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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/19858/2011

ACJC/1284/2013 du 04.11.2013 sur JTBL/437/2013 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : BAIL À LOYER; LÉGITIMATION ACTIVE ET PASSIVE; CONSORITÉ; ANNULABILITÉ; RÉSILIATION; PROLONGATION DU BAIL À LOYER; RÉSILIATION ABUSIVE
Normes : CO.271.1; CO.272.1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19858/2011 ACJC/1284/2013

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 4 NOVEMBRE 2013

Entre

1) Madame A ______, domiciliée ______ Genève,
2) Monsieur B ______
, domicilié ______ Genève,
3) Monsieur C ______, domicilié ______ Genève, tous trois appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 19 avril 2013, comparant par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat, rue Prévost-Martin 5, case postale 60, 1211 Genève 4, en l'étude duquel ils font élection de domicile aux fins des présentes,

et

4) Madame D ______, domiciliée ______ Genève, autre appelante du même jugement, comparant par Me Alain De Mitri, avocat, rue de Rive 4, case postale 3400, 1211 Genève 3, en l'étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

d'une part,

et

E ______ SA, ayant son siège ______ (GE), intimée, comparant par Me Dominique Burger, avocate, avenue Léon-Gaud 5, 1206 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

d'autre part,


EN FAIT

A. a. Par jugement du 19 avril 2013, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé notifié le 5 septembre 2011 à A ______, B ______ et C ______, respectivement le 5 octobre 2011 à D ______, avec effet au 30 septembre 2012, pour l'appartement de 9 pièces au 7ème étage de l'immeuble sis ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), accordé à A ______, B ______, C ______ et D ______ une unique prolongation de bail de trois ans, échéant le 30 septembre 2015 (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

b. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 28 mai 2013, A ______, B ______, C ______ et D ______ appellent de ce jugement, qu'ils ont reçu le 29 avril 2013, concluant à la constatation de la nullité du congé et à son annulation. Subsidiairement, ils demandent une prolongation du contrat de bail d'une durée de quatre ans, soit jusqu'au 30 septembre 2016.

c. Dans sa réponse du 1er juillet 2013, E ______ SA conclut à la confirmation du jugement entrepris.

d. Par avis du greffe du 8 août 2013, les parties ont été informées de la mise en délibération de la cause.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 2 août 1973, E ______ SA "______", devenue ensuite E ______ SA (ci-après : la bailleresse) a donné en location à C ______ un appartement de 9 pièces au 7ème étage de l'immeuble sis ______ à Genève.

Le contrat a été conclu pour une durée de deux ans et quinze jours, du 16 septembre 1973 au 30 septembre 1975, renouvelable ensuite tacitement d'année en année. Le préavis de résiliation était de trois mois.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé en dernier lieu à 36'000 fr. dès le 1er octobre 1991, par avis de majoration de loyer du 14 juin 1991.

b. En avril 1998, la bailleresse a transféré tous les droits et obligations découlant du contrat conclu en 1973 à F ______, l'épouse de C ______, lequel était décédé en 1991.

F ______ est décédée dans le courant du mois d'avril 2011, laissant pour seuls héritiers légaux ses quatre enfants, A ______, B ______, avocat, C ______, médecin, et D ______.

c. Par lettre du 23 juin 2011, B ______ a informé la bailleresse du décès de sa mère. Dans la mesure où il avait jusque-là occupé ce logement avec elle, il priait la propriétaire de mettre le bail à son propre nom, par le biais d'un avenant. Cette lettre était établie sur un papier en-tête au nom de "B ______, avocat au Barreau de Genève" et mentionnait l'adresse de l'étude, à savoir ______.

La bailleresse a alors informé B ______ qu'elle souhaitait, par l'intermédiaire de son administrateur, G ______ , s'entretenir avec lui avant d'entrer en matière sur cette requête. Un rendez-vous a été fixé au 20 juillet 2011, mais il n'a finalement pas eu lieu.

d. Par avis officiels de résiliation adressés le 5 septembre 2011 à C ______, B ______ et A ______ et le 5 octobre 2011 à D ______, la propriétaire a résilié le bail pour le 30 septembre 2012.

Selon la bailleresse, B ______ ne se serait pas présenté au rendez-vous du 20 juillet 2011 et n'aurait donné aucun signe de vie. Elle aurait alors procédé à une recherche auprès de l'Office cantonal de la population et aurait appris que tous les héritiers de feu F ______ disposaient d'un propre logement.

B ______ a expliqué avoir été le seul héritier à solliciter l'attribution du bail à son nom, car c'était essentiellement lui qui gérait les affaires administratives de la famille. Il a allégué avoir annulé le rendez-vous initialement convenu avec G ______, car la date fixée ne lui convenait pas. Il aurait ensuite été surpris de recevoir un avis de résiliation.

e. Par requête du 22 septembre 2011 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, A ______, B ______, C ______ et D ______, représentés par Me David LACHAT, ont agi en annulation du congé, expliquant ne pas en connaître la motivation de sorte qu'il n'était pas exclu que celui-ci soit annulable au sens des art. 271 al. 1 et 271a CO.

Par courrier du 4 novembre 2011, Me David LACHAT a informé la Commission de conciliation qu'il n'était pas en mesure de produire la procuration de D ______, laquelle avait finalement renoncé à le mandater. En tant que de besoin, il confirmait que les consorts A ______, B ______ et C ______ contestaient le congé notifié par avis officiels des 5 septembre et 5 octobre 2011 et qu'ils dirigeaient leur requête à l'encontre de la bailleresse et de D ______.

Dans le courant du mois de novembre 2011, D ______ a confié la défense de ses intérêts à Me Alain DE MITRI, lequel s'est formellement constitué, avec procuration, auprès de la Commission de conciliation.

f. Par pli du 1er novembre 2011 adressé au conseil de la bailleresse, Me LACHAT a précisé que B ______, pour le compte de son frère et de sa sœur, était prêt à proposer une augmentation de loyer de l'ordre de 30% dans l'hypothèse où un bail serait attribué à sa famille.

Par courrier du même jour, l'avocate de la bailleresse a répondu que celle-ci n'entendait pas conclure un bail avec les consorts A ______, B ______ et C ______.

g. Par courrier du 21 novembre 2011, en réponse à A ______, B ______ et C ______, qui souhaitaient connaître le motif du congé, la bailleresse a indiqué qu'elle entendait attribuer le logement concerné à une famille.

h. Déclarée non conciliée le 15 décembre 2011, l'affaire a été portée devant le Tribunal des baux et loyers par A ______, B ______, C ______ et D ______ en date du 16 janvier 2012. Ceux-ci ont principalement conclu à l'annulation du congé et, subsidiairement, à la prolongation du bail pour une durée de quatre ans, soit jusqu'au 30 septembre 2016. Ils ont par ailleurs précisé que le logement était occupé de longue date par B ______ et C ______, lesquels avaient veillé sur leur mère pendant les dernières années de sa vie.

Dans sa réponse du 17 avril 2012, la bailleresse a conclu à la validation des congés notifiés et au refus de toute prolongation du bail. A l'appui de ses conclusions, elle a exposé que seuls trois des quatre membres de l'hoirie s'étaient opposés au congé en temps utile, de sorte que celui-ci n'avait pas été contesté valablement. En outre, elle contestait que deux des héritiers aient vécu et vivent dans l'appartement concerné, puisqu'ils étaient tous deux officiellement domiciliés à ______ à Genève.

i. Lors de l'audience du 8 juin 2012, B ______ a déclaré avoir vécu dans l'appartement loué par ses parents depuis 1973, avec C ______, à l'exception de la période durant laquelle lui-même et son frère avaient été fiancés. Ils étaient officiellement domiciliés à ______, mais les deux appartements loués à cette adresse étaient destinés à leur activité professionnelle respective, d'avocat et de médecin. L'aide-soignante de feu sa mère occupait également l'appartement depuis environ deux ans et demi.

Sur le sujet, le témoin H ______, le pharmacien de feue F ______ et de ses enfants, a expliqué s'être fréquemment rendu, durant plusieurs années, dans l'appartement de la défunte, notamment pour des livraisons à effectuer dans la journée ou le soir. C'était toujours B ______ ou C ______ qui lui avaient répondu et il était évident pour lui que ceux-ci habitaient l'appartement, notamment au vu de leur tenue "décontractée" ou "d'intérieur" lorsqu'ils le recevaient. Il était aussi arrivé qu'ils lui racontent les malaises de leur mère survenus durant la nuit. Compte tenu de l'âge et de l'état de santé de F ______ à la fin de sa vie, il avait été absolument nécessaire qu'elle bénéficie de l'assistance constante de ses fils. Le témoin avait également livré des médicaments aux deux frères dans cet appartement, ce que son coursier continuait d'ailleurs de faire.

I ______ , amie d'enfance de F ______ , a confirmé que B ______ et C ______ avaient toujours habité avec leur mère dans l'appartement concerné. Au cours des dix dernières années, elle avait eu l'occasion de se rendre chez son amie et avait constaté que ses deux fils y avaient leurs effets personnels dans leurs chambres. Selon elle, ils n'avaient pas d'autre logement et elle n'avait jamais entendu parler d'un appartement à ______.

J ______, locataire d'un appartement au 2ème étage de l'immeuble concerné, a indiqué que depuis la date de son emménagement, elle avait toujours croisé B ______ et C ______ ainsi que leur mère. Celle-ci souffrait d'un handicap respiratoire et moteur. Le nom des deux frères figurait sur la boîte aux lettres et elle les croisait régulièrement.

j. Les héritiers de F ______ ont soutenu que la motivation du congé était un prétexte, dès lors que tous les appartements de l'immeuble n'étaient pas occupés par des familles.

K ______, employée de la régie L______ SA , a expliqué être en charge de la gérance de l'immeuble concerné depuis environ dix ans. Elle était essentiellement chargée de la location des appartements et ne s'occupait pas du contentieux. L'immeuble comptait deux studios ainsi que des appartements de 4, 7 et 9 pièces. Selon les instructions données par la société propriétaire, la régie devait favoriser les dossiers de candidature déposés par des familles qui habitaient principalement à Genève ou qui venaient de s'y installer. Un appartement de 9 pièces était loué à un homme seul, travaillant à Genève, qui désirait disposer de place pour recevoir ses deux enfants durant les vacances scolaires. Un autre logement de 9 pièces était occupé par un jeune couple qui souhaitait fonder une famille. Au jour de l'audience, il y avait plusieurs familles avec enfants logées dans l'immeuble. Le témoin n'avait jamais reçu pour instruction de résilier le bail d'une personne seule vivant dans l'immeuble depuis longtemps.

k. Selon l'hoirie, la bailleresse souhaiterait procéder à des travaux dans l'appartement litigieux en vue de le relouer à un prix très élevé. A l'appui de cet allégué, elle a produit une annonce de location pour un appartement de 9 pièces sis dans l'immeuble concerné, indiquant un loyer de 5'500 fr. par mois, charges non comprises, ainsi que le résultat d'une recherche effectuée sur internet le 30 novembre 2011 libellée comme suit :

"Genève : à louer appartement et maisons / home.ch … 312 objets à louer … CHF 15'000 mois RUE ______ … Attique, 120 nf, 7 Pièces, 230m2 …"

Selon un contrat de bail produit par la bailleresse, un appartement en attique de 7 pièces a été loué le 6 décembre 2011 dans l'immeuble concerné pour un loyer mensuel de 5'420 fr., charges non comprises.

l. B ______ a allégué avoir effectué sans succès des démarches pour trouver une solution de relogement. L'hoirie a produit de nombreuses offres de location publiées sur internet d'octobre 2011 à juillet 2012, ainsi que différents courriels adressés par B ______ à diverses régies de la place.

C. a. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que D ______ avait été valablement représentée par ses frères et sœur lors de la saisie de la Commission de conciliation, dès lors qu'elle avait ratifié leur démarche. Le congé avait ainsi été contesté en temps utile par l'ensemble des héritiers de feue F _____. Le Tribunal a en outre retenu que B ______ et C ______ habitaient réellement avec leur mère dans les années ayant précédé son décès et qu'ils vivaient encore dans l'appartement concerné. Ni l'hoirie, ni B ______ ne disposaient toutefois d'un droit à ce que le bail soit mis au nom de ce dernier, de sorte que la résiliation querellée ne saurait consister en un congé de représailles. Par ailleurs, la procédure n'avait pas permis d'établir que le motif du congé donné par la bailleresse était mensonger ou fantaisiste. Enfin, la bailleresse n'avait pas agi contradictoirement, pas plus qu'elle n'avait donné d'assurance portant sur la poursuite des rapports contractuels avec les héritiers de la défunte. Le congé était donc valable.

b. En appel, la légitimation active de D ______ n'est plus remise en cause. Les appelants allèguent, pour la première fois devant la Cour, que la bailleresse sait pertinemment que Nicolas et C ______ occupent l'appartement litigieux, mais qu'elle soutient le contraire pour les besoins de la cause, faisant ainsi preuve de mauvaise de foi.


EN DROIT

1. 1.1 La décision entreprise est une décision finale, susceptible d'appel si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 lit. a et 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_361/2008 du 26 septembre 2008 consid. 1; 4A_217/2007 du 4 septembre 2007 consid. 1).

En l'espèce, le loyer, charges non comprises, a été fixé à 36'000 fr. par an. En conséquence, la valeur litigieuse est manifestement supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), de sorte que la voie de l'appel est ouverte. Interjeté dans le délai de trente jours, écrit et motivé, ce dernier est recevable (art. 311 al. 1 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC).

S'agissant d'une procédure en annulation de congé introduite dans le délai légal de trente jours (art. 273 al. 1 CO), soumise à la procédure simplifiée en vertu de l'art. 243 al. 2 let. c CPC, la maxime inquisitoire sociale est applicable (art. 247 al. 2 CPC).

2. 2.1 Les parties à un rapport de droit qui n'est susceptible que d'une décision unique doivent agir ou être actionnées conjointement (art. 70 al. 1 CPC). A supposer que les consorts nécessaires n'agissent pas ou ne soient pas assignés tous ensemble, il en résulterait un défaut de légitimation (active ou passive) ayant pour conséquence le rejet de la demande. S'agissant d'une question touchant au droit matériel, le juge examine d'office si la consorité nécessaire est donnée (JEANDIN, in CPC, Code de procédure civile commenté, BOHNET/HALDY/JEANDIN/ SCHWEIZER/TAPPY [éd.], 2011, n. 18-19 ad art. 70 CPC).

Selon l'art. 560 al. 1 CC, les héritiers acquièrent de plein droit l'universalité de la succession dès que celle-ci est ouverte.

Tant que la succession n’est pas partagée, les droits et obligations du de cujus appartiennent en commun à l’ensemble de ses héritiers (art. 602 al. 2 CC). Seul l'ensemble des héritiers ou leur représentant est en droit de faire valoir les droits appartenant à la communauté. Les héritiers doivent ainsi agir en commun pour obtenir une prestation ou pour faire constater un droit (ATF 116 Ib 447 consid. 2).

Selon le Tribunal fédéral, est entaché de formalisme excessif le refus d'entrer en matière sur une contestation de congé, au motif que la ratification du colocataire intervient postérieurement à l'échéance du délai de contestation (arrêt du Tribunal fédéral 4C.236/2003 du 30 janvier 2004 consid. 3).

2.2 En l'espèce, la légitimation active des héritiers de feue F ______ n'est à juste titre plus contestée en appel. En effet, la requête en contestation du congé du 22 septembre 2011 a été déposée auprès de la Commission de conciliation au nom de l'ensemble des héritiers. Si D ______ n'a pas mandaté le même avocat que ses frères et sœur, elle a néanmoins ratifié les démarches entreprises par ces derniers à son nom, en assistant à l'audience de conciliation à leurs côtés et en saisissant avec eux le Tribunal des baux et loyers après l'échec de la conciliation. Les consorts A ______, B ______ et C ______ l'ont ainsi valablement représentée lors du dépôt de la demande.

3. Selon l'art. 317 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant le juge de première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (JEANDIN, op. cit., n. 6 ad art. 317 CPC).

La rigueur des conditions de cette disposition ne saurait être atténuée à l'égard de la partie négligente, même lorsque le juge est tenu, en vertu de l'art. 247 al. 2 CPC, d'établir les faits d'office (ATF 138 III 625; arrêt du Tribunal fédéral 4A_123/2012 du 29 octobre 2012 consid. 4).

En l'espèce, les appelants allèguent, pour la première fois en appel, que la bailleresse feindrait de ne pas savoir que B ______ et C ______ occupent réellement l'appartement litigieux. Or, cet élément est irrecevable, dès lors qu'il aurait pu être allégué devant le Tribunal.

4. Les appelants invoquent tout d'abord une violation de l'art. 271a al. 1 let. a CO. Ils soutiennent que leur droit de solliciter l'attribution du logement est une prétention et que, bien que le bailleur ne puisse être contraint d'y répondre favorablement, il ne peut en guise de réponse résilier purement et simplement le contrat de bail.

Le congé est annulable lorsqu'il est donné par le bailleur, notamment parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions découlant du bail (art. 271a al. 1 let. a CO). Le locataire doit faire valoir un droit, et non un souhait (LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 740).

En l'espèce, ni l'hoirie, ni B ______ ne disposent d'un droit à ce que le bail soit mis au nom de ce dernier, ce qui n'est du reste pas contesté. Dans ces conditions, le congé donné par la bailleresse ne saurait constituer un congé de représailles.

5. Les appelants se prévalent ensuite de l'art. 271 al. 1 CO, le congé contrevenant d'une manière générale aux règles de la bonne foi.

5.1 Le congé qui contrevient aux règles de la bonne foi est annulable (art. 271 al. 1 CO). Cette protection procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Les cas typiques d'abus de droit (absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, disproportion grossière des intérêts en présence, exercice d'un droit sans ménagement, attitude contradictoire) justifient l'annulation du congé. Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif s'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection, s'il est purement chicanier ou encore fondé sur un motif qui n'est manifestement qu'un prétexte. En revanche, le congé signifié pour l'échéance en vue de vendre un objet dans de meilleures conditions ou d'obtenir d'un nouveau locataire un loyer plus élevé, mais non abusif, ne saurait, en règle générale, constituer un abus de droit. Il en va de même du congé notifié en vue de la réalisation de vastes travaux d'assainissement lorsque le maintien du locataire dans les locaux est susceptible d'entraîner des retards ou des complications dans l'exécution des travaux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_414/2009 du 9 décembre 2009 consid. 3.1; cf. ég. ATF 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 31 consid. 4a).

Le but de la loi est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives; un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du simple fait que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêt du Tribunal fédéral 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid. 2.2). Seule une disproportion manifeste des intérêts en présence, due au défaut d'intérêt digne de protection du bailleur, peut rendre une résiliation abusive (arrêts du Tribunal fédéral 4A_300/2010 du 2 décembre 2010 consid. 4.3; 4A_414/2009 du 9 décembre 2009 consid. 3.1).

Il appartient au destinataire du congé de démontrer que celui-ci contrevient aux règles de la bonne foi; la partie qui résilie a seulement le devoir de contribuer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif invoqué par elle (ATF 135 III 112 consid. 4.1 p. 119; 120 II 105 consid. 3c).

5.2. 5.2.1 En l'espèce, il ressort des témoignages de H ______ et de I ______ que B ______ et C ______ habitaient avec leur mère avant son décès, qu'ils avaient chacun leur chambre et qu'ils occupent toujours l'appartement litigieux. J ______, locataire du 2ème étage de l'immeuble concernée, a en outre confirmé rencontrer régulièrement B ______ et C ______ dans l'immeuble. Il résulte par ailleurs du papier à en-tête utilisé par B ______ que l'adresse à ______ correspond à celle de son Etude, soit à son adresse professionnelle (cf. courrier adressé le 23 juin 2011 par B ______ à la régie). Il n'y a dès lors pas d'élément à la procédure permettant de retenir que B ______ et C ______ ne vivraient ainsi pas réellement dans l'appartement litigieux.

5.2.2 Les appelants se plaignent de ce que la résiliation du bail est intervenue contre toute attente, alors que les parties avaient convenu de discuter de la reprise du bail par B ______.

Il est vrai que la régie a proposé, dans son courrier du 8 juillet 2011, un entretien à B ______ à la suite de sa demande de reprendre le bail à son nom. Néanmoins, les appelants ne pouvaient comprendre de bonne foi que ce rendez-vous constituait une garantie de maintenir le contrat, voire un engagement de négocier la conclusion d'un nouveau bail. Le courrier précisait à cet égard que la bailleresse souhaitait cet entretien "avant d'entrer en matière" sur la demande d'attribution. En résiliant le bail le 5 septembre 2011, la bailleresse n'a ainsi adopté aucun comportement contradictoire, contraire à la bonne foi.

5.2.3 Les appelants soutiennent encore que la motivation du congé avancée par la bailleresse ne serait qu'un prétexte. A leurs avis, cette dernière souhaiterait procéder à des travaux dans l'appartement litigieux en vue de le relouer à un prix abusif.

Sur ce point, l'employée de la régie en charge de la location des appartements de l'immeuble concerné a confirmé qu'elle avait reçu pour instruction de la bailleresse de favoriser les dossiers déposés par des familles. Il ressort en outre de son témoignage que plusieurs familles ou parent seul avec enfants résident dans l'immeuble et qu'il faut comprendre par "famille", au sens où l'entend la bailleresse, des couples avec enfants, voire avec l'intention d'en avoir, ou encore des familles monoparentales. Or, B ______ et C ______ ne répondent pas à ce critère, dès lors qu'ils ne vivent ni l'un ni l'autre, apparemment, en couple et n'ont pas d'enfant.

Par ailleurs, à la première demande des héritiers, la bailleresse a précisé qu'elle résiliait le bail afin d'attribuer le logement à une famille. Tout au long de la procédure, le motif invoqué n'a pas varié, de sorte qu'il apparaît réel.

Enfin, aucun élément au dossier ne permet de penser que la bailleresse a déjà par le passé résilié le bail d'autres locataires en vue d'augmenter le prix du loyer. Il n'existe ainsi pas d'indices suffisants plaidant en faveur d'une volonté de la bailleresse de vider l'immeuble de ses anciens locataires pour relouer à un prix abusif.

Dans ces circonstances, les appelants n'ont pas apporté la preuve que le motif invoqué constituerait un prétexte. C'est donc à juste titre que le Tribunal a admis la validité du congé donné par avis officiels des 5 septembre et 5 octobre 2011 pour le 30 septembre 2012.

6. Le Tribunal a octroyé une prolongation de bail de trois ans, soit jusqu'au 30 septembre 2015. Les appelants demandent qu'elle soit de quatre ans.

6.1 Aux termes de l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander une prolongation de bail lorsque la fin du bail aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. Dans la pesée des intérêts, la loi prévoit que le juge se fonde sur les circonstances de la conclusion du bail et le contenu du contrat, la durée du bail, la situation familiale et financière des parties, ainsi que leur comportement, le besoin du bailleur ou de ses proches parents ou alliés et l'urgence de ce besoin, et la situation sur le marché local du logement et locaux commerciaux (art. 272 al. 2 CO). La pesée des intérêts en fonction de cette liste non exhaustive sert non seulement à déterminer le principe d'une éventuelle prolongation de bail, mais aussi sa durée (ATF 116 II 446 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_72/2011 du 4 avril 2011 consid. 3).

Quelle que soit leur gravité, les inconvénients d'un changement de locaux ne constituent pas à eux seuls des conséquences pénibles aux termes de l'art. 272 al. 1 CO car ils sont inhérents à la résiliation du bail et ils ne sont pas supprimés, mais seulement différés en cas de prolongation de ce contrat; la prolongation ne se justifie que si, au regard des circonstances, elle permet d'espérer une atténuation de ces inconvénients en ce sens qu'un déménagement plus lointain sera moins préjudiciable au locataire. Celui-ci doit aussi avoir entrepris les recherches de locaux de remplacement que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour remédier aux conséquences du congé, cela déjà lorsqu'il sollicite une première prolongation de son bail (ATF 110 II 249 consid. 4; 116 II 446 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2011 du 4 avril 2011 consid. 3; 4A_452/2010 du 22 novembre 2010 consid. 3).

Pour déterminer la durée de la prolongation du bail, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il doit donc se laisser guider par les règles de l’équité (art. 4 CC; ATF 136 III 190 consid. 6; 135 III 121 consid. 2).

Pour un bail de locaux d’habitation, la prolongation maximale est de quatre ans. Dans cette limite, une ou deux prolongations peuvent être accordées (art. 272 b al. 1 CO).

6.2 En l’espèce, B ______ et C ______ ont grandi dans l'appartement litigieux et y ont assisté leur mère jusqu'à son décès.

La bailleresse n'a allégué aucun besoin pressant de récupérer l'appartement litigieux. En revanche, B ______ et C ______, qui occupent l'appartement depuis longtemps, se retrouvent dans la situation désagréable de devoir chercher un autre logement, déménager et s'adapter à un nouvel environnement. Ils ont effectué, d'octobre 2011 à juillet 2012, plusieurs recherches pour trouver des locaux de remplacement, en prenant contact avec des régies de la place, en s'inscrivant sur des sites internet et en consultant des annonces. Ces dernières sont restées vaines. Au vu de l'état du marché locatif à Genève, une prolongation de trois ans, telle que prévue par le Tribunal, apparaît suffisante, les locataires, qui disposent de revenus confortables, ne faisant valoir aucune circonstance personnelle particulière justifiant une prolongation plus étendue.

Le jugement sera par conséquent confirmé également sur ce point.

7. La procédure est gratuite, en ce sens qu’il n’est pas perçu de frais judiciaires ou de dépens (art. 22 al. 1 LaCC; art. 95 al. 1 CPC).

8. La valeur litigieuse, déterminée au consid. 1.1 ci-dessus, est supérieure à 15'000 fr., de sorte que le recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral peut être interjeté contre la présente décision (art. 74 al. 1 let. a LTF).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A ______, B ______, C ______ et D ______ contre le jugement JTBL/437/2013 rendu le 19 avril 2013 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19858/2011-1-OSB.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Elena SAMPEDRO et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Laurence MIZRAHI et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.