, alors que les taxations portant sur ces années n'étaient pas entrées en force à cet égard, ses revenus imposables étant nuls.

6) a. S'en est suivi un échange de correspondance, au cours duquel l'AFC-GE a demandé à M. A______, par courriers des 15 mars et 22 mai 2015, de lui remettre les documents du fisc français attestant des pertes et de leur caractère commercial, ainsi que les comptes commerciaux des SCI pour les exercices 2003 à 2010, en expliquant les raisons pour lesquelles celles-ci avaient perdu tant de valeur durant cette période.

b. Les 22 avril et 26 juin 2015, M. A______ a remis un avis d'impôt du fisc français sur ses revenus pour l'année 2008, prenant en considération un déficit à reporter d'EUR 5'085'504.-, correspondant aux « déficits globaux des années antérieures [2003 à 2005 et 2007 à 2008] non imputés à reporter sur la déclaration de revenus perçus en 2009 à souscrire en 2010 », ainsi qu'une partie des comptes demandés, certains bilans manquant. En raison de la crise financière des années 1990, il avait dû faire des apports et injecter des fonds pour maintenir à flots ses SCI. À la fin des années 1990, le marché avait été relancé mais les ventes n'avaient pu s'effectuer qu'à perte, d'où un reliquat reporté sur 2010.

7) Conformément à la convocation du 5 juillet 2016, M. A______ a remis à l'AFC-GE, lors d'un entretien du 13 septembre 2016, les comptes des exercices 2003 à 2010 des SCI D______, G______ et B______. Pour les SCI F______ et C______, il a produit les comptes des exercices 2006 à 2010, et pour la SCI E______, ceux des exercices 2003 et 2006 à 2010.

Selon ces comptes, les exercices 2003 à 2007 des SCI s'étaient soldés par des pertes totalisant EUR 2'798'647.-. En revanche, lors des exercices 2008 et 2009, elles avaient réalisé un bénéfice net d'EUR 11'890'490.-, dont notamment celui réalisé par la SCI G______ en 2008 (EUR 11'913'831.-). Au passif du bilan de cette dernière, un « report à nouveau » négatif de l'exercice 2002 s'élevant à EUR 10'605'013.- avait notamment été comptabilisé.

8) Par décisions du 20 janvier 2017 concernant l'ICC et l'IFD 2010, l'AFC-GE a rejeté la réclamation de M. A______.

Sur la base des éléments fournis par ce dernier, un tableau des pertes reportées avait été établi, lequel tenait compte des revenus et pertes qu'il avait réalisés en Suisse et à l'étranger. Il en ressortait que les pertes reportées sur l'exercice 2008, totalisant CHF 1'819'273.-, étaient compensées par une « suffisance » de revenu s'élevant à CHF 12'394'518.- pour cet exercice, de sorte qu'aucun report de pertes n'était pris en compte pour les exercices 2009 et 2010. M. A______ ne pouvait ainsi bénéficier d'aucun report de pertes pour l'année fiscale 2010.

9) Par acte du 16 février 2017, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, en concluant à ce qu'un report de pertes de CHF 591'730.- soit pris en compte dans sa taxation pour l'année 2010 et, le cas échéant, au renvoi du dossier à l'AFC-GE afin qu'elle « explique et motive sa décision lacunaire » du 20 janvier 2017. Il sollicitait également un délai pour motiver son recours.

Quant au calcul des pertes reportées, les chiffres retenus par l'AFC-GE divergeaient de ceux qu'il avait fournis et étaient incompréhensibles. Les deux collaborateurs de l'AFC-GE chargés de son dossier étaient en vacances lorsqu'il avait tenté de les joindre, de sorte qu'une collaboratrice lui avait conseillé de recourir afin de sauvegarder ses droits.

10) Dans le délai accordé et prolongé par le TAPI, M. A______ a complété son recours.

D'une part, l'AFC-GE n'avait pas converti en CHF les pertes que les SCI avaient comptabilisées en EUR. D'autre part, les montants que cette dernière avait pris en considération ne correspondaient pas aux résultats effectivement réalisés par les SCI. Elle aurait dû prendre en compte « le montant effectif des pertes », soit celui ressortant des calculs qu'il avait opérés et reportés dans le tableau annexé à son courrier. À la lecture de ce tableau, on constatait que si l'on prenait en considération « les pertes réelles » des SCI, on arrivait à un report de EUR 6'083'836.-, soit CHF 9'023'241.- pour l'année fiscale 2010.

Il concluait donc à ce que les résultats des SCI soient convertis en CHF et à ce qu'un report de pertes de CHF 8'814'163.- soit admis pour l'année fiscale 2010.

Outre ledit tableau, il produisait les bilans au 31 décembre 2009 des six SCI, indiquant uniquement les passifs de ces dernières. Il y a souligné, dans la rubrique « capitaux propres », les sommes des montants comptabilisés sous les postes « reports à nouveau » et « résultat de l'exercice », s'élevant à :

SCI B______ - EUR 585'114.-

SCI C______ - EUR 3'625'330.-

SCI D______ - EUR 1'912'517.-

SCI E______ - EUR 53'653.-

SCI F______ - EUR 680.88

SCI G______ + EUR 95'465.-

 

11) L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le tableau récapitulant en EUR les résultats des exercices 2003 à 2009 et celui des pertes reportées avaient été établis sur la base des comptes commerciaux des SCI produits par M. A______. Les exercices 2002 à 2007 de ces SCI s'étaient soldés par des pertes totalisant EUR 3'220'415.-. En revanche, lors des exercices 2008 et 2009, ces SCI avaient réalisé des bénéfices d'EUR 5'933'494.-, respectivement, EUR 331'628.-, soit CHF 9'915'294.-. Seule la moitié des pertes et des bénéfices de la SCI G______ était attribuée à M. A______, sa part étant de 50 %.

Les résultats des SCI avaient été convertis en CHF, sur la base des cours annuels moyens des devises en Suisse, avant de les intégrer dans le tableau des pertes reportées. Toutes les pertes étaient ainsi compensées avant l'exercice 2010.

En annexe à sa réponse, l'AFC-GE a notamment produit un tableau indiquant, en EUR, les résultats des SCI pour les années 2002 à 2009, ainsi que le tableau indiquant en CHF les reports de pertes de 1996 à 2008. Selon le premier document, le bénéfice réalisé par la SCI G______ en 2008 (EUR 11'913'831.-) n'avait été pris en compte qu'à concurrence de 50 %. Était également jointe une liste indiquant les « cours annuels moyens des devises en Suisse » (publiés par l'administration fédérale de contributions [ci-après : AFC-CH] pour les années 2002 à 2009), utilisée pour la conversion EUR/CHF.

12) M. A______ a répliqué.

L'AFC-GE avait repris les montants tels qu'indiqués dans les comptes des SCI sans les convertir en CHF. Elle n'avait en outre pas tenu compte du fait qu'il détenait la SCI G______ à raison de 50 %. Elle avait ainsi retenu, pour l'exercice 2008 de cette société, un bénéfice d'EUR 11'913'831.-, au lieu d'EUR 5'956'915.-, qu'elle aurait d'ailleurs dû convertir en CHF. Elle n'avait tenu compte que des bénéfices des SCI, omettant de prendre en considération les « déficits reportables » que le fisc français avait admis pour les années 2003 à 2008, selon l'avis d'impôt sur le revenu 2008.

13) L'AFC-GE a dupliqué en persistant dans ses conclusions et sa position.

En outre, faute de connaître le mode de détermination des « déficits reportables » acceptés par le fisc français, ces derniers ne pouvaient pas être admis au titre de « déductions supplémentaires ».

14) Par écritures spontanées du 11 juillet 2017, M. A______ a notamment relevé que, selon un tableau que l'AFC-GE lui avait remis le 2 février 2017, celle-ci n'avait pas converti en CHF les montants qui y étaient indiqués. Elle ne lui avait par ailleurs jamais demandé le détail des pertes reportées retenues par le fisc français.

15) Par jugement du 15 janvier 2018, le TAPI a rejeté le recours précité, en confirmant les décisions querellées.

M. A______ avait modifié à plusieurs reprises le montant des pertes reportées dans le cadre de la procédure, ce qui invitait à penser qu'elles n'avaient pas été comptabilisées correctement. Seules les pertes résultant des comptes de profits et pertes des exercices 2003 à 2009 pouvaient être reportées sur l'exercice 2010. Compte tenu des pertes et bénéfices réalisés durant les années 2003 à 2009, et de la moitié du bénéfice 2008 de la SCI G______ (EUR 5'956'915.50), il n'y avait aucune perte à reporter pour l'année fiscale 2010. Les tableaux établis par l'AFC-GE l'avaient été valablement, sur la base des documents comptables remis et d'après les cours annuels moyens de conversion des devises EUR-CHF fixés par l'AFC-CH pour les années 2003 à 2009. Les « déficits reportables » retenus par le fisc français pour l'année fiscale 2008 étaient sans portée, dès lors qu'ils ne correspondaient pas aux résultats ressortant des comptes de profits et pertes des SCI pour les exercices 2003 à 2009.

16) Par acte du 15 février 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant principalement à ce qu'il soit « considéré que l'ensemble des faits présentés et attestés présentés et prouvés par pièce constitue un cas d'application de prise en compte des pertes de façon illimitées selon l'art. 67 al. 2 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) » ; subsidiairement, à ce qu'il soit « constaté le changement de méthode de la part de l'AFC-GE dans l'établissement du tableau figurant à l'annexe 4, ayant servi de base à la taxation, de nature à remettre en cause la base de celle-ci ; si par impossible l'application de l'art. 67 al. 2 LIFD ne devait être retenue », « dans tous les cas renvoyer le dossier à l'AFC-GE, dans le sens des considérants en vue de l'établissement d'un nouveau calcul dans le cadre [de son] bordereau de taxation pour l'année 2010 », ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité de procédure pour avoir dû faire appel à un mandataire professionnellement qualifié.

À titre subsidiaire, il reprenait ses précédents développements quant à l'absence de prise en considération par l'AFC-GE du report de pertes. Dans l'établissement de son tableau, l'AFC-GE avait appliqué une méthode différente pour les années 2004 à 2007 et 2012 à 2015, d'une part, et les années 2008 à 2011, d'autre part.

À titre principal, il relevait désormais que l'AFC-GE, le TAPI et lui-même avaient fondé à tort leur raisonnement sur l'application de l'art. 67 al. 1 LIFD, sans aborder la possibilité d'une compensation illimitée des pertes en application de l'art. 67 al. 2 LIFD. En raison de la crise économique au début des années 1990, ses différentes SCI avaient accumulé des pertes importantes qui avaient été reportées aux bilans des SCI, selon le droit français. L'accumulation de ces pertes reportées attestées par les bilans audités des sociétés avait conduit à une situation de quasi faillite pour la SCI G______, situation ayant donné lieu à une décision de redressement judiciaire prononcée le 25 septembre 2003 en France. Précédemment et dans ce contexte, selon un protocole d'accord du 13 décembre 2001, H______ avait accordé un abandon de créance d'EUR 11'813'931.- (sic), afin de compenser en grande partie les pertes reportées jusqu'alors accumulées. Ce montant avait été considéré par le TAPI comme bénéfice réalisé en 2008 et 2009. Compte tenu de la situation de la SCI G______ ayant nécessité que celle-ci vende progressivement certains actifs pour rembourser des créances, il fallait considérer que l'abandon de créance de I______ (ci-après : I______) et la décision de redressement judiciaire constituaient une opération d'assainissement de l'ensemble des pertes accumulées par cette société et les autres SCI, dans le but de la sauver de la faillite. La situation financière de la SCI G______ s'apparentait à un cas de faillite ou d'ajournement de faillite. Le plan d'apurement et l'abandon de créance consenti par I______ constituaient une mesure d'assainissement de la SCI G______. Les deux conditions cumulatives de l'art. 67 al. 2 LIFD étant satisfaites, l'AFC-GE et le TAPI auraient dû prendre en compte les pertes réalisées par les SCI de façon illimitée et non pas seulement sur les sept exercices ayant précédé l'exercice 2010. Les différents documents produits (bilans et tableaux récapitulatifs) montraient clairement d'importantes pertes reportées, autorisées « ad libitum » en droit français.

À l'appui de son recours, M. A______ a notamment produit les pièces suivantes :

-       un jugement du 25 septembre 2003 du Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains (France) fixant la créance de H______, subrogée dans les droits de I______, au passif du redressement judiciaire de la SCI G______ à la contre-valeur en EUR de la somme de CHF 42'857'678.35 outre intérêts au taux légal suisse de 5 % l'an à compter du 28 janvier 2000 ;

-       un protocole d'accord transactionnel du 13 décembre 2001 entre H______ et M. A______ pour la SCI G______, portant sur la cession de créance de I______ en faveur de H______ et cette dernière acceptait de réduire sa créance, dans le cadre d'un plan de redressement, à la somme totale d'EUR 16'159'595.83. Le débiteur et le créancier acceptaient de voir ordonner un plan de redressement de la SCI G______ par l'adoption d'un plan de continuation prévoyant un apurement du passif par la vente de lots propriété de la SCI ;

-       une copie du tableau remis par l'AFC-GE lors de l'entretien du 2 mars 2017, récapitulant les résultats de comptes commerciaux des SCI, remis en procédure de réclamation, pour les années 2002 à 2015, reprenant les montants indiqués précédemment sous chiffre 7 ;

-       les comptes annuels de la SCI G______ pour les années 2004 à 2012 et 2014.

17) Par courriers des 25 avril 2018 de l'AFC-GE et 9 mai 2018 de M. A______, les parties ont sollicité la suspension de la procédure, laquelle a été prononcée par décision du 24 mai 2018, afin de permettre une analyse complémentaire de la taxation contestée.

18) Dans ses écritures responsives du 28 septembre 2018, l'AFC-GE a sollicité la reprise de l'instance, en concluant au rejet du recours.

La nouvelle argumentation de M. A______ ne pouvait aboutir à l'admission de ses conclusions.

Les pertes dont M. A______ sollicitait la déduction n'avaient pas été subies dans le cadre de l'activité indépendante qu'il exerçait en Suisse. Il s'agissait de pertes encourues par les six SCI. Contrairement aux règles sur le fardeau de la preuve, M. A______ n'avait ni allégué ni démontré l'existence d'un établissement stable en France. Il ne pouvait donc compenser les pertes encourues par les SCI, dont le montant n'avait pas été chiffré, avec des revenus obtenus en Suisse. Seul le taux d'imposition permettait de tenir compte de pertes subies par les SCI. Pour les années fiscales 2003 à 2009, il avait été tenu compte lors des taxations du contribuable des pertes non seulement par le taux d'imposition, mais également, à tort, par la déduction des pertes de l'assiette fiscale, ce qui avait entraîné une non-imposition de ces années en dépit du fait qu'elles présentaient un solde positif.

19) Par décision du 3 octobre 2018, le juge délégué a prononcé la reprise de la procédure, en impartissant un délai aux parties pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires avant que la cause ne soit gardée à juger.

20) Le 29 novembre 2018, M. A______ a répliqué, en persistant dans ses conclusions et précédents développements.

Au vu des observations de l'AFC-GE, il était admis que des pertes subies à la suite d'une restructuration pouvaient être déduites sans préjudice dans la limitation des sept années prévalant en droit suisse, et que s'agissant d'établissements situés à l'étranger, la jurisprudence reconnaissait que les règles applicables sur le plan intercantonal l'étaient de la même manière sur le plan international. L'existence d'un établissement stable n'avait pas été alléguée ni prouvée, car il paraissait évident que la SCI G______ en était un, tant du point de vue juridique qu'économique. Les pertes de l'exercice fiscal 2010 provenaient principalement de l'exercice 2008, année de la restructuration de la SCI G______. L'avis d'imposition du fisc français pour l'année 2008 montrait une imposition nulle, vu que le montant de l'abandon de créance lors de l'assainissement avait été absorbé par les pertes cumulées de la SCI lors des exercices précédents. Peu habituée à la façon française de présenter les bilans, il était certain que l'AFC-GE n'avait considéré que les revenus sans leur opposer les pertes cumulées, alors que celles-ci devaient être admises afin de respecter le principe de sa capacité contributive.

Il joignait un extrait du registre du commerce de la sous-préfecture de Thonon-les-Bains, du 7 novembre 2018, concernant la SCI G______, indiquant que celle-ci y était toujours inscrite, ainsi qu'un avis d'impôt sur les revenus français à son nom pour l'année 2008, prenant en considération les déficits des années 2003 à 2008.

21) Le 16 janvier 2019, l'AFC-GE a maintenu sa position.

22) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 145 LIFD ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la déductibilité des pertes reportées des SCI sises en France dans le cadre de la taxation IFD et ICC 2010.

a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/379/2018 du 24 avril 2018 et les références citées).

Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000). L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s'appliquent même après l'entrée en vigueur de la loi.

b. En l'espèce, c'est la nouvelle LIPP qui trouve application, ainsi que la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et la LIFD, dans leur teneur lors de la période fiscale en cause.

3) La question étant traitée de manière semblable en droit fédéral et en droit cantonal, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 et 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1).

4) Principalement, le recourant invoque, pour la première fois devant la chambre de céans, la possibilité d'une compensation illimitée des pertes des SCI sises en France en application de l'art. 67 al. 2 LIFD. Subsidiairement, il reprend ses arguments développés en procédures de réclamation et de première instance, considérant que les chiffres retenus par l'intimée quant au report de pertes sont incorrects.

5) a. Les personnes physiques sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement personnel lorsque, au regard du droit fiscal, elles sont domiciliées ou séjournent en Suisse (art. 3 al. 1 LIFD). L'assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité, mais ne s'étend pas aux établissements stables et aux immeubles situés à l'étranger (art. 6 al. 1 LIFD). Cette exemption est inconditionnelle et existe indépendamment de l'imposition effective ou non de l'entreprise, de l'établissement ou de l'immeuble à l'étranger (ATA/1017/2015 du 25 septembre 2015 ; Xavier OBERSON, Précis de droit fiscal international, 4ème éd., 2015, p. 97 n. 310).

L'art. 3 al. 1 à 3 LIFD a son pendant, en droit cantonal, à l'art. 2 al. 1 à 3 LIPP, identique à l'art. 2 al. 1 à 3 aLIPP- I. L'art. 6 al. 1 LIFD correspond en tout point aux art. 5 al. 1 1ère phr. LIPP et 5 al. 1 1ère phr. aLIPP-I.

b. Selon l'art. 6 al. 3 LIFD, l'étendue de l'assujettissement pour une entreprise, un établissement stable ou un immeuble est définie, dans les relations internationales, conformément aux règles du droit fédéral concernant l'interdiction de la double imposition intercantonale. Si une entreprise suisse compense, sur la base du droit interne, les pertes subies à l'étranger par un établissement stable avec des revenus obtenus en Suisse et que cet établissement stable enregistre des gains au cours des sept années qui suivent, il faut procéder à une révision de la taxation initiale, à concurrence du montant des gains compensés auprès de l'établissement stable ; dans ce cas, la perte subie par l'établissement stable à l'étranger ne devra être prise en considération, a posteriori, que pour déterminer le taux de l'impôt en Suisse. Dans toutes les autres hypothèses, les pertes subies à l'étranger ne doivent être prises en considération en Suisse que lors de la détermination du taux de l'impôt. Les dispositions prévues dans les conventions visant à éviter la double imposition sont réservées.

La rédaction de l'art. 5 al. 4 in fine LIPP, comme l'était celle de l'art. 5 al. 4 aLIPP-I, est identique à celle de l'art. 6 al. 3, 3ème phr. LIFD et a été sciemment calquée sur ce modèle : il ressort des travaux préparatoires que « le libellé de l'article 3 [recte : 6] alinéa 3 LIFD, plus clair, a été repris à l'article 5 al. 4 aLIPP-I. Cela permet une harmonisation verticale qui est souhaitable » (MGC 1999 45/VIII 7379, exposé des motifs ; ATA/8/2014 du 7 janvier 2014 consid. 7).

c. Les personnes physiques domiciliées en Suisse sont en principe imposables sur tous leurs revenus de source étrangère, dès l'instant où elles sont domiciliées en Suisse, de sorte que, en l'absence de convention de double imposition, les revenus tirés de l'activité dépendante exercée à l'étranger sont pleinement imposables en Suisse. Il en va de même des revenus de l'activité indépendante effectuée à l'étranger, pour autant que celle-ci ne se déploie pas dans le cadre d'une entreprise ou d'un établissement stable dans cet État (Xavier OBERSON, op. cit., p. 98 n. 313), notions correspondant à celles mentionnées à l'art. 4 LIFD et qui sont également applicables aux établissements à l'étranger (ATF 139 II 78 consid. 2 ; ATA/1605/2017 du 12 décembre 2017 et les références citées).

d. L'art. 4 al. 2 LIFD définit l'établissement stable comme toute installation fixe dans laquelle s'exerce tout ou partie de l'activité de l'entreprise, tant d'un point de vue qualitatif que quantitatif (ATF 134 I 303 consid. 2.2). L'entreprise doit exercer son activité au travers d'installations permanentes, ce qui implique qu'elles soient à sa disposition de façon durable, de manière à pouvoir en disposer économiquement. Pour être qualitativement importante, l'activité doit entrer dans le cercle de celle, principale, de l'entreprise. L'exigence d'une activité quantitativement importante s'analyse, quant à elle, différemment suivant chaque type d'entreprise et signifie que l'installation en cause doit exercer une activité qui n'est pas accessoire ou d'importance secondaire. En outre, l'établissement doit effectuer une partie de l'activité de l'entreprise, ce qui exclut en principe qu'une filiale puisse être considérée comme un établissement stable de sa mère (Xavier OBERSON, op. cit., p. 486 s n. 40). Il est admis que des exigences plus élevées soient posées lorsqu'il s'agit de reconnaître l'existence d'un établissement stable à l'étranger plutôt qu'en Suisse, pays dans lequel les activités exercées à l'étranger seront toutefois imposées en cas de doute en raison de l'assujettissement illimité (ATF 139 II 78 consid. 3.1.2). Par ailleurs, dans le cadre d'un « ruling », l'autorité fiscale peut exiger des associés une présence régulière sur les lieux de l'établissement en vue de gérer ses activités afin de lui reconnaître la stabilité nécessaire pour ne pas imposer ses revenus en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_664/2013 du 28 avril 2014 consid. 4.3 ; ATA/1605/2017 précité).

Cette notion d'établissement stable est identique au niveau cantonal - art. 3 al. 3 LIPP - de sorte qu'il convient de se référer aux développements relatifs à l'IFD (ATA/1605/2017 précité consid. 4).

e. La notion d'entreprise au sens de l'art. 6 al. 1 LIFD est large et comprend toute activité lucrative indépendante au sens de l'art. 18 al. 1 LIFD. Constitue ainsi une entreprise toute activité entrepreneuriale effectuée par une personne à ses propres risques, avec la mise en oeuvre de travail et de capital, dans une organisation librement choisie et reconnaissable de l'extérieur. En cas de doute sur l'existence d'une entreprise à l'étranger, il convient de soumettre le revenu afférent à l'impôt en Suisse, en raison de l'assujettissement illimité de l'associé dans ce pays de l'entrepreneur, respectivement de l'associé en Suisse. À l'appui de cette affirmation, le Tribunal fédéral invoque le souci de cohérence avec sa jurisprudence en matière d'établissement stable (RDAF 2017 II 26 p. 30 et 31 et les références citées).

La doctrine relève une différence entre l'établissement stable et la notion d'entreprise, cette dernière est un concept autonome qui vise l'exploitation d'une entreprise, comme agent économique autonome, en la forme commerciale. Contrairement à l'établissement stable, l'exploitation de l'entreprise est conçue dans sa globalité, et non en partie (Xavier OBERSON, op. cit., p. 79 n. 16).

f. Selon l'art. 7 ch.1 de la convention entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscale du 9 septembre 1966 (CDI-F - RS 0.672.934.91), les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable.

Le fait qu'une société qui est un résident d'un État contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est un résident de l'autre État contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l'intermédiaire d'un établissement stable ou non) ne suffit pas, en soi, à faire de l'une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l'autre (art. 5 ch. 7 CDI-F).

g. Selon l'art. 1832 du Code civil français, la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes.

Ont le caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n'attribue pas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature, ou de leur objet (art. 1845 al. 2 du Code civil français).

Ainsi, en droit français, une société civile immobilière est-elle une société civile, qui a un objet immobilier.

6) a. L'impôt sur le revenu des personnes physiques a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD ; art. 17 LIPP). Est notamment imposable le produit de l'activité lucrative indépendante (art. 18 LIFD ; art. 19 al. 1 LIPP).

Est une activité lucrative indépendante celle qui est entreprise par une personne à ses propres risques, avec la mise en oeuvre de travail et de capital, dans une organisation librement choisie dans le but d'obtenir un gain en participant à la vie économique (ATF 125 II 113 consid. 5b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_376/2011 du 27 avril 2012 consid. 5 ; 2C_307/2010 du 27 août 2010 consid. 2.2).

Un abandon de créance par une banque est fiscalement considéré comme un revenu imposable pour le contribuable, que la dette remise soit privée ou commerciale (art. 16 al. 1 et 18 al. 1 LIFD ; ATF 142 II 197 consid. 5.1 et les références citées, arrêts du Tribunal fédéral 2C_189/2016 et 2C_190/2016 du 13 février 2017 consid. 4.1 ; ATA/41/2016 du 19 janvier 2016 consid. 7).

b. Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD (art. 25 LIFD).

Dans le cadre de l'imposition du revenu d'une activité lucrative indépendante, peuvent être déduits les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD). Font notamment partie de ces frais, les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, à condition qu'elles aient été comptabilisées (art. 27 al. 2 let. b LIFD).

À ce propos, l'art. 31 al. 1 LIFD dispose que les pertes des sept exercices précédant la période fiscale (art. 40 LIFD) peuvent être déduites pour autant qu'elles n'aient pas pu être prises en considération lors du calcul du revenu imposable des années concernées. Lors de la période 2010 sous revue, c'est l'ancien art. 211 LIFD, qui trouvait application, sa teneur étant matériellement semblable à celle de l'art. 31 al. 1 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_986/2017 du 28 juin 2018 consid. 4.2 et les références citées).

Au niveau cantonal, selon l'art. 30 let. f LIPP, dans sa teneur en vigueur en 2010, sont déduits du revenu les frais qui sont justifiés par l'usage commercial professionnel. Font notamment partie de ces frais, les pertes subies durant les sept exercices ayant précédé la période fiscale, pour la part qui n'a pas pu être prise en considération lors du calcul du revenu imposable des années antérieures. Les pertes des exercices antérieurs qui n'ont pas encore pu être déduites du revenu peuvent être soustraites des prestations de tiers destinées à équilibrer un bilan déficitaire dans le cadre d'un assainissement. Ces principes sont aussi applicables en cas de transfert de domicile au regard du droit fiscal ou du lieu d'exploitation de l'entreprise à l'intérieur de la Suisse.

Les frais justifiés par l'usage commercial ou professionnel qui peuvent être déduits comprennent notamment les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, qui ont été comptabilisées (art. 10 al. 1 let. c de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14, dans la teneur en vigueur en 2010).

Lorsqu'elles n'ont pas pu être prises en considération lors du calcul du revenu imposable de ces années, les pertes des sept exercices précédant la période fiscale sont déduites (art. 67 al. 1 LHID, dans la teneur en vigueur en 2010).

c. Outre l'exercice d'une activité commerciale indépendante par le contribuable, la comptabilisation des pertes constitue une condition nécessaire à leur déductibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_189/2016 et 2C_190/2016 précité consid. 6.4.3 et s. ; ATA/1384/2017 du 10 octobre 2017 consid. 12b et les références citées).

Par ailleurs, les pertes dont le report est demandé ne peuvent être déduites du revenu (ou du bénéfice) imposable du contribuable que si elles n'ont pas pu être compensées avec des revenus (ou des bénéfices) les années précédentes. Le contribuable ne peut ainsi pas choisir à son bon vouloir le moment du report de pertes ; celles-ci doivent venir en déduction du revenu (ou du bénéfice) dès que possible (arrêt du Tribunal fédéral 2C_189/2016 et 2C_190/2016 précité consid. 6.4.3 et les références citées).

L'ancien art. 211 LIFD (et l'actuel art. 31 al. 1 LIFD) limite le report aux pertes des sept exercices précédant la période fiscale. Cette limitation temporelle ne vaut pas en cas d'assainissement (art. 31 al. 2 LIFD, également applicable au report de pertes fondé sur l'ancien art. 211 LIFD, arrêt du Tribunal fédéral 2C_189/2016 et 2C_190/2016 précité consid. 6.4.5 et les références citées).

7) Le revenu imposable comprend le produit de l'activité lucrative indépendante. La détermination du bénéfice net imposable pour les contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme s'effectue selon les règles applicables aux personnes morales (art. 18 al. 3 LIFD et 19 al. 4 LIPP), à savoir celles prévues aux art. 58 ss LIFD et 11 ss LIPM).

En définissant le bénéfice imposable par renvoi au solde du compte de résultat, l'art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce le principe de l'autorité du bilan commercial ou de déterminance, selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. L'autorité peut en revanche s'écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou que des normes fiscales correctrices l'exigent (ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; ATF 136 II 88 consid. 3.1 ; ATF 119 Ib 111 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_645/2012 du 13 février 2013 consid. 3.1 ; 2C_71/2009 du 10 juin 2009 consid. 7.1 ; Robert DANON, in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Commentaire romand - Impôt fédéral direct, 2008, n. 33 à 55 et 62 ad art. 57-58 LIFD).

Le droit fiscal et le droit comptable suisses poursuivent en effet des objectifs différents. Le premier recherche une présentation qui fasse ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l'entreprise, tandis que le second est avant tout orienté sur la protection des créanciers et fortement marqué par le principe de prudence. Dans ce contexte, les règles correctrices fiscales figurant à l'art. 58 al. 1 let. b et c LIFD visent à compenser le fait que le résultat comptable puisse s'éloigner de la réalité économique ; elles assurent une imposition du bénéfice qui tienne compte au mieux de la réelle situation patrimoniale d'une société. Par leur intermédiaire, le droit fiscal cherche à se rapprocher d'un système fondé sur le principe de l'image fidèle (« true and fair »), qui prévaut dans les normes de comptabilité internationales (Pierre-Marie GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, vol. 2, 2005, p. 96 s.).

Le principe de déterminance déploie aussi un effet contraignant pour le contribuable. En effet, celui-ci est lié par son mode de comptabilisation et seules les écritures ressortant des comptes sont décisives (Robert DANON, in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], op. cit., n. 51 ad art. 57-58 LIFD). Les écritures comptables effectivement passées doivent être reprises par le droit fiscal et le contribuable ne peut se prévaloir que des écritures qu'il a effectivement enregistrées dans ses comptes, lesquels lui sont d'ailleurs opposables (principe de comptabilisation). Ce dernier principe implique donc que le contribuable est lié par les comptes qu'il a joints à sa déclaration (Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 89 ; Pierre-Marie GLAUSER, Goodwill et acquisitions d'entreprises - Une analyse sous l'angle du droit fiscal et comptable, in Droit des sociétés : mélanges en l'honneur de Roland RUEDIN, 2006, 421-445, p. 430).

8) Afin de déterminer la valeur en francs suisses d'un élément de revenu ou de fortune présenté en monnaie étrangère, il convient d'appliquer le cours annuel moyen des devises publié chaque année par l'AFC-CH (https://www.estv.admin.ch/estv/fr/home/direkte-bundessteuer/wehrpflichtersatz abgabe/dienstleistungen/jahresmittelkurse.html ; ATA/1018/2014 du 16 décembre 2014 consid. 6d ; ATA/133/2014 du 4 mars 2014 consid. 6b).

9) De jurisprudence constante et selon un principe généralement admis en matière fiscale, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, alors que le contribuable supporte le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4C/aa ; ATA/1487/2017 du 14 novembre 2017).

Le contribuable a la charge de la preuve de l'effectivité de l'administration de l'entreprise ou de l'établissement stable à l'étranger, faute de quoi l'imposition a lieu en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2014 du 30 septembre 2015 consid. 11.2 ; ATA/856/2016 du 11 octobre 2016).

En présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATA/1064/2015 du 6 octobre 2015).

10) a. En l'espèce, le recourant exploite six SCI sises en France, cinq en totalité et une pour moitié. En raison de sa situation financière précaire, la SCI G______, dont le recourant détient 50 % des parts, a fait l'objet d'un plan d'assainissement constaté judiciairement, lequel a notamment nécessité un abandon de créance de la part de H______. Selon l'extrait du registre du commerce produit, ladite société a en particulier pour but d'acquérir, construire, vendre en totalité ou par fractions, gérer et administrer tous immeubles sociaux. Toutefois, hormis la production dudit document, lequel ne mentionne aucun lien quelconque avec des activités en Suisse, le recourant se contente, après intervention de l'AFC-GE, d'alléguer qu'il s'agit à l'évidence d'un établissement stable sis en France, sans apporter aucune explication ni information à ce sujet permettant de l'attester.

En outre, dans sa déclaration fiscale pour l'année 2010, le recourant n'a mentionné au titre de son activité lucrative indépendante que celle déployée dans le cadre de son entreprise individuelle suisse. Seuls les comptes de cette dernière y sont d'ailleurs joints. Son extrait du registre du commerce ne mentionne qu'un but général de rénovation et d'entretien d'immeubles, sans qu'il soit fait référence aux SCI françaises.

Par conséquent, les SCI françaises exploitées par le recourant, en particulier la SCI G______, constituent des sociétés à part entière selon le droit français, que le fisc français a d'ailleurs imposées en tant que telles. Elles ne sauraient être considérées comme des établissements stables.

Dès lors, s'agissant de sociétés françaises, imposées en France, leurs pertes ne peuvent effectivement être prises en considération en Suisse que lors de la détermination du taux de l'impôt, conformément à l'art. 6 al. 3, 3ème phr. LIFD.

b. Concernant les montants des pertes reportées pris en considération dans la détermination du taux de l'impôt, les premiers juges ont retenu à juste titre que le recourant les avait modifiés à plusieurs reprises au gré de la procédure dont est objet. Alors que dans sa déclaration fiscale pour l'année 2010, le contribuable avait mentionné un montant de CHF 6'909'578.- sous la rubrique pertes commerciales et/ou non compensées, sans produire de justificatif à cet égard, il faisait valoir un report de pertes des années précédentes de CHF 591'730.- dans sa réclamation du 3 juin 2014. Devant le TAPI, il se prévalait de la prise en considération du même montant avant de conclure ultérieurement que celui-ci représentait en réalité CHF 8'814'163.- pour l'année fiscale 2010. Ce dernier correspondait cependant à l'addition des postes « reports à nouveau » comptabilisés au passif des bilans 2009 desdites sociétés, lesquels tenaient compte de ceux reportés des années antérieures à l'année 2003. Toutefois, seules les pertes résultant des comptes de profits et pertes des exercices 2003 à 2009 peuvent in casu être reportées sur l'exercice 2010.

Dans ce contexte, les tableaux produits par l'AFC-GE ont été valablement établis sur la base des chiffres ressortant des documents comptables fournis par le recourant, en appliquant le cours moyen annuel publié par l'AFC-CH pour les années 2003 à 2009 afin de les convertir. Les tableaux en question, versés au dossier, indiquent les montants des pertes/bénéfices pris en considération. Sur ce point, l'AFC-GE a elle-même reconnu avoir, à tort, tenu compte lors des taxations antérieures à 2010, des pertes non seulement pour le taux d'imposition, mais également pour la détermination de l'assiette fiscale. In casu, cela a entraîné une non-imposition erronée des années 2003 à 2009 en faveur du recourant.

En effet, les comptes de pertes et profits des SCI concernées, remis par le recourant, démontrent qu'au cours des exercices 2003 à 2009, lesdites sociétés ont été bénéficiaires dans leur ensemble. Si les exercices 2003 à 2007 se sont soldés par des pertes totalisant EUR 2'798'647.-, les exercices 2008 et 2009 ont été bénéficiaires à hauteur d'EUR 11'890'490.-. À cet égard, il ressort clairement des décomptes établis par l'AFC-GE que seule la moitié du bénéfice réalisé par la SCI G______, dont le recourant détient 50 % des parts, a été prise en considération. L'abandon de créance consenti par H______ dans le cadre du plan d'assainissement de cette société a bien été considéré comme un revenu, ce que le recourant ne conteste pas. Les pertes des années antérieures à 2008 ayant été compensées par les bénéfices des années subséquentes, il n'y avait effectivement aucune perte à reporter pour l'année fiscale 2010.

Au surplus, l'avis d'impôt sur le revenu 2008 du fisc français indique des déficits à reporter pour les années 2003 à 2008, sans mentionner leur méthode de calcul ni les documents sur lesquels ils sont fondés, tandis que le recourant a lui-même modifié à plusieurs reprises au cours de la présente procédure les chiffres allégués. Ainsi, dès lors que l'AFC-GE a établi ses tableaux sur la base des documents comptables remis par le recourant, qui lui sont opposables et dont les montants peuvent être vérifiés, il n'y a pas lieu de s'en écarter.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

11) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 février 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 janvier 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Schaer & Miffon Associés, mandataire de Monsieur A______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :