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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/8006/2019

AARP/373/2022 du 15.12.2022 sur JTDP/922/2022 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : EXPULSION(DROIT PÉNAL);ESCROQUERIE;ASTUCE
Normes : CP.146; CP.251; CP.66A; CP.66D
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8006/2019 AARP/373/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 15 décembre 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'établissement fermé de B______, comparant par Me C______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/922/2022 rendu le 22 juillet 2022 par le Tribunal de police,

 

et

D______ SA, partie plaignante, comparant par Me Romain HERZOG, avocat, rue Etraz 10, case postale 7239, 1002 Lausanne,

E______, partie plaignante,

F______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 22 juillet 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté du chef de faux dans les titres pour les faits visés sous chiffre 1.1.1 de l'acte d'accusation (art. 251 ch. 1 du Code pénal [CP]) mais l’a reconnu coupable d'escroquerie qualifiée (métier, art. 146 al. 1 et 2 CP), de faux dans les titres pour les faits visés sous chiffres 1.1.2, 1.1.3, 1.1.5 et 1.2 de l'acte d'accusation (art. 251 ch. 1 CP) et d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (art. 115 al. 1 let. a LEI). Le TP a classé la procédure, faute de compétence ratione loci, pour les faits visés sous chiffre 1.1.4 de l'acte d'accusation et condamné A______ à une peine privative de liberté de 23 mois, sous déduction de la détention avant jugement subie, a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de dix ans (art. 66a al. 1 let. c et e CP) et le signalement de cette mesure dans le système d'information Schengen (SIS). Il l’a également condamné à payer à D______ SA, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 8'035.10 avec intérêts à 5% dès le 19 août 2021 (art. 41 al. 1 CO) et CHF 3'618.70 à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Le TP a également fait en partie droit aux conclusions civiles de G______ et condamné A______ au paiement des 9/10èmes des frais de la procédure.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement pour les faits visés aux sous chiffres 1.1.1, 1.1.3, 1.1.5, 1.2 et 1.3 de l’acte d’accusation et à ce que la circonstance aggravante du métier ne soit pas retenue. Il s’oppose au prononcé de l’expulsion et conclut au prononcé d’une peine privative de liberté clémente n’excédant pas 12 mois.

b. Selon l'acte d'accusation du 24 juin 2022, il est encore reproché ce qui suit à A______ :

(1.1.1.) : faits au préjudice de l'Hospice général : entre octobre 2018 et septembre 2020, à Genève, A______ a astucieusement trompé l'Hospice général et a ainsi indûment perçu des prestations de ce dernier. Il a astucieusement fait croire aux employés de l'Hospice général qu'il résidait à Genève, plus particulièrement chez H______ à la rue 2______ et lui versait un loyer, ce qui était faux. A______ a transmis un contrat de sous-location entre H______ et lui-même daté du 19 novembre 2018, portant sur l'appartement sis rue 2______no.______ et indiquant que le bail commençait le 14 novembre 2018, et de fausses attestations de paiement d'un loyer de CHF 1'895.- signées au nom de H______ et datées des 5 janvier 2019, 1er mars 2019, 8 avril 2019, 1er mai 2019, 1er juin 2019, 1er juillet 2019, 2 août 2019, 2 septembre 2019, 3 octobre 2019, 1er novembre 2019, 1er décembre 2019, 1er janvier 2020, 1er février 2020, 9 mars 2020, 4 mai 2020, 2 juin 2020, 3 juillet 2020, 3 août 2020. Il n'a jamais résidé chez H______ et ne lui a jamais versé de loyer. Il ne résidait pas à Genève pendant la période d'octobre 2018 à septembre 2020 mais en France. Il a également omis d'informer l'Hospice général que son autorisation de séjour n'avait pas été renouvelée et qu'un délai pour quitter la Suisse lui avait été imparti au 17 août 2020. Enfin, il a omis d'indiquer à l'Hospice général qu'il était inscrit au registre du commerce (RC) sous la raison individuelle I______ - A______.

L'Hospice général a été trompé par A______. Sur la base des formulaires et des pièces produites par celui-ci, l'Hospice général lui a fourni des prestations pour son entretien de base, le paiement de son assurance-maladie et lui versait CHF 1'100.- par mois pour le paiement du loyer prétendument dû à H______. Entre octobre 2018 et septembre 2020, A______ a perçu indûment des prestations de l'HOSPICE GENERAL pour un montant total de CHF 62'357.80.

(1.1.3.) : Faits au préjudice de D______ SA : courant 2021, A______ s'est rendu chez D______ SA sis route 3______ no. ______ à J______ [VD]. Il y a rencontré K______, conseiller de vente employé par ledit garage avec qui il a conclu un contrat de vente portant sur un véhicule L______/4______ [marque, modèle], étant précisé que ledit véhicule ne pouvait être livré que quatre ou cinq mois plus tard. Environ deux mois plus tard, A______ a contacté à nouveau K______ et lui a fait part de son intérêt d'acquérir un véhicule M______/5______ [marque, modèle], en leasing. Mi-août 2021, A______ a indiqué à K______ qu'il achèterait finalement le véhicule en espèces et utiliserait le bulletin de versement qui lui avait été remis pour le paiement de l'acompte du leasing. Le 17 août 2021, A______ s'est présenté chez D______ SA et a remis à K______ copie d'un bulletin de versement falsifié, indiquant faussement qu'il avait versé CHF 42'290.- sur le compte de D______ SA. A______ a ensuite demandé à K______ si un véhicule pouvait être mis à disposition pour un ou deux jours, demande à laquelle K______ a donné une suite favorable. Le 19 août 2021, A______ est retourné au garage et a restitué le véhicule prêté. Au vu du rapport de confiance qui s'était noué entre eux, par le fait que A______ avait préalablement rencontré son patron et trompé par la remise d'une copie falsifiée d'un bulletin de versement faisant état du versement de CHF 42'290.- auprès du bureau de poste du N______ [GE], K______ a, pour le compte de D______ SA, remis à A______ le véhicule M______/5______.

A______ n'a pas payé le prix de vente et n'en n'avait ni l'intention ni les capacités financières, étant précisé qu'il a été interpellé le 21 août 2021 au volant dudit véhicule, suite à sa mise sous recherche ; celui-ci a ensuite été restitué à D______ SA.

A______ a causé à D______ SA un dommage temporaire correspondant à la valeur du véhicule et un dommage définitif consistant au fait que celui-ci a perdu 20 à 25% de sa valeur ensuite de son immatriculation au nom de A______.

(1.1.5.) :Faits au préjudice de F______ (O______) SA : fin juillet 2021, à Genève et dans le canton de Vaud, A______ a établi et transmis au garage F______ (O______ [VD]) un faux récépissé de paiement daté du 26 juillet 2021 attestant prétendument de ce qu'il avait versé CHF 105'000.- au bureau de poste du P______ [GE] en faveur du compte de F______ (O______) SA, dans le but de tromper ledit garage sur le fait qu'il s'était acquitté du prix de vente et de se faire remettre un véhicule Q______/6______ [marque, modèle] alors qu'il n'avait ni l'intention ni les moyens de payer, et de causer ainsi un dommage au garage. Sa tentative n’a pas abouti car il n’y pas obtenu la remise de la Q______.

(1.2.) : Le 25 juillet 2019, à Genève, dans le but de récupérer indûment les plaques no. GE 1______, A______ a présenté un récépissé postal falsifié au guichet de l'Office cantonal des véhicules (OCV) afin de faire croire qu'il avait payé le montant de CHF 666.20 dû à l’OCV, alors que seul le montant de CHF 10.- avait été payé, trompant ainsi un employé dudit Office, lequel lui a remis lesdites plaques d'immatriculation.

(1.3.) : À réitérées reprises entre le 30 septembre 2020, lendemain du courrier de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) à son avocat et le 21 août 2021, date de son interpellation, notamment fin avril – début mai 2021 ainsi qu'en juillet et août 2021 dans les circonstances précitées ainsi que le 21 août 2021, A______, originaire du Kosovo, a pénétré en Suisse, à Genève, sans être au bénéfice des autorisations nécessaires, alors qu’une décision de renvoi de Suisse avait été prononcée à son encontre le 27 août 2019, que son recours contre ladite décision avait été rejeté par jugement du Tribunal administratif de première instance (TAPI) du 20 février 2020 et que par courrier du 29 septembre 2020, l'OCPM avait adressé un courrier à son avocat pour lui indiquer que la requête de son mandant en prolongation du délai pour quitter la Suisse était rejetée et que A______ devait immédiatement quitter le pays.

L’appelant ne conteste pas le verdict de culpabilité d’escroquerie et de faux dans les titres en lien avec le chiffre 1.1.2 de cet acte d’accusation, pour avoir conclu le 12 décembre 2018 un contrat de vente portant sur une voiture de marque R______/7______ [modèle] d'une valeur CHF 98'845.- puis adressé le 22 décembre 2018, vers 12h30, par courriel une photo d'un récépissé de S______ SA qu'il avait falsifié et qui indiquait faussement qu'il avait versé CHF 100'000.- le 19 décembre 2018 sur le compte bancaire de E______, alors qu'il n'avait pas effectué de versement. Il s’était ensuite rendu vers 15h au garage E______ à T______ [LU], où il a conclu deux autres contrats portant sur l'achat de deux véhicules et pris possession du véhicule R______/7______ qu’il a ensuite revendu le 21 janvier 2019 pour un montant de CHF 75'000.-.


 

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 27 août 2020, l'Hospice général a informé le Ministère public (MP) que A______ était aidé financièrement depuis le 1er octobre 2018. Les 5 octobre 2018 et 7 octobre 2019, il avait rempli des demandes de prestations. Son adresse était : c/o H______, rue 2______ no. ______ à U______ [GE]. Dans sa demande de prestations d'aide sociale financière, du 7 octobre 2019, A______ s’était dit carrossier et n’avoir aucun revenu. Il s’est dit au bénéficie d'un contrat de sous-location ; la titulaire du bail était H______. Il était titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 31 mai 2019.

A______ est inscrit depuis le 23 octobre 2018 comme titulaire, avec signature individuelle, de l'entreprise individuelle I______- A______, active dans le nettoyage, la peinture en bâtiment et le parquet. Il n’en a pas avisé l’Hospice général.

A______ avait transmis à l’Hospice général la copie d'un contrat de sous-location conclu avec H______ le 19 novembre 2018, de deux attestations de H______ des 18 et 19 novembre 2018 et d'attestations de paiement du loyer convenu. L'Hospice général versait, depuis décembre 2018, CHF 1'100.- à A______ pour qu'il s'acquitte de son loyer et de ses charges auprès de H______.

Selon le rapport de police du 15 septembre 2020, les investigations n'avaient pas permis de trouver un point de chute valable et actuel pour A______. Sa dernière adresse, rue 2______ no. ______ à U______, chez H______, n'était plus valide. Vérification faite auprès de [la régie immobilière] V______, H______ avait quitté son logement le 15 février 2019, sans qu'il ne soit réattribué à A______. Le même jour, le MP a informé l'Hospice général qu'une procédure pour escroquerie et faux dans les titres était dirigée contre A______, suite aux pièces produites, car il apparaissait, après vérifications de la police, que A______ ne résidait pas à la rue 2______ no. ______. A cette date, l'Hospice général lui avait versé des prestations d’un montant total de CHF 62'357.80.

Selon H______, A______ était un ami. Elle ne lui avait pas sous-loué d'appartement et il n'avait jamais habité chez elle ni versé de loyer. Elle avait seulement accepté qu’il se domicilie chez elle pour son permis de séjour.

Par décision du 24 février 2022, l'Hospice général a réclamé à A______ le montant des prestations indûment perçues du 1er octobre 2018 au 28 février 2021, soit CHF 73'413.05 (décompte à l'appui).

A______ a admis n’avoir jamais habité à la rue 2______ ni n’avoir payé de loyer. Il conteste néanmoins avoir escroqué l'Hospice général : celui-ci lui avait fait savoir qu'il devait absolument trouver une adresse à Genève s'il voulait toucher des prestations et il avait trouvé cette poste restante, rue 2______ no. ______, ce que l’Hospice savait. Il avait remis tous les documents que l’Hospice général avait demandés. A l'époque, il habitait sur Genève mais n’avait pas fourni sa vraie adresse car le bail n’était pas à son nom. Il n’avait quitté Genève pour la France qu’en 2020, en lien avec les problèmes de COVID. Il avait en outre informé l’Hospice général qu'il avait une entreprise en raison individuelle et l’Hospice général avait rétorqué qu'il n'avait pas besoin de la déclarer car elle n’avait pas d’activité. Les collaborateurs de l’Hospice avaient rempli les formulaires ; ils savaient pertinemment qu’il n’habitait pas à la Tambourine.

Le premier juge a acquitté A______ de faux dans les titres en lien avec ces faits, retenant qu’il n’était pas exclu « que ce soit H______ qui ait, sinon établi, signé les contrat et attestations incriminés » et que ces documents, dont le prévenu avait fait usage, n’étaient pas des titres au sens de l’art. 110 CP.

b. Le 29 août 2021, D______ SA a déposé plainte pénale contre A______. Selon son employé K______, A______ s'était présenté au garage pour acquérir une voiture récente et il lui avait proposé une L______/4______. Il avait fait la photocopie du permis de conduire de A______ et pris son numéro de téléphone. A______ avait emprunté le véhicule pour le montrer à sa femme et l'essayer. Le lendemain, A______ avait confirmé sa volonté d'acheter le véhicule et ils avaient conclu un contrat de vente. Il y avait un délai d'attente de quelques mois pour la livraison. Après deux mois, A______ était revenu le voir pour lui faire part de son intérêt pour un deuxième véhicule, une M______/5______. Un calcul de financement avait été fait pour le leasing de ce véhicule. Il avait remis à A______ deux bulletins de versement, en vue du paiement d'un acompte pour la L______/4______ et d'un acompte pour la M______/5______. A______ avait remis son titre de séjour pour l'établissement du leasing. Celui-ci n'étant plus valable, il avait dit à A______ ne pas pouvoir conclure de leasing ; celui-ci était revenu par la suite au garage car il avait eu besoin de fourgons pour sa société. Il avait présenté A______ à son patron et ils avaient tous trois discuté, pendant un quart d'heure, des affaires éventuelles qu'ils allaient pouvoir finaliser. Puis A______ l'avait rappelé pour lui dire qu'il allait finalement payer en espèces la M______/5______ et utiliser le bulletin de versement précédemment remis. A______ était ainsi revenu au garage le 17 août 2021 et lui avait remis la copie du bulletin de versement acquitté du même jour pour un montant de CHF 42'290.- (pièce A-38). Il avait remercié A______, qui était parti, avant que celui-ci ne rappelle et dise qu'il avait besoin d'un véhicule pour deux jours, ce qui s'était fait – A______ lui avait ramené le véhicule avec le plein d'essence. Deux jours plus tard, soit le 19 août 2021, A______ était repassé au garage pour prendre possession de la M______/5______. Pour sa part, comme il avait reçu la preuve du paiement, qu'un climat de confiance s'était installé et que A______ avait rencontré son patron, il n'avait pas poussé les vérifications et lui avait remis le véhicule. Bien que deux jours se soient écoulés entre la remise du récépissé postal et celle de la M______/5______, il n'avait pas vérifié que le compte de la société avait été crédité, car son patron et le comptable n'étaient pas là et il n'avait pas la possibilité de contrôler. Informé le jour même par son association professionnelle] qu'il pouvait y avoir un problème avec A______, il s'était rendu à la poste le lendemain. On lui avait indiqué qu'il était impossible qu'un montant aussi élevé (CHF 42'290.-) ait pu être versé en espèces – cela devait se faire de compte à compte. S______ SA avait confirmé qu'aucun montant de cet ordre n'avait été versé à D______ SA.

Le 1er novembre 2021, D______ SA a produit le relevé de son compte bancaire, ouvert auprès [de la banque] W______. La somme de CHF 42'290.- n'y figurait pas.

Selon les indications de S______ SA, A______ est passé le 17 août 2021 aux guichets du N______ pour effectuer un versement d'un montant de CHF 1.-. Aucun autre versement pour ce client n'avait été enregistré à la filiale du N______ ce jour-là. Au niveau du journal de caisse aucun montant de CHF 42'290.- n'apparait.

A______ a maintenu tout au long de la procédure qu’il avait effectué ce paiement au guichet, l’argent provenant de l’exploitation de son entreprise individuelle.

c. Le 16 novembre 2021, F______ (O______) SA a déposé plainte pénale contre A______. Celui-ci s'était présenté au garage pour acheter deux véhicules : une X______ [marque] pour sa femme et une Q______/6______ pour lui. Il avait signé deux contrats de vente le 23 juillet 2021. Le garage lui avait laissé la X______ à titre commercial jusqu'à la livraison de la Q______/6______, prévue le 29 juillet 2021. Très rapidement, A______ avait fourni, par WhatsApp, le récépissé de paiement de CHF 105'000.- pour la Q______/6______, daté du 26 juillet 2021(pièce C-464). Ne voyant pas les fonds arriver, F______ (O______) SA n'avait pas livré le véhicule. Cela étant, comme A______ avait eu besoin d'un véhicule pour les vacances, le garage lui avait laissé la X______ dans l'attente de résoudre le problème. Un contrat de location portant sur la X______ avait donc été édité et remis à A______. Pendant la location, A______ avait été invité à plusieurs reprises à restituer la voiture, en vain. Il avait fini par déposer la X______ en dehors des heures d'ouverture, avec des dégâts, sans plein d'essence.

Selon A______, il avait effectué ce paiement au guichet, l’argent provenant de l’exploitation de son entreprise individuelle ; lorsqu’il s’était présenté au garage le jour-même, celui-ci avait indiqué que le véhicule n’était pas immédiatement disponible. Il avait donc demandé au guichet d’annuler le virement et de le rembourser, ce qui avait été fait.

d. Le 2 mai 2019, une décision de retrait du permis de circulation a été notifiée à A______, au motif du non-paiement de l'impôt sur son véhicule et d'émoluments ; il avait donc dû déposer les plaques. Le 25 juillet 2019, A______ a présenté au guichet du service financier de l'OCV un récépissé postal de paiement du montant dû (pièce B-19) et les plaques lui ont été restituées le jour même. Le 29 juillet 2019, seuls CHF 10.- avaient toutefois été crédités sur le compte Y______ de l'OCV. Après recherches, S______ SA avait confirmé, le 22 août 2019, que l'expéditeur n'avait payé que CHF 10.-. Les plaques avaient par conséquent à nouveau été saisies.

A______ a expliqué que l’employé du guichet de l’OCV avait refusé de lui restituer les plaques de son véhicule sur présentation d’une quittance postale. Il était donc retourné au guichet de la poste, avait fait annuler le virement et était allé payer le montant en espèces à l’OCV. Il avait toutefois dû s’acquitter de CHF 10.- au titre de frais d’annulation, ce qui expliquait le virement retrouvé par S______ SA.

e. Le 20 février 2020, le TAPI a rejeté le recours de A______ contre la décision de l'OCPM du 27 août 2019 refusant de prolonger son autorisation de séjour et prononçant son renvoi. Le 19 mai 2020, par courrier à son conseil de l’époque, l'OCPM a imparti à A______ un délai au 15 juillet 2020 pour quitter la Suisse. Le 29 septembre 2020, il a refusé de prolonger son délai de départ ; il ressort de ce courrier que sa présence avait néanmoins été tolérée jusqu'au 17 août 2020.

A______ nie avoir eu connaissance de ces décisions. Il admet avoir régulièrement traversé la frontière franco-suisse, sa compagne et leur fils (né le ______ 2020) vivant en France.

f. A______ a été arrêté le 21 août 2021 au volant de la M______ du D______ SA, laquelle avait été signalée volée par ce dernier. Il est détenu depuis cette date.

C. a. Aux débats d’appel, A______ a maintenu ses explications antérieures. Il avait payé la somme relative à la M______ au guichet postal ; le MP n’avait jamais enquêté au sujet de l’employé du guichet. Il a précisé, en lien avec les faits dénoncés par l’OCV, que le virement de CHF 10.- correspondait à des frais supplémentaires réclamés par ce dernier et non à des frais d’annulation. Il a exposé avoir été un indicateur fidèle de la police judiciaire depuis 2007 et risquer des mesures de représailles s’il devait rentrer au Kosovo ; depuis quelques mois, des détenus kosovars le menaçaient. Il s’opposait à l’expulsion car son fils, souffrant d’une maladie cardiaque, nécessitait des soins qu’il ne pouvait pas obtenir dans son pays. Il a remis des documents médicaux, notamment en lien avec l’hospitalisation de son fils à Z______ [France] en mai 2020 et une consultation à AA______ [France], au centre de compétence cardiologie pédiatrique, en novembre 2021. Il produit également la copie d’une demande d’asile qu’il a adressée à l’OCPM le 5 décembre 2022.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Il avait eu besoin d’aide et devait disposer d’un domicile ; contraint, il s’était tourné vers l’hospice général. Son fils et sa mère, malades, avaient besoin de son aide et il avait donc sollicité l’Hospice général pour avoir un peu de dignité. Celui-ci n’avait pas été diligent dans ses vérifications et avait continué à verser l’aide sociale même après avoir été informé des doutes du MP en septembre 2020. Son entreprise individuelle était dormante et n’avait aucune activité ni aucun bénéfice. Il n’avait pas rempli seul le formulaire de demande de prestations et n’avait pas voulu tromper l’Hospice général. Celui-ci avait été informé dès septembre 2020 des soupçons du MP et avait cependant persisté à verser des prestations ; il ne pouvait être question d’une tromperie astucieuse.

D______ SA avait livré la voiture deux jours après la date du paiement par poste, sans s’assurer avoir reçu les fonds. Il n’avait donc pas procédé aux vérifications d’usage pour une opération d’une telle envergure, et, faute d’astuce, les faits n’étaient pas constitutifs d’escroquerie. Les faits en lien avec F______ (O______) SA n’étaient pas une tentative d’escroquerie mais une simple rétractation d’un contrat.

La seule escroquerie au préjudice de E______ ne remplissait pas les conditions de l’aggravante du métier qui devait dès lors être écartée.

Il n’y avait pas de faux dans les titres au préjudice de l’OCV, au vu de ses explications sur l’annulation du virement. Sa présence en Suisse était tolérée jusqu’en août 2020 et il n’avait donc pas commis d’infraction à la LEI.

La peine prononcée par les premiers juges était trop sévère au vu de sa situation personnelle de père de famille. Il avait collaboré avec la police, dans la présente cause comme par le passé. L’expulsion ne se justifiait pas, dans la mesure où aucune cause d’expulsion obligatoire n’était réalisée ; en tout état de cause, il devait pouvoir se rendre en Suisse pour des consultations en urgence en lien avec l’état de santé de son fils, et pouvoir y travailler avec son entreprise individuelle, dont l’activité était plus rémunératrice dans ce pays. La durée de l’expulsion devait en tout cas être raccourcie, et il fallait renoncer à son inscription au SIS au vu de ses liens familiaux en France.

c. Le MP conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il avait arrêté la période pénale pour les faits au détriment de l’Hospice général à septembre 2021 car lui-même considérait qu’à partir de cette date, la condition de l’astuce faisait défaut ; auparavant toutefois, l’appelant avait échafaudé un édifice de mensonges : alors qu’il vivait en France, il avait trompé l’Hospice général sur son domicile, son inscription au RC, le paiement de son loyer. Les explications de l’appelant selon lesquelles il aurait vraiment versé les fonds au guichet de la poste étaient invraisemblables et dépourvues de sens ; au surplus il n’avait pas de tels fonds à sa disposition au moment des faits. Il ne contestait pas le caractère astucieux des faits commis au préjudice de E______ ; or, ceux commis à l’encontre de F______ (O______) SA étaient identiques. La circonstance aggravante du métier était réalisée et les conditions d’une expulsion obligatoire réunies, laquelle devait être prononcée.

La période pénale était longue et ne s’était interrompue que par son arrestation. Sa collaboration avait été affligeante ; il niait l’évidence avec mauvaise foi. Il avait été jusqu’à s’opposer à la restitution anticipée du véhicule M______ au D______ SA, augmentant ainsi le dommage du lésé.

Il était certes regrettable pour ses enfants que leur père s’enferme dans la criminalité ; son expulsion ne portait toutefois pas atteinte à leur droit de séjour en France avec leur mère.

D. a. A______ est âgé de 41 ans, de nationalité kosovare, divorcé (depuis juin 2022), peintre en bâtiment, sans revenu. Sa compagne et lui sont les parents de deux garçons en bas âge, son second fils étant né pendant sa détention à Genève.
I______ - A______, entreprise individuelle, est inscrite au RC mais n'a plus d'activité.

À sa sortie de prison, il veut se rendre en France, où vivent sa compagne et ses enfants, faire ménage commun avec eux et travailler. Sa mère, son frère et sa sœur vivent au Kosovo, pays qu’il a quitté en 2005 et dans lequel il ne veut pas rentrer. Selon ses explications au premier juge, il était d'accord de quitter la Suisse, où il n'avait pas de famille. Il n'a pas de titre de séjour en France.

Il a affirmé en procédure vivre en Suisse depuis 2005. Il ressort toutefois de la procédure administrative qu’il ne séjourne légalement en Suisse que depuis le 1er juin 2015. Sur le plan professionnel, il ressort de cette même procédure (jugement du TAPI du 20 février 2020) que malgré la création de plusieurs entreprises de nettoyages et de peinture, il n’est pas parvenu à subvenir à son entretien. Ce jugement s’étonne d’ailleurs de sa manière de procéder, A______ radiant une entreprise après l’autre pour en créer une nouvelle à chaque fois. Il relève qu’il est lourdement endetté, ce qui ressort également des extraits de poursuites figurant au dossier.

b. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné :

-       le 3 juillet 2015 par la Chambre de céans à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 30.-, assortie du sursis, délai d'épreuve quatre ans, pour conduite d'un véhicule sous retrait et séjour illégal ;

-       le 17 octobre 2016 par le TP à une peine privative de liberté ferme de 12 mois pour escroquerie par métier ;

-       le 30 novembre 2018 par le MP de l'arrondissement AB______ [VD] à une peine pécuniaire ferme de 20 jours-amende à CHF 30.- pour violation grave des règles de la circulation routière.

E. Me C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 12 heures et 30 minutes d'activité de chef d'étude hors débats d'appel, lesquels ont duré 1h25.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).

Selon le principe de la libre appréciation des preuves, le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2. Selon l’art. 146 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Si l'auteur fait métier de l'escroquerie, la peine sera une peine privative de liberté de dix ans au plus ou une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins (art. 146 al. 2 CP).

L'escroquerie consiste à tromper la dupe. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas; il faut qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier. L'astuce n'est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2 p. 154 ; 135 IV 76 consid. 5.2 p. 79).

La définition générale de l'astuce est également applicable à l'escroquerie en matière d'assurances et d'aide sociales. L'autorité agit de manière légère lorsqu'elle n'examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert des prestations les documents nécessaires afin d'établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale, une décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d'aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l'autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d'indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu'il est prévisible qu'elles n'en contiennent pas. En l'absence d'indice lui permettant de suspecter une modification du droit du bénéficiaire à bénéficier des prestations servies, l'autorité d'assistance n'a pas à procéder à des vérifications particulières (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1221/2020 du 2 juin 2021 consid. 1.1.2 ; 6B_547/2020 du 17 septembre 2020 consid. 1.2).

L'infraction d'escroquerie se commet en principe par une action. Tel est le cas lorsqu'elle est perpétrée par actes concluants (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 p. 14). Le fait de continuer à percevoir des prestations allouées sans informer l’autorité d’une modification ne saurait être interprété comme la manifestation positive du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d'analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d'autres actions permettant objectivement d'interpréter le comportement de l'assuré comme étant l'expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l'assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l'assureur destinées à établir l'existence de modification de la situation personnelle, médicale ou économique (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.3 p. 209).

Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. Il faut en particulier que l'auteur ait eu l'intention de commettre une tromperie astucieuse (ATF 128 IV 18 consid. 3b p. 21).

L'auteur agit par métier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253 c. 2.1 p. 254 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1240/2015 du 7 juillet 2016 consid. 1.1). La qualification de métier n'est admise que si l'auteur a déjà agi à plusieurs reprises (ATF 119 IV 129 consid. 3a ; 116 IV 319 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_117/2015 du 11 février 2016 consid. 24.1). Les seules infractions tentées ne réalisent pas cette condition (arrêt du Tribunal fédéral 6S_89/2005 du 11 mai 2006 consid. 3.3). Le fait que la tentative est absorbée par le délit consommé par métier lorsque l'auteur a commis plusieurs tentatives et des délits consommés (ATF 123 IV 113 consid. 2d) ne s'oppose pas à ce principe (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1311/2017 du 23 août 2018 consid. 3.3).

2.3. A teneur de l'art. 148a CP, quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). Dans les cas de peu de gravité, la peine est l'amende (al. 2).

L'art. 148a CP constitue une clause générale par rapport à l'escroquerie au sens de l'art. 146 CP, qui est aussi susceptible de punir l'obtention illicite de prestations sociales. Il trouve application lorsque l'élément d'astuce, typique de l'escroquerie, n'est pas réalisé. Cette différence qualitative se reflète au niveau du cadre de la peine qui est en l'occurrence plus bas, puisque l'art. 148a CP prévoit une peine maximale allant jusqu'à un an. L'infraction englobe toute tromperie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_797/2021 du 20 juillet 2022 consid. 2.1.1).

2.4. L'art. 251 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre. Cette disposition vise tant le faux matériel que le faux intellectuel.

Dans les cas de très peu de gravité, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire (art. 251 ch. 2 CP).

L'art. 251 CP protège, en tant que bien juridique, d'une part la confiance particulière placée dans un titre ayant valeur probante dans les rapports juridiques et, d'autre part, la loyauté dans les relations commerciales (ATF 142 IV 119 consid. 2.2 p. 121 s.). Le faux dans les titres peut également porter atteinte à des intérêts individuels, en particulier lorsqu'il vise précisément à nuire à un particulier (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3 p. 159 ; 119 Ia 342 consid. 2b p. 346 s.).

Le faux dans les titres est une infraction de mise en danger abstraite. La tromperie n'a pas besoin d'être astucieuse (arrêt du Tribunal fédéral 6B_455/2008 du 26 décembre 2008 consid. 2.2.1). Sur le plan subjectif, le faux dans les titres est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs. Le dol éventuel suffit (ATF 141 IV 369 consid. 7.4 p. 377).

2.5. À teneur de l'art. 115 al. 1 LEI, sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire, quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse prévues à l'art. 5 LEI (let. a).

Aux termes de l'art. 5 LEtr, tout étranger doit, pour entrer en Suisse, remplir les conditions suivantes : avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d'un visa si ce dernier est requis (let. a), disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b), ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c) et ne faire l'objet d'aucune mesure d'éloignement (let. d).

Selon le texte légal, l'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEtr est réalisée si l'une des prescriptions, cumulatives, sur l'entrée en Suisse, au sens de l'art. 5 LEtr, est violée.

Les ressortissants du Kosovo sont tenus, pour entrer en Suisse, d’être munis d’un visa. Les ressortissants d’Etats tiers titulaires d’une autorisation de séjour valable délivrée par un Etat Schengen ou d’un visa D valable, pour autant qu’ils soient en possession d’un document de voyage reconnu et en cours de validité, sont exemptés de l’obligation de visa (cf. Prescriptions fédérales en matière de documents de voyage et de visas selon la nationalité, https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/ publiservice/weisungen-kreisschreiben/ visa/liste1_staatsangehoerigkeit.html).

2.6.1. En l’espèce, l’appelant conteste tout d’abord le caractère pénal des faits reprochés en lien avec l'Hospice général. Il ne nie toutefois pas avoir fourni à cette institution des documents attestant faussement de ce qu’il résidait à Genève, était au bénéfice d’un contrat de sous-location et s’acquittait d’un loyer, alors qu’en réalité il ne vivait pas à Genève et n’était d’ailleurs plus autorisé à y résider, son autorisation de séjour ayant été révoquée, même s’il a tout entrepris pour prolonger son délai de départ. Il ressort de nombreux éléments de la procédure, à commencer d’ailleurs par le lieu de résidence de sa compagne et de ses enfants, que l’appelant vivait en réalité en France, vraisemblablement à leurs côtés, et avait quitté Genève. Dans ces circonstances, la production de documents que l’appelant savait être des faux – indépendamment de leur qualification juridique au sens de l’art. 251 CP – constitue bien une manœuvre astucieuse, qu’il a répétée à chaque remise d’une quittance attestant faussement du paiement du loyer. Ce mensonge n’était que très difficilement vérifiable par l’institution d’aide sociale qui a donc été trompée. A cela s’ajoutent ses nombreux autres mensonges, notamment sur la validité de son titre de séjour, sur sa situation familiale ou encore sur l’existence d’une entreprise inscrite au RC (étant relevé que l’appelant n’hésite pas à se contredire au sujet de l’activité de celle-ci, affirmant qu’elle était dormante pour justifier son droit à des prestations d’assistance, puis qu’elle avait une activité florissante pour expliquer la provenance des fonds soi-disant utilisés pour acheter des véhicules). Les faits sont constitutifs d’escroquerie pour toute la durée de la période pénale d’octobre 2018 à septembre 2020. Le MP ayant expressément arrêté celle-ci à septembre 2020, il n’y a pas lieu d’examiner si, comme le soutient l’appelant, l’Hospice général aurait dû procéder à des vérifications et cesser ses paiements dès cette date, puisqu’en tout état de cause, il est établi qu’il a été trompé astucieusement jusqu’alors et que les faits postérieurs échappent à la connaissance de la Cour de céans.

Au vu de l’édifice de mensonges et de leur répétition, ainsi que de l’interruption de la période pénale en septembre 2020, il n’y a pas place pour l’application de l’art. 148a CP.

2.6.2. L’appelant conteste également la réalisation de l’escroquerie en lien avec l’obtention d’une M______ en août 2021, et la tentative d’escroquerie en lien avec la Q______. Ses explications à ce sujet sont toutefois dépourvues de toute crédibilité.

Il est établi, par les indications recueillies auprès de S______ SA, que l’appelant n’a jamais versé le montant correspondant au prix de la M______. Ses explications sur le paiement effectif ne sont pas crédibles au vu de sa situation fortement obérée à l’époque des faits et des constatations claires de S______ SA qui a procédé à des vérifications sur les opérations effectuées le jour en question. La quittance de paiement dont l’appelant a remis copie au garage, dont d’ailleurs seule une copie figure au dossier de la procédure, l’original n’ayant jamais été retrouvé, a ainsi manifestement été maquillée pour attester faussement du paiement de ce montant. Il ne peut être reproché au lésé d’avoir prêté foi à ce document falsifié, dans la mesure où d’une part l’appelant avait pris soin de cultiver une bonne relation avec le garage, et d’autre part il n’est pas courant, ni dans les relations d’affaires, ni dans la vie de tous les jours, d’être confronté à une fausse quittance de paiement munie du timbre d’un guichet de poste. Une telle quittance constitue indubitablement un titre puisqu’elle est destinée à prouver qu’un paiement a été effectué, ce que le timbre postal atteste. L’écoulement d’un délai de deux jours entre la date du paiement et celle de la remise de la voiture n’est pas non plus de nature à mettre en cause la responsabilité de la dupe ; en effet, même si les paiements sont souvent transférés rapidement, ceux effectués au guichet postal sont susceptibles de prendre un peu plus de temps. L’appelant lui-même ne conteste d’ailleurs pas le caractère astucieux de l’escroquerie relative au véhicule R______, commise selon le même modus, alors que le délai entre la date figurant sur l’attestation postale et la remise du véhicule est encore plus long (trois jours).

L’utilisation d’une telle falsification constitue une tromperie astucieuse et, partant, une escroquerie.

Il en va de même des faits concernant la Q______. Les explications de l’appelant sont encore plus loufoques dans la mesure où il soutient, encore en appel, avoir pu faire annuler un paiement au guichet de la poste, ce qui est clairement impossible. L’appelant soutient en vain avoir simplement annulé un contrat ; au contraire, il ressort des circonstances qu’il a bien cherché à obtenir un véhicule par le procédé qui lui avait déjà permis de se procurer une R______ quelques mois plus tôt. Il n’a d’ailleurs jamais renoncé au véhicule Q______, puisqu’il a au contraire sollicité et obtenu la remise d’un véhicule en prêt dans l’attente de la réception de celui soi-disant payé. Il a toutefois été mis en échec par les précautions prises, dans ce cas, par le garage en cause.

Ces faits sont donc également constitutifs de faux dans les titres et de tentative d’escroquerie.

2.6.3. L’appelant conteste l’aggravante du métier. Il ressort toutefois de la procédure qu’il a recouru de façon répétées à divers montages et procédés astucieux pour se procurer un revenu régulier. Il l’admet d’ailleurs à demi-mots en plaidant avoir eu besoin des fonds reçus de l’Hospice général pour subvenir à ses besoins. Ces faits réalisent d’ailleurs à eux seuls déjà l’aggravante du métier, au vu du nombre de tromperies, de la répétition des mensonges et des montants perçus régulièrement au détriment de cette institution. S’y ajoutent les revenus réalisés par la revente du véhicule R______ en janvier 2019 (soit en parallèle avec les prestations perçues indûment de l’Hospice général) ainsi que la jouissance de la M______ en août 2021 (et d’une X______ en juillet de la même année, faits sans connotation pénale mais liés à la tentative Q______), qui ont manifestement contribué à son train de vie.

C’est donc à raison que le TP a retenu l’escroquerie par métier, cette aggravante absorbant la tentative commise en lien avec la Q______.

2.6.4. L’appelant recourt au même argument absurde en lien avec les faits dénoncés par l’OCV, soutenant avoir bel et bien effectué un paiement au guichet postal puis l’avoir annulé pour payer en espèces au guichet de l’OCV. Après avoir compris que ses explications étaient mises à mal par la réception de CHF 10.- par le service concerné – laquelle démontre, si besoin était, le mensonge et la falsification d’un vrai bulletin de versement, par modification du montant effectivement payé – il a modifié ses explications en appel. Rien n’y fait. Le procédé qu’il a mis en œuvre est bien le même que pour l’obtention de véhicules – il a présenté au guichet de l’OCV une quittance postale falsifiée pour faire faussement croire à ce service qu’il avait acquitté les impôts en retard et récupérer les plaques de son véhicule.

Ces faits sont donc également constitutifs de faux dans les titres au sens de l’art. 251 CP.

2.6.5. L’appelant nie avoir eu connaissance de la décision lui ordonnant de quitter la Suisse. Il ressort néanmoins clairement de la procédure administrative qu’il a mandaté un avocat pour défendre ses intérêts dans ce contexte, lequel n’a pu que lui communiquer les décisions négatives successives. Son conseil ne peut en effet pas avoir formulé des demandes répétées, notamment de prolongation du délai imparti pour quitter la Suisse, sans instructions précises de sa part. L’appelant savait ainsi pertinemment que sa présence en Suisse n’était plus admise. Or, ce nonobstant, il a continué à aller et venir entre son domicile français et le territoire genevois, notamment aux dates des infractions évoquées ci-dessus. Il s’est ainsi rendu coupable d’entrées illégales au sens de l’art. 115 al. 1 let. a LEI.

Le verdict de culpabilité du premier juge doit donc être intégralement confirmé.

3. 3.1. L’escroquerie par métier (art. 146 al. 2 CP) est passible d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ; celle de faux dans les titres (art. 251 CP) de cinq ans au plus et celle d’entrée illégale d’un an au plus.

3.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.2.2. Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I : 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, Bâle 2019, n. 130 ad art. 47 CP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016 consid. 3.5). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47 CP). Il en va de même des antécédents étrangers (ATF 105 IV 225 consid. 2). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente. Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés (ATF 120 IV 136 consid. 3b). En outre, les condamnations passées perdent de leur importance avec l'écoulement du temps. Les condamnations qui ont été éliminées du casier judiciaire ne peuvent plus être utilisées pour l'appréciation de la peine ou l'octroi du sursis dans le cadre d'une nouvelle procédure pénale (ATF 135 IV 87 consid. 2 p. 89).

3.2.3. Pour apprécier la situation personnelle, le juge peut prendre en considération le comportement postérieurement à l'acte et au cours de la procédure pénale et notamment l'existence ou l'absence de repentir après l'acte et la volonté de s'amender. Des dénégations obstinées peuvent être significatives de la personnalité et conduire à admettre, dans le cadre de l'appréciation des preuves, que l'intéressé n'éprouve aucun repentir et n'est pas disposé à remettre ses actes en question (ATF 113 IV 56 consid. 4c p. 57 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_675/2019 du 17 juillet 2010 consid. 4.1).

Le droit de se taire et de ne pas s'auto-incriminer, qui fait partie des normes internationales généralement reconnues, selon l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 121 II 257 consid. 4a p. 264), n'exclut en effet pas la possibilité de considérer comme un facteur aggravant de la peine le comportement du prévenu qui rend plus difficile l'enquête pénale par des dénégations opiniâtres en présence de moyens de preuve accablants et des mensonges répétés, dont on peut déduire une absence de remords et de prise de conscience de sa faute (arrêts du Tribunal fédéral 6B_693/2020 du 18 janvier 2021 consid. 6.3 ; 6B_222/2020 du 10 juin 2020 consid. 4.2 ; 6B_675/2019 du 17 juillet 2019 consid. 4.2).

3.2.4. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine. Si les sanctions envisagées concrètement ne sont pas du même genre, elles doivent être prononcées cumulativement (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 p. 316).

Pour satisfaire à cette règle, le juge, dans un premier temps, fixera la peine pour l'infraction la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il doit augmenter la peine de base pour tenir compte des autres infractions en application du principe de l'aggravation (Asperationsprinzip) (ATF 144 IV 217 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1216/2017 du 11 juin 2018 consid. 1.1.1), en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 2.1 in medio ; 6B_688/2014 du 22 décembre 2017 consid. 27.2.1). Si la Haute Cour a initialement admis, en présence d'infractions étroitement liées sur les plans matériel et temporel, de sorte qu'elles ne peuvent pas être séparées et être jugées pour elles seules, la fixation d'une peine de manière globale, il est par la suite revenu sur cette jurisprudence en indiquant que le prononcé d'une peine unique dans le sens d'un examen global de tous les délits à juger n'était pas possible (ATF 144 IV 217 consid. 3.5). Le juge a l'obligation d'aggraver la peine en cas de concours d'infraction (ATF 103 IV 225 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1216/2017 du 11 juin 2018 consid. 1.1.1).

3.2.5. La durée de la peine privative de liberté est en règle générale de trois jours au moins et de 20 ans au plus (art. 40 CP).

3.3. En l'occurrence, la faute de l'appelant est conséquente. Il s'est livré à des escroqueries répétées pour subvenir à ses besoins. Il a agi par appât du gain facile, sans aucun respect pour le bien d’autrui et sans hésiter à tromper une institution sociale sur une longue période. Il a fait preuve d'une volonté délictuelle soutenue en poursuivant en parallèle les tromperies à l’égard de l'Hospice général et des garagistes. Il s’est procuré de la sorte un revenu régulier et conséquent, étant rappelé qu’il vivait en France où le coût de la vie est notoirement moindre qu’à Genève.

La situation personnelle de l'appelant ne justifie en rien son comportement. Il lui appartenait de prendre les dispositions nécessaires pour subvenir au besoin de sa famille en France, où il vivait, voire en rentrant dans son pays au Kosovo. S’il explique avoir utilisé une partie de l’argent obtenu illicitement pour venir en aide à sa mère ou à ses enfants, il ne le démontre pas. En tout état de cause, l’aide à des proches ne justifie pas des escroqueries par métier, étant relevé que ses enfants vivent en France et ont manifestement bénéficié des prestations nécessaires, notamment médicales pour son fils aîné, dans ce pays.

La collaboration de l’appelant a été exécrable. Il a donné des explications invraisemblables jusque devant la Cour de céans, rejetant la responsabilité de ses actes sur les collaborateurs de l’Hospice général (qui auraient mal rempli les formulaires) voire les employés postaux (qui auraient gardé son argent) et niant toute faute. Il ne montre aucune prise de conscience.

Ses antécédents sont mauvais, en partie spécifiques ; il n’a manifestement pas su apprendre de ses erreurs. Compte tenu de ce qui précède, et notamment de la gravité des actes commis et de leur répétition, seule une peine privative de liberté entre en considération. L’appelant ne remplit pas les conditions du sursis, ayant été condamné à une peine privative de liberté d’une année le 17 octobre 2016, soit moins de cinq ans avant les présentes infractions (art. 42 al. 2 CP). Il ne conteste d’ailleurs pas le genre de peine ni le refus du sursis.

L’infraction la plus grave est l’escroquerie par métier, qui est adéquatement sanctionnée par une peine de base d’une année et demi. Cette peine doit être augmentée de six mois pour tenir compte des faux dans les titres (peine hypothétique de deux mois pour chacune des quatre occurrences) et devrait encore être aggravée en raison des entrées illégales.

La Cour de céans est toutefois liée par l’interdiction de la reformatio in peius (art. 391 al. 2 CPP). Ainsi, un examen de l'ensemble des éléments conduit à la confirmation de la peine privative de liberté de 23 mois prononcée par le TP, qui apparaît en soi clémente au vu de la faute importante de l'appelant, de l'absence de prise de conscience et des circonstances concrètes du cas d'espèce.

4. 4.1. Conformément à l'art. 66a al. 1 let. c et e CP, le juge expulse de Suisse, pour une durée de cinq à quinze ans, un étranger qui est condamné pour escroquerie par métier ou pour escroquerie à l’aide sociale.

Selon l'al. 2 de cette disposition, il peut néanmoins être renoncé à l'expulsion, exceptionnellement, lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur son intérêt à demeurer en Suisse. Ces conditions sont cumulatives et s'interprètent de manière restrictive. Le juge doit faire usage du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par une norme potestative dans le respect des principes constitutionnels. S'il devait refuser de renoncer à l'expulsion alors que les conditions de la clause de rigueur sont remplies, le principe de proportionnalité ancré à l'art. 5 al. 2 Cst. serait violé. Le juge doit ainsi renoncer à l'expulsion lorsque les conditions de l'art. 66a al. 2 CP sont réunies, conformément au principe de proportionnalité (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.2 ; 144 IV 332 consid. 3.3).

4.2. Le juge doit fixer la durée de l'expulsion dans la fourchette prévue de cinq à quinze ans, en tenant compte du principe de la proportionnalité. Le critère d'appréciation est la nécessité de protéger la société pendant un certain temps en fonction de la dangerosité de l'auteur, du risque qu'il récidive et de la gravité des infractions qu'il est susceptible de commettre à l'avenir, à l'exclusion de toute considération relative à la gravité de la faute commise. La durée de l'expulsion n'a pas à être symétrique à la durée de la peine prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_93/2021 du 6 octobre 2021 consid. 5.1).

4.3. L'inscription de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) était jusqu'au 11 mai 2021 régie par le chapitre IV du règlement SIS II (règlement CE n° 1987/2006) relatif aux signalements de ressortissants de pays tiers aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour. La Suisse a repris le 11 mai 2021 le nouveau règlement (UE) 2018/1861 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du SIS dans le domaine des vérifications aux frontières (RS 0.362.380.085). La question de savoir si c'est le règlement (UE) 2018/1861 ou le règlement SIS II qui s'applique à la présente procédure peut être laissée ouverte dans la mesure où les dispositions topiques sont, dans une large mesure, identiques. Les deux normes exigent que la présence du ressortissant d'un pays tiers constitue une "menace pour l'ordre public ou la sécurité nationale" ou "une menace pour l'ordre public ou la sécurité publique ou nationale", ce qui est le cas lorsque le ressortissant d'un pays tiers a été condamné dans un État membre pour une infraction passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins un an. Selon les deux règlements, la décision d'inscription doit être prise dans le respect du principe de proportionnalité (individuelle) (cf. art. 21 du règlement SIS II ; art. 21, par. 1, du règlement [UE] 2018/1861, et arrêt du Tribunal fédéral 6B_932/2021 du 7 septembre 2022 consid. 1.8.1). Vu le contenu similaire des deux actes, la jurisprudence développée en lien avec le premier s'applique pleinement.

Il ne faut pas poser des exigences trop élevées en ce qui concerne l'hypothèse d'une « menace pour l'ordre public et la sécurité publique ». En particulier, il n'est pas nécessaire que la personne concernée constitue une menace concrète, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. Il suffit que la personne concernée ait été condamnée pour une ou plusieurs infractions qui menacent l'ordre public et la sécurité publique et qui, prises individuellement ou ensemble, présentent une certaine gravité. Ce n'est pas la quotité de la peine qui est décisive mais la nature et la fréquence des infractions, les circonstances concrètes de celles-ci ainsi que l'ensemble du comportement de la personne concernée. Par conséquent, une simple peine prononcée avec sursis ne s'oppose pas au signalement dans le SIS. La mention d'une peine privative d'au moins un an fait référence à la peine-menace de l'infraction concernée et non à la peine prononcée concrètement dans un cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1178/2019 du 10 mars 2021 destiné à la publication consid. 4.6 et 4.8).

L'inscription de l'expulsion au SIS ne fait pas obstacle à l'octroi d'une autorisation de séjour par un Etat membre, en application de la législation européenne. En effet, un ressortissant d’un Etat tiers peut obtenir un titre de séjour d’un Etat Schengen si celui-ci considère, après consultation entre Etats, que l’inscription ne fait pas obstacle à l’octroi d’une telle autorisation, par exemple au titre du regroupement familial. Il importe néanmoins de procéder à l’inscription pour informer les états membres de l’existence d’une condamnation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2021 du 5 mai 2022 c. 2.2.5).

4.4.1. Compte tenu de la confirmation du verdict de culpabilité de l'appelant, son expulsion de Suisse doit être ordonnée, sous réserve de la réalisation de la clause de rigueur.

Aucun élément de la procédure ne permet d'affirmer que l'appelant a noué des liens sociaux particulièrement intenses avec la Suisse, au contraire. Ce constat est encore plus net au niveau professionnel puisque l'appelant n'a qu'un vague projet d’exploiter une entreprise alors qu’il ressort notamment de la procédure administrative qu’il n’a jamais été en mesure de réussir dans une telle industrie, accumulant moult dettes. Il a perdu son titre de séjour et n’a vécu légalement que quelques années en Suisse ; il a déjà occupé la justice pénale à différentes reprises. Dès lors, l'appelant ne peut faire valoir aucun intérêt prépondérant à demeurer en Suisse face à l'intérêt public manifeste à son expulsion en raison de ses agissements. Ceux-ci s'ajoutent à son intégration médiocre, mais surtout dénotent un mépris certain pour les institutions helvétiques, et notamment pour le système social qu’il n’a pas hésité à escroquer sur une longue période.

L’appelant se prévaut d’une demande d’asile formée juste avant les débats d’appel pour s’opposer à son expulsion. Les motifs invoqués à l’appui de cette demande ne sont pas étayés, étant relevé que l’autorité administrative a déjà largement examiné la situation de l’appelant dans le cadre de la procédure relative au retrait de son autorisation de séjour et que l’appelant se prévaut d’éléments qui existaient a priori déjà lors de cet examen en 2019-2020. A ce stade, rien n’accrédite l’existence d’un risque pour la santé ou la sécurité de l’appelant en cas d’expulsion, étant rappelé que le Kosovo est considéré comme un pays sûr (cf. annexe 2 de l’Ordonnance 1 sur l’asile relative à la procédure). Il appartiendra le cas échéant à l’autorité d’exécution d’examiner si de tels motifs sont apparus au moment de la décision sur le report ou non de l’expulsion, conformément à l’art. 66d CP.

Compte tenu de ses antécédents, de l’ampleur de son activité et de son absence totale de prise de conscience, la durée de dix ans prononcée par le premier juge est adéquate et nécessaire pour la protection de la société. Elle sera confirmée.

Il sera relevé au surplus que si l’appelant devait, par extraordinaire, être contraint de se rendre en Suisse en urgence pour des soins à son fils, il pourrait alors se prévaloir d’un fait justificatif excluant toute culpabilité.

4.4.2. La peine prononcée commande également l’inscription de l’expulsion au SIS, laquelle est obligatoire dans de telles circonstances. Il appartiendra à l’appelant de s’adresser aux autorités françaises s’il entend régulariser sa situation dans ce pays, lesquelles pourront examiner sa demande en toute connaissance de cause et, cas échéant, requérir de la Suisse la radiation de l’inscription de l’expulsion au SIS.

5. L’appelant conteste les conclusions civiles et les indemnités allouées à la partie plaignante. Il ne développe toutefois pas ces conclusions, au-delà de l’acquittement plaidé pour les faits en lien avec la M______.

Les conclusions civiles et indemnités allouées, correspondant aux pièces produites par le garage concerné qui fait état d’un dommage effectif, sont pleinement justifiées. Elles seront donc confirmées.

6. L’appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP).

7. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseur d'office A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

La rémunération de Me C______ sera partant arrêtée à CHF 3'405.10 correspondant à 13h55 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 10%, une vacation à CHF 100.- et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 243.45.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/922/2022 rendu le 22 juillet 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/8006/2019.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'935.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Arrête à CHF 3'405.10, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'escroquerie qualifiée (métier) (art. 146 al. 1 et 2 CP), de faux dans les titres pour les faits visés sous chiffres 1.1.2, 1.1.3, 1.1.5 et 1.2 de l'acte d'accusation (art. 251 ch. 1 CP) et d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (art. 115 al. 1 let. a LEI).

Acquitte A______ du chef de faux dans les titres pour les faits visés sous chiffre 1.1.1 de l'acte d'accusation (art. 251 ch. 1 CP).

Classe la procédure du chef d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP) subsidiairement abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP) pour les faits visés sous chiffre 1.1.4 de l'acte d'accusation.

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 23 mois, sous déduction de 336 jours de détention avant jugement (dont 128 jours en exécution anticipée de peine) (art. 40 et 51 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de 10 ans (art. 66a al. 1 let. c et e CP).

Dit que la peine doit être exécutée avant l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne le signalement de l’expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS).

Condamne A______ à payer à D______ SA, à titre de réparation du dommage matériel, CHF 8'035.10 avec intérêts à 5% dès le 19 août 2021 (art. 41 al. 1 CO).

Renvoie D______ SA à agir par la voie civile pour le surplus (art. 126 al. 2 let. b CPP).

Condamne A______ à verser à D______ SA, à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, CHF 3'618.70 (art. 433 al. 1 let. a CPP).

Constate que A______ acquiesce partiellement aux conclusions civiles de G______ (art. 124 al. 3 CPP).

Condamne A______, en tant que de besoin, à payer à G______ CHF 2'000.-, EUR 1'750.- et EUR 80.-.

Renvoie G______ à agir par la voie civile pour le surplus (art. 126 al. 2 let. a CPP).

Renvoie F______ (O______) SA à agir par la voie civile (art. 126 al. 2 let. b CPP).

Condamne A______ aux 9/10 des frais de la procédure, qui s'élèvent dans leur globalité à CHF 4'306.-, y compris un émolument de jugement de CHF 2'000.- (art. 426 al. 1 CPP et 9 al. 1 let. d RTFMP).

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 CPP).

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 2'500.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______.

Fixe l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office, à CHF 10'992.60 (art. 135 al. 2 CPP).

Déboute les parties de toutes autres conclusions."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'Etat aux migrations, à l'Office cantonal de la population et des migrations, au Service d’application des peines et mesures et à l’Hospice général (dénonciateur).

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

6'806.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

300.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'935.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

8'741.00