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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1635/2025

JTAPI/520/2025 du 16.05.2025 ( MC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1635/2025 MC

JTAPI/520/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 mai 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Laure BAUMANN, avocate

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le 15 novembre 2022, M. A______, né le ______ 1972 et originaire d’Albanie, a déposé une demande d'asile en Suisse.

2.             Par décision du 28 novembre 2024, le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : le SEM) a rejeté ladite demande et a simultanément prononcé le renvoi de Suisse de l'intéressé, lui octroyant un délai au jour suivant l'entrée en force de sa décision pour quitter le territoire précité, faute de quoi le renvoi pourrait être exécuté sous la contrainte. Le SEM a chargé le canton de Genève de procéder à l'exécution de cette décision de renvoi.

En 2001, après une dispute avec le frère de M. A______, F.S. accompagné de son père et son cousin, appartenant au clan de B______, s'étaient rendus au domicile de la famille A______, armés. La situation avait dégénérée et M. A______ et son frère avaient tué les trois assaillants, raison pour laquelle ils ont été condamnés à 25 ans de prison. M. A______ avait été libéré le 30 octobre 2022. Le risque de vengeance allégué en cas d'un retour en Albanie, n'était que spéculatif et non avéré.

3.             Par arrêt du 15 janvier 2025, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le TAF) a déclaré irrecevable le recours formé le 30 décembre 2024 par M. A______ contre la décision du SEM du 28 novembre 2024.

4.             Le 17 janvier 2025, le SEM a fixé à M. A______ un nouveau délai au 31 janvier 2025 pour quitter la Suisse, tout en lui précisant que s’il ne se conformait pas aux injonctions des autorités cantonales, il pourrait être placé en détention puis renvoyé sous contrainte dans son pays d’origine.

5.             Le 17 février 2025, au cours d'un entretien dans les locaux de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM), il a été rappelé à l'intéressé qu'il était tenu de quitter immédiatement la Suisse, le délai qui lui avait été imparti pour ce faire étant échu. Par ailleurs, il ne s'était pas rendu à la Croix-Rouge genevoise ni entrepris des démarches en vue de son retour en Albanie. En réponse, M. A______ a déclaré qu'il ne pouvait pas retourner en Albanie, qu'il ne voulait pas organiser son retour et que son avocate avait déposé une demande de révision auprès du TAF.

6.             Par arrêt du 25 février 2025, le TAF a prononcé l’irrecevabilité de la demande de révision de son arrêt du 15 janvier 2025.

7.             Le 8 mai 2025, l’OCPM a avisé le SEM du fait que M. A______ avait disparu dans la clandestinité le 14 avril 2025 et a chargé les services de police de procéder à l'exécution de son renvoi.

8.             Le 12 mai 2025, l’intéressé a été repris en charge par la Suisse, en provenance de C______, France et ce, en application du règlement (UE) no 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte ; ci-après : Règlement Dublin).

9.             Les services de police ont immédiatement procédé à la réservation d'un vol pour M. A______ à destination de l’Albanie, pour le 15 mai 2025.

10.         Le 12 mai 2025 également, à 18h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré être en bonne santé, ne poursuivre aucun traitement médical et ne pas être d'accord de retourner en Albanie. Sa vie y était en danger.

11.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

12.         M. A______ a refusé de prendre le vol réservé le 15 mai 2025.

13.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré que sa famille et lui-même avoient souffert pendant 45 ans. Il n’était pas d’accord de retourner en Albanie. Ils avaient été attaqués dans leur maison avec des armes à feu et des couteaux le 3 mars 2001. Le fils du procureur en charge de cette affaire était actuellement directeur du contrôle de l’Etat albanais. Lorsque le SEM avait posé des questions aux autorités albanaises dans le cadre de sa demande d’asile, elles avaient menti. Les autorités suisses ne comprenaient pas le danger qui l’attendait en Albanie. S’il retournait en Albanie, il était probable que le clan B______ engagerait une personne pour l’éliminer ou la prison qui l’attendrait. Ce clan avait du pouvoir et de l’influence. Il s’était simplement défendu et maintenant, le clan souhaitait se venger pour asseoir leur réputation. Avant d’être rapatrié en Suisse, il se trouvait au D______(FRANCE). Il ne travaillait pas. Il avait détenu un mois en prison en France. Il avait un peu d’économies, environ CHF 1'200.-. Son frère avec qui il vivait dans un foyer à E______(GE), était sa seule famille. Il n'avait pas d'autres liens avec la Suisse.

Il a prié le tribunal de ne pas le renvoyer en Albanie, il y risquait sa vie. Il lui donnait sa parole, il resterait en Suisse si on l’y assignait à résidence.

Son conseil a plaidé et conclu principalement, à l’annulation de l’ordre de mise en détention administrative et à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à ce que des mesures de substitution adéquate soient ordonnées en lieu et place de la détention administrative.

14.         La représentante du commissaire de police a transmis au tribunal la copie du document d’annulation du vol du 15 mai 2025 où il est indiqué que M. A______ a refusé de partir car il serait en danger. L'autorité de renvoi devait décider si M. A______ devait être renvoyé sur un vol avec escorte policière ou directement sur un vol spécial. La décision serait prise prochainement. S’il s’agissait d’un vol avec escorte, il pourrait être effectué dans les deux semaines, s’il s’agissait d’un vol spécial, cela serait plutôt une durée de deux mois environ. Elle a plaidé et conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois.

15.         Les autres éléments figurant au dossier seront repris, en tant que besoin, dans la partie en droit (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées).

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 12 mai 2025 à 18h00.

3.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). La détention administrative en matière de droit des étrangers doit dans tous les cas respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

4.            Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l’art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment lorsqu'elle a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (let. h) (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a).

5.            L'autorité compétente peut également placer la personne concernée en détention administrative notamment si des éléments concrets font craindre qu'elle ne se soustraie au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let.b ch. 3 LEI) et si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités compétentes (ch. 4).

6.            Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

7.            Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

8.            Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1).

9.            Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité « peut » prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

10.        Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

11.        Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

12.        En l’espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi entrée en force, prononcée le 28 novembre 2024. Malgré cette décision et le délai imparti pour quitter la Suisse, il n'a pas obtempéré. Au contraire, il persiste à ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine, a disparu dans la clandestinité et refuser de prendre l'avion qui lui avait été réservé le 15 mai 2025, ce qui a fait échec à son renvoi. Vu ses déclarations quant à son refus d’être renvoyé dans son pays d'origine, son comportement, son absence de travail, de moyens financiers et de liens avec la Suisse, l'assurance de son départ effectif répond à un intérêt public certain. La détention en vue de son renvoi constitue le seul moyen apte à s'assurer que M. A______ quittera le territoire suisse. Une mesure moins incisive, comme une assignation territoriale, ne paraît pas suffisante pour s’assurer de sa présence au moment de l’exécution de son renvoi vers son pays d’origine. Seule sa détention permet d’atteindre ce but et s’avère donc nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison de son refus d’être renvoyé, clairement exprimé et ce, de manière répétée.

13.        Par conséquent, il appert que les conditions légales de la détention administrative de M. A______ sont clairement réalisées.

14.        Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010).

15.        En l’espèce, les autorités ont agi avec diligence et célérité dès lors qu’elles ont réservé immédiatement un vol en faveur de M. A______ à destination de Tirana, vol qu'il a refusé de prendre. Elles sont en train d'organiser un nouveau vol, soit avec escorte policière, soit spécial.

16.        Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

17.        Dans tous les cas, la durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d'espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).

18.        En l’espèce, la durée de la détention requise, de deux mois, n'apparaît pas d'emblée disproportionnée au vu des démarches encore en cours et du risque non négligeable que M. A______ s’oppose à son renvoi en Albanie le jour où une place sur un vol lui aura été réservée, étant rappelé que cette durée correspond à l'organisation d'un vol spécial envisagé dans la présente situation. Cas échéant, les autorités disposeront encore du temps nécessaire pour organiser un nouveau renvoi ou solliciter la prolongation de la détention.

19.        M. A______ soulève l'inexécutabilité de son renvoi car il y encourrait la mort voire son incarcération une fois en Albanie.

20.        Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

21.        La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1). Les raisons juridiques ou matérielles empêchant l'exécution du renvoi ou l'expulsion doivent être importantes (« triftige Gründe »).

22.        L'art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/264/2023 du 16 mars 2023 consid. 5.4 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a).

23.        L’art. 3 CEDH proscrit la torture ainsi que tout traitement inhumain ou dégradant. Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1). Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées).

24.        En faisant valoir que l'exécution du renvoi l’exposerait à des risques pour sa vie, M. A______ ne s'en prend pas à la détention, mais uniquement à son renvoi. Or, ce dernier ne fait pas l'objet de l'examen des juges de la détention administrative. Ces derniers ne peuvent revoir la décision de renvoi que si elle apparaît manifestement inadmissible, à savoir arbitraire ou nulle. Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

25.        En effet, le SEM, puis le TAF, ont procédé à un examen circonstancié de la situation de M. A______ et constaté que l'exécution de son renvoi était licite car le risque de vengeance allégué s'avérait spéculatif et que rien n'indiquait qu'il ne pourrait pas, cas échéant, obtenir la protection des autorités albanaises. Aucun élément ne permettait de retenir que les proches des trois victimes avaient effectivement l'intention de s'en prendre à lui. A sa sortie de prison, il avait vécu quinze jours à Tirana sans qu'aucun événement ne se produise. Son frère, libéré quelques mois auparavant, avait séjourné six mois en Albanie, sans avoir rencontré de problèmes non plus. Rien ne permet de considérer que les décisions rendues par le SEM et le TAF seraient arbitraires ou nulles.

26.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

27.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 12 mai 2025 à 18h30 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 11 juillet 2025 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______ à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière