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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2620/2020

ATA/54/2021 du 19.01.2021 ( LOGMT ) , REJETE

Descripteurs : LOGEMENT SOCIAL;DOMICILE
Normes : LGL.31C.al1.letf
Résumé : Confirmation de la jurisprudence constante de la chambre administrative selon laquelle le critère pour définir les personnes occupant un logement au sens de la LGL est celui de l’inscription du domicile dans le registre de l’OCPM, et non le domicile effectif au sens du droit civil. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2620/2020-LOGMT ATA/54/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 janvier 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur A______
représentés par Me Maurice Utz, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE



EN FAIT

1.1) Monsieur et Madame A______(ci-après : les époux A______) sont, depuis le 1er juin 2017, locataires d'un appartement de cinq pièces dans l'immeuble, soumis au régime HM, sis chemin B______ à C______.

2.2) Par décisions des 16 juin 2017, 16 mars 2018 et 14 mars 2019 de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), ils ont été mis au bénéfice d'une subvention personnalisée d'un montant mensuel de CHF 708.35 pour la période du 1er juin 2017 au 31 mars 2020, compte tenu notamment de l'occupation de l'appartement par le couple et la fille de
Mme A______, D______, née le ______2001.

a. Chacune de ces décisions rappelait aux époux qu'ils devaient immédiatement (ou « sans délai ») signaler à l'OCLPF toute modification du revenu du groupe de personnes occupant le logement et de tout changement dans la composition dudit groupe. À défaut, ils s'exposaient à devoir restituer la subvention personnalisée indûment perçue sur une période de cinq ans.

b. Sous lettre B au verso des décisions des 16 mars 2018 et 14 mars 2019, il était indiqué notamment que le revenu à prendre en considération dans le calcul de la subvention personnalisée se composait de celui des locataires, additionné à celui des personnes occupant les lieux, mais encore que le critère légal de l'occupation du logement soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) s'avérait être celui du registre de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

c. Dans un document intitulé « information importante » des 16 juin 2017 et 14 mars 2019, l'attention des époux était attirée sur l'interdiction formelle de sous-louer leur logement ou l'une de ses chambres, fût-ce pour rende service à un ami, sous peine notamment de résiliation du bail.

3.3) Le 18 octobre 2017, l'OCLPF a observé qu'à teneur du registre de l'OCPM, les époux A______ et D______ n'étaient pas domiciliés légalement à l'adresse du logement pour lequel ils percevaient une subvention personnalisée. Cette situation était contraire au respect des normes d'occupation des logements soumis à la LGL de sorte que le versement de la subvention personnalisée était suspendu. Il leur précisait que la question de l'occupation du logement HM retenait comme critère formel le domicile légal tel que déclaré à l'OCPM.

Cette situation s'est régularisée en janvier 2018, à la suite de leur changement d'adresse effectué auprès de l'OCPM.

4.4) Suite à un contrôle opéré auprès du registre de l'OCPM en décembre 2019, l'OCLPF a constaté que Madame E______ était légalement domiciliée à l'adresse des époux A______, depuis le 15 août 2017.

5) Par courrier du 3 décembre 2019, l'OCLPF a invité les époux A______ à mettre leur dossier à jour par la production de leurs justificatifs des revenus réalisés depuis 2017 par l'ensemble des occupants du logement, y compris Mme E______ légalement domiciliée à leur adresse depuis le 15 août 2017. Dans l'intervalle, le versement de la subvention était provisoirement suspendu.

6.6) Les époux A______ lui ont répondu le 22 janvier 2020 que Mme E______, une amie de longue date, ne résidait pas chez eux. Il devait y avoir sans doute un malentendu. Mme E______ était en proie à une grande difficulté financière et n'avait pas de domicile fixe. Ils n'avaient fait que lui rendre service en l'autorisant à s'inscrire auprès de l'OCPM à leur adresse pour qu'elle puisse recevoir son courrier. Les locataires et le concierge de l'immeuble pouvaient être contactés.

7.7) Par courrier du 4 février 2020, l'OCLPF a invité les époux A______ à lui remettre au 5 mars 2020 notamment une attestation de l'OCPM confirmant le départ de Mme E______ de leur domicile et, à défaut, les justificatifs des revenus réalisés par cette dernière durant les années 2017 à 2019.

8.8) Le 6 mars 2020, les époux A______ ont transmis les justificatifs afférents à leur situation financière. Ils ont également transmis :

·      une déclaration écrite de Mme E______ au terme de laquelle elle indiquait s'être domiciliée à leur adresse pour des raisons administratives, n'avoir jamais habité chez eux, et avoir requis de l'OCPM la modification de son domicile le 11 février 2020 ;

·      deux certificats de salaire/rente au nom de Mme E______, à l'adresse chemin B______, faisant état du versement par l'État de Genève, pour la période du 1er janvier au 31 mars 2019, de CHF 9'294.- respectivement, pour la période du 13 avril au 19 décembre 2018 de CHF 29'961.- ,

·      une attestation de prestations de l'assurance-chômage du 11 janvier 2018, concernant Mme E______, « c/o Mme A______» d'indemnités de CHF 15'968.- bruts pour les mois d'août à décembre de l'année 2017 ;

·      une attestation manuscrite de Madame F______, gérante de la société G______ sise avenue H______ à I______, datée du 1er janvier 2020, selon laquelle Mme E______ résidait à cette adresse, sans indiquer à partir de quand.

9.9) Selon un extrait du registre de l'OCPM, Mme E______ a été domiciliée à l'adresse des époux A______ du 15 août 2017 au 1er février 2020.

10.10) Par décision du 13 mars 2020, les époux A______ ont été mis au bénéfice d'une subvention personnalisée mensuelle de CHF 708.35 pour la période du 1er avril 2020 au 31 mars 2021, considérant le nombre de personnes occupant leur logement à trois, à l'exclusion donc de Mme E______. Son versement a été suspendu en mars et mai 2020 dans l'attente des pièces requises, en particulier d'un document officiel attestant de la nouvelle adresse de Mme E______, et de la notification d'une nouvelle décision.

11.11) Selon un extrait du registre de l'OCPM du 22 mai 2020, Mme E______ a, depuis le 1er février 2020, son domicile légal auprès de Monsieur J______, avenue H______ à I______.

12.12) Par décision du 30 juin 2020, l'OCLPF a recalculé le montant de la subvention personnalisée HM due aux époux A______ pour la période du 1er septembre 2017 au 31 janvier 2020, en tenant compte des revenus réalisés par Mme E______, légalement domiciliée pendant cette période à leur adresse. Il leur a réclamé le versement de la somme de CHF 14'054.60 correspondant à la différence entre les nouveaux montants et les paiements effectués entre septembre 2017 et décembre 2019 (soit 28 x CHF 708.35). Ils ne lui avaient pas communiqué en temps utile les modifications intervenues en 2017 dans les revenus réalisés par le groupe de personnes occupant leur logement, contrairement à leur devoir d'information.

L'OCLPF leur transmettait également deux nouvelles décisions valables, l'une dès le 1er février 2020 à la suite du départ de Mme E______ de leur logement et l'autre dès le 1er avril 2020, date de renouvellement de la prestation, leur octroyant une subvention personnalisée mensuelle de CHF 149.70.

13.13) Les époux A______ se sont opposés à cette décision au motif que Mme E______ n'avait jamais habité dans leur logement, qu'il s'agissait uniquement d'une adresse sur Genève et que l'autorité ne pouvait pas omettre ces faits qu'il lui appartenait, en cas de doute, d'instruire, notamment en entendant Mme E______ ou la concierge de leur immeuble.

14.14) Par décision sur réclamation du 5 août 2020, l'OCLPF a maintenu sa décision, rappelant la teneur de la base légale définissant la notion de « personnes occupant le logement » qui renvoyait explicitement au domicile légal déclaré à l'OCPM.

Selon ce registre, Mme E______ avait été légalement domiciliée chez les époux A______ du 15 août 2017 au 1er février 2020, de sorte que ses revenus devaient être cumulés aux leurs pendant cette période. Il n'était pas pertinent qu'ils aient accepté de bonne foi que Mme E______ fasse adresser son courrier à leur adresse pour des raisons de commodité ou qu'ils n'aient pas cohabité effectivement avec elle.

15.15) Par acte mis à la poste le 31 août 2020, les époux A______ ont recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant principalement à son annulation et à ce qu'il soit constaté qu'ils ne doivent rembourser aucun montant à titre de subvention personnalisée à l'OCLPF. À titre préalable, ils ont conclu à une audience de comparution personnelle des parties et à l'ouverture d'enquêtes, plus particulièrement à l'audition de Mme E______. Ils ont invoqué l'interdiction du formalisme excessif dans l'appréciation des preuves, dans la mesure où ils étaient empêchés de démontrer que l'inscription à l'OCPM, faite à leur insu, ne reflétait pas l'occupation réelle de leur logement. La décision litigieuse aboutissait à une solution arbitraire et contraire à la ratio legis de la LGL exigeant des locataires un taux d'effort acceptable.

En août 2017, Mme E______ avait quitté son domicile situé dans le quartier de K______ pour habiter avec son nouveau compagnon à I______. Dans ce contexte, elle avait demandé à « sa connaissance, [Mme A______], de pouvoir laisser deux trois affaires dans son logement et de pouvoir uniquement recevoir son courrier à cette adresse ». Mme A______ ignorait que Mme E______ avait communiqué son adresse à l'OCPM au titre de domicile. Les époux A______ n'avaient jamais signé un quelconque formulaire à cette occasion en faveur de Mme E______. L'accord de Mme A______ « sur la réception à son domicile de courriers de [Mme E______] était prévu pour une durée de trois mois uniquement ». Ce n'était qu'à la réception du courrier de l'OCLPF du 14 mars 2019 intitulé « information importante » qu'ils avaient repris contact avec Mme E______ et compris qu'elle était inscrite à leur adresse à l'OCPM. Mme A______ avait depuis lors demandé à plusieurs reprises à Mme E______ de modifier son adresse officielle.

À l'appui de leur recours, ils ont produit une nouvelle attestation manuscrite de Mme F______, la mère du compagnon de Mme E______, M. J______, datée du 17 août 2020, selon laquelle cette dernière avait rencontré son fils en août 2017, qu'elle vivait « depuis » avec lui au 4, avenue H______ à I______ et qu'elle travaillait « dans l'entreprise » depuis février 2020 comme serveuse.

16.16) L'OCLPF a conclu au rejet du recours.

Les recourants ont ensuite persisté dans leurs conclusions.

17.17) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.2) La décision litigieuse porte sur la restitution des montants indûment perçus à titre de subvention personnalisée au logement par les recourants pendant la période au cours de laquelle Mme E______ avait son domicile légal, à teneur du registre de l'OCPM, à leur adresse, à savoir du 1er septembre 2017 au 31 janvier 2020 inclus. Le seul point litigieux concerne la prise en compte de l'inscription figurant audit registre pour déterminer le domicile de Mme E______ pendant cette période. Le fait que dans cette hypothèse ses revenus doivent être additionnés à ceux des recourants n'est, à juste titre, pas contesté. Il en va de même des autres éléments de cette décision, notamment le calcul et les montants retenus, étant en outre précisé qu'il n'y a pas lieu de traiter la question de la remise régie par l'art. 34B du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), exorbitante au présent litige.

En effet, pour les immeubles HM (habitation mixte, art. 16 al. 1 let. d LGL), l'art. 30A LGL prévoit d'octroyer une subvention personnalisée au logement aux locataires proportionnellement à leur revenu, afin de ramener leur taux d'effort au niveau de ceux fixés à l'art. 30. Pour fixer ce taux, les art. 30 al. 3 LGL et 8 RGL, la clause de délégation se trouvant à l'art. 31C al. 2 LGL) prennent en compte le nombre de personnes occupant le logement. Ce nombre sert à déterminer le revenu (art. 31C al. 1 let. a LGL et 9B RGL). Il s'agit de celui qui existe au moment de la conclusion du bail (art. 7 al. 5 RGL). Toute modification dans la composition du groupe de personnes occupant le logement doit être immédiatement communiquée à l'autorité compétente, conformément au devoir d'information incombant aux bénéficiaires de la subvention, prévu aux art. 7 al. 5 phr. 2 et art. 9 al. 2 RGL. En cas d'inobservation des conditions légales et réglementaires ou de violation des conditions particulières de mise au bénéfice de la LGL, les subventions versées dès l'origine doivent être immédiatement remboursées (art. 34 al. 1 in fine LGL). Le locataire ayant reçu indûment une subvention personnalisée doit la restituer dans les trente jours dès la notification de la décision du service compétent (art. 20H RGL).

3.3) Les recourants se plaignent du fait que l'OCLPF prenne uniquement en compte les données figurant au registre de l'OCPM pour déterminer le domicile de Mme E______ pendant la période litigieuse, ignorant la réalité de celui-ci pouvant être établie par une instruction complémentaire consistant notamment en l'audition de la concierge de l'immeuble et de Mme E______. Ils demandent leur audition devant la chambre de céans.

a. L'art. 31C al. 1 LGL pose la définition de plusieurs termes au sens de la LGL. Ainsi, le taux d'effort est le pourcentage minimum du revenu déterminant à consacrer au loyer (let. d). Par revenu, il faut entendre le revenu déterminant résultant de la loi sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales, du 19 mai 2005, du titulaire du bail, additionné à celui des autres personnes occupant le logement, dont à déduire une somme de 10 000 francs pour la première personne, de 7 500 francs pour la deuxième personne et de 5 000 francs par personne dès la troisième personne occupant le logement (let. a). S'agissant de la notion « personnes occupant le logement », la let. f dispose que sont considérées comme occupant le logement, les personnes ayant un domicile légal, déclaré à l'OCPM, identique à celui du titulaire du bail.

b. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, le critère pour définir les personnes qui occupent un logement au sens de la LGL est celui de l'inscription du domicile dans les registres de l'OCPM, et non celui du domicile effectif au sens des art. 23 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210 ; ATA/522/2020 du 26 mai 2020 consid. 2b ; ATA/357/2016 du 26 avril 2016 ; ATA/424/2015 du 5 mai 2015 et les références citées). Ce critère résulte du texte clair de l'art. 31C al. 1 let. f LGL qui fait référence au « domicile légal, déclaré à l'[OCPM] ».

Ce texte légal clair permet aux autorités administratives chargées de l'application de la LGL de vérifier que les conditions d'octroi d'une allocation de logement sont réunies sur la base de renseignements officiels, qui leur sont aisément accessibles et dignes de foi (ATA/462/2003 du 10 juin 2003 consid. 2). Cette jurisprudence s'applique également en matière de surtaxe HLM (ATA/24/2005 du 18 janvier 2005 consid. 3b). Il doit en aller de même s'agissant d'une subvention personnalisée au logement comme en l'espèce.

c. Selon la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi, étant précisé que le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation (ATF 145 II 328 consid. 3.1; 141 III 53 consid. 5.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_402/2020 du 10 décembre 2020 consid. 2.3).  

d. Dans les trois arrêts cités par les parties, l'ancien Tribunal administratif dont la jurisprudence est reprise par la chambre administrative, s'est écarté du critère légal clair dans des circonstances très particulières.

Dans l'ATA/329/2004 du 27 avril 2004, la divergence entre l'inscription au registre de l'OCPM et la situation réelle était due au départ du domicile conjugal de l'époux en juillet 2002, dans le cadre d'une séparation concrétisée par le prononcé d'un divorce le 27 novembre 2003, à la suite de la demande unilatérale de l'épouse formée en octobre 2002. La jouissance exclusive du domicile conjugal avait été attribuée par le juge civil à l'épouse en février 2003. Le renouvellement de l'allocation de logement de l'épouse avait été refusé pour la période d'avril à novembre 2003 au motif que, malgré leur séparation effective, les deux époux restaient officiellement domiciliés à la même adresse, soit celle du domicile conjugal, l'époux ayant déclaré sa nouvelle adresse à l'OCPM dès le 26 novembre 2003. Selon l'ancien Tribunal administratif, en introduisant dans la LGL une définition claire du « groupe familial », le législateur voulait éviter que des personnes à faible revenu n'abusent du système social en bénéficiant deux fois d'une aide aux frais de l'État (consid. 6b). Une application stricte du texte clair de la loi aurait, dans cette affaire, conduit à un résultat contraire au but poursuivi par la LGL, de sorte qu'il a privilégié l'application d'un critère autre que le domicile légal, à savoir celui de la communauté de vie effective (consid. 6d). Toutefois, il a clairement limité l'application de cette exception en la soumettant à trois conditions cumulatives : la personne demandant l'allocation de logement était dans l'incapacité totale de modifier officiellement le domicile légal d'une autre personne qui n'y vivait plus, l'autorité avait été informée de la séparation du couple et ce fait avait été établi dans une autre procédure, étant précisé que l'épouse avait informé l'OCPM et l'OCLPF tant de sa séparation que des mesures provisoires prononcées par le juge civil lui attribuant la jouissance exclusive du domicile conjugal (consid. 6c et 7).

L'ATA/727/2004 du 21 septembre 2004 concernait la situation particulière de deux demandeurs d'asile attribués à deux cantons différents (Genève pour lui et Vaud pour elle), vivant ensemble à Genève avec leur fille, née en décembre 2001 et reconnue à Genève par le père en août 2002. La divergence entre l'inscription au registre de l'OCPM et la situation réelle était, dès le début, connue de l'OCLPF qui a attribué, en juillet 2002, le logement litigieux au père en lui accordant une dérogation dans l'attente du dépôt des papiers de la mère et de l'enfant à Genève dans un délai fixé au 16 novembre 2002, à défaut de quoi la résiliation du bail serait demandée. Cette famille, occupant alors un studio mis à leur disposition par l'Hospice général, avait emménagé dans l'appartement litigieux en août 2002 sans toutefois pouvoir obtenir le transfert officiel du domicile de la mère et de l'enfant du canton de Vaud à Genève. En août 2003, l'OCLPF avait requis la résiliation du contrat de bail en constatant que seul le père occupait ledit logement, la mère et l'enfant ne pouvant être considérées comme officiellement domiciliées à Genève faute d'avoir un domicile légal déclaré à l'OCPM. L'ancien Tribunal administratif s'est écarté du texte clair de l'art. 31C al. 1 let. f LGL en considérant que l'autorité intimée ne pouvait se fonder sur cette disposition pour déduire que l'appartement litigieux n'était occupé que par une seule personne. D'une part, la mère était cosignataire du bail et colocataire. D'autre part, au vu des circonstances particulières du cas d'espèce, il fallait se fonder sur la réalité consistant à considérer les personnes occupant le logement comme un couple avec enfant. Cette solution s'imposait d'autant plus que la mère avait maintes fois demandé à l'autorité fédérale compétente de l'autoriser à transférer son domicile à Genève dans le souci de l'unité de la famille, mais que cette autorité s'y était refusée. Le législateur n'avait pas envisagé la situation de personnes ne pouvant pas choisir librement leur domicile. En conséquence, il n'y avait pas sous-occupation au sens de la LGL.

Dans l'ATA/718/2005 du 25 octobre 2005, l'ancien Tribunal administratif s'est également écarté du texte clair de l'art. 31C al. 1 let. f LGL en ne retenant pas le domicile de l'époux figurant au registre de l'OCPM. Ce registre faisait état, à partir du 27 mai 2005, d'une adresse située à Chêne-Bourg, différente de celle du logement subventionné HLM sis à I______ où continuait à habiter l'épouse avec la fille du couple. L'épouse avait informé l'OCLPF, par courrier du 13 janvier 2005, être séparée dès le 2 décembre 2004 de son mari qui habitait depuis à L______. Elle lui avait transmis, à titre de justificatif, en avril 2005 copie de la requête commune en mesures protectrices de l'union conjugale datée du 8 mars 2005, qui mentionnait une adresse de l'époux à L______. Dans le cadre de son recours contre la décision confirmant la suppression de la surtaxe à partir du 1er juin 2005, l'épouse avait produit une ordonnance de condamnation pénale rendue le 5 juillet 2005 par le Procureur général à l'encontre de son mari et retenant que les époux étaient séparés depuis janvier 2005 et qu'il y avait eu entre eux depuis lors plusieurs discussions au cours desquelles l'époux avait fait usage de violence verbale et physique contre son épouse, y compris en présence de leur fille. Cette décision pénale, en force, sanctionnait le comportement de l'époux à dix jours d'emprisonnement avec sursis. Au vu de ce nouvel élément attestant d'une situation conflictuelle entre les époux, l'ancien Tribunal administratif a estimé que l'époux n'avait plus son domicile légal à l'adresse du logement subventionné situé à I______, dès le mois de janvier 2005, de sorte que la date déterminante pour la suppression de la surtaxe était le 1er février 2005, et non le 1er juin 2005. Confrontée à des comportements violents de son mari depuis janvier 2005 au moins, l'épouse n'était pas en mesure d'imposer à celui-ci d'effectuer les démarches nécessaires pour démontrer à satisfaction de droit à l'OCLPF qu'il n'était effectivement plus domicilié avec elle à I______.

e. Selon l'art. 19 LPA, l'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. À teneur de l'art. 20 al. 1 LPA, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties. Elle recourt s'il y a lieu aux moyens de preuve énumérés à l'art. 20 al. 2 LPA, notamment en entendant les parties (let. b) et des témoins (let. c).

Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; elle oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1021/2013 du 28 mars 2014 consid. 5.2 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2). Le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA) comprend en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2. ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 consid. 3c et les références citées).

Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2b et les références citées).

4.4) En l'espèce, les recourants reprochent à la jurisprudence de manquer de précision quant aux hypothèses admettant des dérogations au principe du domicile légal déclaré à l'OCPM, prévu à l'art. 31C al. 1 let. f LGL. Ils estiment qu'il s'agit d'une « présomption réfragable » et qu'à tout le moins dans les situations où le locataire ne maîtrise pas les raisons ayant conduit à une inscription qui ne correspond pas à la réalité, il doit pouvoir démontrer qu'une personne inscrite n'occupait pas le logement.

Il est vrai que certains arrêts de la chambre administrative résument les trois cas de figure visés par les ATA/329/2004, ATA/727/2004 et ATA/718/2005 précités, par une phrase introductive générale faisant référence à des dérogations possibles au principe du domicile légal « lorsque le registre de l'OCPM ne refl[ète] pas la réalité pour des raisons que le locataire concerné ne maîtris[e] pas » (ATA/1036/2019 du 18 juin 2019 consid. 5 ; ATA/898/2018 du 4 septembre 2018 consid. 4a ; ATA/20/2006 du 17 janvier 2006 consid. 3b). Or, au début de cette phrase, ces arrêts précisent d'emblée qu'il s'agit de cas « très rares » et font expressément référence aux trois arrêts précités de 2004 et de 2005. Ces derniers ont donné lieu à des dérogations dans des circonstances très particulières caractérisées par le fait qu'une stricte application du critère légal clair aurait conduit à un résultat choquant ne restituant pas le sens véritable de la disposition en cause, conformément à la jurisprudence fédérale susmentionnée permettant, en cas de raisons objectives, de déroger au sens littéral d'un texte légal clair. De plus, dans chacun de ces arrêts, l'OCLPF a été informé par les bénéficiaires des prestations de l'événement ayant conduit au litige tranché par l'ancien Tribunal administratif, que ce soit pour les deux affaires concernant la séparation d'un couple ou pour celle concernant la famille de demandeurs d'asile.

Or, le présent cas n'entre pas dans ce type d'hypothèses exceptionnelles. Il s'agit plutôt d'un cas de figure soulignant l'importance de soumettre, sous réserve de circonstances exceptionnelles, les prestations sociales accordées par la LGL à un critère formel clair et objectif, comme l'est celui du domicile légal annoncé à l'OCPM. Un tel critère permet, d'une part, de concrétiser l'objectif recherché par le législateur, à savoir d'éviter des abus du système social en faisant bénéficier deux fois d'une aide des personnes à faible revenu aux frais de l'État, comme le rappelle l'ATA/329/2004 précité (consid. 6b). D'autre part, il permet à l'OCLPF de pouvoir traiter un nombre important de demandes, de manière fiable et dans le respect de l'égalité de traitement afin de répondre, dans les meilleurs délais, aux besoins des bénéficiaires de la LGL. Dès lors et sous réserve de circonstances exceptionnelles, il convient de ne pas s'écarter du critère légal clair ancré à l'art. 31C al. 1 let. f LGL.

Dans la présente affaire, les recourants n'ont informé à aucun moment l'OCLPF du prétendu besoin de Mme E______ de bénéficier d'une adresse postale à leur domicile. Ils savaient aussi que le domicile officiel était un élément essentiel pour pouvoir bénéficier de la subvention personnalisée, vu en particulier leur propre expérience ressortant du courrier de l'OCLPF du 18 octobre 2017. De plus, les trois attestations concernant les revenus perçus par Mme E______, qu'ils ont produites début mars 2020 à la demande de l'OCLPF, démontrent que cette dernière utilisait leur adresse auprès des assurances sociales pour toucher des indemnités de chômages ou des prestations cantonales en cas de maladie. Le fait qu'ils puissent alléguer ne pas connaître le contenu des courriers destinés à Mme E______ ne les empêchaient pas de savoir que celle-ci utilisait leur adresse en tout cas jusqu'à janvier 2020, date de l'attestation de salaire/rente visée par la pièce 34 de l'autorité intimée. L'utilisation d'une adresse pendant une période de plus de deux ans ne peut être de bonne foi comprise que comme attestant de l'existence d'un domicile à ladite adresse.

À cela s'ajoutent les déclarations divergentes des recourants au cours de la procédure. Le 22 janvier 2020, ils ont en effet expliqué à l'OCLPF que Mme E______ était une amie de longue date à laquelle ils avaient voulu rendre service en l'autorisant à s'inscrire auprès de l'OCPM à leur adresse pour recevoir son courrier. Dans leur recours du 31 août 2020, les recourants ont soutenu que Mme E______ était une simple « connaissance » de la recourante et que celle-ci ignorait que Mme E______ avait communiqué à l'OCPM l'adresse des recourants comme étant son domicile. Ils ont alors aussi prétendu avoir ignoré cet élément jusqu'à la réception du courrier de l'OCLPF du 14 mars 2019. Ils ont invoqué pour la première fois dans leur recours, de manière peu convaincante, que Mme E______ aurait vécu chez son ami, M. J______, depuis août 2017. Or, ce dernier ne l'a attesté à aucun moment. Le dossier contient deux attestations manuscrites de la mère de celui-ci, qui ne se présente pas comme telle dans la première, rédigée en janvier 2020, que les recourants ont transmis à l'OCLPF en mars 2020. Dans aucune de ces attestations, il n'est indiqué la date précise à partir de laquelle Mme E______ aurait habité à l'adresse de son ami à I______. Enfin, dans la mesure où Mme E______ aurait effectivement vécu auprès de M. J______ durant la période litigieuse, les recourants n'expliquent pas pour quelle raison elle n'aurait pas pu y recevoir son courrier, étant relevé qu'il est établi qu'elle a requis en février 2020 la modification de son domicile auprès de l'OCPM, à l'adresse de M. J______ à I______.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, aucun des éléments invoqués par les recourants ne permet de s'écarter du texte clair de l'art. 31C al. 1 let. f LGL, contrairement aux trois arrêts susmentionnés de 2004 et 2005. Il n'est donc pas nécessaire à l'issue du présent litige de clarifier les déclarations incohérentes des recourants ni de déterminer le domicile effectif de Mme E______. La chambre de céans renonce ainsi à donner suite aux auditions sollicitées, étant en outre précisé que les recourants ont pu exposer leurs arguments dans leur recours et leur réplique.

Par conséquent, c'est à bon droit que l'OCLPF s'est fondé sur le registre de l'OCPM pour déterminer les personnes occupant le logement des recourants pour la période du 1er septembre 2017 au 31 janvier 2020. Le recours sera donc rejeté et la décision de restitution litigieuse confirmée.

5.5) Malgré l'issue du litige, il est renoncé à percevoir un émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux recourants qui succombent (art. 87 al. 2 LPA).

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2020 par Madame et Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal du logement et de la planification foncière du 5 août 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Maurice Utz, avocat des recourants, ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :