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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4469/2007

ACOM/34/2008 du 02.04.2008 ( CRUNI ) , ADMIS

Résumé : Elimination ; bonne foi ; circonstances exceptionnelles
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/4469/2007-CRUNI ACOM/34/2008

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 2 avril 2008

 

dans la cause

 

Madame D______
représentée par Me Tirile Tuchschmid Monnier, avocate

contre

FACULTÉ DES SCIENCES éCONOMIQUES ET SOCIALES

et

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 

 

 

(élimination ; bonne foi ; circonstances exceptionnelles)


EN FAIT

1. Madame D______, née le ______ 1975, originaire du Burkina Faso, est immatriculée à l’Université de Genève (ci-après : l’université) depuis le semestre d’hiver 2004, inscrite en faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté ou SES) au sein de laquelle elle briguait une licence en relations internationales.

2. Titulaire d’un baccalauréat obtenu dans son pays d’origine sans pour autant disposer d’un titre jugé équivalent à un certificat de maturité fédérale, elle a été admise à titre conditionnel en premier cycle d’études en sciences sociales, lui imposant un délai de réussite du premier cycle en octobre 2005 au plus tard.

3. Au terme de la session d’automne 2005, Mme D______ a satisfait à la condition requise en réussissant son premier cycle d’études.

4. En deuxième cycle de la licence postulée à compter de l’année académique 2005-2006, l’intéressée a présenté des examens aux trois sessions d’hiver, été et automne, totalisant 48 crédits.

5. En raison de la réforme dite de Bologne, Mme D______ a rempli le 25 octobre 2006, à la demande de la faculté, un formulaire intitulé « Demande de changement de licence interne à la Facultés des SES » aux termes duquel elle briguait désormais un baccalauréat universitaire en relations internationales. L’avancement de son plan d’études lui donnait droit à diverses équivalences, portant aussi bien sur la première partie que la deuxième partie qui composent le baccalauréat en question.

Mme D______ était ainsi informée par lettre du 10 novembre 2006 émanant du doyen de la faculté, qu’elle bénéficiait de 102 crédits en équivalence sur les 180 requis et qu’elle était dispensée de quatre semestres sur la durée totale des études du baccalauréat avec délai d’obtention fixé à la session d’examens de septembre 2008 au plus tard. Elle devait acquérir un minimum de 30 crédits au cours de l’année académique 2006-2007, étant autorisée à s’inscrire à des enseignements de deuxième partie dont la validation des examens était subordonnée à la réussite de la première partie dont il lui restait par le jeu des équivalences à suivre un seul enseignement, soit « Introduction aux méthodes de la science politique ». Pour le surplus, les dispositions générales pertinentes prévues aux articles 8 à 24 du règlement d’études du baccalauréat universitaires étaient applicables.

6. Au cours de la session d’automne 2006, Mme D______ a présenté deux examens de deuxième partie qu’elle a réussis.

7. A la session suivante, de printemps 2007, l’étudiante était inscrite à quatre examens, dont trois de deuxième partie, mais n’en a finalement passé que deux, qu’elle a réussis également, étant pour le surplus absente aux deux autres, dont celui comptant pour la première partie, qui avait lieu le 14 juin.

8. Par relevés de notation première et deuxième parties du 6 juillet 2007, Mme D______ s’est vue exclue de la faculté, pour absence non justifiée lors d’une session d’examens.

9. Le 26 juin 2007, Mme D______ avait eu un entretien avec la conseillère aux études destiné à faire le point sur son plan d’études en deuxième partie du baccalauréat.

A cette occasion, elle avait transmis à cette dernière un certificat médical attestant une incapacité de travail de quatre jours au mois de mars 2007, tout en précisant avoir en réalité été malade durant plusieurs semaines.

La conseillère aux études avait ensuite confirmé à Mme D______, par courrier électronique, que les trois crédits attachés au cours de première partie « Introduction aux méthodes de la science politique A » étaient inclus dans les 30 crédits qu’elle devait réunir pour ne pas être exclue de la faculté.

10. Après être intervenue d’abord par le biais de son mari, étant absente de Genève à réception des relevés de notation, puis personnellement auprès de la conseillère aux études, Mme D______ a formé opposition contre la décision d’exclusion en date du 2 août 2007, joignant deux certificats médicaux, l’un du Docteur Pierre Monico, daté du 27 juillet 2007, mentionnant une incapacité totale de travail le 14 juin, jour de l’examen litigieux, et un autre des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) du 16 mars 2007, attestant d’un traitement et d’une incapacité de travail du 16 au 20 mars 2007.

Les étudiants avaient été informés au cours d’une séance de rentrée en octobre 2006 qu’une absence sans justification n’empêchait pas de se présenter à la session de rattrapage.

Forte de cette assurance, Mme D______ n’avait pas estimé nécessaire de demander un certificat médical pour justifier son absence à deux examens à la session de printemps 2007, alors qu’elle avait fait une fausse couche le 15 mars de la même année, qui l’avait perturbée psychologiquement, avant d’apprendre à fin avril au cours d’un contrôle gynécologique qu’elle était atteinte de l’hépatite B.

Elle avait même obtenu confirmation téléphonique, courant mai, qu’elle pouvait s’absenter sans justification des deux examens auxquels elle ne s’était pas présentée en raison de son état de santé attesté par certificat médical, alors que la conseillère aux études qu’elle avait consultée le 26 juin n’avait fait aucune allusion à sa prochaine exclusion de la faculté au cours de cet entretien.

Elle demandait en conséquence la reconsidération de la décision prise à son encontre.

11. Par décision du 16 octobre 2007, le conseil décanal a rejeté l’opposition.

Le certificat médical produit datait du 27 juillet 2007 pour un examen ayant eu lieu le 14 juin 2007 alors qu’il aurait dû être déposé dans les deux jours selon les dispositions réglementaires et non pour la première fois le 2 août 2007, à l’appui de l’opposition.

12. Le 6 novembre 2007, Mme D______ a eu un nouvel entretien avec la conseillère aux études pour savoir ce qui pouvait être entrepris, cette dernière lui conseillant de porter sa cause devant la commission de recours de l’université (ci-après : CRUNI).

13. Ayant constitué avocat, Mme D______ forme recours contre la décision sur opposition par acte du 16 novembre 2007.

Elle excipe d’une violation du droit d’être entendu issue de la motivation insuffisante en fait et lacunaire en droit de la décision sur opposition du 16 octobre 2007, d’une violation du principe de la protection de la bonne foi au regard des fausses informations qui lui ont été transmises, ainsi que de circonstances exceptionnelles qui n’ont pas été prises en considération.

Elle conclut avec suite de dépens, à l’annulation de la décision entreprise et à se voir autorisée à poursuivre sa formation au sein de la faculté.

Elle sollicite enfin sur mesures provisionnelles la restitution de l’effet suspensif, en raison de son cursus de deuxième partie déjà engagé et des examens qu’elle a réussis à ce titre.

14. L’université s’est opposée au recours.

Dans le cadre de la première partie du baccalauréat, la session d’examens de septembre était une session de rattrapage ne concernant que les étudiants qui avaient échoué à la session ordinaire directement consécutive à la fin de l’enseignement suivi. C’était donc à juste titre que Mme D______, qui ne s’était pas présentée au seul examen de première partie qui lui restait, avait été éliminée.

Pour le surplus, la base légale de la décision d’élimination n’avait certes pas été précisée dans la décision sur opposition, mais la décision d’admission au baccalauréat universitaire mentionnait clairement les dispositions qui lui étaient désormais applicables.

S’agissant de la question de la bonne foi, il ressortait du dossier que l’entretien du 26 juin 2007 entre la conseillère aux études et l’étudiante avait exclusivement porté sur la deuxième partie du baccalauréat et ses modalités.

La conseillère aux études avait ainsi compris des déclarations de Mme D______ qu’elle était en deuxième partie du baccalauréat, soumise à des règles spécifiques, sans pouvoir se douter qu’il lui restait en fait un examen de première partie à présenter. Dans ces conditions, il était contesté que des renseignements inexacts aient été communiqués à l’intéressée, laquelle avait sans doute procédé à une confusion quant à son statut exact dans le cadre du baccalauréat universitaire.

Enfin, la faculté n’avait pas à se prononcer sur d’éventuelles circonstances exceptionnelles, contestées en l’espèce, puisque l’opposition avait été rejetée au motif de la tardiveté du certificat médical.

15. Par décision présidentielle du 14 décembre 2007, la demande de mesures provisionnelles formée par la recourante a été rejetée au motif que les conclusions prises se confondaient avec celles qu’elle prend sur le fond (ACOM/106/2007).

EN DROIT

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 16 octobre 2007 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 88 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06 ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. a. A teneur de l’article 63D alinéa 3 LU, les conditions d’élimination des étudiantes et étudiants sont fixés par le RU, lequel dispose en son article 22 alinéa 2 que l’étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études (let. a) ou qui ne subit pas ses examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés (let. b), est éliminé.

b. Mme D______ est désormais soumise au règlement d’études 2006 de la faculté qui instaure notamment le baccalauréat universitaire en relations internationales (ci-après : REBU), lequel s’applique à tous les étudiants qui commencent leurs études après son entrée en vigueur, soit après le 1er octobre 2005. Les étudiants ayant commencé leurs études de relations internationales avant le 1er octobre 2005 restant soumis à l’ancien règlement d’études relatif à la licence en relations internationales (art. 25 al. 1 et 2).

Le baccalauréat universitaire en relations internationales est décerné conjointement par la faculté SES, la faculté de droit et la faculté des lettres. Il est divisé en deux parties permettant d’acquérir respectivement 60 et 120 crédits, soit 180 au total, d’une durée de six à huit semestres (art. 1 al. 2, 10 al. 1 à 4, 11 al. 1 REBU).

En matière de contrôle des connaissances, une session ordinaire d’examens est organisée au terme de chaque semestre et une session extraordinaire en automne pour les étudiants ayant échoué aux sessions ordinaires, absents pour de justes motifs ayant annoncé leur retrait, conformément à l’article 17 alinéa 2 du REBU.

Le retrait aux examens de la première partie est exclu (art. 13, 17 al. 1 REBU).

Est enfin exclu de la faculté, en particulier, l’étudiant qui, sans dispense ou sans motif valable, ne s’est pas présenté à la totalité des examens de première partie lors des sessions ordinaires (art. 21 al. 1 let. a REBU).

c. Ne s’étant pas présentée à l’examen de première partie « Introduction aux méthodes de la sciences politique A » lors de la session de printemps 2007, Mme D______ a été exclue de la faculté.

3. Invoquant en premier lieu une violation du droit d’être entendu pour défaut de motivation de la décision querellée, ce grief d’ordre formel sera examiné d’entrée de cause.

La recourante est en effet d’avis que les exigences en matière de motivation n’ont pas été respectées, la décision sur opposition ne faisant pas état de ses problèmes de santé pas plus que des informations erronées qui lui ont été transmises et n’indiquant pas la base légale sur laquelle repose cette décision.

a. L’article 14 alinéa 1 RIOR prévoit que la décision sur opposition est motivée en fait et en droit.

L’obligation de motiver une décision administrative dérive en effet du droit d’être entendu, garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), l’article 14 RIOR s’inscrivant dans le prolongement de cette disposition constitutionnelle.

b. Le droit d’être entendu implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision afin que le justiciable puisse la comprendre, et soit en mesure d’exercer ses droits de recours à bon escient (ATF/4A.225/2007 du 3 octobre 2007 ; ATF 2P.17/2007 du 23 août 2007 ; ACOM/103/2007 du 12 décembre 2007 ; ACOM/96/2007 du 21 novembre 2007).

Tant la doctrine que la jurisprudence admettent que la motivation d’une décision administrative ne doit pas nécessairement se trouver dans la décision elle-même ; elle peut par exemple découler d’une correspondance séparée. Il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (B. BOVAY, procédure administrative, 2000 p. 267 et ss ; AUER/ MALINVERNI/HOTTELIER, droit constitutionnel suisse, II, 2000, p. 615 ; ATF 2C_702/2007 du 28 janvier 2008 ; ATF 4A_190/2007 du 10 octobre 2007).

c. En l’espèce, la missive du doyen de la faculté à Mme D______ datée du 10 novembre 2006 précise expressément à la rubrique des remarques particulières que les dispositions générales pertinentes prévues aux articles 8 à 24 du règlement d’études du baccalauréat universitaire lui sont applicables.

La décision d’exclusion du 6 juillet 2007 est ainsi motivée : règlement : 2006. Exclusion de la faculté, absence non justifiée lors d’une session d’examens.

Dans sa lettre d’opposition, l’étudiante ajoute que si elle avait su qu’il était nécessaire de justifier son absence, elle aurait apporté un certificat médical.

La décision entreprise mentionne enfin que l’exclusion est motivée par une absence non justifiée à l’examen « Introduction aux méthodes de la science politique A » lors de la session d’examens du semestre de printemps 2007, alors qu’en application de l’article 16 alinéa 2 REBU, il appartenait à l’intéressée de présenter une requête écrite accompagnée des pièces justificatives dans les deux jours, d’autant qu’aux dires de son médecin, elle était pleinement apte au travail le lendemain de l’examen déjà.

Dans ces conditions, force est d’admettre que la recourante qui s’est vue reprocher de ne pas avoir justifié son absence à temps avait parfaitement compris la cause de son exclusion au stade de l’opposition déjà, quand bien même la disposition topique de l’article 21 alinéa 1 lettre a REBU, sur laquelle est fondée l’exclusion, n’a pas été mentionnée.

Le grief manque en conséquence singulièrement de substance et doit être rejeté.

4. La recourante se plaint ensuite d’informations erronées lui ayant été communiquées par l’université, qui l’aurait conduite à son exclusion de la faculté alors qu’elle était parfaitement en mesure de justifier son absence à l’examen litigieux de première partie si elle avait su y être tenue, consacrant ainsi une violation du principe de protection de la bonne foi.

a. Ancré à l’article 9 de la Constitution fédérale et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré, et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part. A certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger de l’autorité qu’elle se conforme aux promesses ou assurances qu’elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu’il a légitimement placée dans celles-ci (ATF 2P.134/2003 du 6 septembre 2004).

Ce principe protège la confiance placée par le justiciable dans les autorités desquelles il a reçu des assurances, celles-ci devant respecter les promesses faites. La jurisprudence soumet le droit à la protection de la bonne foi à la réalisation de cinq conditions dont la première est l’existence d’une promesse effective. En l’absence d’une assurance concrète, ce principe ne saurait être invoqué (AUER/ MALINVERNI/HOTTELIER, op. cit., n° 1117, 1122 et ss ; ACOM/89/2007 du 5 novembre 2007 ; ACOM/73/2005 du 1er décembre 2005).

La protection de la bonne foi de l’administré suppose encore que ce dernier n’ait pas été en mesure, même en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait exiger de lui, de reconnaître l’erreur de l’administration (ATF 6A.61/2006 du 23 novembre 2006).

b. Il ressort du dossier en mains de la CRUNI qu’une confusion s’est produite lors de l’entrevue de la recourante avec la conseillère aux études le 26 juin 2007.

Evoquant son état maladif en particulier, Mme D______ a déclaré se trouver en deuxième partie du baccalauréat. Elle se fondait pour cela sur le relevé de notation de la session d’automne 2006-2007, daté du 9 mars 2007, récapitulant les équivalences octroyées et les examens déjà présentés et mentionnant expressément cette deuxième partie.

Elle n’a en revanche pas précisé à la conseillère aux études qu’il lui restait encore un examen de première partie à passer, ce qui résultait de la lettre du doyen de la faculté à l’étudiante du 10 novembre 2006, consacrant le changement de formation issu de la réforme de Bologne.

L’université ne dit pas autre chose lorsqu’elle affirme que la faculté SES est d’avis, à l’examen de ce dossier, qu’il n’est pas impossible que l’étudiante ait réellement pensé qu’elle était en deuxième partie, ce qui signifie que tous les renseignements et informations qu’elle a demandés lors des différents contacts avec les conseillères aux études ne visaient que les examens de deuxième partie.

A cela s’ajoute que le passage du système de la licence à celui du baccalauréat universitaire ne s’est pas fait sans erreur, au sein même de la faculté, puisqu’une rectification dans l’octroi des dispenses s’est révélée nécessaire après vérification du dossier de l’intéressée le 4 décembre 2006.

Quand bien même il appartenait certes à la recourante de ne pas ignorer la teneur du règlement qui lui était désormais applicable, on ne peut donc exclure sa bonne foi, ce qui rend l’intransigeance de la faculté discutable, ce d’autant que le courrier précité du 10 novembre 2006 qui fixait les nouvelles conditions imposées à Mme D______ pour l’obtention du baccalauréat universitaire est muet quant à cette exigence particulière portant sur le seul examen de première partie qu’il lui appartenait de présenter.

Cette question peut cependant demeurer indécise, le recours devant être admis pour un autre motif.

5. A teneur de l’article 22 alinéa 3 RU, la décision d’élimination est prise par le doyen de la faculté, lequel tient compte des situations exceptionnelles.

a. A cet égard, il sied de rappeler au préalable que la CRUNI a relevé en maintes occasions que l’étudiant qui ne satisfaisait pas aux conditions posées par le RU était éliminé et non exclu de la faculté. Elle a laissé indécise la question de savoir si le règlement d’études du baccalauréat universitaire qui consacre désormais cette exclusion était compatible avec l’article 22 RU (ACOM/45/2007 du 22 mai 2007).

Vu l’issue du présent litige, la question souffre de demeurer ouverte.

b. Pour décider s’il y a lieu de qualifier une décision d’exceptionnelle, il faut rechercher si l’élimination de l’étudiante trouve son origine dans une cause étrangère à son niveau de compétence qui aurait gravement influé sur ce dernier.

Selon la jurisprudence constante de la CRUNI n’est exceptionnelle que la situation qui est particulièrement grave et difficile pour l’étudiant, ce tant d’un point de vue subjectif qu’objectif. Lorsque des circonstances exceptionnelles sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant, jurisprudence conforme au principe de l’instruction d’office. Dans l’examen des circonstances exceptionnelles, le doyen ou le président d’école dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui lui confère la possibilité de choisir entre plusieurs solutions. La CRUNI ne peut, de ce fait, substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité académique. Elle se limite à vérifier que celle-ci n’a pas abusé du pouvoir d’appréciation qui lui a été confié (ACOM/92/2007 du 14 novembre 2007 ; ACOM/74/2007 du 29 août 2007 ; ACOM/73/2007 du 14 août 2007).

c. La commission de céans a eu l’occasion de juger à de réitérées reprises que des problèmes graves de santé en particulier devaient être considérés comme des situations exceptionnelles, sous la condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu’un rapport de causalité soit démontré par l’étudiant (ACOM/87/2007 du 11 octobre 2007 ; ACOM/50/2007 du 11 juin 2007 ; ACOM/2/2007 du 17 janvier 2007).

d. De jurisprudence constante, il y a lieu de faire la distinction entre deux notions prévues par le RU qui ne se recouvrent pas, à savoir l’invocation de justes motifs par l’étudiant (art. 37, 38 RU) d’une part et la prise en compte de situations exceptionnelles (art. 22 al. 3 RU) d’autre part (ACOM/28/2007 du 30 mars 2007 ; ACOM/75/2005 du 15 décembre 2005).

La faculté a observé à raison que la présentation d’un certificat médical par la candidate était tardive, tant au sens du RU que du REBU contestant ainsi l’existence d’un juste motif, ce qui n’est par ailleurs pas contesté.

En revanche, l’université ne saurait être suivie lorsqu’elle affirme que la faculté n’avait pas à se prononcer sur d’éventuelles circonstances exceptionnelles en raison du rejet de l’opposition pour cause de tardiveté du certificat médical, au vu de la jurisprudence précitée qu’elle ne pouvait ignorer.

Elle n’était en particulier pas habilitée à méconnaître la distinction rappelée ci-dessus, alors qu’elle pouvait envisager que Mme D______ ait sincèrement pu se méprendre quant à son statut exact au bénéfice de renseignements délivrés de bonne foi par la conseillère aux études mais qui se sont révélés erronés et qui ont incité la recourante à ne pas se préoccuper d’entreprendre à temps des démarches propres à se voir reconnaître un juste motif au sens de l’article 16 alinéa 2 REBU.

L’opinion de l’université est d’autant moins soutenable qu’en présence d’un faisceau d’éléments susceptibles d’avoir perturbé le candidat, il appartient à l’autorité académique d’examiner l’ensemble des circonstances en présence dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, et non de les écarter sans autre au risque de tomber dans l’arbitraire (ACOM/91/2006 du 18 octobre 2006).

Or, il n’appartient pas à la CRUNI de statuer pour la première fois sur l’existence de circonstances exceptionnelles, son pouvoir d’examen étant limité à vérifier que l’université n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation. Elle ne peut de ce fait réparer une violation du droit d’être entendu en la matière (ACOM/57/2007 du 25 juin 2007 ; ACOM/89/2006 du 11 octobre 2006).

6. Cela étant, le recours sera admis et la décision querellée annulée, le dossier étant retourné à la faculté pour nouvelle décision sur opposition conforme à ce qui précède.

7. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

Compte tenu de son issue, Mme D______ qui a pris des conclusions dans ce sens a droit à des dépens, une indemnité de CHF 1'500.- lui étant allouée, à la charge de l’université qui succombe (art. 87 al. 2 LPA ; art. 34 RIOR).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 novembre 2007 par Madame D______ contre la décision sur opposition de la faculté des sciences économiques et sociales du 16 octobre 2007 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision dont est recours ;

renvoie le dossier à la faculté des sciences économiques et sociales pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’aucun émolument n’est perçu ;

alloue à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge de l’Université de Genève ;

dit que, conformément aux articles 113 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Tirile Tuchschmid Monnier, avocat de la recourante, à la faculté des sciences économiques et sociales, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Messieurs Schulthess et Bernard, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

C. Ravier

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :