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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1064/2015

ATA/1384/2017 du 10.10.2017 sur JTAPI/413/2016 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 20.11.2017, rendu le 28.06.2018, REJETE, 2C_986/2017
Descripteurs : IMPUTATION DES PERTES ; DÉVOLUTION DE LA SUCCESSION ; ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE
Normes : LIFD.211; LIFD.12.al1; LIPP.30.letf; LIPP.11.al1; .560
Résumé : En cas de reprise par succession, d'une entreprise individuelle exploitée par le de cujus, les pertes des années antérieures non encore compensées ne sont pas transférées à l'héritier, le report des pertes étant lié à la personne du contribuable. L'unique exception à ce principe n'est pas réalisée en l'espèce.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1064/2015-ICCIFD ATA/1384/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 octobre 2017

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Michel Lambelet, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 avril 2016 (JTAPI/413/2016)


EN FAIT

1) Le litige porte sur l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) 2010 et 2011 de Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______), domiciliés dans le canton de Genève et contribuables dans la commune de Chêne-Bourg.

2) Monsieur B______ (ci-après : le de cujus) est décédé le ______ 2005, laissant pour seules héritières sa veuve, qui a répudié la succession, et sa fille, Mme A______.

3) De son vivant, le de cujus exploitait un cabinet d'architecte et était actif dans le domaine immobilier. Pour les périodes fiscales 2002 à 2005, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) l'a taxé sur un revenu nul en raison des pertes subies dans son activité indépendante s'élevant à :

-          CHF 150'332.- en 2002 ;

-          CHF 507'501.- en 2003 ;

-          CHF 231'411.- en 2004 ;

-          CHF 330'702.- en 2005.

4) Mme A______ exerce une activité indépendante de physiothérapeute.

5) Il ressort du dossier que cette dernière a poursuivi, en raison individuelle, l'activité indépendante du de cujus dès l'année 2006, reprenant les comptes commerciaux de ce dernier.

6) Dans leurs déclarations fiscales 2006 à 2008, les époux A______ ont déclaré à l'AFC-GE que Mme A______ exerçait cette activité sous la dénomination « Bureau du Promoteur-Architecte B______ » et ont fait valoir en déduction de leurs revenus imposables, le report de pertes subies par ce dernier.

7) À teneur des bordereaux d'imposition pour les années 2006 à 2008, l'AFC-GE a refusé de prendre en considération le report des pertes subies par le de cujus, en déduction desdits revenus, mais a tenu compte des actifs et passifs dans la détermination de la fortune imposable du couple.

8) L'AFC-GE a rejeté les réclamations des époux A______ contre son refus de prendre en compte le report desdites pertes, pour défaut d'intérêt actuel, leurs revenus imposables pour ces années étant nuls.

9) Les époux A______ ont également contesté leurs taxations pour l'année 2009, selon bordereaux du 11 juin 2012, à teneur desquelles, l'AFC-GE refusait le report des pertes subies par le de cujus.

Par décision sur réclamation du 15 août 2012, l'AFC-GE a partiellement donné droit aux époux A______, ramenant le revenu imposable des contribuables à CHF 0.-, après déduction de pertes commerciales non compensées s'élevant à CHF 140'012.- correspondant, d'après le tableau annexé à l'avis de taxation, à celles des exercices 2006 à 2008. L'AFC-GE soulignait que les pertes que le de cujus n'avait pas compensées ne pouvaient pas être acceptées, parce qu'elles étaient liées au sujet fiscal et non à l'entreprise.

10) Par recours du 13 septembre 2012, les époux A______ ont contesté cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à ce qu'un total de pertes de CHF 592'105.- pour l'ICC et CHF 557'210.- pour l'IFD soit admis pour l'année 2009.

11) Par jugement du 31 mars 2014 (JTAPI/329/2014), le TAPI a admis partiellement le recours.

Si les bordereaux rectificatifs du 15 août 2012 restaient valables, les tableaux de report de pertes qui leur étaient annexés devaient être annulés. Les époux A______ ne disposaient pas d'un intérêt actuel digne de protection à ce que le TAPI détermine le montant des pertes reportées. Cette question pourrait être examinée ultérieurement, lorsque le revenu net imposable serait supérieur à CHF 0.-.

12) Dans leurs déclarations fiscales 2010 et 2011, les époux A______ ont déclaré l'activité indépendante de physiothérapeute de Mme A______, en joignant les comptes commerciaux y relatifs, et de celle qu'elle avait reprise du de cujus.

Pour l'exercice 2010 de cette dernière activité, elle a notamment fait état d'une perte commerciale de CHF 5'211.-, de pertes non compensées (pertes reportées) de CHF 1'633'070.- et de passifs commerciaux de CHF 2'022'123.-. Elle a fourni le bilan et le compte de profits et pertes y relatifs, intitulés « Bureau du Promoteur-Architecte B______ ». Au passif du bilan, et parmi les autre créanciers divers, figurait notamment le poste « A______ c/c » de CHF 2'022'123.04. Après déduction de l'unique actif (terrain Bex), valant CHF 250'000.-, et du résultat négatif de l'exercice (CHF 5'211.45), le découvert du passif s'élevait à CHF 1'772'132.04. Le compte de profits et pertes faisait état de recettes de CHF 0.- et de frais généraux pour CHF 5'211.45. Il en découlait une perte de l'exercice équivalente à ce dernier montant.

Pour l'exercice 2011 de cette même activité, les époux A______ faisaient valoir des pertes non compensées de CHF 519'569.- et des passifs commerciaux pour CHF 2'533'282.-. Selon le bilan 2011, le poste « A______ F. c/c » avait augmenté à CHF 2'431'281.84. Le découvert du passif s'élevait à CHF 1'772'150.15. À l'actif du bilan figurait un deuxième poste, intitulé « Saillon - Terrain et projet de construction », à hauteur de CHF 511'131.65. Le compte de profits et pertes faisait état d'un produit parking de CHF 3'034.30 et de frais généraux pour CHF 3'052.45. Cet exercice c'était ainsi soldé par une perte de CHF 18.15.

13) Par quatre bordereaux du 27 août 2014, l'AFC-GE a taxé les contribuables pour l'ICC et l'IFD 2010 et 2011.

Les pertes reportées liées à l'activité du « Bureau du Promoteur-Architecte B______ » étaient admises pour un montant de CHF 97'483.-, soit celles subies par la contribuable. Ces pertes étaient absorbées par les revenus réalisés en 2010, de sorte qu'aucun montant n'était reporté sur l'exercice 2011. En revanche, les passifs commerciaux du « Bureau du Promoteur-Architecte B______ », s'élevant à CHF 2'022'132.- en 2010 et à CHF 2'533'282.- en 2011, étaient portés en déduction de la fortune imposable.

14) Par réclamations du 2 octobre 2014, les époux A______ ont contesté ces quatre bordereaux du 27 août 2014, concluant à l'admission d'un report de pertes de CHF 568'402.- pour l'ICC 2010 et de CHF 557'210.- pour l'IFD 2010, pour l'ICC et l'IFD 2011, ce report devant s'élever, respectivement, à CHF 491'266.- et à CHF 464'593.-.

Ils rappelaient les montants des pertes subies par le de cujus. Depuis 1997, leurs taxations, ainsi que celles de ce dernier, avaient porté sur des revenus nuls. En tant qu'héritière universelle du de cujus, Mme A______ avait hérité des pertes subies par ce dernier. À la suite de la succession, elle avait, dans un premier temps, restructuré l'activité que le de cujus avait exercée, puis étudié les possibilités de nouvelles promotions avant d'en entreprendre une, les délais entre la conception et la réalisation étant, en la matière, particulièrement longs en Suisse. Cette activité de promotion était toujours actuelle.

Ils ont contesté ces bordereaux sur d'autres points, notamment sur la valeur locative retenue par l'AFC-GE pour leur bien immobilier sis __, chemin de la C______ (ci-après : l'immeuble).

15) Par quatre décisions sur réclamation du 2 mars 2015, l'AFC-GE a admis partiellement ces réclamations, sur des points qui ne sont plus litigieux, et les a rejetées en tant qu'elles concernaient l'immeuble et les pertes reportées.

Le contribuable ne pouvait déduire que les pertes qu'il avait subies, soit en l'occurrence le de cujus, de sorte qu'elles n'étaient pas transmissibles à Mme A______. Celle-ci ne pouvait être subrogée dans les droits du de cujus qu'à la condition d'avoir fait l'objet d'une imposition commune avec ce dernier, à l'époque à laquelle les pertes étaient survenues. Or, tel n'avait pas été le cas.

S'agissant de l'immeuble, l'abattement de 40 % pour occupation continue ne pouvait pas s'appliquer sur la partie destinée à l'exercice de l'activité indépendante. Cette partie aurait dû être déclarée sous la rubrique « immeubles locatifs loués ». Ainsi, un montant de CHF 12'360.- représentant la valeur locative de cette partie, devait être ajouté aux revenus imposables.

Selon les bordereaux rectificatifs accompagnant ces décisions, la fortune imposable était nulle pour les deux années. Le revenu imposable s'élevait à CHF 0.- pour l'ICC 2010, à CHF 43'000.- pour l'IFD 2010, à CHF 92'828.- pour l'ICC 2011 et à CHF 149'300.- pour l'IFD 2011.

16) Par actes des 27 et 31 mars 2015, enregistrés respectivement sous les causes A/1064/2015 et A/1092/2015, les contribuables ont recouru auprès du TAPI contre ces décisions, concluant à ce que l'ensemble des pertes du de cujus héritées par Mme A______, soient prises en compte, soit CHF 491'266.- en ICC 2010, CHF 464'593.- en IFD 2010, CHF 301'709.- en ICC 2011 et CHF 353'371 en IFD 2011 et que la valeur locative de la partie habitée de l'immeuble soit limitée à CHF 23'061.-, au lieu des CHF 33'884.- retenus par l'AFC-GE ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure.

Pour le surplus, ils reprenaient leurs argumentations présentées dans leurs réclamations du 2 octobre 2014.

17) Par deux réponses du 4 septembre 2015, l'AFC-GE a conclu au rejet des recours dont elle a sollicité la jonction.

Les époux A______ ne pouvaient pas invoquer le droit civil afin d'obtenir la déduction des pertes subies par le de cujus. De telles pertes ne constituaient ni un actif ni un droit réel. Elles ne revêtaient pas non plus le caractère d'une dette, dont l'héritier serait redevable. Elles résultaient de la différence entre les produits et les charges d'un exercice commercial donné et ne pouvaient pas être considérées comme une dette pouvant être reprise lors d'une succession universelle.

Le report de pertes était en principe lié à la personne du contribuable exerçant une activité indépendante ; il dépendait généralement du statut d'indépendant et non de l'entreprise éventuellement exploitée. La seule exception prévue par la loi concernait les situations dans lesquelles une entreprise individuelle ou une entreprise exploitée sous la forme d'une société de personnes était transférée à une personne morale, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Mme A______ avait certes poursuivi l'activité de son père, mais avec un statut d'indépendante. On ne se trouvait donc pas dans la situation dans laquelle le report de pertes pouvait être transféré à un autre sujet fiscal. Le refus des pertes reportées ne tenait pas au défaut d'exercice de l'activité concernée par Mme A______, mais au fait que celle-ci ne pouvait pas se prévaloir des pertes encourues par un autre sujet fiscal.

S'agissant de l'immeuble, le solde de sa surface de 127,204 m2, destiné, selon les époux A______, à leur habitation, incluait le cabinet de physiothérapie de Mme A______, puis que les comptes commerciaux de cette dernière mentionnaient une charge y relative de CHF 7'280.-. Il appartenait aux recourants de préciser comment se répartissait la surface de cet immeuble entre la partie qu'ils occupaient, la partie louée à la société tierce et celle affectée à l'activité professionnelle de Mme A______.

18) Dans leur réplique du 20 octobre 2015, les époux A______ ont maintenu leurs conclusions.

Au 1er janvier 2010, le solde des pertes reportées en IFD s'élevait à CHF 557'210.- pour l'année 2011, ces pertes étaient de CHF 413'748.- en ICC et de CHF 476'602.- en IFD. Quant à l'immeuble, 40 m2 de sa surface étaient occupés par le cabinet professionnel de Mme A______, correspondant à une valeur locative de CHF 7'421.-. Ainsi, la charge de CHF 7'280.- comptabilisée par cette dernière pour son cabinet était inférieure à ce qu'elle aurait été en droit de déduire.

19) Dans ses dupliques du 9 décembre 2015, l'AFC-GE a conclu à la rectification partielle des taxations litigieuses, en tant qu'elles concernaient l'immeuble, acceptant de ramener la valeur locative de celui-ci à CHF 16'180.-, pour la partie occupée par les époux A______, et à CHF 7'421.- pour celle relative à l'usage professionnel de Mme A______. Pour le surplus, elle a maintenu ses conclusions.

20) Par jugement du 18 avril 2016 concernant les deux causes (A/1064/2015 et A/1092/2015) jointes sous le numéro de procédure A/1064/2015, le TAPI a admis partiellement les recours interjetés les 27 et 31 mars 2015 par les époux A______ et renvoyé les dossiers à l'AFC-GE pour nouvelles décisions de taxation pour l'ICC et l'IFD dans le sens des considérants.

Seule demeurait litigieuse la question de savoir si Mme A______ pouvait porter en déduction de ses revenus imposables le report des pertes découlant de l'activité indépendante de son défunt père, du fait qu'elle avait repris cette activité en raison individuelle, l'AFC-GE ayant admis le grief des recourants dans ses dupliques du 9 décembre 2015 s'agissant de la valeur locative de la partie habitée de l'immeuble s'élevant à CHF 23'061.-.

En tant qu'héritière universelle du de cujus, Mme A______ ne pouvait acquérir que les éléments de la fortune de ce dernier, soit s'agissant de sa fortune commerciale, des actifs et passifs de son entreprise individuelle, c'est pourquoi l'AFC-GE avait tenu compte de ces actifs et passifs dans le cadre de la fortune imposable des époux A______. Les pertes reportées des exercices commerciaux du de cujus n'étaient pas visées par l'universalité de la succession dès lors qu'elles représentaient le résultat comptable des exercices commerciaux du de cujus, soit la différence entre ses recettes et les dépenses engagées pour leur réalisation mais ne constituaient pas un bien, un droit ou une obligation.

Ni une loi ni la jurisprudence ne permettait l'admission du report de pertes requis par les époux A______, sans que l'on se trouve en présence d'une lacune de la loi. Le principe même de la déductibilité de ces pertes ne pouvait être admis.

Les pertes des exercices commerciaux du de cujus n'avaient pas affecté la capacité contributive des intéressés, les passifs commerciaux de celui-là ayant été pris en compte dans la fortune imposable de ces derniers. Les intéressés avaient modifié à plusieurs reprises le montant de ces pertes dans leurs différentes écritures, ce qui laissait penser qu'ils n'avaient pas comptabilisé correctement les pertes dont ils se prévalaient, condition pourtant nécessaire à leur déductibilité.

21) Par acte posté le 30 mai 2016, les époux A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à la prise en compte de l'ensemble des pertes héritées du de cujus par Mme A______ et à l'admission du report du total des pertes à fin 2010 respectivement à fin 2011.

Les avoirs du de cujus à son décès comprenaient non seulement les fonds propres encore investis dans son entreprise (montant net capital propre moins les pertes antérieures) mais également un droit à la restitution d'impôt payé par l'entreprise sur les années antérieures limité toutefois par le report des pertes à sept ans. Les pertes concernant les exercices 2002 à 2005 pouvaient être reportées jusqu'à 2009 (pour celles survenues en 2002) et 2016 (pour celles survenues en 2005). Son droit avait ainsi une valeur économique.

Les pertes des exercices commerciaux dûment comptabilisées étaient soit un droit ayant une valeur déterminable à la date du décès, soit un droit n'ayant pas de valeur déterminable à la date du décès mais assimilable à une expectative, tel un droit au gain. Dans ces deux hypothèses, le droit de report faisait partie de l'ensemble des droits et obligations du de cujus entrant dans la succession, conformément au principe de l'acquisition universelle de la succession. Par ailleurs, les dettes du défunt étaient transmissibles à cause de mort selon le droit civil. Les dettes concernant les impôts sur le revenu et la fortune passaient également aux héritiers par la voie fiscale.

Le fisc et les contribuables étaient liés par les écritures comptables figurant dans la déclaration fiscale. Les pertes reportées ne concernaient pas la détermination du bénéfice imposable de l'exercice. Elles ne pouvaient être prises en compte fiscalement que si elles avaient été comptabilisées.

Les dispositions sur les restructurations garantissaient une exception au prélèvement de l'impôt. La circulaire de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC) sur les restructurations ne visait pas spécifiquement le cas d'espèce et ne concernait que des états de fait se produisant du vivant du contribuable.

Sous l'angle de la capacité contributive, les lois fiscales et sur la fusion permettaient de transmettre des pertes d'une entreprise de personne à une personne morale pouvant être ensuite transférées en neutralité fiscale dans le cadre d'une succession aux héritiers, le délai de blocage de cinq ans passant de plein droit auxdits héritiers. Le législateur avait ainsi favorisé la poursuite de l'activité lucrative indépendante par les héritiers du défunt.

22) Le 7 juin 2016, le TAPI a déposé son dossier sans formuler d'observations.

23) Par réponse du 15 juillet 2016, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

L'AFC-GE contestait tout héritage des pertes litigieuses, qui permettait de reporter sur des contribuables tiers les pertes subies par un autre contribuable. La succession fiscale était une institution juridique autonome par rapport à la succession universelle du droit civil. La recourante avait hérité des actifs et passifs de l'entreprise individuelle de son père, si bien que dès 2006, l'AFC-GE en avait tenu compte dans le cadre de la fortune imposable des recourants ce qui n'était pas contesté. Il en allait différemment d'une perte commerciale qui ne constituait ni un bien, ni un droit, ni une obligation, mais le simple constat que pour un exercice commercial donné, les dépenses commerciales étaient supérieures aux recettes. La disposition sur le droit aux gains invoquée par les recourants n'était plus en vigueur puisqu'abrogée par le droit foncier rural, non applicable au cas d'espèce.

Sous l'angle du droit fiscal, le principe de la capacité contributive était lié au principe de la périodicité - et non pas à celui de l'imposition du bénéfice total - qui voulait que l'on mesurât la capacité contributive lors de la période fiscale n'imposant pas une interprétation large des dispositions sur le report des pertes. Au contraire, les dispositions qui y dérogeaient devaient être interprétées de manière plutôt restrictive. Le report des pertes n'était ainsi possible qu'aussi longtemps que le contribuable exerçait une activité lucrative indépendante, celui-ci étant lié à la personne du contribuable exerçant une activité indépendante.

L'exception à ce principe existait dans le cas où une entreprise individuelle était transférée à une personne morale, dans le cadre d'une restructuration, conformément à la loi. Le report des pertes n'était toutefois pas envisageable en cas de transfert d'exploitation à une autre entreprise de personnes.

La disposition fiscale en matière de report de perte devait s'appliquer restrictivement et ne pouvait être invoquée par le contribuable qu'aussi longtemps qu'il exerçait une activité indépendante ou que si, ayant cessé une telle activité indépendante, il en avait commencé ou en poursuivait une autre à la suite de la précédente. Il suffisait qu'un contribuable cesse son activité indépendante pour être privé de la possibilité de reporter des pertes, sans que leur comptabilisation ne soit à cet égard suffisante.

24) Par réplique du 19 septembre 2016, les recourants ont maintenu leurs conclusions, reprenant les arguments développés dans leurs précédentes écritures.

L'argumentation de l'AFC-GE se fondait sur l'ancien droit et ne concernait pas la présente cause. Les recourants se fondaient en particulier sur la réforme de l'imposition des entreprises (ci-après : RIE II).

Le développement de leur argumentation sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit ci-dessous.

25) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Le litige porte sur le refus de l'AFC-GE de prendre en considération, dans ses décisions de taxation IFD et ICC 2010 et 2011, les pertes commerciales du de cujus comptabilisées par les recourants dans leurs déclarations fiscales.

3) La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 et 2C_60/2013 du 14 août 2013 consid. 1 ; ATA/958/2014 du 2 décembre 2014 ; ATA/204/2014 du 1er avril 2014).

4) S'agissant du droit applicable, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 5.1 et la jurisprudence citée ; ATA/18/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/232/2014 du 8 avril 2014).

Ainsi, l'IFD est soumis aux dispositions de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et l'ICC sur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) dans leur teneur aux périodes fiscales litigieuses.

5) Les recourants invoquent dans un premier grief qu'ils seraient en droit de déduire les pertes litigieuses par application du principe de l'acquisition universelle de la succession.

6) Selon l'art. 560 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les héritiers acquièrent de plein droit l'universalité de la succession dès que celle-ci est ouverte (al. 1). Ils sont saisis des créances et actions, des droits de propriété et autres droits réels, ainsi que des biens qui se trouvaient en la possession du défunt, et ils sont personnellement tenus de ses dettes, le tout sous réserve des exceptions prévues par la loi (al. 2).

L'art. 619 CC relatif à la part au gain des cohéritiers, a été abrogé avec effet au 1er janvier 1994 et concerne désormais les entreprises et immeubles agricoles (RO 1993 1410 ; FF 1988 III 889).

7) Selon l'art. 12 al. 1 LIFD et l'article 11 al. 1 LIPP, en vigueur en 2010 et 2011, les héritiers d'un contribuable défunt lui succèdent dans ses droits et ses obligations. Ils répondent solidairement des impôts dus par le défunt jusqu'à concurrence de leur part héréditaire, y compris les avancements d'hoirie.

En matière fiscale, la notion de succession est indépendante de celle du droit civil, même si elle s'en inspire (ATF 123 I 409 consid. 5.5.1 ; Hugues SALOMÉ in Yves NOËL/Aubry GIRARDIN [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2017, ad art. 12 LIFD, p. 205, n. 1 et les références citées).

8) En l'espèce, contrairement aux allégations des recourants, les pertes commerciales litigieuses ne correspondent ni à un bien, ni à un droit, ni à une obligation ni même à une expectative entrant dans le champ d'application de l'art. 560 CC, ces pertes ne représentant que le résultat comptable des exercices commerciaux du de cujus, celui-ci ne faisant pas partie de son patrimoine.

Pour le surplus, l'ancien art. 619 CC relatif à la part au gain invoqué par les recourants est sans pertinence compte tenu de son abrogation.

Il découle de ce qui précède, que la recourante n'a pas hérité des pertes des exercices commerciaux de son défunt père par application de l'art. 560 CC au sens de la succession fiscale.

Cet argument sera donc rejeté.

9) Il reste dès lors à analyser si le droit fiscal autorise le report des pertes litigieuses par les recourants. Ces derniers invoquent les principes de la déterminance et de la capacité contributive ainsi que les dispositions fiscales permettant les déductions des pertes en cas d'exercice d'une activité indépendante et la comptabilisation de celles-ci.

10) a. Aux termes de l'art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), tous les être humains sont égaux devant la loi. Une décision ou un arrêté viole cette garantie lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l'État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais les dénie à une autre qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.5.1).

b. En matière fiscale, la garantie de l'art. 8 Cst. est concrétisée par les principes de la généralité et de l'égalité de l'imposition, ainsi que par le principe de la proportionnalité de la charge fiscale fondée sur la capacité économique. Le principe de la généralité de l'imposition interdit, d'une part, que certaines personnes ou groupes de personnes soient exonérés sans motif objectif (interdiction du privilège fiscal ; ATF 133 I 206 consid. 6.1 ; 132 I 153 consid. 3.1) ; il prohibe, d'autre part, une surimposition d'un petit groupe de contribuables (interdiction de la discrimination fiscale ; ATF 122 I 305 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.152/2005 du 25 octobre 2005 consid. 3.1).

c. Les différents principes de droit fiscal déduits de l'égalité de traitement ont été codifiés à l'art. 127 al. 2 Cst. (ATF 133 I 206 consid. 6.1), aux termes duquel, dans la mesure où la nature de l'impôt le permet, les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 140 II 157 consid. 7.1). Ainsi, en vertu des principes de l'égalité d'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu'ils sont dans des situations de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée. Ainsi, d'après le principe de la proportionnalité de la charge fiscale à la capacité contributive, chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques, compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens (ATF 140 II 157 consid. 7.1 ; 133 I 206 consid. 6.1 et 7.1 ; 122 I 101 consid. 2 b/aa ; 122 I 305 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_150/2015 du 9 juin 2015 consid. 3.3.1).

d. Le principe de la légalité gouverne l'ensemble de l'activité de l'État (art. 5 al. 1 et 36 al. 1 Cst.). Il revêt une importance particulière en droit fiscal où il est érigé en droit constitutionnel indépendant à l'art. 127 al. 1 Cst., qui prévoit que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi (ATF 135 I 130 consid. 7.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_858/2014 du 17 février 2015 consid. 2.1 ; 2C_160/2014 du 7 octobre 2014 consid. 5.2). Il exige non seulement que le cercle des contribuables mais également que les exceptions à l'assujettissement soient définis dans une loi au sens formel (ATF 122 I 305 consid. 6b/dd ; 103 Ia 505 consid. 3a). La base légale doit présenter une densité normative permettant de respecter les garanties de clarté et de transparence exigées par le droit constitutionnel (ATF 139 I 280 consid. 5.1 ; 136 I 1 consid. 5.3.1 ; 123 I 112 consid. 7a), cette exigence de précision de la norme découlant du principe général de la légalité, mais aussi de la sécurité du droit et de l'égalité devant la loi (ATF 136 II 304 consid. 7.6 ; 123 I 112 consid. 7a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_858/2014 précité consid. 2.1).

11) a. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1 ; 138 III 166 consid. 3.2 ; 136 III 283 consid. 2.3.1 ; 135 III 640 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_68/2014 du 16 juin 2014 consid. 5.2.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2 ; 137 III 344 consid. 5.1 ; 133 III 257 consid. 2.4 ; 131 III 623 consid. 2.4.4).

Bien que les travaux préparatoires ne lient pas le juge, ils ne sont pas dénués d'intérêt et peuvent s'avérer utiles pour dégager le sens d'une norme (ATF 135 II 78 consid. 2.2 ; 119 II 183 consid. 4b ; 117 II 494 consid. 6a ; ATA/1188/2015 du 3 novembre 2015 ; ATA/537/2008 du 28 octobre 2008). Ils ne seront toutefois pris en considération que s'ils donnent une réponse claire à une disposition légale ambiguë et qu'ils trouvent expression dans le texte de la loi (ATF 124 III 126 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_939/2011 du 7 août 2012 consid. 4 ; ATA/1188/2015 précité ; ATA/581/2014 du 29 juillet 2014 ; ATA/202/2013 du 27 mars 2013).

b. Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1 ; 138 V 445 consid. 5.1 ; 131 I 394 consid. 3.2 ; 131 II 13 consid. 7.1 ; 130 V 479 consid. 5.2 ; 130 V 472 consid. 6.5.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e ; 117 II 523 consid. 1c ; ATA/1188/2015 précité ; ATA/302/2014 du 29 avril 2014).

c. Les normes fiscales sont soumises aux mêmes règles d'interprétation que les autres domaines du droit administratif. Le juge doit toutefois faire preuve d'une certaine circonspection lorsqu'il procède à leur interprétation, afin de respecter les impératifs propres à la portée particulière que revêt le principe de la légalité dans ce domaine (ATF 131 II 562 consid. 3.4 ; ATA/1188/2015 précité ; ATA/219/2011 du 5 avril 2011). Il s'agit, en particulier, d'éviter que soient créés, par le biais d'une interprétation extensive, de nouveaux cas d'assujettissement, de nouvelles matières imposables ou de nouveaux faits générateurs d'imposition (ATF 131 II 562 consid. 3.4). Dès lors, les états de fait non visés par la loi ne peuvent être imposés, même s'ils découlent d'un oubli du législateur. L'interprétation par analogie, selon laquelle la loi doit s'appliquer aussi aux états de fait comparables à ceux que la loi fiscale appréhende, n'est pas non plus admise en droit fiscal (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème édition, 2012, n. 10).

12) a. Au sens de l'art. 211 LIFD dans la teneur en vigueur en 2010 et 2011, les pertes des sept exercices précédant la période fiscale peuvent être déduites, à condition qu'elles n'aient pas été prises en considération lors du calcul du revenu imposable de ces années. Selon l'art. 31 al. 1 LIFD dans la teneur en vigueur en 2010 et 2011, les pertes subies durant les trois périodes de calcul précédentes peuvent être déduites du revenu moyen de la période de calcul, à condition qu'elles n'aient pas pu être prises en considération lors du calcul du revenu imposable des années précédentes.

Selon l'art. 30 let. f LIPP dans la teneur en vigueur en 2010 et 2011, sont déduits du revenu les frais qui sont justifiés par l'usage commercial professionnel. Font notamment partie de ces frais, les pertes subies durant les sept exercices ayant précédé la période fiscale, pour la part qui n'a pas pu être prise en considération lors du calcul du revenu imposable des années antérieures. Les pertes des exercices antérieurs qui n'ont pas encore pu être déduites du revenu peuvent être soustraites des prestations de tiers destinées à équilibrer un bilan déficitaire dans le cadre d'un assainissement. Ces principes sont aussi applicables en cas de transfert de domicile au regard du droit fiscal ou du lieu d'exploitation de l'entreprise à l'intérieur de la Suisse.

Les frais justifiés par l'usage commercial ou professionnel qui peuvent être déduits comprennent notamment les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, qui ont été comptabilisées (art. 10 al. 1 let. c de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14, dans la teneur en vigueur en 2010 et 2011).

Lorsqu'elles n'ont pas pu être prises en considération lors du calcul du revenu imposable de ces années, les pertes des sept exercices précédant la période fiscale sont déduites (art. 67 al. 1 LHID, dans la teneur en vigueur en 2010 et 2011).

b. Outre l'exercice d'une activité commerciale indépendante par le contribuable, la comptabilisation des pertes constitue donc une condition nécessaire à leur déductibilité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_835/2012 du 1er avril 2013 consid. 7.2 ; 2A.300/2006 du 27 février 2007 consid. 10.2 ; 2P.185/2006 du 27 novembre 2006 consid. 3.5 ; ATA/93/2013 du 19 février 2013).

Dans le but d'interpréter les art. 31 al. 1 et 211 LIFD, dans la teneur en vigueur en 2010 et 2011, de manière conforme à la Cst., il y a lieu de tenir compte en particulier du principe de l'imposition selon la capacité contributive, ancré à l'art. 127 al. 2 Cst. Dans sa mise en oeuvre, ce principe peut être associé à celui de l'imposition du bénéfice total (Total gewinn) ou à celui de périodicité. Dans le premier cas, la capacité contributive doit être mesurée sur une période aussi longue que possible, correspondant idéalement à toute la durée de l'exercice d'une activité indépendante, voire à toute l'existence du contribuable. Envisagé de la sorte, le principe de l'imposition selon la capacité contributive commande d'autoriser le report de pertes de la manière la plus large. En revanche, s'il est associé au principe de la périodicité, ce principe constitutionnel veut que l'on mesure la capacité contributive lors de la période fiscale - lus exactement durant la période de calcul, qui se confond avec la période fiscale dans le système postnumerando - et que le contribuable soit imposé sur cette base. Dans cette perspective limitée à la période fiscale, le principe en question n'impose pas une interprétation large des dispositions y relatives (arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.2).

En droit suisse, le principe de la périodicité est ancré dans la loi. Il est ainsi un principe de droit matériel et non seulement une règle de nature technique servant à la perception de l'impôt. Au vu de son importance, il doit être pris en compte, de préférence au principe de l'imposition du bénéfice total, lors de la mise en oeuvre du principe de l'imposition selon la capacité contributive. Il s'ensuit que ce dernier n'impose pas une interprétation large des dispositions sur le report des pertes. Au contraire, compte tenu de l'importance du principe de la périodicité, les dispositions qui y dérogent, telles que les art. 31 et 211 LIFD, dans la teneur en vigueur en 2010 et 2011, doivent être interprétées de manière plutôt restrictive. Au vu de ce qui précède et notamment au regard de la systématique de la loi, il convient d'interpréter l'art. 211 LIFD, dans la teneur en vigueur en 2010 et 2011, en ce sens que le report de pertes n'est possible qu'aussi longtemps que le contribuable exerce une activité lucrative indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2009 précité consid. 3.3 ; ATA/41/2016 précité et les références citées).

Ainsi, à compter de la période fiscale suivant celle durant laquelle l'activité indépendante a été abandonnée, le contribuable ne peut plus bénéficier du report de pertes, étant précisé qu'une telle activité est censée prendre fin au terme de la dernière opération de liquidation. Le Tribunal fédéral a précisé que le report demeure possible si le contribuable exerce une autre activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2008 du 18 juin 2008 consid. 3.3). Il en découle que le report de pertes est en principe lié à la personne du contribuable exerçant une activité indépendante ; il dépend généralement du statut d'indépendant, et non de l'entreprise éventuellement exploitée. Le contribuable qui, ayant cessé une activité indépendante, en commence ou en poursuit une autre, peut donc bénéficier du report. La règle en question ne suppose en conséquence pas la continuité dans l'exercice de cette activité ou dans l'exploitation de l'entreprise, à la différence du principe de l'imposition du bénéfice total, lequel envisage une seule et même entreprise. Ce dernier principe obéit par conséquent à une autre logique. Pour ce motif également, il ne saurait être invoqué par un contribuable qui cesse d'exercer toute activité indépendante, aux fins de pouvoir néanmoins compenser les pertes non prises en considération avec les revenus réalisés lors des périodes fiscales ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2009 précité consid. 3.4 ; ATA/41/2016 précité).

La règle selon laquelle le report de pertes est lié à la personne du contribuable exerçant une activité indépendante connaît une exception dans le cas où une entreprise individuelle ou une entreprise exploitée sous la forme d'une société de personnes est transférée à une personne morale aux conditions de l'art. 19 al. 1 let. b LIFD. Dans cette situation, en effet, l'AFC considère que la personne morale reprenante bénéficie du report des pertes de l'entreprise qui n'ont pas pu être prises en compte fiscalement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2009 précité consid. 3.2 à 3.4 ; ATA/41/2016 précité).

13) En l'espèce, dès l'année 2006, la recourante a poursuivi, en raison individuelle, l'activité indépendante du de cujus, reprenant les comptes commerciaux de ce dernier et faisant valoir les pertes de son défunt père en déduction des revenus du couple.

a. Le report des pertes invoqué par les recourants n'est ainsi pas lié à la personne du contribuable tel qu'exigé par la loi et la jurisprudence. L'exception à l'exigence de l'identité du contribuable n'est pas remplie en l'espèce, la société de personnes n'ayant pas fait l'objet d'un transfert à une personne morale. L'interprétation restrictive de la disposition fiscale en matière de report de pertes ne permet pas d'envisager une exception supplémentaire à l'exigence de l'identité du contribuable.

Par ailleurs, la comptabilisation des pertes constitue une condition nécessaire à leur déductibilité. Or, les recourants n'ont eu de cesse de modifier le montant de celles-ci dans leurs écritures ce qui laisse penser qu'elles n'ont pas été comptabilisées correctement. Il n'est toutefois pas nécessaire d'analyser plus en avant le respect de cette condition légale puisque le principe même de la déductibilité des pertes doit être nié en l'espèce, en raison du défaut d'identité du contribuable.

b. L'argumentation des recourants liée au principe de la capacité contributive tombe également à faux, l'AFC-GE ayant pris en compte les passifs commerciaux du de cujus dans la fortune imposable des recourants.

c. Enfin, les recourants affirment faussement que l'AFC-GE se fonderait à tort sur l'ancien droit. Le droit applicable au cas d'espèce correspond à celui en vigueur lors des années fiscales litigieuses, l'analyse juridique de l'AFC-GE n'est donc pas non plus contestable sous cet angle.

14) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée, vu l'issue du litige (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mai 2016 par Madame et Monsieur  A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 avril 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge, conjointe et solidaire, de Madame et Monsieur A______, un émolument de CHF 1'000.-;

dit qu'il ne leur est pas alloué d'indemnité de procédure;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi;

communique le présent arrêt à Me Michel Lambelet, avocat des recourants, au Tribunal administratif de première instance, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :