Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/897/2016

ATA/1586/2017 du 12.12.2017 sur JTAPI/24/2017 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : LOGEMENT AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL) ; RÉNOVATION D'IMMEUBLE ; TRAVAUX D'ENTRETIEN(CONSTRUCTION) ; TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION ; LOYER ; RÉTROACTIVITÉ ; SÉCURITÉ DU DROIT ; PRÉVISIBILITÉ ; DROIT ACQUIS ; CHANGEMENT DE PRATIQUE
Normes : LCI.52 ; RGL.1 ; Cst.8 ; Cst.5 ; Cst.9
Résumé : Confirmation du nombre de pièces, réduit, d'un logement, tel que retenu par le DALE, d'après une application par analogie de l'art. 1 RGL au calcul selon la LDTR. La date d'édification du bâtiment concerné, antérieure à l'entrée en vigueur de la LDTR et du RGL, ne suffit pas à considérer une éventuelle violation du principe de non-rétroactivité, conformément à la jurisprudence constante en la matière. Les conditions relatives aux droits acquis ne sont pas remplies. L'ancienneté de l'immeuble, sans autres éléments pertinents, ne saurait, à elle seule, justifier l'octroi d'une dérogation. Aucun changement de pratique administrative ne peut être constaté. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/897/2016-LDTR ATA/1586/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 décembre 2017

 

dans la cause

 

CAISSE DE PENSIONS A______
représentée par Me Louis Waltenspühl, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 janvier 2017 (JTAPI/24/2017)


EN FAIT

1) La Caisse de pensions A______ (ci-après : la caisse) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de Chêne-Bourg, sise avenue B______, sur laquelle est érigé un immeuble destiné à l’habitation.

2) La construction de ce bâtiment, qui s’est achevée en 1981, a été permise par l’arrêté du Conseil d’État du 16 mai 1979 ayant autorisé l’application des normes de la troisième zone.

La date d’entrée moyenne des locataires remonte au 1er août 1981.

3) Par arrêté non daté, vraisemblablement rendu en 1983, le Conseil d’État a approuvé le plan financier et l’état locatif nominatif détaillé de l’immeuble du 24 janvier 1983, sur la base de ses arrêtés des 24 juin 1981 et 28 juillet 1982 fixant l’état locatif provisoire de l’immeuble. Il retenait un état locatif pour l’habitation de dix-sept logements, représentant un total de quatre-vingt-sept pièces et demie. En application de l’art. 5 al. 2 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD – L 1 35), il a fixé les loyers que la caisse était autorisée à percevoir, en instaurant un contrôle pour une période de dix ans, soit du 1er août 1981 au 31 juillet 1991, selon les modalités prévues au chapitre VI de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL – I 4 05).

4) Par pli du 21 octobre 2015, la régie immobilière C______ (ci-après : la régie), gérante de l’immeuble concerné, a adressé au département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE) une requête en autorisation de construire (APA ______) portant sur « la rénovation de la cuisine, de la salle de bain et de la salle de douche » de l’appartement n° 31 sis au 3ème étage, d’une surface brut de plancher de 116 m2 et comprenant six pièces, à savoir trois chambres (14,24 m2, 10,10 m2, 14,01 m2), un séjour (22,22 m2), une salle à manger (15,34 m2) et une cuisine (13,56 m2), offert à la location.

Selon le plan financier joint, le coût des travaux s’élèverait à CHF 70'000.-. Le loyer actuel de l’appartement dépassait le loyer maximum selon la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996
(LDTR – L 5 20), de sorte qu’il demeurerait inchangé après travaux.

5) Le 27 octobre 2015, le DALE a transmis à la régie une copie du préavis LDTR établi le 26 octobre 2015, requérant la production de pièces complémentaires, à savoir un état locatif futur après travaux mentionnant le nombre de pièces selon le règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL – I 4 05.01), soit cinq pièces et demie au lieu de six pièces, ainsi qu'une copie du contrat de bail à loyer et du dernier avis de majoration du loyer.

6) Le 3 novembre 2015, la régie a donné suite à ce courrier en remettant au DALE une copie du contrat de bail à loyer portant sur le logement en question, valable du 16 février 2014 au 28 février 2019. Il faisait état d’un loyer annuel de CHF 30'600.-, auquel s’ajoutaient CHF 3'936.- pour les charges et le téléréseau, ce qui correspondait à un loyer mensuel brut de CHF 2'878.-. Elle contestait le fait que cet appartement ait été considéré comme comprenant cinq pièces et demie au lieu de six pièces.

7) Le 1er décembre 2015, le DALE a derechef transmis à la régie copie d'un second préavis LDTR du 27 novembre 2015, demandant à nouveau les mêmes documents avec des précisions.

8) Le 14 janvier 2016, le service LDTR a émis un préavis favorable, sous conditions.

En particulier, les dispositions de la LDTR devaient être respectées. Ainsi, « le loyer de l’appartement de 5,5 pièces situé au troisième étage n’excéder[ait] pas après travaux CHF 30'600.- l’an, soit CHF 5'564.- la pièce l’an. Ce loyer ser[ait] appliqué pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux ». Dans le cadre du calcul de la hausse de loyer, 70 % du coût des travaux annoncé en CHF 68'518.- étaient pris en compte, en se basant sur un loyer avant travaux de CHF 30'600.- l’an. En outre, « le comptage des pièces sui[vait] le RGL. L’espace communautaire (séjour – coin à manger – cuisine) totalis[ait] plus de 50 m2, il [était] donc considéré comme un 2,5 pièces. La première chambre [était] supérieure à 12 m2 et les deux autres supérieures à
2 x 9 m2, elles [étaient] donc considérées comme 3 pièces ».

9) Par décision du 11 février 2016, le DALE a délivré l’autorisation de construire APA 43'624, publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 19 janvier 2016.

Il était précisé en son chiffre 4 que les conditions figurant dans le préavis du service LDTR du 14 janvier 2016 devaient être strictement respectées et qu’elles faisaient partie intégrante de ladite autorisation. Selon le plan de l’appartement, visé ne varietur le 11 février 2016, les pièces du séjour, de la salle à manger et de la cuisine étaient accolées les unes aux autres dans cet ordre. Les deux premières communiquaient par une large ouverture.

10) Par acte du 16 mars 2016, la caisse a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant principalement à sa modification afin qu’il soit indiqué que l’appartement n° 31 était composé de six pièces et à l’adaptation du calcul du loyer du service LDTR en fonction de ce nombre. Subsidiairement, elle demandait l’annulation de la décision litigieuse et le renvoi du dossier au DALE pour nouvelle décision fondée sur un nombre de six pièces pour l’appartement en question.

L’application d’une réglementation adoptée en 1992, soit le RGL, à un immeuble construit en 1979 violait le principe de non-rétroactivité des lois. À l’époque de la construction, tant les plans d’architecte que l’état locatif et les plans financiers de l’immeuble mentionnaient un appartement de six pièces. Le Conseil d’État avait approuvé en 1983 cet état locatif nominatif détaillé. Le RGL ne pouvait prévoir sa propre application rétroactive alors que la LGL n’en disposait pas expressément.

Dans l’hypothèse où le RGL dût néanmoins trouver à s’appliquer, le DALE avait excédé son pouvoir d’appréciation de manière négative. L’application stricte du RGL à des bâtiments anciens ne répondant pas à ces normes, conduisait à des résultats insatisfaisants dans le calcul des pièces et faisait l’objet de critiques dans la doctrine. Cette dernière préconisait en effet l’application d’un calcul dérogatoire du nombre de pièces, selon l’art. 1 al. 8 RGL. Ce processus permettait d’aboutir à un loyer après travaux admissible au regard des caractéristiques de l’appartement, sans décourager son propriétaire de l’entretenir face aux coûts élevés d’entretien. Ce mode de calcul était également conforme au but visé par le législateur, soit une application raisonnable de la loi et avec discernement du règlement. Dès lors que depuis plus de trente-cinq ans, les plans d’architecte, l’état locatif et les plans financiers de l’immeuble mentionnaient un appartement de six pièces, le DALE avait commis un excès dans son pouvoir d’appréciation, en retenant qu’il s’agissait d’un logement de cinq pièces et demie.

Jusqu’aux environs de l’été 2015, le service LDTR faisait régulièrement usage de l’art. 1 al. 8 RGL pour décompter le nombre de pièces des immeubles construits avant l’entrée en vigueur du RGL en 1992. Tel n’était désormais plus le cas, alors qu’il n’existait aucun motif objectif justifiant ce changement de pratique administrative. Au contraire, une application excessivement schématique du RGL allait à l’encontre de l’intention du législateur qui en souhaitait une application souple. Elle devait donc bénéficier de la pratique administrative antérieure.

À l’appui de ses écritures, la caisse a notamment produit les états locatifs de son immeuble au 30 octobre 1981, 31 décembre 1991, 31 décembre 2001 et 15 mars 2016, précisant que l’appartement n° 31 au 3ème étage comportait six pièces. Hormis les indications relatives au nombre de pièces par appartement, les autres données de ces documents étaient caviardées.

11) Dans ses observations du 20 mai 2016, le DALE a conclu au rejet du recours.

Selon l’art. 88 RGL, ce règlement était applicable au bâtiment en question. Le fait que celui-là avait été construit en 1979 ne constituait pas un motif de dérogation au sens de l’art. 1 al. 8 RGL. Le RGL avait d’ailleurs déjà été appliqué par analogie à un immeuble construit dans les années 60, plus ancien que celui en cause (ATA/645/2012). En se fondant sur les plans du dossier et les données fournies par la caisse, il apparaissait clairement que l’appartement comportait cinq pièces et demie selon l’art. 1 al. 5 et 6 RGL. Trois pièces avaient été retenues pour les chambres. Le coin séjour-cuisine, d’une surface supérieure à 29 m2, équivalait à deux pièces. Selon la pratique du DALE, sa superficie s’élevant au total à 51,12 m2, une demi-pièce avait été ajoutée. De plus, l’habitabilité de la salle à manger était mauvaise, en raison de sa configuration relativement étroite et de la large ouverture donnant sur le séjour. Par ailleurs, la propriétaire n’avait fait part d’aucun calcul de rendement, indiquant une difficulté liée aux montants retenus par le service LDTR. Au contraire, il découlait du préavis que les travaux effectués, au vu de leur nature, avaient été validés. Aucune circonstance particulière justifiant l’octroi d’une dérogation n’avait donc été établie. Le prétendu changement de pratique administrative était erroné, vu les exemples cités, antérieurs à 2015, faisant application des mêmes principes de calcul et d’appréciation du nombre de pièces déterminantes au sens du RGL et de la LDTR.

12) Le 22 juin 2016, la caisse a répliqué, en persistant dans son argumentation qu’elle a étayée.

Lorsqu’un loyer était fixé ou réduit par voie judiciaire, le juge se basait notamment sur les statistiques des loyers publiées par l’office cantonal de la statistique, établissant un loyer mensuel moyen en fonction du nombre de pièces. Ainsi, le nombre de pièces retenu par le DALE avait un impact manifeste sur le rendement d’un immeuble, particulièrement lorsque des travaux substantiels d’entretien ou de rénovation étaient effectués sur l’ensemble du bâtiment.

13) Le DALE a dupliqué le 22 juillet 2016, en précisant que la caisse avait sciemment enlevé toute information relative au calcul du rendement du bâtiment et au plan financier de celui-ci, de sorte qu’aucune difficulté budgétaire liée aux montants retenus par le service LDTR ne pouvait être retenue.

14) La caisse a adressé une écriture spontanée le 8 août 2016, persistant dans sa position.

15) Par jugement du 10 janvier 2017, le TAPI a rejeté le recours interjeté par la caisse contre la décision du 11 février 2016.

L’applicabilité du RGL aux situations semblables à celle de l’immeuble de la caisse était consacrée par une jurisprudence constante, à laquelle il convenait de se référer. Le séjour et le coin à manger formant un tout sans être séparés par une cloison, le logement devait être considéré comme comportant cinq pièces. Une demi-pièce avait néanmoins été ajoutée par le DALE pour tenir compte de sa pratique lorsque la surface de l’espace communautaire était supérieure aux 29 m2 requis. Le DALE avait opéré une correcte application des art. 52 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI – L 5 05) et
1 al. 5 et 6 RGL in casu. La caisse ne pouvait se prévaloir du seul fait que l’immeuble dont elle était propriétaire avait été construit avant l’entrée en vigueur du RGL pour bénéficier d’une dérogation au sens de l’art. 1 al. 8 RGL. De plus, elle ne démontrait aucunement en quoi l’appartement concerné, sis dans un immeuble construit entre 1979 et 1981, soit à peine dix ans avant l’entrée en vigueur du RGL, aurait concrètement des caractéristiques telles qu’il ne pouvait pas être comparé aux constructions plus récentes pour le calcul du nombre de pièces. S’il n’était pas contesté que l’arrêté du Conseil d’État de 1983 eût approuvé le plan financier et l’état locatif fournis à l’époque par la caisse, il ne pouvait être retenu qu’il avait entériné, en tant que tel, le fait que l’appartement litigieux disposait de six pièces. Il ne s’agissait pas d’une décision individuelle et concrète portant sur un élément particulier, de façon définitive et valant quelle que soit l’évolution de la situation, notamment sous l’angle législatif. Le fait que la caisse avait elle-même toujours considéré et pris en compte, en particulier dans l’établissement des baux, de ses états locatifs et de ses plans financiers, une composition de six pièces pour cet appartement ne pouvait constituer un motif ayant pu ou dû conduire le DALE à la faire bénéficier d’une dérogation. Le DALE n’avait donc pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation. Aucun élément ne venait corroborer un éventuel changement de pratique.

16) Par acte du 13 février 2017, la caisse a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant principalement à son annulation, à la modification de l’autorisation de construire APA ______ afin qu’il soit mentionné que l’appartement n° 31 au 3ème étage de l’immeuble sis avenue
B______ à Chêne-Bourg était composé de six pièces et à l’adaptation du loyer du service LDTR sur la base de ce nombre de pièces, « sous suite de frais et dépens », comprenant une indemnité équitable. Subsidiairement, elle demandait que la cause soit renvoyée au TAPI pour nouvelle décision après avoir procédé à des enquêtes complémentaires sur le changement de pratique du service LDTR quant à l’application de l’art. 1 al. 8 RGL.

Elle reprenait ses arguments précédents, en précisant qu’il ne pouvait être soutenu que le Conseil d’État s’était contenté de valider les états locatifs qu’elle avait fournis, puisque ceux-ci étaient scrupuleusement contrôlés par ses services compétents avant leur approbation. Toute suppression de pièces avait une incidence manifeste sur l’équilibre financier des opérations immobilières. S’agissant du changement de pratique administrative, le premier juge avait ignoré les informations qu’elle avait transmises, sans procéder à l’audition des membres anciens et actuels du service LDTR et des responsables du service juridique de la régie. Comme le décompte des six pièces de l’appartement, entériné par l’arrêté du Conseil d’État de 1983, était conforme aux normes alors en vigueur, ce nombre pouvait légitimement être tenu pour acquis par la propriétaire, sans craindre de voir cette situation soudainement modifiée en 2016. En appliquant à une construction de 1979 un règlement de 1992, l’autorisation de construire APA ______ violait les principes de l’interdiction de la rétroactivité, de la sécurité et de la prévisibilité du droit et portait ainsi atteinte aux droits acquis de la propriétaire.

17) Le 15 février 2017, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

18) Dans ses écritures responsives du 14 mars 2017, le DALE a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué, en maintenant sa position. Son argumentation sera reprise dans la mesure utile dans la partie en droit.

19) La caisse n’ayant formulé aucune requête complémentaire, ni exercé son droit à la réplique dans le délai imparti au 26 avril 2017, les parties ont été informées le 2 mai 2017 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ – E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA – E 5 10).

2) Le litige porte principalement sur le calcul du nombre de pièces de l’appartement faisant l’objet de l’autorisation de construire APA ______ du 11 février 2016.

À cet égard, la recourante soutient que, en appliquant à ce logement édifié il y a plusieurs dizaines d’années la méthode de comptage des pièces instaurée par la LGL et le RGL, le département et le TAPI auraient violé l’interdiction de la rétroactivité des lois, de même que les principes de sécurité et de prévisibilité du droit et ainsi porté atteinte à ses droits acquis.

3) a. Selon l’art. 52 LCI, toute pièce pouvant servir à l’habitation doit avoir en principe 9 m2, mais au minimum 6 m2 de surface (al. 1). Elle doit être aérée et éclairée par un jour vertical ouvrant sur l’extérieur (al. 2).

b. L’art. 1 RGL définit la façon de calculer le nombre de pièces des logements soumis à la LGL, sauf des logements d’utilité publique.

c. En règle générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/1097/2017 du 18 juillet 2017 ; ATA/412/2017 du 11 avril 2017 consid. 6 et les références citées ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, 3ème éd., 2012, vol. 1, p. 184).

Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de l'art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101), ainsi que de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi garanties par les art. 5 et 9 Cst.

L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n'est possible qu'à des conditions strictes, soit en présence d'une base légale suffisamment claire, d'un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l'égalité de traitement et des droits acquis (ATF 138 I 189 consid. 3.4 ; 119 Ia 254 consid. 3b et la jurisprudence citée). La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (ATF 125 I 182 consid. 2b/cc ; ATF 122 V 405 consid. 3b/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_366/2016 du 13 février 2017 consid. 2.1 ; 2C_273/2014 du 23 juillet 2014 consid. 4.1 ; ATA/412/2017 précité consid. 6).

d. De jurisprudence déjà ancienne et constante, appliquée également dans des cas d’immeubles anciens (ATA/645/2012 du 25 septembre 2012 consid. 7, concernant un immeuble construit en 1964-1965 ; ATA/567/2005 du 16 août 2005 consid. 21, relatif à un immeuble datant de 1962), la chambre de céans a toujours considéré qu’il était possible d’appliquer l’art. 1 RGL, par analogie, au calcul du nombre de pièces selon la LDTR, les buts poursuivis par la LDTR et la LGL relevant d’un même souci de préserver l’habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève (ATA/334/2014 du 13 mai 2014 consid. 7c ; ATA/641/2013 du 1er octobre 2013 consid. 5c ; ATA/826/2012 du 11 décembre 2012 consid. 4c ; ATA/322/2008 du 17 juin 2008 consid. 3).

Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2014 du 10 octobre 2014 consid. 7.2) et a encore été appliquée dans des arrêts récents de la chambre de céans dans des cas d’immeubles construits respectivement en 1898 (ATA/673/2017 du 20 juin 2017 consid. 3 et 4), en 1974 (ATA/1097/2017 du 18 juillet 2017 consid. 3) et en 1976 (ATA/1440/2017 du 31 octobre 2017).

e. Pour calculer le nombre de pièces au sens de la LDTR, il faut ainsi se référer à l’art. 1 RGL, selon lequel toute chambre d’une surface inférieure à 9 m2 compte pour une demi-pièce (art. 1 al. 5 let. a RGL). En outre, selon l’art. 1 al. 5
let. c RGL, si l’espace communautaire qui regroupe le séjour, le coin à manger et la cuisine est égal ou supérieur à 25 m2 (art. 1 al. 6 RGL), il compte pour deux pièces. S’il est inférieur à cette surface, il compte pour une pièce et demie. Des dérogations ne peuvent être accordées que pour des immeubles existants transformés ou rénovés (art. 1 al. 8 RGL).

f. Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice (ATF 129 II 361 consid. 7.1) et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite
(ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; ATA/17/2017 précité). Le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 5 al. 3 et 9 Cst., n’empêche pas ainsi les changements de loi ; il lie également le législateur, en particulier s’il a promis dans la loi que celle-ci ne serait pas modifiée ou serait maintenue telle quelle pendant un certain temps, créant ainsi un droit acquis (ATF 128 II 112 consid. 10b.aa ; ATA/509/2006 du 19 septembre 2006).

À cet égard, les droits acquis ne peuvent se fonder que sur une loi, un acte administratif ou un contrat de droit administratif ; l’autorité doit avoir voulu exclure toute suppression ou restriction ultérieure du droit par une modification législative (ATA/509/2016 précité ; SJ 1999 I 129, p. 141).

4) En l’espèce, contrairement à ce qu’affirme la recourante, le fait que l’immeuble ait été construit dans les années 1970-1980, soit avant l’entrée en vigueur tant de la LDTR que du RGL, n’empêche aucunement l’application analogique de l’art. 1 RGL, conformément à la jurisprudence susmentionnée. En effet, il ne s'agit pas d'appliquer rétroactivement la LGL et le RGL, mais d'utiliser, par analogie, les règles prévues par ces textes pour fixer le nombre de pièces du logement concerné. Le résultat obtenu ne saurait dès lors violer d'une quelconque manière le principe susrappelé (ATA/1097/2017 précité consid. 6b).

Le recourante ne peut pas davantage faire valoir en l’occurrence de droits acquis, les conditions précitées, nécessaires et cumulatives, n'étant pas remplies. En particulier, force est de constater que la loi a changé depuis l'édification du bâtiment concerné. La recourante n'a jamais reçu l'assurance que l'appartement concerné serait toujours considéré comme un six pièces (ATA/673/2017 précité consid. 9b).

En outre, selon le plan visé ne varietur le 11 février 2016, compris dans le dossier de l’autorisation de construire APA ______, l’appartement est composé de trois chambres de 14,24 m2, 10,10 m2 et 14,01 m2, d’un séjour de 22,22 m2, d’une salle à manger de 15,34 m2 et d’une cuisine de 13,56 m2. L’espace communautaire totalise en conséquence une surface de 51,12 m2.

Ainsi, les trois chambres dont la surface respective est supérieure à 9 m2 représentent effectivement trois pièces. Quant à l’espace communautaire, dont la surface est supérieure à 29 m2, celui-ci doit compter pour deux pièces. Dans la mesure où le séjour et la salle à manger communiquent par une large ouverture, de sorte que ces deux pièces ne sont pas totalement séparées par une cloison, celles-ci ne sauraient être comptées comme telles. Toutefois, conformément à sa pratique et afin de tenir compte de la superficie de ces espaces et de leur disposition, l’autorité intimée a considéré qu’il y avait lieu d’ajouter une demi-pièce supplémentaire. Compte tenu de la surface totale de l’appartement concerné, certes spacieux mais ne comportant aucune pièce aux dimensions exceptionnelles, et de la disposition de celles-ci, le logement en question totalise manifestement cinq pièces et demie, et non pas six pièces.

Tant l’autorité intimée que le TAPI ont par conséquent appliqué à bon droit les dispositions susmentionnées en se référant à la jurisprudence pertinente.

5) La recourante reproche cependant au DALE un excès négatif dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, ce dernier ayant appliqué selon elle une solution trop schématique ne tenant pas compte des particularités du cas d’espèce, soit le fait que, depuis près de trente-cinq ans, le logement en question a été considéré comme un six pièces.

a. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 123 V 150 consid. 2 p. 152 et les références citées). Constitue un excès négatif du pouvoir d’appréciation le fait que l’administration se considère comme liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation ou encore qu’elle renonce d’emblée en tout ou partie à exercer ce pouvoir (ATA/473/2016 du 7 juin 2016).

Selon l’art. 1 al. 8 RGL, des dérogations ne peuvent être accordées que pour des immeubles existants transformés ou rénovés.

b. Ce grief ne peut être retenu. La recourante n'indique pas en quoi l'ancienneté de l'immeuble impliquerait forcément que le calcul des pièces tel qu'opéré par l'intimé se fonderait sur des éléments qui manqueraient de pertinence et seraient étrangers au but visé par les dispositions légales applicables (ATA/673/2017 précité consid. 5b). La date de construction du bâtiment dans lequel se trouve l’appartement objet de la présente procédure n’apparaît pas constituer un élément suffisamment particulier pour justifier l’octroi d’une dérogation. À cela s’ajoute que la recourante ne fait valoir aucune caractéristique particulière permettant de considérer qu’il s’agit d’un immeuble dénotant d’une situation particulière. La seule allégation des implications économiques d’un changement du nombre de pièces par rapport à l’établissement de baux à loyer ne saurait constituer une justification suffisante, sans preuve. Par ailleurs, tel qu'indiqué précédemment, une simple consultation du plan des logements en question démontre qu’il n’est pas constitué de six pièces réellement distinctes. La salle à manger est ouverte sur le séjour, sans qu’il ne soit possible de fermer chacun de ces espaces.

Au vu de ces considérations, les arguments mis en avant par la recourante, principalement le nombre de pièces retenu par les autorités pour l’appartement concerné depuis l’édification du bâtiment, sont inaptes à en modifier le décompte qui vient d’être exposé.

L’autorité intimée n’a donc pas excédé son pouvoir d’appréciation.

6) Finalement, la recourante estime que le DALE et les premiers juges, en retenant que l’appartement concerné est constitué de cinq pièces et demie et non de six pièces, ont procédé à un changement de pratique administrative inadmissible.

a. La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l’application d’une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d’interpréter la loi ou de faire usage d’une liberté d’appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d’opportunité ou d’efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l’égalité de traitement (ATA/596/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/20/2015 du 6 janvier 2015).

b. En l’espèce, le DALE n’a pas procédé à un changement de pratique. Ainsi que rappelé ci-dessus, les règles de calcul du nombre de pièces prévues par la LGL et le RGL sont régulièrement utilisées dans le cadre de la LDTR à tous le moins depuis dix ans (ATA/567/2005 du 16 août 2005). Dès lors, aucune mesure d’instruction supplémentaire à cet égard ne se justifie. En ces circonstances, l’éventuelle validation des états locatifs antérieurs du bâtiment visé en rapport avec des prétendues autres demandes d’autorisation de construire, dont la preuve n’a pas été apportée, devrait être considérée comme erronée et contraire aux règles qui auraient dû être appliquées. De surcroît, cette perspective n’implique pas nécessairement que la situation de l’appartement concerné ait fait l’objet d’un examen particulier, comme c’est le cas en l’espèce.

Ce grief doit en conséquence aussi être écarté.

7) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 février 2017 par la Caisse de pensions A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 janvier 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la Caisse de pensions A______ un émolument de CHF 800.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Louis Waltenspühl, avocat de la recourante, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Junod, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :