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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1027/2015

ATA/1605/2017 du 12.12.2017 sur JTAPI/943/2016 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.02.2018, rendu le 28.02.2019, REJETE, 2C_110/2018
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1027/2015-ICCIFD ATA/1605/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 décembre 2017

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

représentés par Beau HLB (Genève) SA, mandataire

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 septembre 2016 (JTAPI/943/2016)


EN FAIT

1) Le litige concerne l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) pour les années 2008 à 2011 de Madame A______ et Monsieur B______ (ci-après : les contribuables).

2) Jusqu’en 2002, M. B______ était le directeur financier de la société C______ Ltd (ci-après : C______ Ltd), sise à Londres et active dans le négoce international de produits dérivés du pétrole et de la pétrochimie.

3) Selon le registre du commerce de Genève (ci-après : RC), les contribuables ont fondé la société D______ Sàrl (ci-après : D______ Sàrl), ayant pour but de détenir des participations dans des entreprises commerciales, engagées notamment dans des activités de gestion de fortune et de services aux entreprises, ainsi que toutes les opérations financières, administratives ou toutes autres activités y relatives.

4) Dès 2003, M. B______ a poursuivi sa collaboration avec C______ Ltd en tant qu’indépendant, au moyen d’un partnership qu’il avait créé dans ce but le 28 mars 2003 à Jersey, en s’associant avec H______ Limited (ci-après : H______ Ltd), et dont il détenait le capital-social à concurrence de 90 %. Ce partnership, dénommé D______ LP (ci-après : D______ LP), poursuivait les activités d’établissement de lignes de crédit bancaire en faveur des sociétés de négoce et l’optimisation de structures de sociétés.

5) Les contribuables se sont domiciliés à Genève le 11 avril 2003.

6) En 2007, M. B______ a créé deux sociétés anonymes à Genève, D______ E______ SA (ci-après : D______ E______) et D______ F______ Management SA (ci-après : D______ F______). Selon le RC, les buts de ces sociétés étaient respectivement les services et conseils en matière commerciale et financière et exécuter toute recherche, analyse et mandat de conseil dans le domaine de la gestion de fortune, en particulier conseiller les investisseurs sur l’administration et sur la gestion de leurs biens de toute nature et/ou pour gérer les biens de toute nature pour le compte d’investisseurs.

7) En février 2008, D______ Sàrl est devenue une société holding constituée de deux filiales, soit des deux sociétés anonymes précitées, qui ont repris ses activités en étant administrées par le contribuable.

8) Dans leurs déclarations fiscales 2008 à 2011, les contribuables n’ont indiqué que les revenus réalisés par M. B______, Mme A______ n’ayant exercé aucune activité lucrative durant ces années. Ces revenus se présentaient comme suit :

Revenus provenant des activités dépendantes

 

 

2008

2009

2010

2011

C______ Ltd

6'790.-

61'610.-

59'369.-

34'603.-

D______ E______

225'848.-

261'654.-

94‘070.-

70‘419.-

D______ F______

0.-

329‘451.-

300‘004.-

140‘000.-

G______ Ltd

0.-

151'007.-

0.-

0.-

D______ LP

72'000.-

78'000.-

90'000.-

64'647.-

 

 

Revenu provenant de l’activité indépendante

2008

2009

2010

2011

D______ LP

192'154.-

475’315.-

361’597.-

243’136.-

 

9) À l’égard de ces derniers revenus, ils ont précisé que le contribuable disposait d’un établissement stable à Jersey, soit d’un bureau, et qu’il s’y rendait régulièrement pour y exercer son activité indépendante. Par conséquent, les revenus et la fortune commerciale d’D______ LP, déclarés à titre d’activité indépendante du contribuable, n’étaient pas imposables en Suisse et ne devaient y être retenus que pour le taux d’imposition.

En annexe à ces déclarations, étaient notamment joints les comptes commerciaux d’D______ LP et d’D______ Sàrl.

Selon les indications reportées dans ces déclarations, le chiffre d’affaires d’D______ LP s’était élevé à CHF 426'401.- en 2008, à CHF 859'597.- en 2009, à CHF 361'597.- en 2010 et à CHF 243'136.- en 2011.


10) Par requêtes du 25 mai 2012, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a demandé aux contribuables de lui fournir les documents et les renseignements supplémentaires concernant leurs déclarations fiscales 2008 à 2010, soit :

-                 Une copie de l’acte constitutif d’D______ LP ;

-                 Toutes explications utiles relatives au versement aux contribuables d’un salaire par D______ LP ;

-                 Les listes détaillées des postes comptables intitulés « Jersey office costs » « Other office costs », « Salary » et «  Consultancy fees and expanses ». À cet égard, l’AFC-GE a précisé que par liste détaillée, elle entendait l’énumération exhaustive de chaque rubrique constituant les postes désignés et l’indication des dates de transactions, des montants respectifs et du rapport de nécessité de ces frais avec l’activité indépendante déployée ;

-                 Les descriptifs des locaux à Jersey et une copie des baux à loyers y relatifs, ainsi que les raisons des variations des loyers payés de 2008 à 2010 ;

-                 Une copie de tout avenant éventuel à ces baux ;

-                 Les identités des employés engagés à Jersey, les bénéficiaires des salaires comptabilisés par D______ LP, les coordonnées et les qualifications professionnelles de ces personnes ;

-                 Toutes explications utiles quant à l’absence de postes d’actifs immobilisés dans le bilan d’D______ LP ;

-                 Une liste détaillée, avec justificatifs à l’appui, des jours de présence du contribuable à Jersey durant les années 2008 à 2010 ;

-                 Une copie du contrat de travail conclu avec son employeur C______ Ltd et une attestation de celui-ci, indiquant le nombre de jours de sa présence physique en Angleterre en 2009 et 2010 et de ceux passés hors ce pays ;

-                 Une copie du contrat de vente à H______ Ltd des 40 % de participation dans D______ LP ;

-                 Toutes explications utiles quant à l’absence des cotisations à la prévoyance professionnelle (2ème pilier) sur les certificats de salaire 2010 du contribuable, relatifs à ses activités auprès d’D______ E______ et d’D______ F______.

11) Le 2 août 2012, les contribuables ont fourni les pièces et les informations suivantes :

-                 L’acte constitutif d’D______ LP du 8 août 2005 ;

-                 Les listes des postes « Jersey office costs » et « Other office costs » pour l’année 2010, indiquant que les variations du loyer s’expliquaient par celles du taux de change entre CHF et GBP ;

-                 Une copie de la convention datée du 1er mai 2008 concernant la location d’un bureau à Jersey, ainsi qu’un descriptif de celui-ci. Selon ces documents, il s’agissait de la location d’une pièce de 25 m2, pour un loyer mensuel de GBP 1'000.-, contenant notamment une table de réunion, onze chaises, un placard, un ordinateur et un téléphone ;

-                 La liste du poste « Consultancy fees and expenses » pour les années 2008 à 2010 ;

-                 La liste du poste « Salary » des années 2008 à 2010, l’identité des collaborateurs employés à Jersey, leurs coordonnées et leurs qualifications professionnelles. Il en ressortait que le contribuable employait à cet endroit une personne depuis le 1er mai 2008, lui versant une rémunération annuelle de GBP 23'000.- ;

-                 Une liste énumérant les jours de présence du contribuable à Jersey et des cartes d’embarquement pour des vols effectués entre Londres et Jersey et entre Genève et Jersey. Sur cette liste, il était indiqué que le contribuable s’était rendu à Jersey quatre fois en 2008 pour un séjour de dix-huit jours, six fois en 2009, pour un séjour de seize jours et quatre fois en 2010 pour un séjour de dix-huit jours ;

-                 Une attestation indiquant que le 29 février 2008, le contribuable avait démissionné de ses fonctions d’administrateur de C______ Ltd, qu’il n’était plus employé par celle-ci depuis août 2003 et qu’il avait effectué certaines tâches administratives pour une société appartenant au même groupe que cette dernière ;

-                 Une copie du contrat de vente de 40 % du capital d’D______ LP.

Dans la lettre d’accompagnement, les contribuables ont notamment indiqué que D______ LP louait un bureau meublé, ce qui expliquait l’absence d’actifs immobilisés dans le bilan de cette société. Les employeurs D______ E______ et D______ F______ avaient entièrement payé les cotisations de prévoyance professionnelle du contribuable pour l’année 2010.

12) À la suite d’un entretien des contribuables avec l’AFC-GE le 19 février 2013, ils ont remis à cette dernière notamment les procès-verbaux tenus lors des réunions entre le contribuable et un représentant d’H______ Ltd, qui ont eu lieu à Jersey quatre fois en 2008, trois fois en 2009, trois fois en 2010 et quatre fois en 2011. Ils ont également transmis un courriel d’un hôtel à Jersey, indiquant que le contribuable y avait séjourné trois fois en 2008 (quatorze nuitées au total), une fois en 2009 (cinq nuitées), deux fois en 2010 (quinze nuitées au total) et une fois en 2011 (dix nuitées). Enfin, ils ont produit quatre factures émises par un hôtel à Jersey, mentionnant que le contribuable y avait séjourné pendant quatre nuitées en 2009, deux nuitées en 2010 et six nuitées en 2011.

13) Le 19 novembre 2013, l’AFC-GE a établi les bordereaux ICC et IFD 2008 à 2012.

Les bénéfices et les fonds propres d’D______ LP étaient imposables en Suisse, le partnership ne remplissant pas les conditions d’un établissement étranger. Le ratio versé à la personne employée à Jersey et les consultancy fees, versés à des consultants situés à Londres et à Moscou, laissaient penser que ces derniers et le contribuable avaient été véritablement actifs pour D______ LP. En outre, le contenu des séances tenues à Jersey, auxquelles le contribuable avait participé, indiquait qu’aucune décision n’avait été prise sur place. La présence du contribuable à cet endroit n’était pas suffisante pour retenir qu’il y avait exercé une part importante de ses activités pour D______ LP. Enfin, la rémunération annuelle versée au seul employé à Jersey n’était pas importante, ce qui démontrait que ce dernier n’avait qu’un rôle secondaire, limité à un suivi administratif et financier. En conséquence, les revenus que le contribuable tirait de son activité auprès d’D______ LP devaient être attribués à son domicile, soit à Genève.

14) Par réclamations du 18 décembre 2013, complétées le 18 avril 2014, les contribuables ont contesté lesdits bordereaux.

Il ressortait des documents transmis à l’AFC-GE que l’activité technique et commerciale d’D______ LP se situait effectivement à Jersey.

Les contrats conclus avec des consultants prévoyaient que ceux-ci étaient subordonnés à D______ LP, de sorte qu’ils devaient être considérés comme des salariés. Le salaire de la personne employée à Jersey, en qualité de gérant financier, était conforme au marché. Les consultants quant à eux ne percevaient pas de salaires fixes, mais étaient rémunérés selon leurs performances et leurs qualifications spécifiques supérieures à celles d’un gérant financier, ce qui expliquait la différence entre leurs salaires et celui versé à l’employé.

L’AFC-GE affirmait faussement qu’aucune décision concernant l’activité d’D______ LP n’était prise à Jersey. Les procès-verbaux des séances tenues en ce lieu démontraient la réalité et l’importance de l’activité accomplie à cet endroit. L’ampleur de cette activité dépendait des affaires générées par la société.

Enfin, ils avaient démontré la présence régulière de M. B______ à Jersey. Il s’y était notamment rendu pour participer à des séances de direction et effectuait le reste de son activité pour D______ LP au lieu de situation des clients, soit à Vaduz, à Londres et Moscou.

D______ LP remplissait ainsi les conditions à la reconnaissance d’un établissement stable sis à l’étranger.

15) Par décisions du 20 février 2015, l’AFC-GE a rejeté ces réclamations.

Elle avait examiné la situation des contribuables en la comparant à celle des années 2004 à 2006, jugée par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) dans son arrêt du 26 février 2013 (ATA/124/2013).

Certains éléments démontraient une évolution dans la mise en place d’une structure fixe à Jersey tels que la location d’un bureau et l’engagement d’un employé sur place. Ces éléments n’étaient toutefois pas suffisants pour admettre l’existence d’un établissement stable. La majorité des activités opérationnelles d’D______ LP étaient exercées hors de Jersey, soit au Liechtenstein, en Angleterre (Londres) et en Russie (Moscou), par des consultants et le contribuable. Ce dernier n’avait pas été suffisamment présent à Jersey pour retenir qu’il avait exercé une part notable de ses activités pour cette société à Jersey. En outre, les séances tenues par le contribuable à Jersey concernaient bien plus un échange d’informations, au sujet des activités opérationnelles de cette entité dans le monde, et des questions des ressources humaines que des véritables prises de décisions. Dans ces conditions, la réalité d’un établissement stable à Jersey ne pouvait pas être reconnue.

Elle reprenait au surplus ses arguments exposés dans les bordereaux contestés.

16) Le 25 mars 2015, les contribuables ont recouru contre ces décisions sur réclamation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à leur annulation et au paiement d’une indemnité de procédure.

À la suite de sa constitution en 2003, D______ LP avait développé deux activités principales, soit, d’une part, l’assistance financière à des sociétés de négoce dans l’établissement de leurs lignes de crédit bancaire et le suivi des transactions opérationnelles (« trade finance ») et, d’autre part, les conseils à des sociétés et à la clientèle privée concernant l’optimisation de la valorisation de leurs sociétés et les risques financiers qui y étaient associés (« E______»). La première activité était destinée principalement, voire exclusivement, à C______ Ltd, alors que la seconde concernait d’autres clients.

L’activité de trade finance était exercée principalement en Grande-Bretagne – en utilisant des moyens mis à disposition par C______ Ltd –, mais également à Jersey, à Vaduz et à Moscou, soit aux endroits où cette dernière avait ses entités principales. Outre la mise à disposition par C______ Ltd de ses bureaux et de ses moyens de travail, la collaboration avec cette société avait été formalisée par ses participations au capital d’D______ LP.

Quatre personnes précédemment employées à Londres ou à Moscou par C______ Ltd avaient été engagées pour des activités opérationnelles d’D______ LP.

Madame I______ travaillait à Londres et au Kazakhstan depuis le 22 janvier 2007. Elle exerçait des activités de E______ d’D______ LP, depuis son domicile à Londres et sous la supervision du contribuable. Le 31 janvier 2008, une nouvelle filiale, D______ Ltd également basée à Jersey, avait été créée pour les activités de E______.

Madame J______ avait commencé à travailler en septembre 2008 pour D______ LP à Moscou. Elle était en charge du suivi, pour le compte d’D______ LP, des activités de négoce de C______ Ltd à Moscou. Elle exerçait son activité dans les locaux de cette dernière.

Madame K______ et Monsieur P______, domiciliés à Londres, avaient été engagés depuis le 1er septembre 2008. Ils étaient également les anciens salariés de C______ Ltd.

Monsieur L______, comptable diplômé domicilié à Jersey, était le responsable administratif et financier d’D______ LP depuis le 1er mai 2008. Le 1er octobre 2009, il avait été remplacé par Monsieur M______ qui s’occupait des tâches administratives d’D______ LP, ainsi que de la facturation et de la comptabilité.

Le contribuable supervisait les employés d’D______ LP. En 2008, il était actif dans le cadre d’un mandat de gestion et d’un contrat de consulting conclus avec la société C______ SA, sise au Liechtenstein. En 2009, il avait exercé des activités dans le cadre d’un mandat confié par la société N______ Limited, sise à Moscou. Il avait présidé les quatorze réunions qui avaient eu lieu à Jersey durant la période litigieuse. Il avait ainsi pleinement assuré la haute direction d’D______ LP à Jersey durant les années 2008 à 2011, en prenant les décisions stratégiques de l’entreprise sur place.

À teneur de la liste des nuitées d’hôtel versée à la procédure, le contribuable avait séjourné à Jersey quinze jours en 2008, six jours en 2009, dix jours en 2010 et onze jours en 2011. Si l’on tenait compte des réunions avec H______ Ltd, on pouvait estimer sa présence à Jersey à environ vingt jours par année.

Ainsi, depuis l’année 2008, la situation d’D______ LP avait radicalement changé par rapport à celle qui avait été jugée par la chambre administrative, compte tenu notamment de l’existence des locaux commerciaux et du personnel à Jersey.

Partant, D______ LP avait véritablement effectué son activité commerciale et réalisé son chiffre d’affaires au moyen d’établissements stables, soit au moyen de bases fixes d’affaires sises à Londres et à Moscou. S’agissant de l’activité du contribuable, elle avait été accomplie au Liechtenstein, dans les locaux de C______ SA, à Vaduz et à Moscou, dans les locaux de N______ Limited. D’ailleurs, dans les décisions litigieuses, l’AFC-GE reconnaissait que l’essentiel de l’activité opérationnelle était exercée en Angleterre, en Russie et au Liechtenstein. Ceci était exact, mais l’autorité intimée omettait de préciser que cette activité opérationnelle et créatrice de chiffre d’affaires d’D______ LP avait été réalisée dans le cadre de ces établissements stables sis dans les pays précités.

D______ LP remplissait ainsi les conditions légales d’une entreprise sise à l’étranger.

17) Par réponse du 14 août 2015, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Il ressortait du contrat de bail et du descriptif du bureau loué à Jersey que cet espace correspondait plus à une salle de réunion qu’à un bureau où pouvait s’exercer l’activité d’une entreprise.

S’agissant du personnel, D______ LP comptait un employé à Jersey et quatre employés basés dans deux pays différents, soit l’Angleterre et la Russie. L’employé engagé à Jersey n’accomplissait que des tâches administratives et financières, ce qui ne correspondait pas au but social d’D______ LP. Il ressortait en effet de l’acte constitutif de cette dernière que ses activités étaient l’achat, la vente et la détention de placements, ainsi que la prestation de services, de conseils et de consultations commerciaux.

À teneur des procès-verbaux produits, la majorité des activités opérationnelles d’D______ LP n’était pas exercée dans les locaux de Jersey, mais à Londres ou à Moscou. En effet, selon ces documents, le client principal d’D______ LP, pendant les années litigieuses, était N______ Limited, à laquelle elle avait fourni des conseils générant des marges bénéficiaires importantes. Trois personnes avaient en effet été engagées expressément afin de répondre aux demandes de N______ Limited. Ainsi, l’essentiel de l’activité d’D______ LP ne se déroulait pas à Jersey.

En outre, la présence du contribuable à Jersey n’était pas suffisante pour exercer des activités commerciales pour D______ LP, alors qu’en qualité de general partner, il lui appartenait d’intervenir de manière plus importante auprès des différentes sociétés. Les contribuables reconnaissaient d’ailleurs que le contribuable avait exercé ses activités au Liechtenstein, à Vaduz et à Moscou. Les procès-verbaux susmentionnés ne faisaient état de sa présence dans les locaux à Jersey que durant les réunions concernées, sans démontrer qu’il avait exercé d’autres activités pour D______ LP. Lesdits procès-verbaux indiquaient que les séances avaient pour but d’informer les participants du déroulement des affaires de la société et de leur présenter les comptes, les différents partenaires, ainsi que les nouveaux consultants et collaborateurs. Il ne ressortait pas de ces pièces que lors de ces séances, des décisions stratégiques concernant l’activité même d’D______ LP - soit notamment l’achat et la vente de placements - avaient été prises.

Les contribuables n’avaient ainsi pas établi l’existence d’un établissement stable ou d’une entreprise située à Jersey, pendant les périodes fiscales litigieuses.

18) Par réplique du 30 septembre 2015, les contribuables ont maintenu leurs conclusions.

L’activité du contribuable pour D______ LP s’exerçait à temps partiel, soit environ soixante jours par année. Une présence à Jersey 60 % de ce temps était raisonnable. S’agissant des tâches exécutées par MM. L______ et M______, elles consistaient en la signature des contrats commerciaux, la facturation des services aux clients et l’établissement de la comptabilité. Par ailleurs, dès lors que les trois consultants engagés pour rendre des services à N______ Limited exerçaient leurs activités depuis leurs domiciles respectifs, soit à Londres et Moscou ou dans les locaux de N______ Trading Limited, on pouvait admettre une création des établissements stables à ces endroits également. Le contribuable quant à lui accomplissait ses activités à Jersey, à Londres et à Moscou. Au vu de ces éléments, D______ LP disposait des établissements stables situés en ces lieux.

19) Par duplique du 30 novembre 2015, l’AFC-GE a maintenu ses conclusions.

Le bureau loué à Jersey ne pouvait pas être considéré comme un lieu où s’exerce l’activité d’une entreprise. Le local de 25 m2 n’était pas suffisant pour conserver tous les documents qui avaient été générés au cours de la période litigieuse.

Il ne ressortait pas des pièces versées que MM. L______ et M______ aient signé des contrats commerciaux d’D______ LP. Sur les procès-verbaux susmentionnés, ces collaborateurs avaient été désignés comme des secrétaires des séances. Il apparaissait ainsi que l’activité de ces personnes relevait de la simple activité administrative d’exécution. Ces employés n’agissaient du reste que sous la supervision du contribuable qui ne se rendait sur place que pour contrôler les affaires d’D______ LP.

Le domicile d’un employé ou les locaux d’un client basés dans différents pays ne pouvaient pas être considérés comme des établissements stables.

20) Par observations spontanées du 11 janvier 2016, les contribuables ont maintenu leurs conclusions, reprenant en substance l’argumentation présentée dans leurs précédentes écritures.

21) Par jugement du 19 septembre 2016, le TAPI a rejeté le recours.

Les contribuables avaient démontré avoir loué des locaux à Jersey et engagé un employé sur place, ce qui permettait de retenir l’existence d’une installation fixe effective à cet endroit. Il n’avait toutefois pas apporté suffisamment d’éléments prouvant l’exercice d’une activité commerciale substantielle. Les activités administratives, de facturation et comptabilité n’étaient pas assimilables à l’exercice d’une activité commerciale compte tenu du but d’D______ LP. Les quatorze réunions suivies sur une période de quatre ans ne démontraient pas l’exercice d’une activité commerciale. Aucune décision importante pour la vie d’D______ LP ou ses activités commerciales n’avaient été prises lors de ces réunions. Le bureau loué à Jersey était affecté auxdites réunions et non pas à l’exercice d’une activité commerciale, les contribuables ayant d’ailleurs admis que l’activité trade finance d’D______ LP était principalement exercée en Grande-Bretagne et que ses activités opérationnelles étaient effectuées par des consultants depuis Londres et Moscou. Par ailleurs, ils n’avaient pas démontré l’existence d’établissements stables à Londres et Moscou, soit aux domiciles respectifs des consultants ainsi que dans les locaux de N______ Trading Limited, la preuve d’une infrastructure effective et opérationnelle dans ces lieux faisait défaut, cette allégation était au surplus en contradiction avec leurs premières déclarations.

22) Par acte posté le 24 octobre 2016, les contribuables ont recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant préalablement à ordonner une comparution personnelle des parties et principalement à l’annulation du jugement.

Selon les procès-verbaux des séances de direction d’D______ LP tenues à Jersey entre M. B______ General Partner et des représentants du Limited Partner H______ services Ltd, des décisions importantes pour l’activité commerciale d’D______ LP avaient été prises, soit :

-          Le 28 octobre 2008, la décision d’engager trois consultants pour assurer les services auprès de N______ Trading Limited, la décision de conclure un accord avec D______ Ltd et Mme I______ ;

-          Le 29 février 2009, la décision d’engager Mme K______ pour le mandat avec N______ Limited ;

-          Le 28 avril 2009, la décision d’approuver la finalisation de l’accord avec Mme K______ ;

-          Le 18 mars 2010, la décision de développer les relations d’D______ LP avec N______ Limited ;

-          Le 16 août 2011, la décision d’approuver le contrat avec Mme J______ et

-          Le 15 novembre 2011, la décision de négocier un nouveau contrat avec N______ Ltd.

Selon le contrat de travail du 1er mai 2008 conclu avec D______ LP, M. L______ exerçait la fonction de directeur financier « finance manager ». Ses activités correspondaient à celles d’un directeur d’D______ LP (mentionné directeur du Limited Partnership dans ledit contrat). Ces remarques valaient également pour M. M______ qui avait remplacé M. L______ et occupait une fonction identique à ce dernier.

Le bureau loué à Jersey était suffisant pour exercer l’activité commerciale d’D______ LP - soit l’acquisition, la vente et la détention d’investissements et la fourniture de conseils aux entreprises et des services de consultant – celui-ci étant doté d’outils informatiques de base pleinement suffisants.

Dans les décisions sur réclamation, l’AFC-GE reconnaissait que l’essentiel de l’activité opérationnelle était exercée en Angleterre, en Russie et au Liechtenstein.

Il sera revenu au besoin sur l’argumentation des recourants dans la partie en droit ci-dessous.

23) Le 26 octobre 2016, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

24) Le 25 novembre 2016, l’AFC-GE a répondu au recours, en concluant à son rejet.

Elle relevait les contradictions dans les faits allégués par les recourants devant le TAPI puis devant la chambre de céans. Ils avaient d’abord indiqué que Mme I______ avait exercé son activité depuis son domicile à Londres pour ensuite affirmer que la précitée avait exercé son activité dans des bureaux à Londres et au Kazakhstan de 2007 à 2011. Ils avaient également indiqué devant le TAPI que Mme J______ était occupée auprès du bureau de représentation d’D______ LP, sis au sein des bureaux du groupe C______ Ltd pour ensuite affirmer que la précitée, domiciliée à Moscou était occupée auprès du bureau de représentation du groupe C______ Ltd à Moscou.

L’audition de M. B______ qui était requise ne se justifiait pas, son droit d’être entendu ayant été respecté, ce dernier s’étant exprimé par écrit à plusieurs reprises.

Les tâches de MM. L______, M______ et O______ étaient de nature administrative et financière, ne relevant pas d’une fonction dirigeante, sans pouvoir décisionnel, étant rappelé que ces derniers agissaient sous la supervision et le contrôle de M. B______.

Il ne ressortait pas des procès-verbaux des séances effectuées à Jersey que des décisions stratégiques sur l’activité même d’D______ LP aient été prises, soit notamment l’achat et la vente de placements.

M. B______ n’avait pas exercé son activité dans les locaux de Jersey mais au Liechtenstein dans les locaux de C______ SA à Vaduz et à Moscou dans les locaux de N______ Limited.

Le domicile d’un employé et les locaux d’un client basés dans différents pays ne constituaient pas des établissements stables, ces lieux de travail n’étant pas permanents. En outre, D______ LP ne détenait pas d’installations d’affaires chez ses clients, soit de matériel pouvant être utilisé pour l’exercice de ses activités.

25) Le 30 janvier 2017, les recourants ont répliqué.

Ils ont joint des attestations notamment relatives à la mise à disposition de bureaux dans différents pays en Angleterre, au Kazakhstan et à Moscou à Mme K______, M. P______ et Mme I______.

L’AFC-GE n’avait pas tenu compte du taux d’activité partiel de M. B______ pour le compte d’D______ LP pour affirmer que le contribuable ne s’était rendu que rarement à Jersey.

L’activité des quatre collaborateurs – Mme K______, M. P______, Mme I______ et Mme J______ – constituait des établissements stables d’D______ LP sis à l’étranger.

Ils reprenaient au surplus les arguments figurant dans leurs précédentes écritures.

26) Le 3 avril 2017, l’AFC-GE a dupliqué en maintenant sa position.

Le taux d’activité de M. B______ ne démontrait pas qu’il ait exercé effectivement une activité commerciale à Jersey.

Les personnes engagées par D______ Ltd étaient consultantes et non pas employées. Elles utilisaient les bureaux prêtés pour plusieurs activités et non pas exclusivement pour D______ LP.

Les attestations jointes à la réplique faisaient référence à la mise à disposition de bureaux, sans description de ceux-ci, en particulier sans mention de la présence d’installations d’affaires fixes. Les bureaux prêtés n’étant au surplus pas les seuls lieux où les précités exerçaient leur activité.

27) Le 27 avril 2017, les recourants ont encore déposé des observations, persistant dans leurs conclusions.

Ils ont joint le curriculum vitae de Mme J______.

Leurs argumentations ainsi que celle de l’AFC-GE de même que le détail des pièces figurant au dossier, seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit.

28) Suite à quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) Les recourants sollicitent l’audition des parties en particulier, M. B______ afin de clarifier les activités d’D______ LP.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid.3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; ATA/1071/2015 du 6 octobre 2015). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitudes que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1 ; 2C_481/2013 du 30 mai 2013 consid. 2.1 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 ; ATA1071/2015 précité). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2 ; ATA/1071/2015 précité).

b. En l’espèce, les recourants ont déposé de nombreuses pièces s’agissant de l’activité d’D______ LP et se sont longuement exprimés par écrit sur cette question. Le dossier étant complet sur ce point, l’audition de M. B______ n’est pas nécessaire pour pouvoir trancher le litige, si bien qu’il n’y a pas lieu de procéder à cette mesure d’instruction.

3) Les questions de droit matériel sont résolues par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_835/2012 du 1er avril 2013 consid. 8 ; ATA/1454/2017 du 31 octobre 2017 ; ATA/1384/2017 du 10 octobre 2017).

En l’espèce, l’IFD est soumis à la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11).

Quant à l’ICC, le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l’imposition des personnes physiques (LIPP - D 3 08) dont l’art. 69 a abroge les cinq anciennes lois sur l’imposition des personnes physiques (aLIPP I-V). L’art. 72 al. 1 LIPP en vigueur depuis le 1er janvier 2010 prévoit que cette loi s’applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010 et que les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l’ancien droit, même après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi (ATA/1071/2015 précité ; ATA/381/2013 du 18 juin 2013). Le recours concernant les périodes fiscales allant de 2008 à 2011, il convient d’appliquer les dispositions de l’ancien droit, en particulier la loi sur l’imposition des personnes physiques – objet de l’impôt – assujettissement à l’impôt du 22 septembre 2000 (aLIPP-I) pour les années 2008 et 2009 et la LIPP pour les années 2010 et 2011.

4) Les recourants contestent l’imposition 2008 à 2011 des bénéfices et des fonds propres d’D______ LP à Genève au motif qu’il s’agit d’un établissement stable, le cas échéant d’une entreprise, situé à l’étranger. Ils ne remettent cependant en cause ni leur assujettissement illimité à l’IFD et ICC en raison de leur domicile en Suisse, ni l’exercice d’une activité lucrative indépendante par M. B______ au sein d’D______ LP.

a. Les personnes physiques sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement personnel lorsque, au regard du droit fiscal, elles sont domiciliées ou séjournent en Suisse (art. 3 al. 1 LIFD ; art. 2 aLIPP-I). L’assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité, mais ne s’étend pas aux établissements stables et aux immeubles situés à l’étranger (art. 6 al. 1 LIFD ; art. 5 al. 1 aLIPP-I ; art. 5 LIPP). Cette exemption est inconditionnelle et existe indépendamment de l’imposition effective ou non de l’entreprise, de l’établissement ou de l’immeuble à l’étranger (ATA/1017/2015 du 25 septembre 2015 ; Xavier OBERSON, Précis de droit fiscal international, 4ème éd., 2015, p. 97 n. 310).

Les personnes physiques domiciliées en Suisse sont en principe imposables sur tous leurs revenus de source étrangère, dès l’instant où elles sont domiciliées en Suisse, de sorte que, en l’absence de convention de double imposition, les revenus tirés de l’activité indépendante exercée à l’étranger sont pleinement imposables en Suisse. Il en va de même des revenus de l’activité indépendante effectuée à l’étranger, pour autant que celle-ci ne se déploie pas dans le cadre d’une entreprise ou d’un établissement stable dans cet État (ATA/1017/2015 du précité ; ATA/381/2013 du 18 juin 2013 ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 98 n. 313), notions correspondant à celles mentionnées à l’art. 4 LIFD et qui sont également applicables aux établissements à l’étranger (ATF 139 II 78 consid. 2 ; ATA/1017/2015 précité).

b. L’art. 4 al. 2 LIFD définit l’établissement stable comme toute installation fixe dans laquelle s’exerce tout ou partie de l’activité de l’entreprise, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif (ATF 134 I 303 consid. 2.2). L’entreprise doit exercer son activité au travers d’installations permanentes, ce qui implique qu’elles soient à sa disposition de façon durable, de manière à pouvoir en disposer économiquement. Pour être qualitativement importante, l’activité doit entrer dans le cercle de celle, principale, de l’entreprise. L’exigence d’une activité quantitativement importante s’analyse, quant à elle, différemment suivant chaque type d’entreprise et signifie que l’installation en cause doit exercer une activité qui n’est pas accessoire ou d’importance secondaire. En outre, l’établissement doit effectuer une partie de l’activité de l’entreprise, ce qui exclut en principe qu’une filiale puisse être considérée comme un établissement stable de sa mère (Xavier OBERSON, op. cit., p. 486 s n. 40). Il est admis que des exigences plus élevées soient posées lorsqu’il s’agit de reconnaître l’existence d’un établissement stable à l’étranger plutôt qu’en Suisse, pays dans lequel les activités exercées à l’étranger seront toutefois imposées en cas de doute en raison de l’assujettissement illimité (ATF 139 II 78 consid. 3.1.2). Par ailleurs, dans le cadre d’un « ruling », l’autorité fiscale peut exiger des associés une présence régulière sur les lieux de l’établissement en vue de gérer ses activités afin de lui reconnaître la stabilité nécessaire pour ne pas imposer ses revenus en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_664/2013 du 28 avril 2014 consid. 4.3 ; ATA/798/2013 du 10 décembre 2013 ; ATA/1017/2015 précité ; ATA/381/2013 précité).

Cette notion d’établissement stable est identique au niveau cantonal – art. 3 al. 3 a LIPP-I et art. 3 al. 3 LIPP - de sorte qu’il convient de se référer aux développements relatifs à l’IFD.

c. Suivant leur type, les partenariats sont considérés, en droit privé suisse, comme des sociétés simples, des sociétés en nom collectif ou des sociétés en commandite et n’ont pas la personnalité juridique. N’étant pas des sujets fiscaux, ils sont traités comme fiscalement transparents, de sorte que leurs revenus sont attribués aux associés, pour autant qu’il s’agisse de personnes physiques. Lorsque le partenariat est étranger, il convient toutefois d’examiner s’il possède ou non la personnalité juridique, de manière à déterminer la façon dont doivent être alloués les revenus et la fortune découlant de son activité, cet examen devant se faire selon le droit applicable au regard de l’art. 154 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP - RS 291). Ce n’est que dans l’hypothèse où l’entité étrangère n’aurait pas la personnalité juridique que ses revenus seront alloués aux associés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_664/2013 précité consid. 5.1).

d. La notion d’entreprise au sens de l’art. 6 al. 1 LIFD est large et comprend toute activité lucrative indépendante au sens de l’art. 18 al. 1 LIFD. Constitue ainsi une entreprise toute activité entrepreneuriale effectuée par une personne à ses propres risques, avec la mise en œuvre de travail et de capital, dans une organisation librement choisie et reconnaissable de l'extérieur. En cas de doute sur l'existence d'une entreprise à l'étranger, il convient de soumettre le revenu afférent à l'impôt en Suisse, en raison de l'assujettissement illimité de l'associé dans ce pays de l'entrepreneur, respectivement de l'associé en Suisse. À l'appui de cette affirmation, le Tribunal fédéral invoque le souci de cohérence avec sa jurisprudence en matière d'établissement stable (RDAF 2017 II 26 p. 30 et 31 et les références citées).

La doctrine relève une différence entre l’établissement stable et la notion d’entreprise, cette dernière est un concept autonome qui vise l’exploitation d’une entreprise, comme agent économique autonome, en la forme commerciale. Contrairement à l’établissement stable, l’exploitation de l’entreprise est conçue dans sa globalité, et non en partie (Xavier OBERSON, op. cit., p. 79 n. 16).

e. De jurisprudence constante et selon un principe généralement admis en matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, alors que le contribuable supporte le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4C/aa ; ATA/124/2013 du 26 février 2013 ; ATA/1487/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/1454/2017 du 31 octobre 2017).

Le contribuable a la charge de la preuve de l’effectivité de l’administration de l’entreprise ou de l’établissement stable à l’étranger, faute de quoi l’imposition a lieu en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2014 du 30 septembre 2015 consid. 11.2 ; ATA/856/2016 du 11 octobre 2016 ; ATA/798/2013 du 10 décembre 2013).

En présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l’intéressé a données en premier lieu, alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATA/1064/2015 du 6 octobre 2015 ; ATA/875/2015 du 25 août 2015).

5) a. Les recourants invoquent que les revenus et la fortune commerciale d’D______ LP étaient liés à l’activité indépendante du contribuable, exercée à Jersey, cette entité constituant un établissement stable, M. B______ s’y rendant régulièrement pour y exercer son activité.

Les recourants ont certes démontré avoir loué des locaux à Jersey et engagé un employé sur place, ce qui permet de retenir l’existence effective d’une installation fixe en ce lieu. Comme l’a à juste titre relevé le TAPI, les contribuables n’ont toutefois pas démontré l’exercice d’une activité commerciale principale à Jersey. En particulier, les tâches administratives de facturation et de comptabilité d’D______ LP n’entrent pas dans le cercle des activités principales de cette société. L’allégation selon laquelle les activités exécutées par MM. L______, M______ et O______ relèveraient d’une fonction dirigeante ne convainc pas, la signature de certains contrats commerciaux, la gestion financière et comptable notamment la facturation ne conférant pas de pouvoirs décisionnels d’autant plus que, selon les recourants, les prénommés agissaient sous la supervision de M. B______. Par ailleurs, les recourants n’ont invoqué cet élément que dans un deuxième temps, soit devant la chambre de céans, si bien que cette allégation doit être appréciée avec retenue. La location d’une pièce de 25 m2 à Jersey ne démontre pas l’exercice d’une activité commerciale effective, ladite pièce ne permettant pas l’exercice d’une telle activité quand bien même elle serait équipée d’outils informatiques de base. En outre, il ne ressort pas des procès-verbaux de réunions que les activités exercées à Jersey étaient directement liées au but commercial d’D______ LP, soit notamment l’achat et la vente de placements. Le nombre de réunions effectuées par M. B______ à Jersey n’est pas suffisant pour démontrer l’exercice d’une activité commerciale principale en ce lieu, malgré son taux de travail partiel. Vu les éléments qui précèdent et compte tenu de la jurisprudence restrictive pour admettre l’existence d’un établissement stable à l’étranger, les contribuables n’ont pas établi l’existence de celui-ci.

Le raisonnement est identique s’agissant de la prétendue existence d’une entreprise à l’étranger, les recourants n’avançant aucun élément supplémentaire démontrant l’existence de celle-ci.

b. Les recourants invoquent enfin l’existence d’établissements stables sis à l’étranger, Mmes I______, J______ et K______ et M. P______, consultants pour d’D______ LP ayant réalisé des mandats depuis leur domicile et depuis les locaux de clients.

Le domicile des précités et les locaux des clients ne constituent pas des établissements stables en raison du caractère provisoire de ces lieux de travail.

Ce grief sera dès lors également écarté.

6) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 octobre 2016 par Madame A______ et Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 septembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Beau HLB (Genève) SA, mandataire des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf et M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :