Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/559/2015

ACJC/1589/2016 du 05.12.2016 sur JTBL/427/2016 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 23.01.2017, rendu le 31.05.2017, CONFIRME, 4A_34/2017
Descripteurs : BAIL À LOYER ; RÉSILIATION ANTICIPÉE ; MODIFICATION(EN GÉNÉRAL) ; FAMILLE ; MORT ; MÈRE
Normes : LOJ.88; LOJ.33; Cst.30; CO.271; CO.271a
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/559/2015 ACJC/1589/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du lundi 5 decembre 2016

Entre

A.______ SA, ayant son siège ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 2 mai 2016, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

et

1) Monsieur B.______, domicilié ______, intimé, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

2) Monsieur C.______, sans domicile ni résidence connus, autre intimé.

 

 


EN FAIT

A.    Par jugement du 2 mai 2016, reçu par la A.______ SA le 6 mai 2016, le Tribunal des baux et loyers a annulé le congé notifié à B.______ par A.______ SA le 11 décembre 2014 pour le 31 août 2015 s'agissant de l'appartement de 3 pièces et chambrette situé au 4ème étage de l'immeuble sis rue D.______ à Genève (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 6 juin 2016, A.______ SA (ci-après également la bailleresse) a formé appel contre ce jugement dont elle a sollicité l'annulation. A titre principal, elle a conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour "nouvelle instruction dans une composition conforme aux prescriptions légales". A titre subsidiaire, elle a conclu à ce que la Cour constate que le congé est valable et déboute B.______ de toutes ses conclusions.

b. Le 11 juillet 2016, B.______ a conclu à la confirmation du jugement querellé.

Il a produit une pièce nouvelle.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué les 9 août et 5 septembre 2016, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par avis de la Cour du 6 septembre 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. En date du 5 juillet 1989, E.______, locataire, a conclu avec la propriétaire de l'immeuble sis rue D.______ à Genève un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces et chambrette au 4ème étage dudit immeuble.

Les locaux étaient destinés à l'usage d'habitation en famille.

Le contrat a été conclu pour une durée de 2 ans, du 1er septembre 1989 au 31 août 1991, renouvelable ensuite tacitement d'année en année. Le préavis de résiliation était de 3 mois.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé à 5'640 fr. Les charges, s'élevaient en dernier lieu à 2'040 fr. par an, de sorte que le dernier loyer mensuel, charges comprises, était de 640 fr. par mois.

b. En date du 2 mars 2010, A.______ SA a acquis l'immeuble sis rue
D.______.

c. E.______ est décédée le ______ 2014 en ______.

Elle est la mère de deux enfants, B.______ et C.______, qui sont ses héritiers.

C.______ est porté disparu depuis près de 20 ans et n'a pas de domicile connu. L'un de ses deux fils, F.______, a indiqué que son père avait fui la Suisse après un séjour en prison, alors qu'il était en semi-liberté. Il n'avait plus eu de ses nouvelles depuis plusieurs années.

d. Les parties divergent sur la question de savoir si B.______ occupait ou non avec sa mère l'appartement litigieux.

d.a B.______ allègue avoir depuis son enfance toujours vécu dans cet appartement, sous réserve d'une interruption entre 1995 et 2001 pour une prise de poste à ______. Il en payait le loyer depuis plusieurs années.

B.______ est fonctionnaire au service de ______. Il a expliqué que son bureau se trouvait à ______ mais qu'il n'avait pas de logement dans cette ville, habitant chez des amis quand il s'y trouvait. Il voyageait fréquemment tant en Suisse qu'à l'étranger pour son travail, lequel impliquait des séjours réguliers à Genève, plusieurs fois par mois, souvent pour une ou deux semaines consécutives.

Il a indiqué être "officiellement" domicilié en Valais, mais résider effectivement à Genève, étant précisé qu'il n'occupait sa résidence valaisanne que pour les vacances. Les autorités valaisannes lui écrivaient à la rue D.______ à Genève.

Il a produit des extraits de ses comptes bancaires pour les années 2005 à 2013, desquels il ressort qu'il a payé à plusieurs reprises le loyer de l'appartement, des récépissés à son nom de primes de police d'assurance ménage et responsabilité civile indiquant son adresse à la rue D.______, une photographie d'une boîte aux lettres indiquant "______ 4ème", un extrait de l'annuaire téléphonique de 2006 mentionnant qu'il était domicilié avec sa mère à la rue D.______, deux attestations de dépôt de plainte pour vol de vélo, l'une datée de 2003 pour un vol s'étant produit à l'adresse précitée et l'autre pour un vol intervenu ailleurs mais qui indique comme adresse du plaignant la rue D.______, datée de 2011.

Il a en outre fourni différents documents administratifs mentionnant son adresse à la rue D.______, à savoir ses déclarations fiscales valaisannes pour les années 2011 à 2013, des factures d'impôts valaisans pour 2014 et 2015, des relevés de la Caisse d'épargne du personnel de ______, des attestations de cotisations 3ème pilier et des certificats de salaire pour la période allant de 2009 à 2013, ainsi qu'une liasse de billets de train de laquelle il ressort qu'il fait fréquemment les trajets entre Genève et ______.

d.b La bailleresse allègue pour sa part que B.______ n'occupe plus le logement litigieux, à tout le moins depuis qu'il est en poste à ______.

Elle a produit à l'appui de ses allégations une attestation de l'Office cantonal de la population et des migrations datée du 29 juin 2015 indiquant que B.______ n'est plus domicilié sur le canton de Genève.

Elle a en outre fait valoir que le nom de B.______ ne figurait ni sur la boîte aux lettres ni sur la porte de l'appartement litigieux le 18 septembre 2014 lorsqu'elle l'avait visité avec lui; son nom sur la boîte aux lettres et sur la porte palière avait été rajouté tardivement, pour les besoins de la présente cause. Lors de la visite précitée, l'appartement était dans un état d'abandon démontrant qu'il n'était pas habité.

Cette constatation était corroborée par le fait que B.______ ne l'avait pas informée du décès de sa mère, qu'il n'avait pas répondu au courrier qui lui avait été adressé à l'adresse de celle-ci le 27 août 2014 et qu'il ne s'était jamais rendu aux réunions organisées à l'attention des locataires pour les informer des travaux prévus dans l'immeuble.

e. Trois témoins ont été entendus par le Tribunal sur la question de savoir si B.______ occupait ou non l'appartement litigieux avec sa mère.

- G.______, fonctionnaire internationale à ______ et ex-compagne de B.______, a indiqué qu'elle le voyait régulièrement, surtout pour des raisons professionnelles. B.______ devait se rendre pour des négociations à Genève pour des périodes d'une à deux semaines plusieurs fois par année. Il passait en outre tous ses week-ends à Genève. Depuis qu'elle le connaissait, il avait toujours vécu chez sa mère et y avait gardé son centre de vie privée, en dépit de ses fonctions à ______, sauf pendant son séjour à _______. Il n'avait jamais eu d'appartement à ______. Avant qu'il ait un téléphone portable, elle le joignait téléphoniquement chez sa mère, qu'il aidait beaucoup et dont il était très proche, faisant notamment des voyages avec elle. Il avait été très affecté par son décès et ce pendant des mois.

- H.______ a pour sa part indiqué qu'elle était voisine de palier de B.______ à la rue D.______ depuis 2001 et qu'elle le voyait régulièrement dans l'immeuble. Il lui arrivait de ne pas le croiser pendant quelques semaines puis de le rencontrer à plusieurs reprises dans la même semaine. Elle voyait également régulièrement sa mère qui parlait beaucoup de son fils. Lorsque l'ascenseur avait été arrêté en 2010 ou 2011 pendant quatre mois en raison de travaux, B.______ faisait toutes les courses de sa mère qui ne pouvait plus sortir de chez elle.

- Le témoin F.______, fils de C.______, a indiqué que, pour lui, B.______ vivait à ______.

Une note du Tribunal portée au procès-verbal de l'audience du 16 décembre 2015 précise que ce dernier témoin s'est montré hostile envers B.______ et a employé des termes insultants à son égard.

f. Par courrier du 27 août 2014 adressé à la rue D.______, la bailleresse a fait savoir aux héritiers de E.______ qu'elle souhaitait s'entretenir avec eux afin de faire le point de la situation.

g. Par courriel du 9 septembre 2014, la bailleresse a demandé à B.______ de la contacter dans les meilleurs délais, précisant que ce dernier occupait sauf erreur provisoirement l'appartement.

h. Par courrier du 25 novembre 2014, l'administrateur d'office de la succession de E.______ a informé la bailleresse que B.______ occupait l'appartement sis rue D.______ et qu'il souhaitait qu'une séance soit organisée avec les représentants de la bailleresse pour tenter de trouver une solution quant à l'occupation de celui-ci.

i. Par avis de résiliation du 11 décembre 2014 adressés à B.______ p.a. E.______ à la rue D.______, ainsi qu'à C.______ p.a. F.______, la bailleresse a résilié le bail pour le 31 août 2015, sans indication de motifs.

j. Au sujet de la date d'envoi de ce congé, I.______, représentante de la régie en charge de la gérance de l'immeuble, a indiqué lors de son audition par le Tribunal le 7 octobre 2015, que la bailleresse avait eu connaissance du décès de la locataire plusieurs mois après celui-ci, en lisant la FAO, raison pour laquelle la résiliation n'était pas intervenue tout de suite. Elle a ajouté qu'il avait fallu également déterminer préalablement qui étaient les héritiers de E.______, ce qui n'avait pas été simple.

k. Suite à une demande de B.______, la bailleresse lui a indiqué le 14 janvier 2015 que le congé était motivé par sa volonté de reprendre possession de l'appartement pour le relouer à un candidat de son choix suite au décès de E.______.

l. Le congé a été contesté en temps utile devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers par B.______, lequel a assigné tant la bailleresse que son frère C.______.

Non conciliée le 1er avril 2015, l'affaire a été portée devant le Tribunal le 12 mai 2015.

m. B.______ a conclu en dernier lieu à la nullité de la résiliation du bail, au motif que celle-ci aurait dû être notifiée à C.______ par voie édictale. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation du congé et à une prolongation de bail de 4 ans échéant au 31 août 2019 avec possibilité de restituer l'appartement en tout temps moyennant un préavis de 15 jours.

La bailleresse a pour sa part conclu à la validation de la résiliation.

C.______ n'a pas participé à la procédure de première instance.

n. Le Tribunal a tenu trois audiences de débats principaux, les 7 octobre 2015, 16 décembre 2015 et 24 février 2016.

Les deux premières audiences ont été présidées par Aude CRITTIN-KUSTER, les juges assesseurs étant pour la première audience Zena GOOSENS-BADRAN et Yasmina SONDEREGGER et, pour la seconde, Michel PENET et Uzma KHAMIS VANNINI. Pour la troisième audience et le prononcé du jugement, la composition a été présidée par Olivier WEHRLI, avec Zena GOOSENS-BADRAN et Clara SCHNEUWLY comme juges assesseurs.

A aucun moment au cours de la procédure de première instance, la bailleresse ne s'est plainte d'une composition irrégulière du Tribunal.

o. Lors de l'audience du Tribunal du 7 octobre 2015, l'administrateur de la bailleresse a indiqué que plusieurs personnes dans son entourage cherchaient un appartement à Genève, de sorte qu'il préférait louer l'appartement litigieux à une personne qu'il connaissait, comme par exemple ses employés ou sa fille, qui revenait d'Asie en novembre et qui souhaitait s'installer avec son ami. Il habitait dans l'immeuble sis rue D.______ depuis 4 ans et n'avait jamais croisé B.______.

p. La cause a été gardée à juger par le Tribunal le 14 avril 2016, après le dépôt par les parties de leurs plaidoiries finales, suivies des réplique et duplique.

D. Les arguments des parties devant la Cour seront traités ci-après en tant que de besoin.

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il faut prendre en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; ATF 136 III 196 consid. 1.1).

En l'espèce, le loyer annuel est de 7'680 fr., charges comprises, de sorte que la valeur minimale de 10'000 fr. est atteinte. La voie de l'appel est donc ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise par la loi, l'appel est recevable (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC).

1.3 Les litiges portant sur des baux à loyer d'habitation ou de locaux commerciaux sont soumis, en ce qui concerne la protection contre les congés ou la prolongation du bail, aux règles de la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC).

La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit
(art. 310 CPC).

2. 2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 6 ad art. 317 CPC).

2.2 En l'espèce, la pièce nouvelle produite par l'intimé est antérieure au jugement querellé et aurait pu être déposée devant le Tribunal, de sorte qu'elle est irrecevable.

3. L'appelante fait valoir que le jugement querellé doit être annulé au motif que la composition du Tribunal était irrégulière car, lors des trois audiences tenues par le Tribunal, celui-ci a siégé dans trois compositions différentes. L'appelante ne critique pas le changement de présidence, intervenu postérieurement à la seconde audience en raison du congé-maternité de la présidente ayant siégé pour les deux premières audiences. Elle fait par contre valoir que les changements de juges assesseurs n'étaient justifiés par aucun motif et ajoute qu'il est indispensable que les juges assesseurs participant à la décision finale aient assisté aux audiences d'instruction.

3.1 Selon l'art. 88 LOJ, le Tribunal des baux et loyers siège dans la composition d'un juge, qui le préside, d'un juge assesseur représentant les groupements de locataires et d'un juge assesseur représentant les bailleurs.

L'art.33 LOJ précise que les magistrats titulaires d'une même juridiction et les juges assesseurs d'un même tribunal se suppléent entre eux.

3.2 L'art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale prévoit que toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce qu'elle soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial.

La composition irrégulière d'une autorité constitue une cause d'annulabilité du jugement qui a été rendu (ATF 136 I 207 consid. 5.6 p. 218 ss; arrêts du Tribunal fédéral 9C_683/2012 du 27 mai 2013; 9C_836/2012 du 15 mai 2013).

Les parties à un procès ont droit à ce que participe à la décision seul un juge - ou un juge assesseur - qui a connaissance de leurs allégués et de la procédure probatoire. Selon la jurisprudence, il suffit cependant que le juge intervenant pour la première fois dans un procès ait pu prendre connaissance de l'objet du procès par l'étude du dossier (ATF 117 Ia 133 consid. 1e). Cette exigence est respectée lorsque les mesures probatoires effectuées ont fait l'objet de procès-verbaux figurant au dossier et dont le nouveau juge assesseur a eu la possibilité de prendre connaissance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_507/2014 du 7 septembre 2015, consid. 2.3; 8C_656/2013 du 26 août 2014 consid. 3.4).

La partie qui a connaissance d'un motif de récusation ou d'un autre vice dans la composition du tribunal doit l'invoquer aussitôt, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir ultérieurement. Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/29015 du 23 février 2016 consid. 2.2).

3.3 En l'espèce, l'appelante connaissait au plus tard lors de l'audience du 24 février 2016 les changements de composition du Tribunal mais elle ne s'en est plainte pour la première fois qu'en appel. Son grief est par conséquent tardif, conformément à la jurisprudence précitée.

En tout état de cause, il est infondé, puisque l'art. 33 LOJ prévoit expressément la faculté pour les juges assesseurs de se suppléer entre eux, sans que les raisons d'une telle suppléance ne soient limitées par la loi. En outre, les juges assesseurs qui ont siégé au moment du prononcé du jugement ont pu prendre connaissance du contenu des mesures probatoires et des déclarations des parties par le biais des procès-verbaux des audiences concernées de sorte que les exigences légales ont été respectées.

Il n'y a par conséquent pas lieu d'annuler le jugement querellé pour ce motif.

4. Le Tribunal a retenu qu'il était établi que B.______ vivait en ménage commun avec sa mère, locataire du logement litigieux. Cela avait été confirmé par deux témoins et ressortait du fait que B.______ payait le loyer depuis plusieurs années, et avait conclu une assurance ménage et responsabilité civile ayant pour objet l'appartement litigieux, ainsi que du fait que son nom figurait sur la boîte aux lettres et qu'il recevait différents courriers officiels à la rue D.______. Le bail avait été résilié en raison du décès de la locataire, à savoir une modification dans la situation familiale de B.______. Ce dernier pouvait invoquer la protection prévue par l'art. 271a al. 1 let. f CO. Il incombait dès lors à la bailleresse d'établir que le maintien de l'intimé dans l'appartement litigieux constituait pour elle un inconvénient majeur, ce qu'elle n'avait pas fait. Le congé devait par conséquent être annulé.

L'appelante fait valoir que c'est à tort que le Tribunal a considéré que B.______ vivait avec sa mère. Les témoignages recueillis n'étaient pas probants et les documents produits par l'intimé pas déterminants. En outre, le décès de la locataire n'était pas le motif du congé, lequel était intervenu huit mois après ce décès. Le motif du congé, à savoir permettre à la bailleresse de relouer l'appartement à un locataire de son choix, n'était pas abusif.

4.1 Selon l'article 271 al. 1 CO, le congé est annulable s'il contrevient aux règles de la bonne foi. Tel est notamment le cas du congé donné par le bailleur en raison de changements dans la situation familiale du locataire, sans qu'il en résulte des inconvénients majeurs pour le bailleur (art. 271a al. 1 let. f CO).

En cas de décès du locataire, les héritiers vivant avec lui peuvent se prévaloir de la protection légale. En revanche, la disposition ne peut pas être invoquée au profit d'une personne qui ne faisait pas ménage commun avec le défunt (Bohnet/ Montini, Droit du bail à loyer, 2010, n. 54 ad art. 271a CO; Lachat, Le bail à loyer, 2008, p. 755).

Seul le congé donné en raison d'une modification de la situation familiale du locataire est prohibé. On admettra ce rapport de causalité si le congé est donné peu de temps après la survenance de la modification de la situation familiale du locataire et que le bailleur ne fournit pas d'autre motif plausible à l'appui de la résiliation. Le locataire doit prouver le lien de causalité entre la modification de sa situation familiale et le congé, et le bailleur, les inconvénients majeurs qu'il subit (Lachat, op. cit., p. 755 et 756).

4.2 En l'espèce, le témoin G.______ a indiqué que l'intimé avait toujours vécu chez sa mère et y avait gardé son centre de vie privée, en dépit du fait qu'il voyageait beaucoup pour son travail. Le fait qu'elle le joignait téléphoniquement chez sa mère confirme qu'il était présent dans l'appartement litigieux.

Contrairement à ce que fait valoir l'appelante, le témoin a une connaissance directe des faits, puisqu'elle voit toujours régulièrement l'intimé, même si elle n'a plus de relation de couple avec lui.

Ces déclarations sont confirmées par celles du témoin H.______, voisine de palier de l'intimé, qui a déclaré qu'elle voyait régulièrement ce dernier dans l'immeuble, même s'il lui arrivait de ne pas le croiser pendant quelques semaines.

En ce qui concerne la durée des séjours de l'intimé à Genève, le témoin G.______ a indiqué qu'il passait tous ses week-ends dans cette ville et y séjournait en outre pour des raisons professionnelles durant des périodes d'une à deux semaines plusieurs fois par an. Le fait que l'intimé réside très régulièrement à Genève est en outre attesté par les billets de train qu'il a produits. Les séjours précités sont, contrairement à ce que soutient l'appelante, suffisants pour en conclure que l'intimé occupait le logement litigieux. Une telle occupation n'implique en effet pas nécessairement une présence sur place sept jours sur sept.

A cela s'ajoute que l'intensité des liens unissant l'intimé à sa mère a été confirmée par les deux témoins précités qui ont relevé que l'intimé aidait beaucoup la locataire pour les tâches de la vie quotidienne.

Les déclarations de F.______ ne sont quant à elles pas déterminantes, en raison du fait que, selon la note portée au procès-verbal par le Tribunal, le témoin avait un a priori négatif envers l'intimé, se montrant hostile et insultant à son égard. Au demeurant, ce témoin n'a pas indiqué sur quels éléments factuels se fondait son avis selon lequel l'intimé vivait à ______.

L'occupation par l'intimé de l'appartement litigieux est également attestée par le fait qu'il en payait le loyer, qu'il avait conclu en son nom une assurance ménage pour cet appartement et que tant les autorités fiscales que son employeur et les banques lui adressent depuis des années leurs communications à la rue D.______.

La longue durée de la présence de l'intimé dans cet appartement est qui plus est corroborée par le fait que les différents documents qu'il a produits mentionnant son adresse à la rue D.______ portent des dates allant de 2003 (attestation de dépôt de plainte pour vol de vélo) à 2015 (documents administratifs).

Le fait que l'intimé n'ait pas répondu au courrier de l'appelante du 27 août 2014 ne suffit pas à démontrer qu'il ne vivait pas dans cet appartement. Il en va de même de l'absence de l'intimé aux séances d'information sur les travaux prévus dans l'immeuble.

L'intimé ne conteste par ailleurs pas ne pas avoir annoncé le décès de sa mère à la bailleresse, mais explique cette omission par le fait qu'il était très affecté par la disparition de celle-ci et que son état psychologique était fragile à l'époque. A cet égard, le témoin G.______ a confirmé que l'intimé avait été très affecté par le décès de sa mère. L'explication de ce dernier est crédible et, en tout état de cause, l'omission de l'annonce du décès de la locataire n'est pas décisive pour en conclure que l'intimé ne vivait pas dans l'appartement litigieux.

L'intimé ne conteste pas que l'appartement était dans un grand désordre le 18 septembre 2014 au moment de la visite de la bailleresse. Cela ne démontre cependant pas que celui-ci était inoccupé.

Les éléments précités sont suffisants pour établir que l'intimé occupait l'appartement litigieux, sans qu'il soit nécessaire de trancher la question de savoir depuis quelle date le nom de l'intimé figure sur la boîte aux lettres et sur la porte palière.

Il ressort de ce qui précède que c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que l'intimé occupait avec sa mère le logement litigieux.

C'est également à bon droit que le Tribunal a retenu que le congé était intervenu en raison d'une modification dans la situation familiale de l'intimé. En effet, l'appelante ne conteste pas que le congé a été donné en raison du fait qu'elle souhaitait relouer l'appartement à un locataire de son choix suite au décès de E.______. C'est donc bien en raison du décès de cette dernière que le contrat de bail a été résilié.

Le fait que plusieurs mois se soient écoulés entre le décès et la notification de l'avis de résiliation ne permet pas de considérer qu'il n'y a pas de lien de causalité entre ces deux événements. L'appelante ne prétend d'ailleurs pas qu'elle aurait résilié le bail dans l'hypothèse où la locataire ne serait pas décédée.

En tout état de cause, la représentante de la bailleresse a indiqué que le délai séparant le décès de la résiliation s'expliquait, d'une part, par le fait que bailleresse avait eu connaissance du décès de la locataire plusieurs mois après celui-ci, en lisant la FAO et, d'autre part, par le fait qu'il fallait déterminer préalablement qui étaient les héritiers de E.______, ce qui s'était avéré difficile.

Les deux jurisprudences cantonales citées par l'appelante ne sont pas pertinentes dans la mesure où, dans aucune de ces affaires, l'annulation du congé n'a été examinée sous l'angle de l'article 271a al. 1 let. f CO (ACJC/1284/2013 du 4 novembre 2013 et ACJC/1435/2014 du 24 novembre 2014).

Enfin, l'appelante n'allègue pas que le maintien de l'intimé dans le logement litigieux constituerait pour elle un inconvénient majeur au sens de cette dernière disposition.

Les griefs de l'appelante sont ainsi infondés et le jugement querellé sera confirmé.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC


 

autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 6 juin 2016 par A.______ SA contre le jugement JTBL/427/2016 rendu le 2 mai 2016 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/559/2015-6-OSB.

Au fond :

Confirme le jugement querellé.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Alain MAUNOIR et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.