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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1681/2022

ATA/1048/2022 du 18.10.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 21.11.2022, rendu le 30.05.2023, REJETE, 8D_9/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1681/2022-FPUBL ATA/1048/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 octobre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assaël, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1981, a été engagé le 1er septembre 2006 pour un an, à l’épreuve, à la fonction de gendarme. Il a été nommé appointé le ______2011, puis promu successivement caporal le ______2007 et, sous condition, sergent le ______2020.

2) Il a durant sa carrière fait l’objet de plusieurs évaluations de compétences pouvant être globalement qualifiées à tout le moins de très bonnes, en dernier lieu le 14 décembre 2020, pour la période du 1er mars 2019 au 15 décembre 2020, et a reçu 18 « félicitations », 5 « initiatives », 10 « investigations » et 3 « plus-value ». Il a également fait l’objet de lettres de félicitations, saluant son professionnalisme, son savoir-faire, son esprit d’initiative, sa persévérance, son dévouement, son engagement et sa plus-value pour l’image de la police, les 24 septembre et 24 novembre 2014, 22 et 27 janvier 2015, 8 avril 2015, 9 février et 9 juin 2016 et 18 novembre 2019.

3) Le 1er août 2017, au matin, plusieurs patrouilles de police, dont l’une composée de M. A______ et de l’appointé B______, ont pris part à la poursuite d’une voiture immatriculée en France dans laquelle se trouvaient six personnes. Ce véhicule circulait depuis le canton de Vaud en direction de Genève et son conducteur avait commis de multiples infractions à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). Il avait notamment zigzagué et effectué des freinages sur l’autoroute. Il avait risqué de renverser un cycliste circulant normalement. Il avait heurté à deux reprises le flanc d’un véhicule de police.

Après avoir franchi la frontière, à Perly, vers 07h20, le conducteur du véhicule en avait perdu la maîtrise dans la commune française de Saint-Julien-en-Genevois (ci-après : Saint-Julien). Une autorisation de poursuite avait été accordée aux patrouilles par la centrale d’engagement, de coordination et d’alarme (ci-après : CECAL), via le centre de coopération policière et douanière (ci-après : CCPD). La poursuite avait été particulièrement dangereuse dans la rue principale du centre-ville étroit de cette commune, quand bien même l’heure était encore matinale.

4) Le jour même à 15h33, Monsieur C______, commandant du groupement de la Haute-Savoie, a écrit un courriel à la commandante de la police s’agissant de cette poursuite transfrontalière s’interrogeant, en substance, sur son opportunité.

La poursuite avait été particulièrement dangereuse dans la rue principale du centre-ville étroit de cette commune et de nature à faire courir un risque important aux civils. Le bilan, qui n’était heureusement que matériel, à savoir l’endommagement d’un véhicule civil de tiers, qui aurait été percuté en Suisse, la destruction des véhicules des mis en cause ainsi que de la police cantonale, de même que de mobilier urbain, témoignait du caractère dangereux de cette poursuite.

Seul le conducteur du véhicule impliqué avait été placé en garde à vue, pour conduite sous alcoolémie et stupéfiants, avec refus de se soumettre au dépistage. Son profil était bien connu de la police française, avec 21 interventions au fichier des antécédents.

Les risques pris lors de cette intervention semblaient disproportionnés au regard des infractions en cause. « En poursuite ou pas, les collaborateurs de la police cantonale avaient commis sur [sic] France tout ou partie, au moins, les infractions suivantes : mise en danger d’autrui par mépris d’une obligation de prudence, vitesse inadaptée en raison des circonstances, défaut de maîtrise du véhicule, dégradation de biens publics. C’est vrai, le véhicule fuyard a[vait] commis les mêmes infractions, pour autant cela n’excus[ait] pas tout ».

La police française devrait « en rester là » ; les dégâts causés passeraient par pertes et profits ; elle verrait avec le procureur de Thonon-les-Bains (ci-après : Thonon) d’une part et la mairie de Saint-Julien d’autre part.

5) Le 2 août 2017 à 09h01, M. C______ a remis à la commandante de la police, en annexe à un courriel, des images issues des caméras de vidéosurveillance de Saint-Julien sur lesquelles apparaissaient certains des fuyards et des policiers genevois.

Il faisait part de son embarras quand il voyait la réaction des agents, notamment l’un des hommes, l’amenant à se poser encore plus de questions sur la proportionnalité, considérant en fait que certains avaient carrément « pété les plombs ». Même sans usage, les armes avaient été sorties, alors que visiblement la menace ne le justifiait pas. Des violences avaient été exercées sur des individus au sol et/ou menottés. Les images de la place de La Libération étaient édifiantes. L’individu était menotté, ne se rebellait pas et il en « pren[ait] pour son grade » par deux agents masculins. Les images de la Grand-Rue montraient le violent coup de pied apparent porté à un individu visiblement au sol. « Cela se pass[ait] de tout commentaire ».

Les fuyards ne déposaient pas plainte. Le parquet de Thonon ne s’autosaisirait pas. Le dossier était clos. Il semblait toutefois évident qu’une « petite rectification » des agents impliqués était nécessaire.

6) Le 10 août 2017, la commandante de la police a transmis les échanges de courriels en question, de même que les images de la vidéosurveillance, à l’inspection générale des services de la police (ci-après : IGS) pour instruire cette affaire, sous la direction du Ministère public (ci-après : MP).

Selon le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : département), à partir de cet instant, une enquête pénale étant en cours, la commandante de la police a dû surseoir à toute instruction d’un point de vue administratif, au profit du pénal.

7) Il ressort d’un échange de courriels du 17 août 2017 entre le chef de l’IGS et le procureur général que le premier avait essuyé un refus du corps des gardes-frontière (ci-après : CGFR) d’obtenir « les passages des véhicules » poursuivis et poursuivants, au poste de frontière de Perly, ainsi que la main courante et tous documents utiles en lien avec les faits du 1er août précédent. Le commandement du CGFR avait besoin d’un ordre de dépôt pour transmettre ces renseignements, dès lors qu’ils se retrouveraient dans une procédure pénale. Le procureur général s’était offusqué de cette demande.

8) Le procureur général a, le 22 septembre 2020, apposé son « n’empêche » sur le rapport de l’IGS du 8 novembre 2018, accompagné des nombreuses annexes, dont les procès-verbaux d’audition de neuf policiers, parmi lesquels MM. A______ et B______.

9) Par arrêté du 14 mai 2021, le conseiller d’État en charge du département a ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. A______ en lien avec les faits du 1er août 2017.

Il ressortait du rapport de l’IGS précité que MM. A______ et B______, occupant la voiture de service 177, avaient repéré le véhicule des fuyards à la hauteur du feu de signalisation situé au 70, route de Saint-Julien, à Lancy. Une interception avait alors été tentée, sans succès. Deux autres véhicules de service s’étaient joints à la poursuite. Une quatrième voiture avait tenté de faire un barrage, à nouveau en vain. Durant le trajet, deux heurts sur le flanc avaient eu lieu entre la voiture 177 et le véhicule des fuyards ; une collision de celui-ci avec un cycliste, puis un motocycliste, avait été évitée de justesse. Dans le centre de Saint-Julien, le conducteur du véhicule poursuivi en avait perdu la maîtrise, avait heurté un poteau métallique puis un terre-plein, avant de percuter le véhicule 177, ce qui avait mis fin à sa course.

Après avoir été auditionné une première fois par les autorités françaises, M. A______ l’avait été par l’IGS le 22 novembre 2017, en qualité de prévenu. Il avait alors indiqué notamment que vu les risques pris par le conducteur du véhicule, ils avaient été confortés dans leur première idée, à savoir que les fuyards étaient des braqueurs. Une fois le véhicule des fuyards immobilisé, leurs occupants en avaient ouvert les portières et le chauffeur avait pris la fuite. Ces derniers avaient été appréhendés avec difficulté, l’un d’eux n’ayant été retrouvé que plus tard.

Il s’était rendu sur la place de La Libération pour prêter main-forte à une collègue. Ils avaient été contraints d’utiliser la force, de façon proportionnée, au vu de la forte résistance de ces individus et de leur crainte qu’ils soient armés. Il ignorait pourquoi il avait omis de mentionner l’usage de la force dans le rapport de renseignements.

L’IGS avait relevé que, s’agissant de l’interpellation intervenue à la Grand-Rue, M. A______ n’avait pas parlé, avant que les images de la vidéosurveillance ne lui soient présentées, du coup de pied donné à un individu arrêté, après que son collègue B______ lui eut asséné cinq coups de poing, Il avait alors expliqué que son acte était destiné à faciliter le passage des menottes par son collègue B______.

Plus tard, au niveau de la place de la Libération, il avait saisi un individu maîtrisé par une collègue, l’avait relevé en le tenant par les menottes puis, après quelques pas, l’avait saisi par le cou au moyen de son avant-bras droit et l’avait tiré en arrière et sur la gauche.

Il lui était aussi reproché d’avoir sorti son arme alors qu’il n’était pas en état de légitime défense.

Une procédure pénale avait été ouverte à son encontre pour abus d’autorité (art. 312 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]) et violation grave à la LCR.

S’ils se vérifiaient, les manquements reprochés pourraient justifier une sanction disciplinaire.

10) Par décision du 10 septembre 2021, le procureur général a constaté que les conditions à l’ouverture de la poursuite n’étaient pas réalisées, ce qui conduisait au refus d’entrer en matière (art. 310 al. 1 let. a du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 [CPP - RS 312.0]). Le procureur de la république de Thonon avait indiqué, par courrier du 28 juillet 2020, que les faits en cause ne lui avaient pas été dénoncés et qu’il n’entendait pas s’en saisir. Dans ces conditions, le procureur général estimait que le principe de territorialité de l’art. 3 CP devait prévaloir et qu’il n’appartenait pas aux autorités pénales suisses de se substituer à leurs homologues français, en application de l’art. 7 CP.

11) Il ressort du rapport d’enquête administrative du 9 décembre 2021 que M. A______ avait, le 1er août 2017, dans des circonstances certes particulières mais qu’il était censé maîtriser, participé à l’accroissement des risques pour le public par l’intensité d’une poursuite engagée sur sol helvétique mais poursuivie en milieu étranger et urbain, cet accroissement ressortant de sa responsabilité puisqu’il conduisait le premier véhicule poursuivant et avait en tout temps eu la possibilité de réduire son allure ou d’interrompre la course. Il avait ensuite fait preuve d’un excès répété de brutalité et outrepassé les techniques usuelles d’arrestation, de surcroît à l’étranger. Il n’avait par ailleurs pas pris la mesure des aspects inappropriés de son comportement, puisqu’il persistait à considérer avoir agi avec proportionnalité. Toutefois, son coup de pied à l’individu au sol, alors maîtrisé par son collègue, et son intervention pour relever Monsieur D______, n’étaient pas indispensables. Le premier coup ne pouvait être considéré comme un atémi et son intervention subséquente était inutile, ses collègues maîtrisant M. D______. Il avait masqué la réalité à l’occasion de sa première déclaration à la police française et dans son rapport au MP et la vérité n’avait pu être établie que par l’apport des images de vidéosurveillance.

Ces manquements étaient avérés. Leur accumulation était étonnante en si peu de temps et constitutifs d’un comportement fautif.

Toutefois, au-delà de ces considérations, il apparaissait un fonctionnaire de police exempt de reproches, apprécié de ses collègues et de sa hiérarchie, ayant une influence positive sur ceux-là, n’hésitant pas se montrer volontaire et à faire profiter les plus jeunes de son expérience. S’y ajoutait un nombre non négligeable d’actions remarquables, saluées par des félicitations. Les quatre ans écoulés depuis les faits, sans reproches portés à la connaissance de l’enquêteur, devaient aussi lui profiter et constituer un élément de modération de l’appréciation de son comportement le 1er août 2017.

12) Le secrétariat général du département a, par courrier du 25 janvier 2022, fait savoir à M. A______ qu’après avoir pris connaissance du rapport et du dossier d’enquête administrative, tant la course poursuite transfrontalière que l’utilisation de l’arme de service sur le sol français n’étaient plus considérées comme des violations des devoirs de service. En revanche, tel était potentiellement le cas des comportements adoptés à la Grand-Rue et à la place de La Libération, de même que l’absence de mention de l’usage de la force dans le rapport d’arrestation du 1er août 2017. Le prononcé d’une sanction, sous la forme d’une réduction de son traitement pour une durée allant de 1 à 3 ans, était envisagé.

13) Faisant usage de son droit d’être entendu le 28 février 2022, M. A______ a exposé que la procédure devait être classée dans la mesure où la prescription disciplinaire était atteinte depuis près de 3 ans. Elle devait l’être pour le second motif que les vidéos sur lesquelles l’enquêteur s’était exclusivement basé avaient été transmises par la police française à la commandante de la police en dehors de tout cadre légal. De plus, les dires de M. D______ à l’IGS lors d’un entretien téléphonique, sans prise de procès-verbal signé et uniquement résumés, ne pouvaient être invoqués.

Il existait une inégalité de traitement incompréhensible dans la mesure où il était le seul, avec M. B______, à avoir fait l’objet d’une enquête administrative, alors que la réalité des faits aurait commandé qu’il n’y ait aucune enquête administrative à leur encontre. Des affirmations de l’enquêteur reflétaient une certaine partialité.

Aucune violation des devoirs de service ne pouvait lui être reprochée. Les images de vidéosurveillance, incomplètes, avaient été interprétées de manière erronée par l’enquêteur. Il n’était ainsi pas possible, sur la base de ces images, d’apprécier la résistance de la personne interpellée. De plus, une personne menottée pouvait très bien gesticuler, résister et représenter un danger. Contrairement aux suppositions de l’enquêteur, les policiers avaient eu toutes les raisons de penser que les fuyards étaient dangereux, à savoir des braqueurs, même s’ils n’avaient pas vu d’armes dans le véhicule au moment de la course-poursuite. Leur façon dangereuse de conduire, la volonté d’échapper à tout contrôle et le nombre de personnes dans le véhicule plaidaient dans ce sens, étant relevé que le conducteur avait été condamné à une peine d’une certaine importance, soit « d’un an ».

Il avait expliqué de manière cohérente la raison pour laquelle il n’avait pas mentionné la frappe de déstabilisation dans le rapport, à savoir dans la mesure où ce fait s’était passé en France. Il en avait en revanche parlé aux autorités dudit pays.

En tout état, la sanction envisagée serait disproportionnée compte tenu de son parcours exemplaire au sein de la police, d’autant plus qu’une double sanction se profilait, au vu du courrier de la commandante de la police du 3 février 2022, l’informant de son intention de retirer la promotion « sous condition » au grade de sergent, le rétrogradant à celui de caporal.

14) Dans un arrêté du 8 avril 2022, le conseiller d’État a prononcé à l’encontre de M. A______ une réduction de traitement de 3 % l’an, pour une durée de 2 ans, avec effet au 1er juin 2022.

Il avait, le 1er août 2017, « sévèrement » violé ses devoirs de service. Ces violations étaient d’autant plus graves qu’il bénéficiait d’une solide expérience de près de 11 ans en tant que policier, laquelle aurait dû lui permettre, même sous pression, de se montrer exemplaire, particulièrement vis-à-vis de ses collègues plus jeunes, présents. C’était à tort qu’il se plaignait d’une inégalité de traitement, dans la mesure où les autres policiers n’avaient pas porté de coups aux fugitifs ni fait usage de la contrainte de manière disproportionnée. Sa prise de conscience était insignifiante, dans la mesure où il persistait à prétendre, malgré les images de la vidéosurveillance, que tous les actes commis étaient justifiés par les circonstances.

À sa décharge, il n’avait aucun antécédent disciplinaire et ses états de service étaient excellents, étant relevé que ses évaluations de compétences étaient positives. Il fallait également tenir compte de l’ancienneté des faits « et de la situation particulière du cas d’espèce ».

15) M. A______ a formé recours contre cet arrêté par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 23 mai 2022. Il a conclu préalablement à ce que soit constatée la prescription de la responsabilité disciplinaire, à ce que soient écartées les images de vidéosurveillance précitées et à l’inexploitabilité du résumé de l’IGS des dires de M. D______. Il a conclu, au fond, à l’annulation de l’arrêté.

La prescription disciplinaire était acquise lors de l’ouverture de l’enquête administrative le 14 mai 2021 et a fortiori au moment de l’arrêté querellé. Il n’y avait pas eu de « procédure pénale portant sur les mêmes faits », ce qui ressortait du courrier du procureur général du 11 juin 2020 au procureur de la République de Thonon, qui aurait suspendu la prescription disciplinaire en vertu de l’art. 36 al. 3 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05). Ce dernier avait dit, le 28 juillet 2020, ne pas se saisir des faits, qui ne lui avaient pas été dénoncés, et aucune instruction pénale n’avait ensuite été ouverte, une ordonnance de non-entrée en matière ayant été rendue le 10 septembre 2021. La commandante de la police avait, au tout début du mois d’août 2017, été informée des faits et vu les images de vidéosurveillance auxquelles l’enquêteur se fiait, après avoir écarté les dépositions de l’administré et des témoins. Il serait contraire aux principes de la bonne foi et de célérité que d’accepter que le département, constatant que la commandante de la police n’avait rien fait, laissant le délai annal de la prescription disciplinaire s’écouler, considérant probablement qu’aucun reproche ne pouvait être fait aux policiers suisses, puisse en quelque sorte « rattraper » le dossier.

Aucune demande officielle, via une commission rogatoire ou un ordre de dépôt, n’avait été faite s’agissant des images relatives aux interpellations. Or, cette exigence ne relevait pas d’une prescription d’ordre. D’ailleurs, le procureur général avait délivré un ordre de dépôt pour les images du passage de la frontière. Le rapport d’enquête était basé exclusivement sur les vidéos des interpellations, des preuves illicites au sens de l’art. 141 CPP, ce qui devait également conduire à l’annulation de l’arrêté querellé. Il en était de même du résumé par l’IGS des dires de M. D______, non signé, qui ne pouvait être invoqué.

Son parcours à la police avait été exemplaire. Ses qualités étaient soulignées par ses collègues. Il avait de la peine à comprendre l’inégalité de traitement à l’égard de ses collègues qui n’avaient pas fait l’objet d’une enquête administrative, contrairement à lui et à son collègue B______. Il reprenait les affirmations de l’enquêteur reflétant une certaine partialité, de même que les éléments invoqués le 28 février 2022 en lien avec une absence de violation de ses devoirs de service, les circonstances dans lesquelles il avait établi son rapport et la disproportion de la sanction infligée.

16) Le département a conclu, le 26 juillet 2022, au rejet du recours.

Dans la mesure où l’IGS avait été saisie d’une tâche de police judiciaire et avait procédé à une large enquête, entendant notamment M. A______ en qualité de prévenu, une procédure pénale avait bien été ouverte, laquelle avait porté sur les mêmes éléments que ceux pour lesquels une procédure disciplinaire avait été initiée. La prescription disciplinaire avait donc été interrompue jusqu’à l’entrée en force de la décision de non-entrée en matière du procureur général du 10 septembre 2021, de même que pendant toute la durée de l’enquête administrative, de son ouverture le 14 mai 2021 jusqu’au rapport d’enquête du 9 décembre 2021. Dans la mesure où seul le chef du département était compétent pour prononcer une réduction du traitement, celui-ci n’avait pas pu avoir connaissance des faits litigieux avant le « n’empêche » du procureur général du 22 septembre 2020. En réalité, il n’en avait eu connaissance qu’au moment où il avait signé l’arrêté d’ouverture d’enquête du 14 mai 2021. La commandante de la police n’avait quant à elle pas connaissance, au moment de la réception des images de vidéosurveillance, de l’identité des policiers intervenus. De plus, dès la prise de connaissances desdites images, au vu des potentielles infractions pénales commises, elle n’avait pas d’autre choix que de se dessaisir du dossier au profit des autorités pénales. La situation aurait été différente si les collaborateurs concernés s’étaient dénoncés à leur hiérarchie, ce dont ils s’étaient abstenus. Dans ces conditions, il était étonnant que M. A______ se prévale du principe de la bonne foi.

Il se référait aux éléments développés dans l’arrêté querellé s’agissant de l’exploitabilité des images de vidéosurveillance. Deux policiers de l’IGS s’étaient rendus à la gendarmerie de Saint-Julien où ils s’étaient vu remettre, notamment par un lieutenant, 9 extraits de films en format mp4, 9 images en format jpg et 7 images en format png. Une transmission de documents avait donc eu lieu, d’autorité pénale française à autorité pénale suisse, de manière parfaitement officielle. Si une commission rogatoire ou un ordre de dépôt avaient été nécessaires, il allait sans dire que le procureur général l’aurait établi. Quoi qu’il en soit, l’absence de l’une ou l’autre de ces demandes ne remettait pas en cause la validité des pièces officiellement reçues. Enfin, les procédures et les autorités étaient différentes s’agissant de ces images de vidéosurveillance, respectivement de celles obtenues par le chef du CGFR. En tout état, l’intérêt public commandait que les images en question puissent être utilisées, au vu des graves violations des devoirs de service commises par M. A______.

Quant à la proportionnalité de la sanction, le fait d’avoir fait un usage disproportionné de la force, ou pire, frappé un individu maîtrisé, constituait les violations des droits de service les plus graves qu’un policier était susceptible de commettre. De tels agissements, gratuits, étaient parfaitement indignes de la fonction et totalement injustifiables, indépendamment du fait qu’ils soient hautement préjudiciables à l’image de la police. S’y ajoutait que M. A______ n’avait pas dénoncé les agissements de son collègue et avait établi un rapport contraire à la réalité.

17) Dans sa réplique du 24 août 2022, M. A______ a ajouté que les faits ayant donné lieu à la sanction s’étant déroulés 1er août 2017, le délai absolu de cinq ans était désormais échu, de sorte que la procédure disciplinaire devait être classée. Tel était également le cas de la prescription annale, le fait que certaines personnes aient été entendues par l’IGS ne signifiant pas qu’une instruction pénale avait été ouverte, du seul ressort du MP, selon l’art. 309 CPP. Au demeurant, si une telle instruction pénale avait été ouverte, le procureur général n’aurait plus pu rendre une ordonnance de non-entrée en matière et n’aurait pu que classer la procédure (art. 319 CPP). La commandante de la police avait immédiatement reçu la vidéosurveillance et pouvait le jour même faire identifier les policiers en question. Le prétendu dessaisissement en faveur de l’IGS n’y changeait rien.

Ce n’était pas parce que la vidéosurveillance aurait été transmise de policier à policier qu’il n’était juridiquement pas indispensable qu’une demande officielle, soit une commission rogatoire ou un ordre de dépôt, précède cette remise.

18) Lors d’une audience devant la juge déléguée le 3 octobre 2022 :

a. M. A______ a indiqué persister à contester le comportement ayant donné lieu à la sanction litigieuse.

Il était aisé pour la commandante de la police de savoir qui se trouvait dans un véhicule au moment d'une intervention. L’identité de policiers intervenant sur réquisition de la CECAL était connue de celle-ci, mais aussi du système informatique et de la main courante remplie le jour même, de retour au poste. La commandante de la police, à réception de la vidéo litigieuse, pouvait donc immédiatement connaître l'identité des divers policiers intervenus le 1er août 2017.

Deux mois après ce jour-là, il avait été nommé caporal, sans condition. Depuis 2020, il était chef de groupe et avait 8 hommes sous son commandement. Il avait aussi passé avec succès tant les examens l’amenant à être chef de groupe pour le maintien de l'ordre, que coach des stagiaires sortant de l'école de police.

b. Le représentant de la police a précisé qu'au moment de la réception de cette vidéo, la commandante de la police pouvait avoir accès à la main courante, soit le journal des événements, ou P2K, devenu Myabi, de même qu’aux informations détenues par la CECAL. Il ignorait si elle l'avait fait. Selon que les éléments pouvaient laisser entendre qu'un comportement pénalement répréhensible pouvait être intervenu, l'IGS était saisie par la commandante de la police, sans intervention du MP. Les éléments de l'enquête de l'IGS avaient donc été connus à son issue.

c. La représentante du département a expliqué, s'agissant d'une éventuelle « double sanction », la particularité du corps de police qui connaissait le plan de carrière, à savoir par promotion automatique, ou sur postulation. M. A______ avait été nommé sergent le ______2020, avec effet au 1er mars suivant. Il devait toutefois être confirmé dans ce grade après une année mais 24 mois au plus tard, à compter du 1er mars 2020. Il aurait dû être nommé sergent-chef, ce qui n'avait pas été le cas, vu cette affaire. L’annonce de la commandante de la police du 3 février 2022 d’une éventuelle rétrogradation signifiait que M. A______ ne serait plus sergent, mais caporal, ce qui ne constituait pas une double sanction. Il était probable que vu le temps qui s'était écoulé, il soit renoncé à prononcer une rétrogradation. Dans ce cas, M. A______ devrait encore passer un entretien d’évaluation et de développement du personnel (EEDP) pour vérifier l'atteinte des objectifs fixés avant d'être définitivement nommé sergent-chef de groupe.

d. À l’issue de l’audience, les parties ont déclaré être d'accord que la cause soit gardée à juger.

19) Il sera revenu pour le surplus ci-dessous sur leurs arguments et le contenu de la procédure dans la mesure nécessaire au traitement du recours.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la sanction disciplinaire infligée au recourant, soit une réduction de 3 % de son traitement pendant 2 ans, par décision de l'intimé du 8 avril 2022.

Le recourant soutient que l'action disciplinaire est prescrite, de sorte que ladite sanction devrait être annulée.

a. Depuis le 1er mai 2016, il est soumis à la LPol.

Aux termes de l'art. 36 al. 1 LPol, selon la gravité de la faute, diverses sanctions disciplinaires peuvent être infligées au personnel de la police dont la réduction de traitement pour une durée déterminée (let. c) et la dégradation pour une durée déterminée (let. d).

Le chef du département est compétent pour prononcer ces deux sanctions (art. 37 al. 2 LPol).

Le chef du département et le commandant peuvent en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative. La personne intéressée en est immédiatement informée (art. 38 al. 1 LPol).

b. La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la connaissance de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue pendant la durée de l’enquête administrative, ou de l’éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 36 al. 3 LPol).

L’art. 29 LPAC n’est pas applicable (art. 36 al. 4 LPol). Selon cette disposition, lorsque les faits reprochés à un membre du personnel relèvent également d’une autre autorité disciplinaire administrative, celle-ci est saisie préalablement (al. 1). Lorsque les faits reprochés à un membre du personnel peuvent faire l’objet d’une sanction civile ou pénale, l’autorité disciplinaire administrative applique, dans les meilleurs délais, les dispositions des art. 16, 21 et 27 LPAC, sans préjudice de la décision de l’autorité judiciaire civile ou pénale saisie (al. 2).

Dans l’arrêt ATA/36/2022 du 18 janvier 2022, la chambre de céans a procédé à l’interprétation de l’art. 36 al. 3 LPol retenant que dès lors qu’une ordonnance de non-entrée en matière avait été rendue sur les mêmes faits reprochés au recourant et lui ayant valu sanction disciplinaire que ceux visés dans un rapport de l'IGS, il était conforme à la volonté du législateur d'attendre l'issue de la procédure pénale pour ouvrir une enquête administrative, l'application de l'art. 29 al. 4 LPA étant désormais expressément exclue en cette hypothèse.

c. Concernant le dies a quo du délai de prescription, la chambre de céans a jugé de manière constante, dans des affaires où un fonctionnaire de police avait été sanctionné d'un blâme ou de services hors tours, que l'art. 37 al. 6 aLPol faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police – la commandante –compétente, sous l'ancien droit, pour prononcer chacune de ces sanctions (art. 36 al. 2 aLPol ; ATA/244/2020 du 3 mars 2020 consid. 8c et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral a rappelé qu'il n'est pas insoutenable de considérer que le délai d'une année de l'art. 37 al. 6 aLPol commence à courir à partir seulement du moment où l'autorité compétente pour infliger la peine disciplinaire apprend elle-même l'existence d'une violation des devoirs de service. À la nécessité pour l'administration d'agir sans retard, on peut opposer, de manière défendable, que la prescription d'un an ne peut pas dépendre du seul comportement du supérieur hiérarchique, qui peut commettre une erreur d'appréciation sur la gravité des faits ou qui, pour d'autres motifs, tarderait à informer l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.4, qui confirme l’ATA/652/2015 du 23 juin 2015).

Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a précisé qu’il était insoutenable de considérer que l’action disciplinaire ne commencerait à courir que lorsque l’autorité compétente pour le prononcé de la sanction, qui avait connaissance de la violation des devoirs de service et des motifs d’une condamnation pénale, se ferait envoyer le dossier complet de l’intéressé. En effet, ces démarches dépendaient d’elle seule et cela lui permettrait de repousser à sa guise le dies a quo de la prescription de l’action disciplinaire (arrêt du Tribunal fédral 8D_7/2021du 5 septembre 2022 consid. 3.4).

Dans l’ATA/215/2017 du 21 février 2017, la chambre administrative a considéré qu’à teneur de l'art. 16 al. 1 let. c LPAC, dès lors que la compétence de prononcer la révocation d'un fonctionnaire appartenait au Conseil d’État, c'était le moment où celui-ci, en tant qu'autorité disciplinaire, avait eu connaissance de la violation des devoirs de service et qu'il avait pu décider de la suite à donner au dossier que le délai de prescription avait commencé à courir. Elle a ainsi retenu que le Conseil d’État, autorité compétente pour prononcer la révocation, avait eu connaissance au plus tard au jour de la demande de constitution de l'État de Genève en qualité de partie plaignante auprès du MP, des différentes décisions rendues avant cette date et de l’échange de correspondance que le service ou le conseiller d'État en charge du département dont dépendait ce service avait eu avec l’employé (consid. 11e). De même, elle a retenu qu'en cas de révocation ou de transfert dans un autre emploi, prononcé du ressort du Conseil d'État, le dies a quo était la date à laquelle ce dernier et non le conseiller ou la conseillère d'État en charge du département concerné seulement avait connaissance des faits (ATA/741/2021 du 13 juillet 2021 consid. 6).

Dans l’ATA/1235/2020 du 8 décembre 2020, la chambre administrative a considéré que le délai de prescription d'un an figurant aux art. 36 al. 3 LPol et 27 al. 7 LPAC ne pouvait, avant le prononcé de la sanction, pas être interrompu mais uniquement suspendu.

Plus récemment, dans l'ATA/1301/2021 du 30 novembre 2021, la chambre administrative a examiné la question de la prescription de l'action disciplinaire dans le cas de manquements reprochés à une inspectrice principale adjointe de la police judiciaire. Le Conseil d'État avait, par arrêté du 4 août 2021, ordonné l'ouverture d'une enquête administrative sur la base d'un rapport de l'IGS du 11 avril 2018 et d'une ordonnance de classement du MP du 15 mars 2019. Dès lors que l'intégralité des faits justifiant l'ouverture de l'enquête administrative était évoquée dans ladite ordonnance, laquelle avait été, une fois définitive, communiquée à la commandante de la police, il fallait considérer que cette dernière avait connaissance des faits ayant conduit à l'ouverture de l'enquête administrative au mois d'avril 2019. Le délai de prescription était ainsi largement échu lors de l'ouverture de l'enquête administrative le 4 août 2021.

Par ailleurs, il a déjà été rappelé que, dans le cadre d'une action disciplinaire, le délai de prescription ne court pas pendant la procédure judiciaire (ATA/741/2021 précité consid. 9e).

d. La chambre de céans a déjà tranché que le délai de cinq ans devait être considéré comme un délai de prescription absolue, étant rappelé que la teneur de l’art. 37 al. 6 LPol était identique à l’art. 27 al. 7 LPAC et était entré en vigueur le 31 mai 2007. La modification intervenue ultérieurement avec l’entrée en vigueur au 1er mai 2016 de 36 al. 3 LPol était, en l’espèce, sans incidence. La chambre de céans a de même aussi déjà tranché le fait que le délai de prescription de cinq ans de l’art. 27 al. 7 LPAC pouvait être suspendu pendant la durée de l’enquête administrative (ATA/508/2022 du 27 mai 2022 consid.10 et références citées).

e. L’enquête administrative et donc la suspension du délai de prescription prennent fin par la remise à l’autorité du rapport de la personne chargée de l’enquête (arrêt du Tribunal fédéral 8C_281/2017 du 26 janvier 2018 consid. 5.4.1).

L’autorité administrative n’a pas besoin de mettre fin par un acte formel à l’enquête administrative (arrêt du Tribunal fédéral 8C_281/2017 précité consid. 5.4.4)

f. Après l’échéance du délai de prescription, la sanction d’une faute professionnelle n’est plus possible, même lorsqu’elle serait utile à la sauvegarde de l’intérêt général (arrêt du Tribunal fédéral 8C_281/2017 du 26 janvier 2018 consid. 5.4.5 ; Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in RJJ 1998 p. 26).

3) En l'espèce, l'approche de chacune des parties quant au décompte du délai de prescription d'un an de l'art. 36 al. 3 LPol diverge en lien avec la prise en considération de la durée de la procédure pénale au titre de motif de suspension de la prescription dans le cadre de l'action disciplinaire.

La notion d'enquête administrative n'est pas litigieuse. En revanche, se pose la question de savoir si le législateur envisageait une suspension systématique de la prescription de l'action disciplinaire en cas de procédure pénale, respectivement ce qu’il entendait par procédure pénale.

Lors des travaux législatifs visant la modification de la LPol, le législateur a clairement exprimé sa volonté de simplifier la pratique en cours jusqu'alors, afin d'éviter qu'une enquête administrative ne soit ouverte uniquement pour suspendre le délai de prescription dans l'attente du résultat de la procédure pénale. L'exclusion de l'application de l'art. 29 al. 4 LPAC à l'art. 36 al. 4 LPol confirme cette volonté d'attendre le résultat de l'éventuelle procédure pénale diligentée avant l'ouverture d'une enquête administrative. Le terme « éventuelle » ne signifie pas que la suspension ne court pas jusqu'au terme de la procédure pénale dans l'hypothèse où une cause de responsabilité disciplinaire apparaîtrait avant son terme. Ledit mot fait davantage référence au fait qu'une action disciplinaire n'implique pas nécessairement l'ouverture d'une procédure pénale, dès lors qu'une violation des devoirs de service ne présuppose pas la réalisation d'une infraction pénale. Par conséquent, selon le législateur, ce n'est que dans le cas où les faits justifiant une sanction disciplinaire font également l'objet d'une procédure pénale, que l'action disciplinaire est suspendue (ATA/36/2022 du 18 janvier 2022 précité et références citées).

In casu, l'ordonnance du MP de refus d’entrer en matière du 10 septembre 2021 porte sur les mêmes faits reprochés au recourant que ceux visés dans le rapport de l'IGS du 8 novembre 2018, soit son comportement lors de l’interpellation en France voisine de deux des six individus ayant pris place dans une voiture, au terme d’une course-poursuite et l’omission dans son rapport de l’usage de la force. La mention selon laquelle ladite ordonnance serait communiquée à la commandante de la police en application de l’art. 84 al. 6 CPP corrobore ce lien.

Compte tenu du fait qu'une procédure pénale portant sur les mêmes faits reprochés pénalement et disciplinairement au recourant était bien diligentée par l’IGS, dans le cadre de laquelle le recourant notamment a été entendu en qualité de prévenu, il était conforme à la volonté du législateur d'attendre l'issue de celle-ci pour ouvrir une enquête administrative, l'application de l'art. 29 al. 4 LPA étant désormais expressément exclue en cette hypothèse.

Il découle de ce qui précède que la prescription de l'action disciplinaire a été suspendue du 10 août 2017, date à laquelle la commandante de la police a transmis à l’IGS les courriels du commandant de la gendarmerie départementale de Haute-Savoie des 1er et 2 août 2017 s’interrogeant sur le comportement des policiers intervenus sur sol français, pour instruire cette affaire, sous la direction du MP, jusqu’à la décision du procureur général du 10 septembre 2021 précitée. Il y a lieu à cet égard de bien faire la distinction entre l’ouverture d’une procédure préliminaire pénale au sens de l’art. 300 al. 1 let. a CPP, effectivement intervenue en l’espèce par saisine de l’IGS, et un refus d’entrer en matière du MP au sens de l’art. 310 al. 1 let. a CPP au terme de l’enquête de police. Ainsi, la responsabilité disciplinaire du recourant n'était pas prescrite lorsque le conseiller d'État en charge du département a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative le 14 mai 2021. Elle ne l’était pas non plus au moment du prononcé de la sanction, le 8 avril 2022, moins d’un an s’étant écoulé, compte tenu des suspensions par les procédures pénales et d’enquête administrative, entre la connaissance des faits reprochés par le chef du département au plus tôt à compter du « n’empêche » apposé par le MP sur le rapport de l’IGS du 8 novembre 2020, et la décision querellée.

La prescription quinquennale était dans tous les cas respectée au moment de l’arrêté du 8 avril 2022.

Le grief du recourant sur ce point sera donc écarté.

4) Le recourant soutient que les images de vidéosurveillance du domaine public de Saint-Julien auraient été obtenues illégalement, de sorte qu’elles devraient être écartées de la procédure, de même que les documents établis sur leur base, lesquels seraient des preuves contaminées.

a. La LPA ne règle pas le sort des preuves obtenues illégalement. Pour la doctrine, la problématique doit être traitée en relation avec le principe du procès équitable inscrit à l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). et 6 § 1 la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Selon certains auteurs, les preuves obtenues par des moyens illégaux ne peuvent être utilisées que si elles auraient pu être recueillies d’une façon légale ou si un intérêt public important le justifie (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 239 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 297 ; ATA/583/2022 du 31 mai 2022 consid. 4a ; ATA/576/2014 du 29 juillet 2014 consid. 6a). D’autres précisent que les moyens de preuve obtenus sans respecter des prescriptions d’ordre doivent faire l’objet d’une pesée d’intérêts pour être exploités : il s’agit de mettre en balance, d’une part, l’intérêt public à la manifestation de la vérité et, d’autre part, l’intérêt de la personne concernée à ce que le moyen de preuve ne soit pas exploité (Christoph AUER, Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, 2008, ad art. 12 PA). D’autres, enfin, plaident pour une application analogique des règles très détaillées contenues à l’art. 141 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), lesquelles seraient l’expression du procès équitable selon l’art. 29 al. 1 Cst. (voir les références doctrinales citées au consid. 3.1 de l’ATF 139 II 95). En procédure civile, le législateur n’a pas renvoyé au système prévu pour la procédure pénale, mais a opté pour une formulation laissant au juge un large pouvoir d’appréciation. À teneur de l’art. 152 al. 2 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), le tribunal ne prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l’intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant.

b. S’agissant du Tribunal fédéral, il déduit du droit à un procès équitable l’interdiction de principe d’utiliser des preuves acquises illicitement (ATF 139 II 7 résumé in SJ 2013 I 179 ; ATF 136 V 117 consid. 4.2.2). L’exclusion de tels moyens n’est toutefois pas absolue, le juge devant opérer une pesée des intérêts en présence (ATF 131 I 272 consid. 4). Ces règles sont également applicables aux procédures régies par la maxime inquisitoire, telle la présente procédure (art. 19 LPA, qui parle à tort de maxime d'office). L’utilisation de moyens de preuves acquis en violation de la sphère privée ne doit en outre être admise qu’avec une grande réserve (ATF 139 II 7, résumé in SJ 2013 I 179 ; ATF 120 V 435 consid. 3b ; ATA/576/2014 précité consid. 6b).

c. L’art. 141 al. 4 CPP, entré en vigueur le 1er janvier 2011, prévoit que si un moyen de preuve est recueilli grâce à une preuve non exploitable, il n’est pas exploitable lorsqu’il n’aurait pas pu être recueilli sans l’administration de la première preuve. Selon le Tribunal fédéral, la seconde preuve n’est pas inexploitable lorsqu’elle aurait aussi pu être obtenue sans la première preuve illicite, avec une grande vraisemblance, compte tenu d'un déroulement hypothétique des investigations. Les circonstances concrètes sont déterminantes. La simple possibilité théorique d'obtenir la preuve de manière licite ne suffit pas (arrêt du Tribunal fédéral 6B_640/2012 du 10 mai 2013 consid. 2.1 ; ATF 138 IV 169 consid. 3.3.3).

d. L’art. 54 al. 1 CPP prévoit que le CPP ne règle l’octroi de l’entraide judiciaire internationale et la procédure d’entraide que dans la mesure où d’autres lois fédérales ou des accords internationaux ne contiennent pas de disposition en la matière.

Selon l’art. 67a de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale du 20 mars 1981 (EIMP - RS 351.1), l’autorité de poursuite pénale peut transmettre spontanément à une autorité étrangère des moyens de preuve qu’elle a recueillis au cours de sa propre enquête, lorsqu’elle estime que cette transmission : a) est de nature à permettre d’ouvrir une poursuite pénale; ou b) peut faciliter le déroulement d’une enquête en cours (al. 1). La transmission d’un moyen de preuve à un État avec lequel la Suisse n’est pas liée par un accord international requiert l’autorisation de l’office fédéral (al. 3). Toute transmission spontanée doit figurer dans un procès-verbal (al. 6).

En matière d'entraide pénale internationale, sous réserve de l'obligation faite aux autorités de consigner toute transmission spontanée dans un procès-verbal (art. 67a de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale du 20 mars 1981 [EIMP - RS 351.1]), le législateur a non seulement renoncé à édicter toute prescription de forme, mais a même envisagé la possibilité de communication informelle, téléphonique ou verbale, entre les autorités, de tels contacts informels restant dans la nature des choses (ATF 139 IV 137 consid. 4.6.1 ; arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2018.342-347 du 22 février 2019 consid. 3 ; RR.2013.203-204 du 28 février 2014 consid. 2.3.2 ; JdT 2015 IV p. 125, 142).

Selon l’art. 11 al. 1 du Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 8 novembre 2001 (RS 0.351.12) et X ch. 1 de l'Accord du 28 octobre 1996 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française en vue de compléter la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (RS 0.351.934.92), sans préjudice de leurs propres investigations ou procédures, les autorités compétentes d'une partie peuvent, sans demande préalable, transmettre aux autorités compétentes d'une autre partie des informations recueillies dans le cadre de leur propre enquête lorsqu'elles estiment que la communication de ces informations pourrait aider la partie destinataire à engager ou à mener à bien des investigations ou des procédures, ou lorsque ces informations pourraient aboutir à une demande formulée par cette partie en vertu de la Convention ou de ses protocoles.

5) En l’espèce, le comportement reproché au recourant et lui ayant valu la sanction litigeuse s’est déroulé sur le sol français, après que la police a eu l’autorisation du CCPD d’y intervenir dans le cadre d’une course poursuite commencée en Suisse. Les images querellées proviennent de caméras de vidéosurveillance installées sur le domaine public. Elles ont été exploitées, sans que le recourant n’y trouve rien à redire, dans le cadre de la procédure pénale instruite à son encontre ayant donné lieu à l’ordonnance de refus d’entrer en matière du procureur général du 10 septembre 2021 précitée. Le recourant y a d’emblée été confronté par l’IGS. Cette dernière a obtenu ces images de la commandante de la police qui les avait elle-même reçues en pièces jointes au courriel de son homologue français du 2 août 2017 précité.

Le recourant ne démontre pas que la transmission de ces images serait intervenue en violation du droit français ou du Protocole additionnel précité.

Il apparaît ainsi que c’est en toute légalité que les images querellées ont été obtenues, de sorte que c’est à juste titre que l’enquêteur puis l’autorité intimée se sont fondés sur elles pour parvenir au prononcé de la sanction litigieuse. C’est également à juste titre que l’autorité intimée a considéré dans la décision attaquée qu’il n’était pas nécessaire de déterminer si les déclarations de M. D______ étaient ou non exploitables, puisque les images issues des deux caméras de vidéosurveillance renseignent suffisamment sur le comportement adopté par le recourant au moment de ses interventions successives à la Grand-Rue, puis à la place de la Libération, dans la commune de Saint-Julien, pour qu’il puisse en être fait abstraction.

Ce grief sera partant également écarté.

6) Le recourant conteste le principe de la sanction.

a. Le personnel de la police est soumis à la LPAC et à ses dispositions d’application, en particulier son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), sous réserve des dispositions particulières de la LPol (art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC).

Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Ils se doivent, par leur attitude, notamment d’établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (art. 21 let. b RPAC), ainsi que de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. c RPAC). Ils se doivent également de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un fonctionnaire, pendant et hors de son travail, a l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État. Il doit en particulier s’abstenir de tout ce qui peut porter atteinte à la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l’employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l’attention. Les exigences quant au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires. Sous peine de mettre en péril l’autorité de l’État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 consid. 3.2.2 et les références citées).

b. Selon l’art. 1 al. 1 LPol, le personnel de la police, en tout temps, donne l’exemple de l’honneur, de l’impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens. Il manifeste envers ses interlocuteurs le respect et l’écoute qu’il est également en droit d’attendre de leur part.

Le code de déontologie de la police genevoise (OS DERS I 1.01) vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police.

En qualité de serviteur des lois et de l'État, le policier se doit d'avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens. Les personnes interpellées sont sous la protection de la police et doivent être traitées avec décence, conformément aux droits fondamentaux reconnus à tout homme (art. 3 al. 1 et 5 OS DERS I 1.01). Les policiers doivent se comporter avec honneur, tact et honnêteté, non seulement dans l’exercice de leurs fonctions, mais aussi dans leur vie privée (OS 1 A 1c ch. 1).

Selon l’OS l 1.08 intitulé « usage de la contrainte », l’usage de la contrainte doit toujours être proportionnel à l’action la personne interpellée. Il doit être conforme aux lois et au code de déontologie. Il doit faire l’objet d’un rapport avec la description détaillée de l’attitude de la personne interpellée ainsi que de l’usage de la force employée à cette occasion.

c. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/137/2020 du 11 février 2020 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 55).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51).

d. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). La nature et la quotité de la sanction doivent être appropriées au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/998/2019 du 11 juin 2019 consid. 6b ; ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public – (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité consid. 3a ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

e. Dans sa jurisprudence pertinente pour trancher le cas présent de la chambre de céans a considéré que :

- quatre services hors tours étaient peu sévères pour sanctionner un sergent-major de la police de la sécurité internationale qui avait porté plusieurs claques, avec une certaine force, à une personne détenue devant être renvoyée, à tel point que ce geste avait heurté ses collègues présents et les avait conduits à stopper l’action de leur supérieur hiérarchique. En tous les cas, les coups portés n’étaient ni nécessaires à titre de mesure de protection, ni justifiés s’il s’agissait de calmer l’intéressé. L’absence de justification de ces actes était telle qu’elle avait conduit les subordonnés du recourant à en donner connaissance à leur hiérarchie directe (ATA/652/2015 du 23 juin 2015) ;

- neuf services hors tours étaient cléments dans le cas d’un policier qui avait porté plusieurs coups de pied à un prévenu placé sous sa protection, coups qui avaient laissé des rougeurs et des éraflures. Le policier avait également forcé un joueur de bonneteau à avaler une boulette de papier, le menaçant de la lui faire avaler s’il ne le faisait pas lui-même. Il avait enfin donné de légers coups de pied, puis tiré l’oreille d’un individu qui dormait dans un parc. Cette sanction était clémente, même si l’intéressé avait connu des moments difficiles, tant sur le plan privé que professionnel, avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés, avait pris des mesures pour éviter de les commettre à nouveau, n’avait pas d’antécédents et avait plusieurs fois exprimé des regrets (ATA/267/2013 du 30 avril 2013) ;

- une réduction de traitement de 5 % pour une durée d'un an, la disposition n'énonçant pas de limite dans la durée ou dans le pourcentage, apparaissait proportionnée au vu de la gravité de l'infraction commise et du comportement de l’intéressé lors de la procédure. Ce dernier avait été condamné par ordonnance pénale du MP pour abus d'autorité pour avoir, de concert avec un collègue, pris la décision de conduire un homme précédemment interpellé dans la campagne genevoise et de l'abandonner au petit matin, dans un lieu isolé, loin de toute habitation, au lieu de le libérer au poste de police après les contrôles d'usage, et ce dans le seul but de lui nuire. Il avait aussi intentionnellement complété la main courante de manière incorrecte en mentionnant qu’une personne interpellée avait été élargie des locaux, après les contrôles d'identité, alors que tel n'était pas le cas.

7) En l’espèce, le visionnement des images issues de caméras de surveillance permet de constater qu’à la Grand-Rue, le recourant a, à la minute 06 :51 :43, asséné un coup de pied à un prévenu maintenu au sol par son collègue B______, qui procédait à son interpellation et venait de lui asséner cinq coups de poing au visage. L’enquêteur ne peut qu’être suivi lorsqu’il retient que la nécessité de ce geste n’a pas été démontrée et que son aspect gratuit et fautif ressort à l’évidence desdites image. Le fait que le recourant n’ait pas fait mention dans son rapport à sa hiérarchie de ce prétendu coup de pied de déstabilisation, pour permettre à son collègue de menotter l’individu à terre, finit de convaincre d’un usage illicite de ses pouvoirs de policier. Cette omission constitue un manquement fautif supplémentaire.

Quant à l’interpellation de M. D______ à la place de La Libération, il ressort de la séquence filmée que ce dernier a été maîtrisé par deux collègues femmes du recourant (à 06 :52 :35), qui ont menotté l’interpellé dans le dos et l’ont relevé puis assis selon son état de nervosité. Le recourant est arrivé en courant (06 :52.55), s’est placé devant cet homme au sol, qui n’opposait alors aucune résistance, l’a relevé en le tirant par les menottes, induisant chez lui un réflexe de résistance passif, avant d’opérer une prise de cou et de lui imposer des secousses comme pour le remettre au sol (dès 06 :52 :59), soit autant de gestes excessifs et ne procédant d’aucune nécessité.

Vu ces images explicites, c’est aussi à juste titre que l’enquêteur a considéré qu’il fallait s’éloigner tant des déclarations du recourant que de ses collègues, dont celles de M. B______, auquel il a été reproché, dans ces mêmes circonstances, d’avoir asséné un coup de poing au visage de M. D______.

Le principe d’une sanction est donc avéré.

Quant à sa proportionnalité, l’autorité intimée doit être suivie lorsqu’elle considère que les violations des devoirs de service en question sont très graves, ce d’autant plus que le recourant a agi sur sol français, ce qui est de nature à mettre en péril la collaboration policière transfrontalière, et qu’il bénéficiait d’une solide expérience de près de 11 ans en tant que policier, laquelle aurait dû lui permettre, même sous pression, de se montrer exemplaire, particulièrement en présence de ses collègues, plus jeunes. À cet égard, c’est vainement qu’il se plaint d’une inégalité de traitement dans la mesure où lesdits collègues, à l’exception de M. B______ qui a également été sanctionné, n’avaient pas à l’être, puisqu’ils n’ont pas fait un usage inapproprié de la contrainte ni de la force, ce qui se voit sur les images des deux interpellations problématiques. Il faut admettre qu'au vu de la faute commise par le recourant, la sanction prononcée est proportionnée aux buts d'intérêt public visés, soit la protection des personnes se trouvant sous l'autorité des policiers, le bon fonctionnement du corps de police et la confiance que doivent pouvoir placer les citoyens dans les représentants de l'ordre.

La prise de conscience du recourant est inexistante, dès lors qu’il persiste à prétendre, devant la chambre de céans encore, malgré les images accablantes de la vidéosurveillance etdont il a vainement cherché à ce qu’elles soient écartées de la procédure, que tous les actes commis étaient justifiés par les circonstances.

L’autorité intimée dit avoir tenu compte à sa décharge de l’absence d’antécédents disciplinaires, de ses états de service qualifiés d’excellents et de l’ancienneté des faits sanctionnés.

Au vu de ces éléments, le prononcé de la sanction querellée est apte, d'une part, à faire prendre conscience au recourant de la gravité de ses actes et, d'autre part, à réparer l'image de la police.

Les conséquences, certes préjudiciables à l’intérêt du recourant, ne sauraient conduire à considérer la réduction de son traitement, de 3 %, comme disproportionnée, vu notamment la gravité des manquements, ce d’autant moins que cette sanction est d’une durée limitée à 2 ans.

Vu ce qui précède, le Conseil d’État n’a pas violé la loi, ni abusé ou mésusé de son pouvoir en prononçant la sanction en cause.

Le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige et compte tenu de l’ensemble des circonstances, notamment de l’audience de comparution personnelle des parties, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 mai 2022 par Monsieur A______ contre l’arrêté du conseiller d’État du 8 avril 2022

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2’000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :