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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4334/2022

ATA/685/2024 du 10.06.2024 sur JTAPI/700/2023 ( LDTR ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4334/2022-LDTR ATA/685/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 juin 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Julien BLANC, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2023 (JTAPI/700/2023)


EN FAIT

A. a. La société A______ est propriétaire de la parcelle n° 2'410, feuille 1______, de la commune de B______, sur laquelle est érigé un immeuble d’habitation à l’adresse 6, rue C______.

Ce bâtiment appartient à un ensemble protégé (RAIM – Recensement des immeubles maintenus XIX-XXe siècles).

b. Le 4 octobre 2022, A______ a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département) une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée (ci-après : APA) n° 2______ portant sur la transformation et la rénovation d'un appartement situé au 3e étage de l’immeuble en question.

Une rénovation complète (sanitaires, cuisine, peintures, carrelage, parquet, électricité et chauffage) ainsi qu’une modification de la typologie de l’appartement par la permutation entre la cuisine et la chambre à coucher, pour des raisons de nuisances sonores liées à la présence à proximité de la caserne des pompiers, étaient envisagées.

À teneur des plans annexés, la surface nette proposée pour les nouvelles pièces était de 12.58 m2 pour la chambre, 11.90 m2 pour la cuisine et 11.03 m2 pour le salon.

Le coût de l'ensemble de ces travaux était évalué à CHF 127'300.- (formulaire D 12).

c. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, les préavis, favorables, suivants ont notamment été délivrés :

- le 25 octobre 2022 par le service des monuments et des sites (ci-après : SMS), à la condition que la porte à panneaux desservant actuellement la chambre de 11.03 m2 soit conservée et condamnée et que les éléments caractéristiques des pièces soient maintenus et restaurés de manière soignée, pour ce qui concernait, par exemple, les boiseries, les parquets, les plafonds avec corniches et rosaces, les portes et les armoires à panneaux, la porte palière ainsi que les fenêtres existantes ;

- le 14 novembre 2022, par l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), sous conditions que le loyer de cet appartement de 2.5 pièces n'excède pas, après travaux, son niveau actuel (CHF 15'600.- par an ou CHF 6'240.- la pièce par année) pendant une période de contrôle de cinq ans.

d. Le 15 novembre 2022, le département a délivré à A______ l'autorisation de construire sollicitée, conditionnée au respect de ces deux préavis.

B. a. Par acte du 15 décembre 2022, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Elle contestait le nombre de pièces retenues pour l'appartement qui comprenait deux pièces habitables, soit la chambre et le séjour. Dans la configuration après les travaux projetés, la chambre (ancienne cuisine) aurait une surface nette de 13.5 m2 (3.60 m x 3.75 m), le séjour et la cuisine (ancienne chambre) de 29.76 m2 (6.2 m x 4.8 m), de laquelle il fallait toutefois retrancher l'emprise de la salle de bains de 1.575 m2 (1.75 m x 0.9 m), pour arriver à une surface nette de 28.185 m2. La surface nette totale de l’appartement serait donc de 41.685 m2, remplissant les critères pour être qualifié d'appartement de trois pièces. Au vu de ces éléments, l'autorisation aurait dû constater que l'appartement disposerait de trois pièces, d’où un ajustement du loyer maximum, à l’instar des autres appartements identiques de l'immeuble, situés au‑dessus et au-dessous du niveau concerné, ayant fait l’objet de travaux similaires dans un passé récent.

C’était à tort que la durée du contrôle du loyer après travaux avait été fixée à cinq ans. Il ressortait en effet de la jurisprudence qu’une telle durée avait été retenue s’agissant de transformations autrement plus importantes que les travaux projetés, aussi bien en termes d'importance que de coûts des travaux. Les travaux avaient fait l’objet d’une APA et ne pouvaient être considérés comme importants.

L’isolation envisagée au plafond avait pour but non seulement d'améliorer le confort des occupants, mais également l'efficience énergétique, ce qui s'inscrivait dans la politique cantonale d'assainissement énergétique des bâtiments. Elle avait prévu d'améliorer les isolations phoniques et thermiques du bâtiment en procédant notamment à une meilleure isolation entre les parties communes, avec l'appartement voisin, ainsi qu'autour des ouvertures. Or, les exigences du SMS concernant le maintien des plafonds étaient impossibles à respecter, dès lors que les corniches et rosaces n'existaient plus. Elles l’empêchaient en outre de procéder à l'isolation souhaitée, étant relevé qu’un tel maintien n'avait pas été exigé dans les précédentes autorisations.

D’une manière générale, l'autorisation querellée présentait un problème du point de vue de la sécurité du droit, dans la mesure où les mêmes travaux réalisés dans d’autres appartements de l’immeuble avaient été traités différemment. Elle se référait aux APA/3______/1 de 2018 et APA/4______/1 de 2019.

Elle a joint un chargé de pièces, dont les APA précitées et les préavis du SMS et de l’OCLPF rendus dans ce cadre.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

De jurisprudence constante, il était possible d'appliquer par analogie l'art. 1 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01) au calcul du nombre de pièces selon les art. 1 ss de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Conformément à l'art. 1 al. 5 RGL et au tableau qui lui était lié, l'appartement ne pouvait être comptabilisé que comme un deux pièces et demie, sa surface nette, selon les plans produits, étant inférieure à 39 m2.

Depuis un certain temps, l’OCLPF considérait que les travaux qui ne consistaient pas en de la simple rénovation, mais portaient également sur la permutation de pièces et la transformation de pièces humides en pièces sèches (et vice versa), avec toutes les modifications que cela pouvait entraîner, devaient être considérés comme étant lourds. Cette façon de procéder avait déjà été confirmée par le TAPI (JTAPI/1300/2022 du 29 novembre 2022).

Dans le préavis du SMS du 25 octobre 2022, la condition relative à la conservation des éléments caractéristiques était formulée de façon générique. Ainsi, s’il n'y avait pas de rosaces dans l’appartement, il ne faudrait pas en tenir compte. Cela étant, la demande d'autorisation de construire ne faisait pas état d'une amélioration de l'isolation phonique, seuls des travaux de peinture étant envisagés au plafond (formulaire D 12). Il ne ressortait pas des plans que des travaux devraient être réalisés au niveau des parties communes, des embrasures ou des contrecœurs.

c. A______ a relevé dans sa réplique que dans la mesure où la condition de la préservation des plafonds de l'appartement avec corniches et rosaces n'aurait pas dû être intégrée notamment dans l'autorisation, son recours devait être admis sur ce point.

S’agissant du calcul des pièces, la divergence ne concernait pas les dispositions applicables mais le calcul de la surface nette effective de l'appartement, de 41.685 m2, tel que cela ressortait des plans.

La permutation des deux pièces était dictée par la nécessité d'améliorer la configuration de l'appartement et non par pure commodité. Par ailleurs, le coût des travaux était proportionnellement moins élevé, s’agissant d’un trois pièces et non d’un deux pièces et demi. En outre, une partie non négligeable dudit coût était dictée par les impératifs légaux en matière de performance énergétique. On ne saurait donc lui imputer ce coût dans le cadre d'un contrôle du loyer de longue durée, ce qui irait en outre à l’encontre de l’art. 9 al. 6 LDTR.

d. Le 23 janvier 2023, A______ a produit de nouveaux plans, différents de ceux initialement produits en ce qu’ils faisaient état des chiffres dont elle se prévalait dans ses écritures. Elle a expliqué à cet égard que les plans initialement produits étaient erronés, ce dont elle venait de s’apercevoir.

e. Par jugement du 20 juin 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Dans son préavis favorable du 25 octobre 2022, le SMS indiquait notamment, à titre de condition, que : « l’intervention sur la substance intérieure du bâtiment devra prendre en compte le maintien et la restauration soignée des éléments caractéristiques des pièces conservées en application de l'art. 90 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), pour ce qui concernait par exemple les boiseries, les parquets, les plafonds avec corniches et rosaces, les portes et les armoires à panneaux, la porte palière ainsi que les fenêtres existantes ». Cette condition était non seulement formulée de façon générique, mais aussi de manière non exhaustive, comme le démontrait le terme « par exemple ». Ainsi, il allait de soi que s’il n’y avait pas de rosaces, celles-ci n’auraient pas à être préservées. En revanche, tel devrait être le cas des autres éléments caractéristiques des pièces, tels les parquets. La condition posée par le SMS gardait ainsi tout son sens et faisait partie intégrante de l’autorisation.

Au vu des plans visés ne varietur, le calcul des pièces apparaissait correct. En effet, seuls la nouvelle chambre à coucher (12.58 m2), la nouvelle cuisine (11.90 m2) et le nouveau salon (11.03 m2) pouvaient être pris en considération pour le calcul de la surface nette de l'appartement, soit 35.51 m2. Conformément à l'art. 1 al. 5 RGL et au tableau qui lui était lié, l'appartement ne pouvait être comptabilisé que comme un deux pièces et demi, sa surface nette étant inférieure à 39 m2.

Il ressortait du dossier que les travaux autorisés portaient sur la rénovation complète de l’appartement (sanitaires, cuisine, peintures, carrelage, parquet, électricité et chauffage) ainsi que sur sa typologie par la permutation de la cuisine avec la chambre à coucher, ayant notamment pour conséquence la destruction de la cloison entre les deux chambres et la transformation d’une pièce humide en pièce sèche et vice versa. Le montant des travaux était évalué à CHF 127'300.-, soit plus de CHF 50'000.- par pièce, pouvant être qualifié de non négligeable, même si l’immeuble appartenait à un ensemble protégé comprenant des matériaux d’époque. Il ressortait clairement du descriptif des coûts des travaux (formulaire D 12) que certains postes étaient directement liés aux permutations précitées. Ainsi, même si le loyer demeurerait inchangé suite aux travaux, le critère en particulier de l’importance des travaux était rempli, d’où une durée de contrôle du loyer de cinq ans selon l’art. 12 LDTR.

Si certes les APA/3______/1 et APA/4______/1 de 2018 et 2019 concernant des travaux dans des appartements identiques à celui de la présente cause, aux 1er et 4e étages de l’immeuble avaient traité la situation différemment, elles avaient été délivrées avant que l’OCLPF n’opère son changement de pratique (consistant à considérer que les travaux qui ne consistaient pas en de la simple rénovation, mais portant également sur la permutation de pièces et la transformation de pièces humides en pièces sèches [et vice versa] devaient être considérés comme étant lourds). Par conséquent, A______ ne pouvait valablement invoquer ces APA pour en déduire une violation du principe de l’égalité de traitement. Elle ne démontrait enfin pas que cette pratique serait disparate ou peu uniforme et rien ne laissait à penser que le département entendait s’en écarter à l’avenir. Aucune violation du principe d’égalité de traitement n’était ainsi à déplorer dans le présent cas.

C. a. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le 24 août 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation dudit jugement, de même qu’à l’annulation partielle de l’autorisation du 15 novembre 2022 en ce qu’elle portait sur le nombre de pièces de l’appartement, le loyer maximum autorisé et la durée du contrôle, et au renvoi du dossier au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Elle s’était rendu compte qu’elle avait produit d’anciens plans, pas à jour et peu précis, à l’appui de sa demande d’APA. De nouveaux plans corrigés avaient pu être produits devant le TAPI le 24 janvier 2023, lesquels avaient toutefois été passés sous silence dans le jugement attaqué. Son droit d’être entendue avait donc été violé.

Dans les APA/3______ et 4______, l’OCLPF avait retenu dans ses préavis que les appartements identiques à celui concerné par l’autorisation comportaient chacun trois pièces. Il ressortait des plans corrigés que la surface nette totale de l’appartement était de 40.5 m2 (nouvelle chambre : 13.85 m2 ; nouveau séjour : 12.70 m2, nouvelle cuisine 13.95 m2, en incluant pour ces deux dernières pièces les contrecœurs devant la fenêtre), donc supérieure aux 39 m2 minimums prévus à l’art. 1 al. 5 RGL pour retenir trois pièces et non deux et demi. Le loyer après travaux retenu par l’OCLPF était donc erroné.

La qualification par le TAPI des travaux envisagés en transformations lourdes était contraire à l’art. 12 LDTR. Le TAPI n’avait aucunement tenu compte de l’interprétation historique et téléologique de cette disposition. Les travaux limités à un seul appartement ne pouvaient entrer dans cette définition, même si deux pièces étaient permutées. Elle voyait mal que des travaux autorisés en APA, comme en l’espèce, entrent dans cette définition. Les jurisprudences de la chambre administrative auxquelles le TAPI se référait en renvoyant à ses jugements concernaient des travaux nettement plus importants que ceux qu’elle envisageait, aussi bien par leur ampleur que par leur coût. Tel était le cas dans l’ATA/260/2014 du 15 avril 2014 auquel le TAPI s’était également référé concernant la refonte complète d’un appartement, dictée non pas par des impératifs énergétiques ou de protection contre le bruit, comme dans son cas, et liée en outre à une augmentation de loyer, ce qui n’était pas son cas. Les travaux envisagés n’étaient pas la conséquence d’une carence de sa part. Le montant des travaux, de CHF 127'300.- correspondait pour un trois pièces à environ CHF 42'000.- par pièce, ce qui relativisait leur importance.

Une durée de contrôle des loyers de trois ans et non de cinq ans devait être retenue, étant relevé qu’une période supplémentaire de deux ans était déterminante sur la possibilité donnée par la loi de rentabiliser ces travaux.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

L’absence par le TAPI de référence aux nouveaux plans produits en cours de procédure n’était, en définitive, pas pertinent, dès lors qu’ils étaient erronés après mesure à l’aide d’une règle à échelle multiple, contrairement à ceux figurant dans le dossier d’APA. La chambre administrative pourrait le constater sans avoir à renvoyer le dossier au TAPI.

Il contestait l’interprétation historique que A______ faisait de la LDTR quant à la qualification des travaux, que la procédure suivie, ordinaire ou accélérée, ne permettait pas à elle seule de qualifier. L’analyse technique de l’OCLPF et de la planification foncière était indispensable pour déterminer la nature des travaux proposés.

c. Dans sa réplique, A______ a contesté que les plans produits devant le TAPI soient erronés. La violation de son droit d’être entendue ne pouvait être réparée par la chambre administrative. Ces plans devaient être analysés par un complément d’instruction que l’instance précédente devait effectuer, en demandant des informations complémentaires, voire en procédant à un transport sur place. Il était évident que l’on ne pouvait obtenir des mesures précises à l’échelle dans un document imprimé et/ou recopié, produit dans le cadre d’un recours. En imprimant ou en copiant les anciens plans, on pouvait se rendre compte qu’ils n’apparaissaient pas non plus « à l’échelle ».

Elle joignait les plans produits « en pièce n° 7 » imprimés « à l’échelle » desquels il ressortait que les dimensions affichées étaient les dimensions réelles (par exemple 3.7 cm pour 3.70 m) et faisaient état d’une surface nette de l’appartement de 40.5 m2.

Elle est revenue longuement sur l’interprétation de l’art. 12 LDTR qu’elle préconisait.

d. Par courrier du 9 novembre 2023, la juge déléguée a demandé à A______, dans la mesure où les parties divergeaient sur les plans à prendre en compte pour le calcul de la surface nette de l'appartement objet du litige, et partant sur ladite surface, soit de lui indiquer le nom du géomètre qui avait établi les plans produits à l'appui de la réplique du 30 octobre 2023, soit d'en mandater un pour qu'il procède aux prises de mesures en bonne et due forme. À cet égard, un transport sur place ne permettrait a priori pas l'obtention de mesures précises.

e. Le 22 décembre 2023, A______ a produit un plan établi par le bureau F______, ingénieurs géomètres brevetés, dont il ressortait que la surface utile de l’appartement litigieux s’établissait à 48 m2.

f. Le 23 janvier 2024, le département a relevé que les plans produits par la recourante avaient tous une cotation différente. Le dépôt de plans élaborés par un mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ), tel qu’imposé par la loi, devait être demandé. Une fois les plans produits, l’OCLPF devrait être sollicité pour qu’il puisse une nouvelle fois se prononcer sur ces documents.

g. Le 9 avril 2024, la recourante a produit un plan établi par le bureau D______, dont l’associée-gérante, E______ était inscrite au tableau des MPQ.

Ce plan démontrait que la surface utile de l’appartement s’établissait à plus de 48 m2, soit une chambre de 13.73 m2, une pièce formée d’une cuisine de 13.88 m2 et d’un séjour de 12.90 m2, un hall de 4.37 m2 et une salle de bains de 3.6 m2.

Le 25 avril 2024, elle a précisé que la surface totale de l’appartement était de 48.48 m2, ce qui confirmait qu’il devait être compté pour trois pièces, voire un trois pièces et demi au sens de la loi. La qualification retenue par l’OCLPF dans son préavis devait être modifiée.

Elle persistait dans ses conclusions.

h. Le 25 avril 2024, le département a indiqué prendre note que d’après les plans produits, la surface s’élevait à 40.51 m2 au lieu des 35.51 m2 apparaissant dans le dossier de l’APA en sa possession.

Si l’autorisation de construire devait être revue, les frais et dépens devaient être mis à la charge de la recourante, qui était seule responsable de la situation et des informations erronées qu’elle avait communiquées lors du dépôt de sa demande.

i. Le 1er mai 2024, la recourante a relevé que le nombre de pièces devait être fixé à trois, ce que le département n’avait pas admis, en violation du principe de la bonne foi.

j. Le 7 mai 2024, le département a laissé le soin à la chambre administrative de se prononcer sur le nombre de pièces, sur la base du plan déposé.

k. Le 7 mai 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

3.             La recourante reproche au TAPI une violation de son droit d’être entendue, celui‑ci n’ayant pas pris en compte les nouveaux plans produits, lesquels prouvaient selon lui que le logement était un trois pièces et non un deux pièces et demie comme retenu dans la décision et le jugement.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1). Il comprend également le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_463/2019 du 10 juin 2020 consid. 4.5).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond. Selon la jurisprudence, une telle violation peut néanmoins être considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2).

3.2 En l'occurrence, la recourante s'est prévalue, dans son acte de recours, des nouveaux plans produits devant le TAPI, lesquels figurent au dossier. Elle a par ailleurs pu produire, dans le cadre de la procédure de recours, plusieurs pièces complémentaires relatives à la même problématique, lesquelles ont été abondamment commentées par elle-même et le département dans leurs écritures respectives. Elle a ainsi pu s'exprimer librement devant la chambre de céans, qui dispose, en fait et en droit, du même pouvoir d'examen que le TAPI. Une éventuelle violation du droit d'être entendu par ce dernier doit donc être considérée comme guérie.

Le grief doit ainsi être écarté.

4.             Il convient de déterminer le nombre de pièces de l’appartement litigieux, l’autorité intimée et le TAPI ayant retenu deux pièces et demie et la recourante trois.

4.1 L’art. 1 RGL définit la façon de calculer le nombre de pièces des logements soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05).

La chambre de céans a toujours considéré qu’il était possible d’appliquer l’art. 1 RGL, par analogie, au calcul du nombre de pièces selon la LDTR, les buts poursuivis par ces deux lois relevant d’un même souci de préserver l’habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève (ATA/870/2023 du 22 août 2023 consid. 5.8 ; ATA/1586/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3e et les arrêts cités). Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2014 du 10 octobre 2014 consid. 7.2).

Ainsi, pour calculer le nombre de pièces au sens de la LDTR, il convient de se référer à l’art. 1 RGL, et notamment à son al. 5 qui prévoit des surfaces nettes minimum, un nombre de pièces habitables distinctes minimum ainsi qu’un nombre d’occupants moyen pour déterminer le nombre de pièces d’un logement. À ces chiffres s’ajoute, selon cette disposition, l’assurance d’un usage confortable du logement, démontré au moyen d’un plan meublé, pour le nombre d’occupants visé. Pour un trois pièces, les critères sont : une surface nette minimale de 39 m2, deux pièces habitables distinctes et un nombre d’occupants moyen de deux.

Pour le calcul du nombre de pièces des logements, il est tenu compte de la surface nette, telle que définie à l'art. 4 RGL (art. 1 al. 4 RGL). Par surface nette du logement, il faut entendre l’addition des surfaces des pièces, d'au moins 9 m2, et des demi-pièces, d'au moins 6 m2, habitables, du logement et de la cuisine, ainsi que du laboratoire (art. 4 al. 1 RGL). Ne sont pas pris en compte les gaines techniques, halls, dégagements, couloirs, réduits et locaux sanitaires, loggias, balcons, terrasses, jardins, ni les trémies des escaliers des duplex (art. 4 al. 2 RGL).

4.2 Au cours de l’instruction devant la chambre administrative, des plans du logement établis par un MPQ, tels que requis par l’art. 2 al. 3 LCI, ont été produits, lesquels diffèrent encore de ceux produits devant le TAPI et de ceux figurant au dossier d’autorisation.

Selon ces plans, l’appartement, d’une surface totale de 48.48 m2, compte une cuisine ouverte de 13.88 m2, un séjour de 12.90 m2, un hall de 4.37 m2, une salle‑de‑bains de 3.60 m2 et une chambre de 13.73 m2. Il n’est plus contesté que la surface nette du logement est de 40.51 m2(13.73 m2 pour la chambre, 12.9 m2 pour le séjour et 13.88 m2 pour la cuisine), soit 1.51 m2 de plus que le minimum pour un logement de trois pièces qui est de 39 m2 (art. 1 al. 5 RGL). Les autres conditions permettant de retenir qu’il s’agit d’un trois pièces prévues par l’art. 1 al. 5 et 7 RGL, soit qu’il existe un minimum de deux pièces habitables distinctes et que le nombre d’occupants moyen soit de deux, apparaissent également remplies en l’espèce. Le département n’a d’ailleurs pas contredit le raisonnement tenu par la recourante sur ce point après le dépôt du plan.

Le recours sera donc admis sur ce point, l’appartement devant être qualifié de trois pièces et non de deux pièces et demie comme retenu dans le préavis de l’OCLPF –sans faute de sa part puisqu’il avait été induit en erreur par les plans erronés déposés – faisant partie intégrante de la décision d’autorisation de construire.

L’autorisation de construire devra donc être modifiée sur ce point.

5.             La recourante conteste également la durée de contrôle des loyers fixée à cinq ans en raison de la qualification de « transformations lourdes » faite des travaux prévus, ce qui serait contraire à l’art. 12 LDTR. La durée de contrôle des loyers devait en conséquence être ramenée à trois ans.

5.1 Le département compétent fixe, comme condition aux autorisations de démolir ou de transformer, le montant maximum des loyers après travaux (art. 10 LDTR). Les loyers sont soumis au contrôle de l'État pendant une période de trois ans en cas de transformation ou de rénovation, jusqu'à cinq ans pour une transformation lourde et de cinq à dix ans en cas de construction nouvelle (art. 12 LDTR). Pendant la période de contrôle, les loyers et les prix de vente fixés par le département ne peuvent être dépassés (art. 14 al. 1 LDTR).

5.2 La recourante estime que l’art. 12 LDTR devrait être interprété en ce sens que les transformations lourdes ne recouvrent que les travaux effectués sur un immeuble entier avec réfection de la toiture ou des façades, le remplacement de sanitaires, etc. mais ne saurait être appliqué lorsque les travaux touchent un seul appartement.

Elle allègue notamment que cette interprétation et la distinction entre transformation simple et lourde a été faite par le législateur. Or il ressort des travaux préparatoires – auxquels se réfère d’ailleurs la recourante en omettant le contexte dans lesquels ils ont été entrepris– que le législateur a voulu distinguer deux types de travaux, soit ceux de transformation de ceux de rénovation, notion qui n’existait pas encore dans la loi à l’époque (MGC, 1989 III p. 3630). Ces travaux préparatoires ont débouché sur cette distinction, qui est toujours d’actualité puisque l’art. 3 al. 1 LDTR distingue les travaux de transformation ayant pour but la modification de l’architecture, du volume, de l’implantation, de la destination et de la distribution intérieure de tout ou partie d’une maison d’habitation (let. a), de ceux ayant pour objet la rénovation, c’est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements (let. d).

Rien ne permet de retenir l’interprétation voulue par la recourante, qui ne s’appuie ni sur le texte des dispositions concernées ni sur la jurisprudence rendue en application de la LDTR. En effet, les art. 10 ss LDTR trouvent application que les travaux portent sur l’ensemble d’un immeuble ou seulement sur l’un des logements de celui-ci, comme en l’espèce. L’art. 3 al. 1 let. a ou d LDTR l’indique d’ailleurs en toutes lettres, comme vu ci-dessus.

Le même terme de transformation, utilisé également dans l’art. 12 LDTR, ne saurait donc être interprété comme étant limité à des travaux qui ne concerneraient que l’entier du bâtiment.

Le grief sera donc écarté.

5.3 Dans sa jurisprudence rendue concernant l’art. 12 LDTR, la chambre de céans a confirmé à plusieurs reprises la durée du contrôle fixée à cinq ans retenue par le département, notamment pour la création d’appartements à partir de la réunion de chambre isolées (ATA/567/2005 du 16 août 2005) ou la reconstruction à neuf du dernier étage d’un immeuble (ATA/100/2010 du 16 février 2010). La chambre de céans a jugé que des travaux d’un montant total de CHF 58'379.-, correspondant à un montant de CHF 14'594.75/pièce, portant notamment sur une refonte des espaces et la démolition de cloisons, la démolition/reconstruction de parties de corniches et de plafonds, le changement complet du réseau électrique et l’installation de nouveaux câblages, prises et interrupteurs, pouvaient à juste titre être qualifié de transformations lourdes justifiant l’application d’un délai de contrôle de cinq ans, s’agissant d’une rénovation profonde et considérable (ATA/260/2014 du 14 avril 2014). Elle a aussi qualifié de transformation lourde la rénovation intégrale d’un bâtiment avec transformation des 19 logements en six appartements de grande taille avec une redistribution des pièces (notamment WC et cuisines) (ATA/373/2016 du 3 mai 2016).

Dans deux jugements du TAPI, qui n’ont pas été contestés, la durée de contrôle du loyer de cinq ans a été confirmée pour des travaux portant sur la réfection complète des peintures d'un logement de quatre pièces, la rénovation des carrelages et faïences de la cuisine, la salle de bain et les toilettes, la mise en conformité des installations électriques, la pose d'un nouvel agencement de cuisine, la rénovation des installations sanitaires, la réfection des menuiseries, la pose d'un nouveau parquet ainsi que la permutation et modification de la disposition des pièces, la cuisine devenant une chambre. Le montant des travaux était de CHF 168'287.-, soit CHF 40'000.- par pièce (JTAPI/1300/2022 et JTAPI/1301/2022 du 29 novembre 2022).

5.4 En l’espèce, les travaux autorisés portent sur la rénovation complète des sanitaires, de la cuisine, des peintures, carrelages, parquets, électricité et chauffage de l’appartement ainsi que sur la permutation entre la cuisine et la chambre à coucher, soit entre une pièce humide et une pièce sèche, ce qui implique d’autres travaux spécifiques. Le coût total des travaux est de CHF 127'300.- ; rapporté au nombre de pièces établi ci-dessus, il est d’environ CHF 42'000.-/pièce.

Compte tenu de la jurisprudence développée en la matière et rappelée ci-dessus, il appert que les travaux sont importants, tant pas leur coût que par leur ampleur, s’agissant d’une rénovation complète du logement, du réaménagement de la distribution des pièces et de la typologie, la cuisine et le salon étant ouverts.

La qualification de transformation lourde implicitement retenue par le département pour considérer comme justifiée une durée de contrôle du loyer de cinq ans, suivant en cela le préavis rendu par l’OCLPF, apparaît donc, en principe, conforme à l’art. 12 LDTR.

6.             La recourante fait toutefois valoir que les travaux, ayant été autorisés par APA, le qualificatif de transformation lourde serait contradictoire.

6.1 Selon l'art. 3 al. 7 LCI, le département peut traiter, par une procédure accélérée, notamment les demandes d'autorisation relatives à des travaux, soumis à l'art. 1 LCI, portant sur la modification intérieure d'un bâtiment existant ou ne modifiant pas l'aspect général de celui-ci (let. b). La procédure accélérée peut également être retenue pour des constructions nouvelles de peu d'importance ou provisoires (let. c). Sont réputées constructions de peu d'importance, à la condition qu'elles ne servent ni à l'habitation, ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n'excède pas 50 m2 et qui répondent à certaines exigences de gabarit (art. 3 al. 3 RCI).

6.2 De jurisprudence constante, la chambre administrative, considère comme nulle une autorisation délivrée à la suite d'une procédure accélérée en lieu et place de la procédure ordinaire, la publication des demandes d'autorisation, non applicable aux APA (art. 3 al. 1 et 7 LCI) comptant au nombre des dispositions impératives de droit public (ATA W. du 4 septembre 1974 in RDAF 1975 p. 33 ss). La procédure d'APA est de nature à empêcher toute opposition émanant des voisins, des tiers intéressés et des associations de sauvegarde du patrimoine. Même dans les cas où les intéressés se sont manifestés par la suite, ils ont perdu un degré de juridiction. Il est d'intérêt public de priver l'acte vicié de tout effet juridique en raison de l'importance qu'il y a de ne porter aucune atteinte aux garanties de propriété ou de voisinage (ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3b ; ATA/205/2015 du 24 février 2015 consid. 5 ss ; ATA/725/2013 du 29 octobre 2013 et les références citées).

6.3 Au vu de ces précisions, il appert que le choix fait par le département de délivrer une APA est motivée par le fait que les travaux prévus concernent uniquement l’intérieur d’un appartement.

Il appert également que l’importance des travaux, que ce soit sous l’aspect de la lourdeur des transformations ou des coûts des travaux, n’entre pas en considération dans le choix de traiter une demande d’autorisation par la procédure accélérée, contrairement à ce que soutient la recourante sans avancer d’argument en lien avec la disposition légale concernée.

Son grief tombe ainsi à faux.

7.             La recourante fait encore valoir le principe d’égalité de traitement, des appartements situés dans le même bâtiment ayant fait l’objet de transformations identiques, respectivement en 2018 pour l’APA/3______/1 et 2019 pour l’APA/4______/1.

7.1 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_449/2022 du 3 février 2023 consid. 2.2.1 ; 1C_695/2021   du 4 novembre 2022 consid. 3.1.2).

Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout. Si l'autorité ne s'exprime pas sur ses intentions futures, l'autorité judiciaire présume qu'elle se conformera à son jugement (ATF 122 II 446 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_270/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.1).

7.2 La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l'application d'une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d'interpréter la loi ou de faire usage d'une liberté d'appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d'opportunité ou d'efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l'égalité de traitement (ATA/877/2023 du 22 août 2023 consid. 5.7 et les arrêts cités).

Pour être compatible avec les art. 8 et 9 Cst., un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c'est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit ou remédier à celle qui aurait conduit à des abus répétés (ATF 126 V 36 consid. 5a et les arrêts cités), mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d'une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d'un changement de circonstances extérieures, de l'évolution des conceptions juridiques ou des mœurs. Les motifs doivent être d'autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu'ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 142 V 112 consid. 4.4 ; 135 I 79 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_44/2021 du 8 août 2021 consid. 6.1).

Lorsque ces motifs sont donnés et pour autant que la nouvelle pratique s’applique de façon générale à tous les cas non encore traités au moment de son adoption, un changement de pratique ne contrevient ni à la sécurité du droit, ni à l’égalité de traitement et ce, bien qu’il en résulte inévitablement une différence de traitement entre les cas anciens et les cas nouveaux (ATF 125 II 152 consid. 4c/aa = RDAF 2000 I p. 575, 577 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2010 du 17 décembre 2010 consid. 4.2).

Lorsqu’il n’est pas accompagné d’un changement législatif, un changement de pratique justifié vaut en général immédiatement et pour toutes les procédures pendantes (ATA/515/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités). Lorsque la nouvelle pratique est défavorable à l'assujetti, le droit à la protection de la bonne foi doit être pris en considération et peut s'opposer à l'application immédiate de la nouvelle pratique. Selon les cas, elle ne peut être appliquée qu'après avoir été préalablement annoncée ; il en va ainsi notamment en matière de droits des parties dans la procédure (ATF 135 II 78 consid. 3.2).

7.3 Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4). Il protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1). Plus largement, le principe de la bonne foi s'applique lorsque l'administration crée une apparence de droit, sur laquelle l'administré se fonde pour adopter un comportement qu'il considère dès lors comme conforme au droit. Ce principe, qui ne peut avoir qu'une influence limitée dans les matières dominées par le principe de la légalité lorsqu'il entre en conflit avec ce dernier, suppose notamment que celui qui s'en prévaut ait, en se fondant sur les assurances ou le comportement de l'administration, pris des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_659/2013 du 4 novembre 2013 consid. 3.1).

7.4 En l’espèce, la pratique adoptée par le département depuis le 1er novembre 2020 consiste à qualifier, en principe, de transformation lourde les travaux qui ne consistent pas en une « simple » rénovation mais portent également sur la permutation de pièces, la transformation de pièces humides en pièces sèches et vice versa, ainsi que sur tous les travaux supplémentaires que ces modifications entraînent.

Cette qualification est conforme au droit, comme vu ci-dessus, et les autorisations dont se prévaut la recourante sont antérieures au 1er novembre 2020. La recourante n’allègue pas avoir reçu d’assurance de la part du département et elle n’allègue pas non plus avoir pris de dispositions, au sens de la jurisprudence, fondées sur le comportement de l’autorité intimée.

Depuis le changement de pratique, le TAPI a pu constater dans ses jugements JTAPI/1300/2022 et JTAPI/1301/2022 précités que l’ensemble des autorisations délivrées depuis le 1er novembre 2020 dans des cas similaires l’a été en prescrivant une durée de contrôle de cinq ans.

En conséquence, il n’est pas possible de retenir une violation des principes de l’égalité de traitement ou de la bonne foi. Le grief sera écarté.

Il découle de ce qui précède que le recours doit être admis partiellement et l’autorisation de construire modifiée s’agissant du nombre de pièces de l’appartement. En conséquence, le dossier sera renvoyé au département pour nouvelle décision, au sens des considérants.

8.             Le caractère erroné de la décision initiale, et donc l’admission partielle du recours, sont uniquement dus au fait que les plans déposés par la recourante avec sa demande d’autorisation se sont avérés imprécis, voire faux, ce qu’elle a reconnu. Il en va au demeurant de même d’une partie des plans qu’elle a déposés en cours de procédure, lesquels ne permettaient pas de calculer à l’aide d’une règle à échelle multiple la surface de l’appartement. Il se justifie donc de mettre à sa charge un émolument de CHF 1'000.- (art. 87 al. 1 LPA) et il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure pour les mêmes motifs (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 août 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juin 2023 ;

annule la décision d’autorisation de construire APA 2______/1 du 15 novembre 2022 dans la mesure où le préavis de l’OCLPF, faisant partie intégrante de ladite décision, retient qu’elle concerne un appartement de deux pièces et demi ;

renvoie le dossier au département du territoire-OAC pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Julien BLANC, avocat de la recourante, au département du territoire-OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :