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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3106/2007

ACOM/96/2007 du 21.11.2007 ( CRUNI ) , ADMIS

Résumé : refus d'admission ; motivation de la décision
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/3106/2007-CRUNI ACOM/96/2007

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 21 novembre 2007

 

dans la cause

 

Madame W______

contre

FACULTÉ DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’éDUCATION

et

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 

 

 

(refus d’admission ; motivation de la décision)


EN FAIT

1. Madame W______, née le 10 février 1971, suissesse, a formulé une demande d’immatriculation à l’Université de Genève (ci-après : l’université) le 31 janvier 2007, souhaitant entreprendre des études auprès de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (ci-après : la faculté ou FPSE) en vue de l’obtention d’un baccalauréat universitaire en sciences de l’éducation.

2. N’étant pas titulaire d’un certificat de maturité, elle a joint à sa demande une lettre de motivation ainsi qu’un dossier relatif à sa formation et à son activité professionnelle.

3. La commission d’admission des candidats non porteurs de maturité de la FPSE lui a alors transmis un questionnaire à compléter, que Mme W______ a retourné dans le délai imparti.

Un entretien était en outre agendé au 4 avril 2007.

4. Par LSI du 7 juin 2007, le doyen de la faculté a fait savoir à l’intéressée que sa demande d’admission en section des sciences de l’éducation était refusée par le collège des professeurs, la commission compétente ayant émis un préavis négatif sur la base de l’ensemble de son dossier et de l’entretien précité.

5. Mme W______ a accusé réception de ce courrier le 14 juin 2007, demandant des précisions au sujet de ce préavis négatif et souhaitant prendre connaissance du procès-verbal de l’entretien du 4 avril.

6. Suite à une communication téléphonique de la faculté, Mme W______ a formé opposition en date du 3 juillet 2007.

Réitérant sa motivation, elle déplorait les réticences qui lui avaient été opposées lors de l’entretien quant à ses capacités de synthèse ainsi que de son expérience professionnelle, présumant n’être pas entrée dans les quotas imposés aux non porteurs de maturité pour l’entrée à l’université.

7. Par décision du 10 juillet 2007, le doyen de la faculté a rejeté l’opposition.

Aucun nouvel élément n’était avancé permettant de justifier une réévaluation des points attribués initialement.

8. Mme W______ forme recours auprès de la commission de recours de l’université (ci-après : CRUNI) contre cette décision par acte du 9 août 2007.

Les dispositions ayant conduit au refus de sa demande ne lui ont pas été communiquées et aucune explication justifiant le rejet de cette dernière ne lui a été fournie.

Elle demande derechef à être admise pour la rentrée prochaine.

9. L’université s’oppose au recours.

La FPSE n’est pas entrée dans le détail du refus d’admission, car la manière dont se forme l’opinion de la commission compétente, est expliquée aux candidats lors de la séance d’information à laquelle ils sont conviés.

Les dossiers sont examinés sur la base de quatre critères donnant lieu à un certain nombre de points, soit expérience professionnelle, études antérieures, motivation et disponibilité.

Il faut dès lors comprendre que la candidate n’a pas réuni suffisamment de points pour être admise.

Pour le surplus, il n’existe aucun quota en matière d’admission, ni de procès-verbal de l’entretien du 4 avril 2007. Seules des notes manuscrites sont prises par les personnes conduisant l’entretien, qui ne sont jamais communiquées aux candidats.

Abordant enfin spécifiquement les résultats obtenus par Mme W______ au regard des critères précités, l’université précise que cette dernière s’est vue créditer de sept points sur un maximum de treize, alors qu’il en fallait neuf pour être admis.

EN DROIT

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 10 juillet 2007 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06 ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. a. A teneur de l’article 63D alinéa 2 LU, les personnes qui ne possèdent pas de maturité gymnasiale, un diplôme de fin d’études délivré par une haute école spécialisée (HES) ou un titre jugé équivalent, peuvent cependant être admises à l’immatriculation, pour autant qu’elles remplissent les conditions spécifiques fixées dans le règlement de l’université.

b. Ces conditions sont prévue par l’article 15 alinéa 3 RU. Les candidats doivent ainsi être de nationalité suisse ou être porteur d’un permis de séjour pour activité lucrative depuis cinq ans au moins ou d’un permis d’établissement (let. a), être âgé de 25 ans révolus (let. b), avoir en principe exercé une activité lucrative professionnelle pendant au moins trois ans ou pouvoir justifier d’une activité équivalente (let c), et faire preuve des aptitudes nécessaires, selon les modalités fixées dans un règlement interne tenant compte des exigences spécifiques à chaque faculté ou école (let. d).

Ces conditions sont seules applicables en dépit des exigences plus sévères qui sont imposées par les autorités universitaires aux candidats dépourvus de certificat de maturité dans le fascicule « Devenir étudiant-e » (p. 25), ainsi que la commission de céans a eu l’occasion de le préciser (ACOM/59/2006 du 30 juin 2006, ACOM/94/2003 du 14 juillet 2003).

c. L’université a procédé à la rédaction d’un règlement interne relatif à l’admission à l’université de Genève des candidats non-porteurs d’un certificat de maturité, ratifié par le département de l’instruction publique (ci-après : DIP) le 17 mai 2000.

Ce règlement organise l’admission des candidats et les conditions d’inscription auprès des différentes facultés.

En ce qui concerne la FPSE, il est prévu que le candidat présente un dossier comprenant un exposé détaillé, expliquant les raisons pour lesquelles il choisit de faire des études dans la faculté ou l’école concernée. La commission d’admission convoque ensuite le candidat pour un entretien, avant de formuler un préavis circonstancié suite à l’analyse du dossier et à l’entretien.

Sur la base de ce préavis, le collège des professeurs de la faculté décide soit de l’admission, soit de l’admission conditionnelle soit encore de son refus (art. 15 al. 1 à 4).

Toute décision peut faire l’objet d’une opposition, elle-même sujette à recours auprès de la CRUNI dans un délai de trente jours (art. 17).

3. a. L’article 14 alinéa 1 RIOR prévoit que la décision sur opposition est motivée en fait et en droit. L’obligation de motiver une décision administrative dérive du droit d’être entendu, garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), l’article 14 RIOR s’inscrivant dans le prolongement de cette disposition constitutionnelle.

b. Selon la doctrine, la motivation d’une décision administrative ne doit pas nécessairement se trouver dans la décision elle-même ; elle peut par exemple découler d’une correspondance séparée. Il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (B. BOVET, procédure administrative, 2000, p. 267 et ss, AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, droit constitutionnel suisse, II, 2000, p. 605).

La jurisprudence mentionne l’exigence de motivation comme visant à ce que le justiciable puisse comprendre la décision dont il est l’objet et puisse exercer ses droits de recours à bon escient. Elle vise également à permettre à l’autorité de recours d’exercer son contrôle, quand bien même elle peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 2P.17/2007 du 23 août 2007 ; ATF 1E.12/2006 du 22 février 2007 ; ATA/875/2004 du 9 novembre 2004).

Pour sa part, la CRUNI a rappelé dans une jurisprudence constante les principes évoqués ci-dessus, ajoutant que la faculté qui ne motive pas suffisamment sa décision prend le risque de franchir les limites de son pouvoir d’appréciation (ACOM/63/2005 du 26 septembre 2005 ; ACOM/46/2005 du 12 juillet 2005 ; ACOM/120/2002 du 5 novembre 2002).

4. En l’espèce, la décision sur opposition querellée n’est conforme ni à la lettre de l’article 14 RIOR, ni aux principes évoqués plus haut, émanant tant de la doctrine que de la jurisprudence.

En se bornant à relever qu’aucun nouvel élément n’est avancé permettant de justifier une réévaluation des points attribués initialement, alors que la recourante a expressément demandé, dans sa correspondance du 14 juin 2007 précédant son opposition, des précisions relatives au préavis négatif de la commission d’admission, la faculté a empêché la candidate d’être en mesure d’apprécier la portée de la décision en vue de la déférer à l’instance supérieure en pleine connaissance de cause (cf. ATF 2P.205/2006 du 19 décembre 2006).

Partant, elle a manifestement violé le devoir de motivation qui lui incombait.

Cette carence est d’autant moins tolérable que dans leur lettre du 8 juin 2000, destinée à informer les responsables au sein des différentes facultés de la nouvelle procédure en matière d’admission à l’université des candidats non porteurs d’un certificat de maturité, liée à la diffusion du nouveau règlement interne ratifié par le DIP le 17 mai 2000, les autorités académiques ont spécifié que si le candidat échoue aux examen d’admission, le doyen, le président ou le directeur rendra alors une décision de refus qui devra comporter l’indication précise des motifs et être notifiée en recommandé au candidat.

Si le candidat forme opposition contre cette décision de refus d’admission, la faculté ou l’école concernée devra instruire l’affaire et rendre une nouvelle décision, soit la décision sur opposition qui sera signée par le doyen, le président ou le directeur.

Cette décision devra également comporter la motivation exacte, être notifiée en recommandé et indiquer comme voie de recours le recours devant la CRUNI dans les trente jours suivant la notification de la décision sur opposition (p. 6).

Le fait que la FPSE ne prévoie pas d’examen à proprement parler, au profit de l’établissement d’un dossier détaillé et d’un entretien, ne change rien à l’obligation en question.

A cela s’ajoute enfin, que la commission de céans se trouve dans l’impossibilité de vérifier si l’autorité académique a agi dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, aussi large soit-il.

L’université a certes fourni des explications de la faculté au terme de son écriture responsive.

Cette démarche tardive n’est toutefois pas de nature à suppléer l’absence de motivation, Mme W______ n’ayant pas été en mesure de se prononcer sur cette écriture (ACOM/61/2004 du 8 juillet 2004).

5. Il résulte de ce qui précède que la décision sur opposition du 10 juillet 2007 est manifestement lacunaire et, partant, viciée.

En conséquence, elle sera annulée, la faculté étant invitée à rendre une nouvelle décision conforme au RIOR et à son règlement interne en la matière.

6. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

Il n’y a par ailleurs pas lieu d’allouer d’indemnité à la recourante qui agit en personne et qui n’allègue pas avoir exposé des frais pour se défendre (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 août 2007 par Madame W______ contre la décision sur opposition rendue par la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation en date du 10 juillet 2007 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision dont est recours ;

renvoie le dossier à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’aucun émolument n’est perçu, ni aucune indemnité allouée ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Madame W______, à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Messieurs Schulthess et Bernard, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Ravier

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :