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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1346/2011

ATA/238/2012 du 24.04.2012 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.06.2012, rendu le 28.06.2013, PARTIELMNT ADMIS, 8C_436/2014, 8C_437/2014, 8C_480/2012
Descripteurs : ; FONCTIONNAIRE ; DROIT DISCIPLINAIRE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; MESURE DISCIPLINAIRE ; RÉVOCATION DISCIPLINAIRE ; DROIT PÉNAL ; CHOSE JUGÉE ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.29.al2 ; LPAC.1.al1 ; LPAC.16.al1 ; RPAC.20 ; RPAC.21 ; RPAC.22
Résumé : Révocation d'un fonctionnaire occupant une fonction de cadre et un poste à responsabilités, pour avoir frappé un collègue dans un contexte professionnel. L'absence d'antécédents n'est pas suffisante. Le juge administratif peut s'écarter des conséquences juridiques d'un jugement pénal basé sur les mêmes faits. En l'espèce, le juge pénal a reconnu l'état de légitime défense putative et a acquitté l'intéressé. Sur le plan administratif toutefois, les HUG n'ont pas abusé de leur pouvoir d'appréciation en révoquant le fonctionnaire, la faute de celui-ci ayant été particulièrement grave.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1346/2011-FPUBL ATA/238/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 avril 2012

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Nathalie Bornoz, avocate

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Pierre Martin-Achard, avocat



EN FAIT

1) Monsieur X______ est né le ______ 1970 au Venezuela. De nationalités libanaise et suisse, il a grandi en Amérique du Sud et est arrivé en Suisse en 1990. Il est diplômé de l’Ecole hôtelière de Lausanne et titulaire d’un MBA de l’Université de Genève. Après avoir travaillé dans l’hôtellerie en qualité de comptable, il a été engagé le 30 juillet 1999 par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) dès le 15 septembre 1999. Il est père de trois enfants.

2) Par arrêté du 3 septembre 2002, il a été nommé fonctionnaire en qualité d’adjoint de direction au sein de la D______ (ci-après : D______), avec effet au 1er septembre 2002.

3) Tous les entretiens d’évaluation auxquels il a été soumis jusqu’en 2010 étaient bons et les critères d’évaluation qualifiés de « OK pour la fonction ».

4) Le 16 juillet 2010, une réunion de travail s’est déroulée entre M. X______, Monsieur A______, adjoint de direction, et Monsieur B______ dans le but de déterminer les raisons d’écarts comptables constatés entre le résultat du mois de mai 2010 et celui de juin 2010, étant précisé qu’un nouveau système avait été mis en place par M. A______. Le ton est rapidement monté entre M. A______ et M. X______. Ce dernier a tapé du poing sur la table. Tous deux se sont levés et se sont rapprochés l’un de l’autre. M. A______ a repoussé M. X______, qui a trébuché et s’est rattrapé au mur situé derrière lui. M. X______ s’est redressé puis, une ou deux secondes plus tard, il a donné un coup au visage de M. A______. M. B______ a tenté de séparer les protagonistes et M. A______ a prié M. X______ de quitter les lieux. M. B______ s’est alors occupé de M. A______, qui saignait. Celui-ci a déposé plainte pénale le 20 juillet 2010 contre M. X______ du chef de lésions corporelles simples. Selon le certificat médical établi le 27 juillet 2010, le plaignant souffrait d’une plaie à la base du nez, d’une dermabrasion au niveau de la joue gauche avec tuméfaction, d’une plaie de la paupière inférieure gauche, d’un hématome de l’orbite gauche, d’une hypoesthésie dans le territoire du cinquième nerf crânien gauche et d’un abaissement de la commissure labiale gauche, ces lésions étant, selon le médecin signataire dudit certificat, compatibles avec une agression physique.

5) Par pli du 16 août 2010, M. X______ a été convoqué pour un entretien de service en date du 31 août 2010, au cours duquel il a été entendu par Madame R______, responsable des ressources humaines du département concerné et Monsieur I______, directeur de la D______. Le compte-rendu établi à cette occasion a été contresigné par M. X______, qui a reconnu avoir frappé au visage M. A______ le 16 juillet 2010.

6) Le 17 septembre 2010, M. X______ a formulé des observations complémentaires relatives au compte-rendu précité, selon la possibilité qui lui avait été offerte de le faire. Du 21 septembre au 3 octobre 2010, il était dans l’incapacité complète de travailler, selon deux certificats médicaux établis les 21 et 28 septembre 2010 par le Docteur Araoz.

7) Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours, expédiée sous pli recommandé le 24 septembre 2010 à M. X______, le président du conseil d’administration des HUG a informé l’intéressé de sa suspension provisoire de fonction - avec maintien de son traitement -, ainsi que de l’ouverture d’une enquête administrative, eu égard à la gravité des faits précités.

8) Le 13 octobre 2010, M. X______ a déposé plainte à son tour contre M. A______ pour voies de fait, menace de mort et atteinte à l’honneur. Cette plainte a fait l’objet d’une décision de classement par le Ministère public le 18 octobre 2010, alors que celle de M. A______ a conduit au prononcé d’une ordonnance de condamnation par le Parquet le 18 octobre 2010 également.

9) L’enquête administrative a été confiée à Monsieur O______, ancien fonctionnaire de police, qui, après avoir procédé à l’audition de MM. A______ et X______, ainsi que de MM. B______, I______, Monsieur T______, chef de projet et concepteur en informatique aux HUG, Monsieur S______ ainsi que de Mesdames U______, membre de la direction, et C______, collègue de l’intéressé, Madame V______, responsable du service de la gestion administrative des patients et de Madame Y______, responsable du service clientèle aux HUG, a déposé son rapport le 1er décembre 2010. Aux termes de celui-ci, M. X______, qui a contesté avoir porté une chevalière le 16 juillet 2010, a en revanche admis avoir frappé au visage M. A______, lui occasionnant notamment un hématome sur la pommette gauche, documenté par deux certificats médicaux établis les 19 et 22 juillet 2010.

Il résultait de ce rapport que le conflit entre les deux protagonistes provenait d’une divergence d’opinions au sujet de l’origine du fort écart entre les résultats des mois de mai et juin 2010 dans la comptabilité des HUG, M. A______ n’acceptant pas la mise en cause de son nouveau système pour le calcul des estimations.

10) Le 10 janvier 2011, M. X______ a déposé des conclusions motivées après enquêtes, en concluant préalablement au droit de consulter tous les documents mis à disposition de l’enquêteur administratif, ainsi qu’à l’octroi d’un délai complémentaire pour se déterminer au sujet des pièces en question. Principalement, il a conclu à la fin de la mesure de suspension provisoire et à sa réintégration.

11) Le 24 janvier 2011 s’est tenue une réunion entre le conseil de M. X______, Monsieur F______, directeur des ressources humaines, Mme R______, ainsi que Madame Juliette Harari, conseillère juridique, suivie d’un échange de courriers. M. X______ maintenait que les conditions de sa révocation n’étaient pas réunies et requérait la production de divers documents, de même que des notes internes aux HUG.

12) Compte tenu de l’opposition de M. X______ à l’ordonnance de condamnation précitée, le Tribunal de police (ci-après : TP) a statué le 1er mars 2011. Après avoir procédé à l’audition des parties, puis entendu comme témoins M. B______, Mme U______, Mme C______, M. I______, supérieur direct de ces derniers, ainsi que M. S______, membre de la direction, le TP a reconnu que M. X______ avait frappé M. A______, ce que le premier cité ne contestait pas, lui occasionnant des lésions corporelles simples au sens de l’art. 123 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). L’accusé alléguant avoir agi par légitime défense, le TP a considéré que M. X______ n’était pas en état de légitime défense au moment des faits, mais bien en état de légitime défense putative, compte tenu de la taille imposante de M. A______ d’une part, et des circonstances, d’autre part, raison pour laquelle M. X______ a été acquitté du chef de lésions corporelles simples. Ce jugement est devenu définitif.

13) Le 21 mars 2011, M. X______ a fait parvenir aux HUG une copie du jugement du TP du 1er mars 2011.

14) Par plis simple et recommandé du 23 mars 2011, les HUG ont signifié à M. X______ que « son contrat était résilié pour le 30 juin 2011 », le bureau du conseil d’administration ayant, le 10 mars 2011, « décidé sa révocation » au vu du rapport d’enquête administrative et de l’altercation physique l’ayant opposé le 16 juillet 2010 à M. A______, ce qui constituait une faute grave. Il avait enfreint ses devoirs de service au sens des art. 20, 21 let. a et 22 al. 4 du statut du personnel des HUG. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

15) Dès le 7 avril 2011, M. X______ a été en incapacité complète de travail pour une durée indéterminée, selon le certificat médical établi le même jour par le Docteur Lalicata-Gisselbaek.

16) Par acte déposé le 6 mai 2011 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. X______ a recouru contre cette décision en concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif. Il sollicitait une audience de comparution personnelle, l’apport du dossier complet de l’enquête administrative, celui du préavis juridique des HUG, celui de toute autre pièce en lien avec l’altercation du 16 juillet 2010 en mains des HUG, de même que l’apport de la procédure pénale P/14253/2010 dirigée contre lui. Principalement, il concluait à la mise à néant de la décision attaquée et à sa réintégration. Les HUG devaient être déboutés de toutes autres ou contraires conclusions et condamnés à lui verser une indemnité de procédure.

17) Invités à se déterminer sur la demande d’effet suspensif, les HUG ont répondu le 24 mai 2011 en concluant au rejet de celle-ci, car ils n’avaient aucune intention de poursuivre leurs relations professionnelles avec M. X______.

18) Par décision du 25 mai 2011, le président de la chambre administrative a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif.

19) Le 29 juin 2011, les HUG ont conclu au rejet du recours, en considérant en substance que la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et le règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) étaient applicables, de même que le statut du personnel des HUG, dans sa version de 2009. Le droit d’être entendu de M. X______ avait été respecté, les photos de la blessure de M. A______, la note relative à l’entretien de service de ce dernier d’août 2010, ainsi que les observations de celui-ci au sujet de ce compte-rendu, de même que le préavis du service juridique des HUG, étant sans pertinence pour le litige ou constituant des documents internes aux HUG, ou encore des pièces à la transmission desquelles M. A______ s’était lui-même opposé. En revanche, M. X______ avait eu accès à toutes les pièces pertinentes. La décision attaquée avait été prise au terme de la procédure menée de manière conforme aux dispositions légales et dans le respect du principe de la légalité. Il appartenait certes à l’autorité pénale de fixer en premier lieu les faits, mais le juge administratif n’était pas lié par les conclusions juridiques que le juge pénal en tirait. Or, l’instruction de la cause avait conduit à la constatation que l’infraction à l’art. 123 CP était réalisée. Par ailleurs, les HUG avaient fondé leur décision sur les faits retenus dans le rapport d’enquête administrative et qui étaient d’ailleurs identiques à ceux retenus par le juge pénal. En frappant au visage un collègue, M. X______ avait eu une réaction violente, totalement disproportionnée, portant atteinte à la santé d’un collaborateur. Cette attitude était d’autant moins excusable que le recourant avait une position hiérarchique. Les HUG se devaient de protéger la santé et l’intégrité de leur personnel. Enfin, au vu de la jurisprudence, la révocation n’était nullement disproportionnée. Elle n’était pas davantage arbitraire. Quant à l’allégué du recourant selon lequel les HUG auraient mis une annonce pour repourvoir son poste, M. X______ ne saurait en tirer argument, car le poste en question ne correspondait pas au sien d’une part, et car en tout état, il leur appartenait « d’anticiper les problèmes organisationnels qui sont susceptibles de survenir, quitte à stopper ultérieurement le processus d’engagement d’un nouveau collaborateur ».

20) Le juge délégué a procédé à une audience de comparution personnelle le 14 septembre 2011. M. X______ a indiqué ne pas savoir ce qu’il était advenu de la plainte pénale qu’il avait déposée à l’encontre de M. A______. Il a ajouté que depuis le mois d’avril 2011, il était en incapacité complète de travail et suivait un traitement médical. Il concluait néanmoins à l’annulation de la décision attaquée et sollicitait sa réintégration au sein des HUG.

Ces derniers ont indiqué que, sur injonction de la chambre de céans, ils produiraient la totalité du dossier qui se trouvait en mains de l’enquêteur administratif, mais M. A______ s’opposait à ce qu’eux-mêmes remettent à M. X______ les pièces de son dossier personnel, de même que les photographies et les comptes-rendus de l’entretien de service qu’il avait eu. Le conseil des HUG a indiqué qu’il ne voyait pas l’utilité de la production de ces pièces pour la présente cause. Les HUG ont précisé cependant que M. A______ avait également été sanctionné sans vouloir indiquer de quelle manière, compte tenu du respect de la sphère privée de cet employé. Les HUG n’ont pas davantage souhaité préciser si M. A______ travaillait maintenant à la D______, mais il pourrait cas échéant être convoqué et interrogé lui-même sur cette question.

Le conseil de M. X______ a encore sollicité l’audit établi selon elle quant au système mis sur pied par M. A______ sur le plan comptable.

Le conseil des HUG a constaté une nouvelle fois qu’une telle pièce était étrangère au litige.

Enfin, M. X______ a constaté qu’en février 2011, un poste similaire au sien avait été annoncé sur le site Intranet des HUG, quand bien même il a admis que cette fonction présentait certaines différences avec celle qu’il occupait jusqu’alors. Selon le directeur des ressources humaines des HUG, le poste qu’occupait M. X______ n’existait plus sous la même forme, en raison de la réorganisation interne qu’avait connue la direction générale des affaires économiques et financières, devenue la direction des affaires financières, une nouvelle direction de l’analyse médico-économique ayant été créée. M. X______ a persisté à soutenir que le poste proposé était de même nature que celui qu’il occupait alors, même si chacun de ces deux postes n’était pas dans la même classe de traitement. M. X______ a ajouté qu’il ne contestait pas les faits qui s’étaient produits le 16 juillet 2010, tels qu’ils résultaient de l’enquête administrative et du jugement du TP, aux termes duquel il avait été acquitté pour les raisons sus exposées.

21) Le 10 octobre 2011, les HUG ont produit le compte-rendu de l’entretien d’évaluation de M. A______ s’étant déroulé le 15 janvier 2010, le certificat médical, le jeu de photographies concernant celui-ci et diverses pièces faisant partie de la procédure administrative.

22) Le juge délégué a interpellé le Ministère public pour obtenir la procédure pénale dirigée contre M. X______, qu’il a reçue le 17 octobre 2011 et à laquelle était jointe, la plainte, classée, déposée par ce dernier contre M. A______.

23) Les parties ont été informées de l’apport de cette procédure pénale.

24) Le 25 novembre 2011, le conseil de M. X______ a demandé à se déterminer au motif que les pièces produites par les HUG ne lui avaient pas été transmises.

Par ailleurs, elle a persisté à demander si M. A______ avait fait l’objet d’une sanction.

25) Le 30 novembre 2011, les HUG ont protesté contre ce courrier spontané.

26) Par pli recommandé du 13 décembre 2011 adressé au conseil de M. X______, le juge délégué a informé celle-ci que le rapport relatif à l’entretien d’évaluation de M. A______ du 18 janvier 2010, de même que celui concernant l’entretien de service de M. A______ du 31 août 2010 et les pièces produites à cette occasion, devaient être soustraits à la consultation de M. X______, en raison des intérêts privés prépondérants de M. A______ d’une part, ces documents n’étant pas nécessaires à l’établissement des faits reprochés à M. X______ d’autre part. En revanche, il a été donné accès au conseil de M. X______ au certificat médical concernant M. A______, aux photographies et à une déclaration, qui ne se trouvaient pas dans la procédure pénale P/14253/2010, transmise par le Procureur général, mais ces documents étaient sans intérêt, puisque M. X______ avait été acquitté.

Enfin, il était porté à la connaissance du conseil de M. X______ que le 10 mars 2011, le directeur général des HUG avait prononcé à l’encontre de M. A______ une suspension de l’augmentation de traitement pendant trois ans. La plainte pénale déposée par M. X______ contre M. A______ avait été classée le 18 octobre 2010. Quelle que soit l’activité professionnelle de M. A______, l’organigramme produit par le conseil du recourant ne permettait pas de conclure que M. A______ avait été transféré à la direction des systèmes d’information et les HUG n’avaient pas modifié leur position par rapport à M. X______.

Cette décision a été signifiée par pli recommandé et n’a pas fait l’objet d’un recours, de sorte qu’elle est devenue définitive.

27) Le 26 mars 2012, le conseil de M. X______ s’est enquis auprès de la chambre de céans de savoir si une décision serait prochainement rendue, conformément aux exigences de l’art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

28) Le 28 mars 2012, le conseil des HUG a sollicité un délai pour faire part de la position de ceux-ci quant à d’éventuelles mesures d’instruction.

29) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A.15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C.424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C.514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

3) En l’espèce, le recourant demande la production d’un certain nombre de documents, tels les entretiens d’évaluation de M. A______, sans spécifier en quoi ceux-ci seraient pertinents pour l’issue du litige. Il sollicite de même l’audition d’un certain nombre de témoins, alors que les faits qui lui sont reprochés ont été établis d’une part par l’enquêteur administratif, et d’autre part par le TP, de façon contradictoire, le coup porté à M. A______ par M. X______ n’ayant jamais été contesté par celui-ci.

Il s’avère qu’il n’est ainsi pas nécessaire de procéder à l’audition des témoins requise par le recourant, la chambre de céans disposant du même pouvoir d’appréciation que l’autorité intimée s’agissant des questions ne relevant pas de l’opportunité (art. 61 al. 2 LPA), de sorte que l’éventuelle violation du droit d’être entendu qu’aurait commise cette dernière a été réparée dans le cadre de la procédure administrative.

De plus, il appartient, si nécessaire, à la chambre de céans de discuter les témoignages recueillis par l’enquêteur administratif, ainsi que le Tribunal fédéral l’a récemment jugé, sans que cela implique de réentendre ces mêmes témoins, ou d’en convoquer d’autres, sauf si la chambre de céans estimait que les dépositions verbalisées avant la procédure judiciaire avaient moins de poids que des déclarations faites en justice (Arrêt du Tribunal fédéral 8C_907/2010 du 8 juillet 2011), ce qui n’est pas le cas en l’espèce, les témoins n’ayant pas varié au gré de leur audition.

La dernière requête présentée le 28 mars 2012 par les HUG quant à d’éventuelles mesures d’instruction sera écartée, la cause étant en état d’être jugée et le recourant ayant sommé la chambre de céans de statuer.

4) Fonctionnaire des HUG, M. X______ est soumis à la LPAC et au statut du personnel de cet établissement public autonome (art. 1 al. 1 let. e LPAC).

5) A teneur de l'art 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

a) prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1°le blâme ;

b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'Etat, d'entente avec l'office du personnel de l'Etat ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par le secrétaire général du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement, par le directeur général :

2°la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée,

3°la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ;

c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'Etat ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par la commission de gestion du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

4°le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans,

5°la révocation.

6) a. Les devoirs du personnel sont énumérés aux art. 20 ss RPAC. L'art. 20 RPAC prévoit que les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'Etat et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. Ils se doivent par leur attitude d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (art. 21 let. a RPAC). Ils doivent justifier et renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (art. 21 let. c RPAC). Dans l'exécution de leur travail, ils se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1), de respecter leur horaire de travail (art. 22 al. 2) et de s'abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail (art. 22 al. 3 i.f.).

b. Selon la jurisprudence, les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur (ATA/320/2010 du 11 mai 2010 ; ATA/662/2006 du 12 décembre 2006, consid. 4 et les références citées ; voir aussi Arrêt du Tribunal fédéral 1P.133/2003 du 8 février 2005, consid. 6.1). En cas de révocation, l'existence d'une faute grave est exigée (ATA/531/2011 du 30 août 2011).

7) En l’espèce, il est établi par les pièces du dossier qu’au cours de la réunion de travail du 16 juillet 2010, à laquelle participaient MM. A______, X______ et B______, une divergence a opposé les deux premiers. Quelles que soient les raisons de ce différend, M. X______ a frappé au visage M. A______, même si pénalement, le TP a considéré qu’il se trouvait en état de légitime défense putative, ce qui constituait un fait justificatif extralégal, raison pour laquelle il a acquitté l’intéressé du chef de lésions corporelles simples.

De jurisprudence constante, le juge administratif ne peut s’écarter d’un jugement pénal que s’il est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait que le juge pénal ne connaissait pas ou qu’il n’a pas prises en considération, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si ce dernier n’a pas élucidé toutes les questions de droit (ATA/719/2010 du 19 octobre 2010 et la jurisprudence citée). En l’espèce, le TP a établi les faits et conclu que le recourant avait commis des lésions corporelles simples. L’appréciation juridique de l’état de légitime défense putative lie la chambre de céans, mais celle-ci n’est pas tenue par les conséquences juridiques qu’en a tirées le TP. Le recourant a commis une faute qui peut être qualifiée de grave, car il est inadmissible que, dans le cadre d’une réunion professionnelle, destinée à éclaircir des divergences, un collègue frappe l’autre, ce qui contrevient non seulement aux règles les plus élémentaires de courtoisie, mais aux devoirs de service et nuit à un climat de travail qui devrait être propice à l’efficacité du travail à accomplir. Enfin, une telle attitude n’est pas compatible avec la loyauté et la diligence que tout employeur est en droit d’attendre de ses collaborateurs, de même qu’avec la considération dont doivent jouir les employés d’une collectivité publique. Un tel comportement constitue une violation fautive des art. 20 et 21 let. a et c RPAC et est passible d’une sanction.

8) En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/320/2010 déjà cité ; ATA/395/2004 du 18 mai 2004 ; ATA/102/2002 du 19 février 2002).

9) Reste à examiner si l'autorité n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en prononçant la révocation plutôt qu'une autre sanction disciplinaire. En effet, l’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (V. MONTANI, C. BARDE, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, RDAF 1996, p. 347). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. A cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement du service et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121 ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b p. 306 ; ATF 97 I 831 consid. 2a p. 835 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c/bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références doctrinales citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P_133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATA/320/2010 déjà cité ; ATA/140/2006 du 14 mars 2006 ; ATA/648/2004 du 24 août 2004). Si les peines légères répriment des manquements bénins, les peines lourdes ne peuvent être prononcées que si le fonctionnaire s'est rendu coupable d'une infraction unique mais spécialement grave ou s'il a commis un ensemble de transgressions qui, prises isolément, ne seraient pas graves, mais dont la gravité résulte de leur répétition (ATA/531/2011 déjà cité ; ATA/21/2010 du 19 janvier 2010 ; ATA/34/2006 du 24 janvier 2006 et les références citées).

10) Toute sanction disciplinaire présuppose une faute de la part du fonctionnaire. Alors qu’en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d’une telle diversité qu’il est impossible que la législation en donne un état exhaustif (G. BOINAY, op. cit., p. 27, § 50 ; P. MOOR, Droit administratif, Volume III, 1992, p. 240 n. 5.3.5.1.). Tout agissement – manquement ou omission – dès lors qu’il se révèle incompatible avec le comportement que l’on est en droit d’attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut engendrer une sanction (ibid.). Contrairement au droit pénal, la négligence n’a pas à être prévue pour être punissable (V. MONTANI, C. BARDE, op. cit., p. 349 et les références doctrinales citées).

La gravité objective de la faute doit s’apprécier en fonction des conséquences qu’elle a eues pour le bon fonctionnement de l’institution à laquelle appartient le fautif. Subjectivement, la sanction doit être choisie en tenant compte de la personnalité du coupable, de la gravité de la faute, des mobiles, des antécédents, des responsabilités et de la position hiérarchique des fonctionnaires, afin qu’elle soit de nature à éviter une récidive et à amener le fautif à adopter à l’avenir un comportement conforme à ses devoirs professionnels (ATA/174/2009 du 7 avril 2009 ; G. BOINAY, op. cit., p. 55, § 115 et les références citées).

11) Dans des causes concernant des sanctions disciplinaires, la chambre de céans s'est prononcée comme suit :

- confirmation de la révocation d’un fonctionnaire qui consultait des sites pornographiques depuis son poste de travail, non sans avoir pris la peine de sauvegarder sur son disque dur des images à caractère pédophile (ATA/496/2006 du 19 septembre 2006) ;

- confirmation de la révocation d’une fonctionnaire d’un EMS au vu de la répétition de comportements inacceptables envers les collègues durant dix ans, malgré de nombreux avertissements et rappels à l’ordre et nonobstant l’excellence du travail effectué (ATA/21/2010 du 19 janvier 2010) ;

- confirmation de la révocation d’un fonctionnaire auquel étaient reprochés des violations de devoirs de service et d’autres comportements, notamment des relations intimes entretenues avec des fonctionnaires du service, comportements de nature à déstabiliser un service lorsque ces derniers impliquaient comme en l’espèce une relation de travail extrêmement étroite (ATA/39/2010 du 26 janvier 2010) ;

- confirmation de la révocation d’un fonctionnaire consultant fréquemment et régulièrement des sites érotiques et pornographiques depuis son poste de travail malgré une mise en garde préalable et nonobstant la qualité du travail accompli (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010) ;

- confirmation d’une mise à pied de deux semaines avec effet immédiat et suspension de traitement, ainsi qu’une rétrogradation définitive de trois classes de traitement d’un fonctionnaire auquel il était reproché de ne pas avoir entretenu de relations dignes et correctes avec ses collègues et d’avoir manqué de loyauté à l’égard de ces derniers (ATA/142/2011 du 8 mars 2011).

- confirmation de la révocation d’un fonctionnaire ayant insulté, menacé et empoigné un collègue dans un cadre professionnel (ATA/531/2011 précité).

12) En l’occurrence, M. X______ a frappé un collègue, en juillet 2010, dans un contexte professionnel. Il avait lui-même une fonction de cadre et occupait un poste à responsabilités, ce qui rend son comportement d’autant moins acceptable, quand bien même il n’avait aucun antécédent jusqu’alors. Selon une jurisprudence constante elle aussi, les difficultés relationnelles d’un collaborateur peuvent conduire respectivement, à son licenciement, voire sa révocation, quand bien même ses compétences techniques ou professionnelles ne seraient pas en cause (ATA/389/2011 du 21 juin 2011 ; ATA/34/2006 du 24 janvier 2006 ; ATA/829/2005 du 6 décembre 2005 ; ATA/397/2005 du 31 mai 2005).

13) En considérant que la faute commise par l’intéressé était particulièrement grave pour les raisons précitées et en prononçant la sanction la plus grave également, soit la révocation, les HUG n’ont pas mésusé de leur pouvoir d’appréciation, le lien de confiance devant exister entre les parties ayant été irrémédiablement rompu. D’ailleurs, les HUG ont également prononcé une sanction à l’encontre de M. A______, ce qui démontre qu’ils ont tenu compte de toutes les circonstances du cas d’espèce.

14) En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mai 2011 par Monsieur X______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 23 mars 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nathalie Bornoz, avocate du recourant, ainsi qu'à Me Pierre Martin-Achard, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, M. Verniory, juges, M. Jordan, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :