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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2963/2014

ATA/348/2015 du 14.04.2015 ( PRISON ) , REJETE

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; MESURE DISCIPLINAIRE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; INTÉRÊT ACTUEL ; CONSTATATION DES FAITS ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.19; LPA.20; LPA.60; REPSD.1; REPSD.5; REPSD.42; REPSD.43; REPSD.44; REPSD.46; REPSD.49
Résumé : Rejet du recours contre une décision de suppression pour trois jours de toutes les activités communes, y compris des loisirs et repas en commun, une promenade quotidienne d'une heure et la possibilité de téléphoner étant maintenues. Toujours en détention, le recourant conserve un intérêt juridique actuel au recours. Au vu des circonstances et de son comportement, la sanction disciplinaire prononcée à son encontre se justifiait et était proportionnée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2963/2014-PRISON ATA/348/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 avril 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me François Canonica, avocat

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ LA BRENAZ



EN FAIT

1) Monsieur A______ est incarcéré au sein de l'établissement fermé La Brenaz (ci-après : l'établissement) depuis le 3 juin 2013 pour y exécuter une sanction pénale, l'issue de sa peine étant fixée au 25 juin 2016.

2) Le 30 juin 2014, il a fait l'objet d'un rapport du directeur de l'établissement.

Ce jour-là, à 17h15, la centrale avait été appelée pour une bagarre entre M. A______ et un autre détenu. Ces derniers avaient été placés en cellule à 17h25, jusqu'à nouvel ordre. Le premier avait reçu les premiers soins, tandis que le second avait refusé de se faire soigner et avait menacé les surveillants de se couper la gorge en cas d'ouverture de sa cellule (quelques coupures superficielles avaient été observées par le guignard).

3) Par décision de la direction de l'établissement du 1er juillet 2014, après que M. A______ eut été entendu à 10h30, ce dernier s'est vu notifier, à 10h45, une sanction au motif de la bagarre précitée, consistant en la suppression de toutes les activités communes, y compris loisirs et repas en commun, pour une durée de trois jours. Une promenade quotidienne d'une durée d'une heure était maintenue, avec possibilité de téléphoner.

Cette décision était immédiatement exécutoire, nonobstant recours, lequel pouvait être formé dans les trente jours « auprès de la Cour de justice », conformément à l'art. 49 al. 1 et 2 du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d’exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08).

4) M. A______ a exécuté cette sanction du 30 juin 2014 à 17h30 au 3 juillet 2014 à la même heure.

5) Par acte du 30 juillet 2014, M. A______ a, sous la plume de son avocat, recouru contre la décision précitée auprès de la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR), concluant préalablement à la production des vidéos de surveillance de l'établissement du 30 juin 2014 et, principalement, à l'annulation de la sanction ainsi qu'à l'octroi d'une indemnisation correspondant à CHF 50.- par jour, soit au total CHF 150.-.

Son intérêt au recours se justifiait notamment par l'indemnité réclamée et par le fait que la sanction du 1er juillet 2014 avait été retenue par le conseiller d'État en charge du département de la sécurité et de l'économie (ci-après : DSE) dans une décision du 18 juillet 2014 lui refusant l'octroi d'un congé social de quatre heures.

La cour de l'établissement était filmée par trois caméras de vidéosurveillance, lesquelles devaient être examinées dans la mesure où elles allaient permettre de confirmer sa propre version des faits, s'agissant de l'incident du 30 juin 2014.

Il avait ce jour-là profité d'une promenade pour téléphoner à sa mère. Alors qu'il se trouvait dans la cabine téléphonique située à l'intérieur de la cour de l'établissement, porte fermée, un autre détenu était venu ouvrir la porte de manière agressive et l'avait insulté en langue arabe. Il avait alors sorti sa tête de la cabine pour lui demander, d'une voix puissante mais sur un ton courtois, de se calmer et de le respecter. L'individu, toujours aussi agressif, avait continué à proférer à son égard des insultes, tant en langue arabe qu'en langue française. Désireux de pouvoir terminer son entretien téléphonique, il s'était fâché et avait crié pour demander à son codétenu de retourner vaquer à ses occupations. Celui-ci s'était rapproché de la cabine avec l'intention manifeste d'en découdre. Apeuré, M. A______ lui avait mis une claque pour l'éloigner. Il avait été blessé à la main lors de l'incident, ignorant toutefois de quelle manière.

Lui et l'autre détenu avaient tous deux été entendus oralement par la direction de l'établissement. Ce dernier n'avait pas été sanctionné et lui l'avait, pour sa part, été de manière injustifiée.

S'il ne contestait pas avoir giflé un codétenu, il précisait qu'il avait été agacé puis effrayé par le comportement agressif, belliqueux et insultant de celui-ci, dont le but avait été manifestement de le provoquer et de l'empêcher de poursuivre sa conversation téléphonique. Sans intention de se battre, ni de le blesser, il lui avait infligé une claque en le voyant se précipiter vers lui tout en l'insultant. Son seul objectif avait été de se défendre d'une attaque imminente et d'éloigner l'individu, afin de terminer son appel. Il regrettait néanmoins sa réaction, bien que celle-ci eût été provoquée par un individu agressif qui avait visiblement l'envie d'en découdre avec lui.

6) Le 30 septembre 2014, la CPAR a transmis le dossier à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Après un échange de vue entre les deux chambres, cette dernière a admis sa compétence pour statuer sur le recours, ce dont M. A______ a été informé le 2 octobre 2014.

7) Le 3 octobre 2014, le juge délégué a invité la direction de l'établissement à produire, avec ses observations et son dossier, les vidéos de surveillance.

8) Le 6 octobre 2014, M. A______ a déclaré ne pas s'opposer à ce que son recours soit traité par la chambre de céans.

9) Le 30 octobre 2014, la direction de l'établissement a transmis ses observations, concluant au rejet du recours.

M. A______ avait été sanctionné pour avoir pris part à une bagarre avec un codétenu et giflé celui-ci. Un rapport d'incident avait été dressé dans ce contexte, en présence des surveillants du jour et du sous-chef de l'établissement.

Il ressortait des images de vidéosurveillance que l'intéressé était occupé au téléphone lorsqu'un autre détenu s'était approché de la cabine, s'adressant à lui. Il l'avait alors giflé, à la suite de quoi d'autres détenus présents dans la cour étaient venus s'interposer pour mettre fin à la bagarre. M. A______ était revenu à la charge avec son poing levé, mais ce geste avait pu être intercepté par les autres détenus. Les propos tenus n'étaient toutefois pas identifiables, le système de vidéosurveillance ne disposant pas d'enregistrement audio. Les images, encore disponibles et visibles, ne pouvaient être extraites, ni transmises, pour des motifs techniques. La chambre administrative était cependant invitée à venir les visionner sur place si elle l'estimait nécessaire, étant précisé que, dans la mesure où les faits n'étaient pas contestés et vu les éléments factuels, cet acte d'instruction n'apparaissait pas indispensable pour la résolution du litige.

Le recourant ne contestait en effet pas avoir giflé son codétenu et les conditions de la légitime défense n'étaient pas réunies, dans la mesure où il n'avait pas fait l'objet d'une attaque imminente, situation qui l'aurait autorisé à repousser l'assaillant par des moyens proportionnés aux circonstances. Il alléguait par ailleurs de manière contradictoire ne pas avoir eu l'intention de se battre, ni de blesser son codétenu ; d'une part il ne pouvait ignorer qu'une claque était un acte de violence ayant pour conséquence directe de blesser et, d'autre part, le fait qu'il fût revenu à la charge le poing levé démontrait clairement son intention de se battre, identifiable aux yeux des autres détenus venus s'interposer, épargnant ainsi un coup de poing à l'autre homme. Un tel comportement contrevenait au REPSD. La sanction infligée était ainsi justifiée, conforme au droit et proportionnée. Les intérêts de M. A______ avaient été lésés dans une moindre mesure, notamment au regard de la courte durée de la sanction et de sa nature, dès lors que malgré la suppression des activités communes, il n'avait pas été privé de son droit à la promenade quotidienne, ni de la possibilité de téléphoner.

Enfin, s'agissant du refus du conseiller d'État du 18 juillet 2014 d'accorder à M. A______ un congé social de quatre heures, cette décision ayant trait à des considérations d'ordre pénal, la chambre de céans n'était pas compétente pour traiter ce grief, qui devait être déclaré irrecevable. Sous l'angle de la procédure administrative, il avait failli à son devoir de collaborer à la constatation des faits, dès lors qu'il n'avait pas prouvé, ayant renoncé à produire la pièce idoine, que la décision de refus d'octroi d'un congé social se fondait sur la décision de sanction litigieuse.

10) Le 12 novembre 2014, M. A______ a constaté que l'écriture responsive précitée avait été reçue par la chambre administrative le 6 novembre 2014, alors qu'un délai avait été fixé à la direction de l'établissement au 3 novembre 2014. Cette dernière devait démontrer avoir respecté le délai, faute de quoi il concluait d'ores et déjà formellement à l'irrecevabilité des observations du 30 octobre 2014 pour dépôt tardif.

11) Le juge délégué a ordonné un transport sur place le 15 décembre 2014, pour visionnage des vidéos de surveillance à l'établissement en présence des parties et constaté les faits suivants :

- la vidéo, contenant des images prises le jour de l'incident dès 17h13, montrait M. A______ dans la cabine, porte fermée, en train de téléphoner. Un individu portant une casquette et un short, tenant une cuvette à la main, était arrivé en agitant le bras. Il était passé en gesticulant devant la cabine téléphonique, frappant à la porte et continuant à gesticuler. Le recourant avait ouvert la porte et regardé dehors. L'autre personne s'était éloignée, toujours en gesticulant, puis était revenue en faisant de grands mouvements avec les bras. M. A______ l'avait regardé, avait bougé un peu et lui avait finalement donné une gifle. Les deux hommes se trouvaient proches l'un de l'autre. Au début de la scène, la personne portant la casquette avait agité surtout la main droite, dans un mouvement faisant penser à du rap ou à une invective. Après quelques secondes, elle avait également monté la main gauche et c'était juste après cela que le recourant lui avait donné une gifle. Sur la vidéo, l'attitude de l'homme à la casquette montrait qu'il était énervé et agressif et qu'il devait parler fort et énergiquement ;

- les images concernant l'autre angle du vue étaient similaires, mais permettaient de voir la casquette voler lors de la gifle. Après cela, les deux protagonistes s'étaient suivis, mais n'avaient pas eu de contact physique ou d'empoignade. Des invectives verbales avaient certainement été échangées, mais n'étaient pas enregistrées par le système de surveillance ;

- M. A______ a insisté sur le fait que les images montraient qu'il téléphonait tranquillement lorsque le codétenu était arrivé et intervenu. Les propos tenus par ce dernier lors de l'incident avaient été extrêmement agressifs. De son propre point de vue, il n'avait fait que se défendre face à une agression verbale et par des gestes physiques. Il avait pensé qu'il allait « s'en prendre une » ;

- il a ajouté que, le 11 juillet 2014, un autre détenu était venu dans sa cellule et lui avait donné une gifle. Bien qu'il eût dénoncé ce fait, le détenu en question n'avait, à sa connaissance, pas été sanctionné, et il se demandait pour quelle raison. Cette personne lui avait également craché dessus, sans que l'autorité n'intervienne.

- le surveillant chef de l'établissement a répondu avoir bien reçu la lettre de M. A______ le 11 juillet 2014, que lui-même était arrivé après les faits et n'avait pas vu la gifle, d'où l'absence de sanction. S'agissant du crachat, celui-ci n'avait en revanche pas fait l'objet d'un rapport. Le détenu qui avait giflé le recourant en juillet 2014 n'était pas celui que ce dernier avait giflé le 30 juin 2014. Après ce dernier incident, l'homme à la casquette avait été confiné dans sa cellule jusqu'au soir, mais n'avait pas été formellement sanctionné dès lors qu'il n'avait pas usé de violence physique.

12) Le 8 janvier 2015, la direction de l'établissement a transmis ses observations suite au transport sur place, persistant dans ses précédentes argumentations et conclusions.

Les images visionnées montraient, outre ce qui ressortait du procès-verbal, que l'autre détenu attendait sans doute son tour pour téléphoner et faisait preuve d'impatience. La vidéo était explicite quant au déroulement de l'incident ; les conditions de la légitime défense n'étaient pas réunies et rien ne permettait de justifier la gifle, non contestée, infligée par M. A______.

13) Le 23 janvier 2015, M. A______ a également transmis ses observations suite au transport sur place, persistant dans les motifs et conclusions de son recours.

Le visionnage des images laissait clairement apparaître que la personne avec une casquette était venue à son contact, l'invectivant d'emblée de la main, sans raison apparente, alors qu'il se trouvait paisiblement au téléphone, à l'intérieur de la cabine, porte close. L'autre détenu avait interrompu cette conversation par un coup sur la porte, c'était pourquoi, interloqué, il l'avait ouverte, pour regarder à l'extérieur. Au cours des évènements, l'individu semblait irrité, énervé, pour une raison indéterminée et non imputable au recourant. Les paroles prononcées à son égard, bien que n'ayant pas été enregistrées, avaient été extrêmement agressives. Cette agressivité avait perduré après l'incident, l'homme ayant refusé que les surveillants ouvrent la porte de sa cellule, allant jusqu'à se mutiler légèrement pour les dissuader d'agir. Il avait pour sa part fait preuve de placidité et la gifle qu'il avait donnée relevait d'un mécanisme de réflexe de défense lorsqu'il s'était senti menacé par le comportement gestuel et verbal agressif de son codétenu. Son geste s'apparentait à de la légitime défense, ce que corroboraient les images. Il avait au demeurant déjà subi au cours de sa détention d'autres marques ou gestes d'agressivité de la part de ses codétenus.

14) Le 27 janvier 2015, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile auprès d’une autre juridiction et régulièrement acheminé devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 5, 62 al. 1 let. a et 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La chambre de céans est compétente pour trancher le présent litige, dans la mesure où, en dépit de l'indication de la voie de recours figurant dans la décision attaquée et malgré la lettre de l'art. 49 du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d’exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), aucune des chambres pénales de la Cour de justice ne s'avère compétente, que cela soit en application des art. 393 al. 1 et 398 al. 1 du code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) ou de l'art. 42 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39
consid. 2 c/aa p. 43 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/759/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/188/2011 du 22 mars
2011 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 81 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009
consid. 3 ; Hansjörg SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2007, n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; Karl SPUHLER/Annette DOLGE/Dominik VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2006, n. 5 ad art. 89 LTF p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4
p. 286 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 précité ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 précité ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/418/2012 du 3 juillet 2012 consid. 2d ; ATA/365/2009 du
28 juillet 2009)

e. En l'espèce, le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à recourir contre la sanction prononcée contre lui. La légalité d’une suppression de toutes activités communes dans un établissement de détention doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle en vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, nonobstant l’absence d’intérêt actuel, puisque cette sanction a déjà été exécutée, dans la mesure où cette situation pourrait encore se présenter (ATA/183/2013 du 19 mars 2013 et la jurisprudence citée), dès lors qu'il se trouve encore en détention au jour du présent arrêt.

Le recours est donc recevable sur le principe.

Sont en revanche irrecevables les griefs du recourant au sujet de l'indemnité réclamée et du refus d'octroi d'un congé social de quatre heures.

3) Le recourant conclut au fond, à ce qu'une indemnité correspondant à CHF 50.- par jour de sanction lui soit accordée, soit au total un montant de CHF150.-, sans toutefois préciser à quel titre.

En tout état, une telle action en responsabilité de l'État serait fondée sur la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40) et doit être déposée devant une juridiction civile (art. 7 al. 1 LREC) et non par-devant la chambre de céans. Cette loi permet aux instances civiles de déterminer préalablement si une décision revêt ou non un caractère illicite. Il n'en ressort pas en revanche que la constatation de l'illicéité par la chambre administrative soit un prérequis à une action civile par-devant le tribunal de première instance (ATA/510/2014 du 1er juillet 2014 ; ATA/338/2011 du 24 mai 2011).

Cette conclusion est ainsi irrecevable.

4) Le recourant estime que les observations de l'intimé, datées du 30 octobre 2014, ont été déposées tardivement et doivent ainsi être déclarées irrecevables.

Il appert en l'occurrence que la chambre de céans a imparti à l'intimé un délai au 3 novembre 2014 pour les produire et que ces écritures ont, à teneur du dossier, été postées par pli recommandé le 5 novembre 2014, parvenues au greffe le lendemain. L'intimé n'a pas fourni d'explications à ce sujet.

Toutefois, le délai fixé par la chambre administrative n’est en l’espèce qu’un délai d’ordre, la loi ne prévoyant aucune conséquence en cas de non-respect de ce délai. Par ailleurs, le recourant a pu prendre connaissance des observations de l'intimé et se déterminer à leur sujet. Il n'a de ce fait subi aucun préjudice qui justifierait de ne pas tenir compte de l'écriture du département du 30 octobre 2014, laquelle est ainsi recevable.

5) Bien que le recourant admette avoir infligé une gifle à un codétenu, il semble se prévaloir d'une constatation inexacte des faits, estimant que la sanction dont il a fait l'objet ne se justifierait pas, dans la mesure où son geste aurait été un réflexe de défense alors qu'il s'était senti menacé par le comportement gestuel et verbal agressif de son codétenu.

6) a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, sont l'objet d'une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs - la faute étant une condition de la répression - qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment ou par négligence, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/785/2012 du 20 novembre 2012 ; ATA/238/2012 du 24 avril 2012 et les références citées).

7) a. Conformément aux art. 1 let. f et et 5 REPSD, le statut des personnes incarcérées à la Brenaz est régi par ce règlement.

b. Un détenu doit respecter les dispositions du REPSD, les instructions du directeur de l'office pénitentiaire, ainsi que les ordres du directeur et du personnel de l'établissement (art. 42 REPSD). Il doit observer une attitude correcte à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers (art. 43 REPSD) et il lui est notamment interdit d'exercer une violence physique ou verbale à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers (art. 44 let. h REPSD) ou de troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats (art. 44 let. i REPSD).

c. Si un détenu enfreint le REPSD, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 46 al. 1 REPSD). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (art. 46 al. 2 REPSD).

d. Aux termes de l'art. 46 al. 3 REPSD, le directeur de l'établissement est compétent pour prononcer un avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b), l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) et les arrêts pour dix jours au plus (let. d), étant précisé que ces sanctions peuvent se cumuler (art. 46 al. 4 REPSD).

8) Les règles générales de procédure de la LPA, notamment celles relatives à l’établissement des faits, sont applicables à l’instruction du recours (art. 76 LPA). La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire selon laquelle la chambre administrative établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Afin de constater un fait par elle-même, elle peut notamment ordonner le transport sur place (art. 37 let. c LPA).

9) En l'espèce, le recourant admet avoir infligé une gifle à un autre détenu. Toutefois, en présence de divergences entre les parties quant au déroulement précis des faits, la chambre de céans a procédé en leur présence au visionnage des images des vidéos de surveillance enregistrées au moment de l'incident. Il en ressort que le recourant se trouvait en train de téléphoner à l'intérieur d'une cabine dont la porte était close, lorsqu'un individu portant une casquette, dont l'attitude laissait à penser qu'il était énervé et agressif et attendait d'utiliser la cabine, était arrivé en gesticulant et frappant à la porte. Après que le recourant eut ouvert la porte et regardé dehors, l'autre homme s'était éloigné de la cabine, avant de revenir en gesticulant, levant d'abord la main droite, puis la gauche. C'est à ce moment-là que le recourant l’avait giflé, faisant voler la casquette. Se trouvant à une distance proche l'un de l'autre, les deux intéressés s'étaient ensuite suivis, mais n'avaient plus eu ni contact physique, ni empoignade. Le contenu de leurs échanges verbaux n'a pas été enregistré. Si l'énervement dont faisait preuve l'individu à la casquette était certes perceptible, aucun élément ne permet toutefois de retenir que le recourant se trouvait menacé par une attaque imminente de son codétenu et qu'il aurait agi par légitime défense, comme il le soutient.

Dans ces circonstances, le comportement du recourant, qui n'a pas su maîtriser son agacement et le geste qui en a découlé, exerçant ainsi une violence physique à l'égard d'un autre détenu en violation du REPSD, n'apparaît pas adéquat et ne peut être cautionné. Le prononcé d'une sanction disciplinaire à son encontre était par conséquent justifié. Les antécédents dont il se prévaut, s'agissant de marques d'agressivité à son égard de la part d'autres codétenus, ne permettent pas de remettre en cause ladite sanction.

Eu égard à ce qui précède, la suppression de toutes les activités communes, y compris loisirs et repas en commun, pour une durée de trois jours, cette sanction pouvant être prononcée pour trois mois au maximum, respecte le principe de la proportionnalité, ce d'autant plus qu'une promenade quotidienne d'une heure et la possibilité de téléphoner ont été maintenues pendant la durée de la punition.

10) Le recourant relève que son codétenu impliqué dans l'incident du 30 octobre 2014 n'a pas été sanctionné par l'intimé, ce que ce dernier a confirmé.

Le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas du tout appliquée dans d'autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité. C'est seulement lorsque toutes ces conditions sont remplies que le citoyen est en droit de prétendre, à titre exceptionnel, au bénéfice de l'égalité dans l'illégalité (ATF 136 I 78 consid. 5.6 ; 134 V consid. 9 ; 132 II 510 consid. 8.6 ; 131 V 9 consid. 3.7 ; 127 I 1 consid. 3a ; 125 II 152 consid. 5 p. 166 ; 122 II 446 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_423/2011 du 2 avril 2012 consid. 5.1 ; 1C_434/2011 du 2 février 2012 consid. 6.1).

Le fait que le codétenu du recourant n'ait pas été formellement sanctionné pour son comportement le jour de l'incident ne lui est d'aucun secours. Ce point n'est en effet pas susceptible de modifier l'issue du litige, d'une part en raison du comportement inadéquat et avéré susmentionné du recourant et, d'autre part, dès lors qu'il ne peut prétendre à une égalité dans une éventuelle illégalité, dont la question peut souffrir de rester ouverte, ce d'autant qu'il n'apparaît pas que l'intimé aurait pour pratique constante de ne pas appliquer correctement le REPSD ou n'entendrait pas le faire à l'avenir.

11) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 30 juillet 2014 par Monsieur A______ contre la décision de l'établissement fermé la Brenaz du 1er juillet 2014 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

laisse les frais de la procédure en CHF 70.80 à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Canonica, avocat du recourant, ainsi qu'à l'établissement fermé la Brenaz.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :