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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/881/2013

ATA/376/2013 du 18.06.2013 ( PATIEN ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/881/2013-PATIEN ATA/376/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juin 2013

 

dans la cause

 

Monsieur H______
représenté par le groupe SIDA Genève, soit pour lui Madame Cornelia Tinguely, mandataire

contre

COMMISSION DU SECRET PROFESSIONNEL

 

et

Docteur V______, appelé en cause



EN FAIT

Monsieur H______, domicilié à Genève, a consulté au mois d’août 2012 le Docteur V______, pédiatre, pour un état de fatigue et des démangeaisons. A cette occasion, le Dr V______ a effectué une prise de sang, incluant un test pour le VIH, sans avoir informé son patient qu’il procédait à cet examen. Le résultat de celui-ci s’est avéré positif pour le VIH. Le Dr V______ en a informé M. H______ par téléphone, en l’invitant à se soumettre à une prise de sang supplémentaire, qui a été effectuée par un laboratoire et s’est également révélée positive pour le VIH.

Le Dr V______ a alors adressé M. H______ à la consultation d’infectiologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), qui a immédiatement prescrit à l'intéressé un traitement antirétroviral. Bien que le Dr V______ ait convoqué à plusieurs reprises M. H______, il n’a vu celui-ci qu’une seule fois. Le Dr V______ souhaitait pouvoir informer Madame H______ du résultat du test pour le VIH concernant son époux. Ce dernier s’y est opposé.

Le Dr V______ était également le médecin traitant des enfants du couple, ceux-ci étant nés en 1997, 1999 et 2007. Mme H______ n’était pas sa patiente. Souhaitant informer cette dernière, le Dr V______ s'était renseigné auprès des médecins des HUG, lesquels lui avaient déclaré qu’étant liés par le secret professionnel, ils ne pouvaient communiquer à Mme H______ leur diagnostic de VIH concernant M. H______. Il avait également consulté l’Association des médecins genevois, laquelle avait sollicité l’avis du médecin cantonal, et tous deux lui avaient conseillé de prendre contact avec la commission du secret professionnel (ci-après : la commission).

Le Dr V______ désirait transmettre à Mme H______ le diagnostic concernant son mari pour lui permettre de se faire traiter si nécessaire et éviter, si elle aussi porteuse du virus, qu’elle ne le transmette à d’autres personnes. Les enfants devaient également être soumis à des tests et, cas échéant, traités médicalement le plus rapidement possible, l’aîné ayant alors 16 ans. Or, il ne pouvait pas procéder aux tests sanguins sur les enfants à l’insu de leur mère.

Le 23 janvier 2013, le Dr V______ a saisi la commission d’une demande de levée de son secret professionnel pour les raisons précitées. Les époux H______ étaient en instance de divorce et M. H______ voulait obtenir la garde sur ses enfants. Dernièrement encore, il avait tenté en vain de convoquer ce patient pour connaître, en particulier, le nom du médecin traitant ou celui du gynécologue de Mme H______ afin de contacter ces confrères pour savoir si un test pour le VIH avait été pratiqué avant ou pendant les grossesses de celle-ci afin d’éliminer une éventuelle séropositivité des enfants.

La commission a convoqué M. H______ et le Dr V______ pour le 7 février 2013. Le Dr V______ ayant eu un empêchement, seul M. H______ a été auditionné. A aucun moment il n’avait été informé du fait que le Dr V______ avait procédé sur lui à des analyses pour le VIH, pour lesquelles son accord n’avait pas été requis. Au vu du diagnostic, il était dorénavant traité par un médecin des HUG.

Depuis novembre 2011, il vivait séparé de son épouse à la suite d’un jugement. Il avait demandé la garde sur les enfants, qui avait été confiée en l’état à sa femme. Lui-même n’avait pas cherché à savoir comment il était devenu séropositif. Il n’avait plus de rapports sexuels depuis six ans, ni avec sa femme, ni avec aucune autre. A sa connaissance, il n’avait pas eu, durant ces six années, de transfusion ou d’accident grave. Il avait indiqué au Dr V______ qu’il ne voulait pas révéler le diagnostic le concernant à son épouse avant d’avoir obtenu la garde sur ses enfants de peur que sa femme ne se comporte de manière inadéquate avec eux en raison de ce fait. La procédure devant le Tribunal tutélaire et le Tribunal de première instance se poursuivait. Le tribunal était dans l’attente d’un rapport complémentaire du service de protection des mineurs. Les deux aînés étaient des garçons et la cadette une fille. Lui-même serait d’accord de les amener à l’hôpital pour qu’ils soient soumis à des tests, et le cas échéant traités, mais il n’avait pas de contacts suffisants avec eux pour le faire. Il a répété qu’il s'opposait à ce que le Dr V______ communique à son épouse et à ses enfants qu’il était lui-même séropositif et lui a indiqué qu’il pouvait procéder sur ses enfants à des tests pour le VIH sans les en informer, comme il l’avait fait pour lui-même, et sans porter ces faits à la connaissance de son épouse.

La commission a entendu le Dr V______, seul, le 28 février 2013. Il a confirmé la demande adressée à la commission. Il ne pouvait pas procéder à des tests sanguins sur les enfants à l’insu de leur mère.

Par décision du 28 février 2013, la commission a décidé de lever le secret professionnel du Dr V______, en autorisant celui-ci à transmettre les renseignements pertinents de sa prise en charge médicale de M. H______, tels qu’il les avait décrits à la commission, à l’épouse de ce dernier. Cette transmission était nécessaire pour que Mme H______ puisse prendre les mesures adéquates afin de protéger sa santé et celle de ses enfants. Cet intérêt-ci l’emportait sur la protection de la sphère privée de M. H______. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours. Ladite décision ne faisait mention d’aucune disposition légale.

Par acte posté le 13 mars 2013, M. H______, représenté par le groupe SIDA Genève, soit pour lui une juriste titulaire du brevet d’avocat, a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif, à la production du dossier de la commission et à l’octroi d’un délai pour compléter le recours.

Principalement, M. H______ a conclu à l’annulation de ladite décision et à la condamnation de la commission en tous les dépens.

En septembre 2012, alors qu’il se trouvait dans un parc avec ses enfants, M. H______ avait reçu un téléphone du Dr V______ lui annonçant qu’il était séropositif. Il était complètement effondré par cette nouvelle, annoncée de manière abrupte, alors qu’il ne savait pas même qu’il avait été soumis à un test de dépistage. Il avait ensuite commencé le traitement qui lui avait été prescrit. Or, les médecins devaient respecter le secret professionnel instauré dans le but de protéger le patient et ses intérêts, en application des art. 87 al. 1 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) et 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

La décision de la commission n’était pas motivée car elle ne permettait pas de comprendre l’urgence d’informer Mme H______ de cette situation, la commission n’ayant pas examiné concrètement la situation, ni pris en considération les arguments de M. H______ pour s’y opposer, les seuls éléments consistant à ce que Mme H______ puisse prendre les mesures nécessaires afin de protéger sa santé et celle de ses enfants ne permettant pas de comprendre en quoi ces intérêts-ci devraient l’emporter sur le droit au respect de sa sphère privée.

La protection de la sphère privée était un droit fondamental garanti par la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). La levée du secret professionnel envers un tiers représentait une atteinte grave à cette garantie, à laquelle une restriction ne pouvait être apportée que si elle était absolument nécessaire pour atteindre le but poursuivi, apte à atteindre ce but et supportable par la personne concernée, ce que la commission n’avait pas examiné. Elle n’avait pas davantage étudié la question de savoir s'il existait une autre mesure moins incisive apte à protéger l’épouse. Le fait de divulguer à Mme H______ le diagnostic relatif à son mari, de manière abrupte, par téléphone ou lettre, était de nature à causer un grave préjudice à M. H______, mais également aux enfants du couple, au risque d’entraîner une rupture des relations entretenues jusqu’ici avec leur père. Mme H______ ne manquerait pas de prendre toute mesure pour empêcher ses enfants de voir leur père lorsqu’elle aurait connaissance de la séropositivité de celui-ci.

La décision attaquée ne respectait ainsi pas le principe de la proportionnalité et elle violait la garantie du respect de la sphère privée, de sorte qu’elle devait être annulée. Enfin, le droit d’être entendu de M. H______ n’avait pas été respecté. Celui-ci avait été entendu seul par la commission le 7 février 2013. Le Dr V______ avait été entendu, seul, le 28 février 2013. Le jour même, la commission avait statué et notifié sa décision aux parties, avant même que M. H______ ait pu se déterminer sur la teneur de l’audition du Dr V______.

M. H______ avait lui-même été informé de manière brutale par le Dr V______ du diagnostic le concernant. Il ne voulait pas que ce praticien transmette quelque information que ce soit à son épouse, qu’il aviserait lui-même. Si par impossible, la chambre administrative confirmait la décision attaquée, M. H______ demandait que ce soit un autre médecin que le Dr V______ qui prenne contact avec Mme H______ et respecte toutes les précautions qu’une telle situation nécessitait.

Par pli recommandé du 15 mars 2013, le juge délégué a appelé en cause le Dr V______ et lui a fixé, ainsi qu’à la commission, un délai au 25 mars 2013 pour déposer des observations sur effet suspensif et produire le dossier.

Le 25 mars 2013, la commission a repris l’exposé des faits. Dans sa décision, elle avait considéré que l’intérêt privé de l’épouse et des enfants à connaître le diagnostic de séropositivité de M. H______ primait l’intérêt et la protection de la sphère privée de ce dernier. Quant à la restitution de l’effet suspensif, elle ne pouvait intervenir que si le Dr V______ n’avait pas encore transmis à Mme H______ le diagnostic en question. Si cela avait été fait, la demande de restitution de l’effet suspensif était sans objet. Or, M. H______ ne donnait aucune indication sur ce point dans son recours. Si le Dr V______ n’avait pas encore communiqué les informations en question à Mme H______, la commission s’opposait à la restitution de l’effet suspensif, pour les raisons déjà indiquées. Il existait un intérêt public prépondérant à ce que Mme H______ et les enfants du couple puissent, sans délai, s’il s’avérait qu’ils étaient également séropositifs pour le VIH, prendre des mesures adéquates et éviter de transmettre le virus à des tiers.

Le Dr V______ ne s’étant pas déterminé dans le délai qui lui avait été imparti, un rappel recommandé lui a été envoyé le 28 mars 2013.

Le Dr V______ a répondu le 3 avril 2013 : « comme indiqué dans la décision relative à la demande de levée du secret professionnel, j’ai déjà informé l’épouse de Monsieur H______ afin qu’elle puisse prendre rapidement toutes les mesures nécessaires pour un contrôle de santé de leurs enfants et d’elle-même ».

Lorsqu’il avait reçu la décision de la commission, il avait informé Mme H______. Il était très difficile de communiquer avec elle car elle ne répondait à aucune convocation. Il avait préalablement dû demander à la commission la possibilité d’informer Mme H______ par téléphone et c’était ce qu’il avait fait. Selon les renseignements qu’il avait obtenus du service de protection de la jeunesse, Mme H______ ne donnait pas suite non plus aux convocations de ce service.

Ces réponses ont été transmises à M. H______. Au nom de celui-ci, le groupe SIDA Genève a, le 18 avril 2013, renoncé à ses conclusions sur effet suspensif, devenues sans objet. M. H______ persistait à requérir le dossier de la commission. Les circonstances dans lesquelles Mme H______ avait été informée par le Dr V______, soit par téléphone, étaient tout à fait inadéquates. M. H______ n’étant pas au courant du fait que sa femme avait été informée, celle-ci l’avait insulté. Il n’était pas possible d’imaginer les conséquences que cela pouvait avoir sur les enfants et sur le droit de visite de M. H______.

La commission ayant produit son dossier, et M. H______ ayant délié du secret professionnel le Dr V______ à l’égard de la juriste du groupe SIDA Genève, celle-ci a été autorisée à consulter ces documents. Un délai, prolongé à sa requête au 31 mai 2013, lui a été octroyé pour compléter son recours.

Le 16 mai 2013, M. H______, par la plume du groupe SIDA Genève, a indiqué qu’étant donné l’importance des questions soulevées par le recours, et l’association en question ayant effectué le versement de l’avance de frais, le groupe SIDA Genève souhaitait que cette affaire soit jugée, car elle revêtait une importance considérable en matière de test VIH pratiqué sans autorisation et/ou information du patient et de diagnostic annoncé par téléphone.

Le 31 mai 2013, le recourant a répété son argumentation, en critiquant la manière dont cette information avait été communiquée à Mme H______ et en relevant que personne ne savait dès lors si celle-ci et/ou les enfants s'étaient soumis à des tests de dépistage.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

C’est par le courrier du Dr V______, adressé le 3 avril 2013 au juge délégué, que ce dernier a eu connaissance du fait que ce praticien avait, dès réception de la décision querellée, informé Mme H______ du diagnostic relatif à son mari, comme il avait été autorisé à le faire, la décision prise le 28 février 2013 par la commission ayant été déclarée exécutoire nonobstant recours.

La demande de restitution de l’effet suspensif est dès lors devenue sans objet.

Comme l’exige l’art. 60 al. 1 let. b LPA, il convient d’examiner si M. H______ conserve un intérêt actuel, digne de protection, à ce que la décision prise le 28 février 2013 par la commission soit annulée.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 p. 44 ; 137 I 23 p. 24-25 consid 1.3 ; 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; ATA/245/2012 du 24 avril 2012 ; P. MOOR/E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449, n. 1367). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299 ; 136 II 101 consid. 1.1 p. 103). Si l'intérêt actuel fait défaut lors du dépôt du recours, ce dernier est déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 et ss. ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009) ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007).

La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 pp. 396, 398 ; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166 ; ATA/328/2009 du 30 juin 2009 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009).

Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours. Le Tribunal fédéral fait ainsi exceptionnellement abstraction de l’exigence d’un intérêt actuel, lorsque notamment, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 136 II 101 consid. 1.1 p. 103 ; 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; ATA/224/2012 du 17 avril 2012).

Ces conditions sont réunies en l'espèce, car la question soulevée est susceptible de se reproduire, non pour M. H______, mais pour un tiers, et elle revêt dès lors un intérêt public suffisamment important pour qu'elle soit tranchée, de sorte que le recours sera déclaré recevable.

Le recourant allègue une violation de son droit d'être entendu par la commission.

Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 p. 197 ; 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1 ; 8C_104/2010 du 29 septembre 2010 consid. 3.2 ; ATA/276/2012 du 8 mai 2012 consid. 2 et arrêts cités). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; Arrêts du Tribunal fédéral 5A_11/2009 du 31 mars 2009 ; 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Cst. qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; Arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, Genève-Zurich-Bâle 211, p. 509 n. 1526 ; A. AUER / G. MALINVERNI / M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, vol. 2, 2ème éd., p. 603 n. 1315 ss). Quant à l'art. 6 § 1 CEDH, il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (Arrêts du Tribunal fédéral 6B_24/2010 du 20 mai 2010 consid. 1 ; 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et arrêts cités).

Le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 II 286 consid. 5.1.p. 293 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_866/2010 du 12 mars 2012 c. 4.1.1 ; 8C_643/2011 du 9 mars 2012 c. 4.3 et réf. citées ; 1C_161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 5A_150/2010 du 20 mai 2010 consid. 4.3 ; ATA/276/2012 du 8 mai 2012 consid. 2 et les arrêts cités).

La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités ; Arrêts du Tribunal fédéral 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 3.1 ; 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid 4.3 ; 2D_36/2011 du 15 novembre 2011 consid. 2.1 ; 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, Genève-Zurich-Bâle 2011, p. 521 n. 1573).

La commission du secret professionnel, en qualité d'autorité administrative au sens de l'art. 5 let. g LPA, est appelée à rendre des décisions selon l'art. 4 LPA et doit appliquer la LPA.

Or, la commission a convoqué pour le 7 février 2013 le Dr V______ et M. H______, son patient. Le Dr V______ n'étant pas disponible le jour en question, elle a entendu M. H______ seul, sans spécifier en quelle qualité. Lorsqu'elle a reconvoqué le Dr V______ pour le 28 février 2013, elle a entendu ce dernier seul également, sans prier M. H______ de se présenter ce jour-ci pour lui permettre d'assister à l'audition de son médecin, comme il en avait le droit.

Tous deux étaient en effet parties à la procédure, au sens de l'art. 7 LPA, ce qui leur conférait le droit de participer à l'administration des preuves en application de l'art. 42 LPA et de consulter le dossier selon l'art. 44 LPA.

Après l'audition du Dr V______ le 28 février 2013, la commission devait, à tout le moins, pour respecter le droit d'être entendu de M. H______ consacré par l'art. 41 LPA, envoyer à ce dernier le procès-verbal de l'audition de son médecin et lui octroyer un délai pour s'exprimer à ce sujet. Au lieu de cela, elle a statué le même jour, en rendant une décision exécutoire nonobstant recours au seul motif qu'il était urgent que Mme H______ et les enfants du couple soient informés sans tarder du diagnostic en question pour prendre les mesures nécessaires destinées à protéger leur santé. Elle s'est bornée à indiquer de manière laconique que cet intérêt-ci l'emportait sur la protection de la sphère privée de M. H______, sans mentionner d'aucune manière les raisons de l'opposition de celui-ci liées à des relations conjugales conflictuelles et à une procédure pendante qui risquait de conduire à l'attribution de la garde sur les enfants du couple à Mme H______ plutôt qu'à lui-même, si la révélation de ce diagnostic était faite sans discernement.

La commission a ainsi commis plusieurs violations crasses du droit d'être entendu de M. H______, de sorte que la décision attaquée est pour ce motif contraire au droit.

Ladite décision ayant de plus été déclarée immédiatement exécutoire nonobstant recours et le Dr V______ ayant aussitôt informé Mme H______, la chambre de céans ne peut plus réparer les violations relevées ci-dessus.

Dès lors, l'examen du bien-fondé de la décision attaquée, lequel requerrait une instruction approfondie, a été rendu vain en l’espèce.

Les conclusions du recourant relatives au fait que le Dr V______ a procédé à un test de dépistage sans l'en informer et à la manière dont le Dr V______ a communiqué ce diagnostic à l'un et l'autre des époux - soit par téléphone - sont irrecevables, le litige étant circonscrit par la décision attaquée. Ces questions relèvent cas échéant de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, à laquelle une copie du présent arrêt sera transmise pour information.

Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument. Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à M. H______, à charge de l'Etat de Genève (art. 87 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2013 par Monsieur H______ contre la décision de la commission du secret professionnel du 28 février 2013 ;

au fond :

l’admet ;

constate que la décision de la commission du secret professionnel du 28 février 2013 est contraire au droit ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur H______, à charge de l’Etat de Genève;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur H______, représenté par le groupe SIDA Genève, soit pour lui Madame Cornelia Tinguely, mandataire, à la commission du secret professionnel, au Docteur V______, appelé en cause, ainsi que, pour information, au Président de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, MM. Thélin, Dumartheray et Verniory, juges, Mme Chirazi, juge suppléante.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :