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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1007/2025

JTAPI/320/2025 du 27.03.2025 ( MC ) , CONFIRME

REJETE par ATA/452/2025

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);RISQUE DE FUITE
Normes : LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1007/2025 MC

JTAPI/320/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 mars 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1983, est ressortissant ukrainien.

2.             En février 2020, il a quitté son pays d'origine pour la Lituanie où il a été mis au bénéfice d'un permis de séjour puis d'une protection temporaire, valable jusqu'au 4 mars 2024.

3.             Le 22 novembre 2023, M. A______ a demandé une protection provisoire en Suisse, pays où il était arrivé le 17 novembre 2023.

4.             Par décision du 9 avril 2024, le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté ladite demande et prononcé son renvoi de Suisse, lui octroyant un délai au jour suivant l'entrée en force de sa décision pour ce faire. Le SEM a chargé le canton de Genève de procéder à l'exécution de cette décision de renvoi, laquelle est entrée en force le 23 mai 2024.

5.             Le 30 juillet 2024, M. A______ a indiqué à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) qu’il ne souhaitait pas retourner en Lituanie, préférant se rendre en Croatie et ce, bien qu’il ne disposait pas de titre de séjour dans ce pays. Revenant sur ses déclarations, il a finalement été d’accord de retourner en Lituanie. L’OCPM l'a alors informé qu'un vol en sa faveur à destination de ce pays serait réservé.

6.             Le 5 août 2024, M. A______ s’était vu remettre un billet d’avion pour un départ volontaire le 15 août 2024 à destination de ______ [Lituanie]. Il ne s'est pas présenté à l’aéroport à la date précitée.

7.             Le 19 août 2024, l’intéressé a expliqué à l'OCPM qu'il n'avait pas pris le vol réservé en sa faveur car en Lituanie, il devrait soit faire l’armée soit aller en prison. Il a par ailleurs indiqué que sa « femme » avait obtenu la protection provisoire.

8.             Un vol pour ______ [Lituanie] a été réservé par les services de police pour le 17 janvier 2025 au départ de Genève.

9.             Le 10 janvier 2025, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a autorisé les services de police à perquisitionner le logement de M. A______.

10.         Le 16 janvier 2025, les services de police n’ont pas pu interpeller M. A______ pour exécuter son renvoi, celui-ci ne se trouvant pas dans son foyer.

11.         M. A______ a été interpellé le 25 mars 2025 par les services de police.

12.         Le 25 mars 2025, à 10h05, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Lituanie.

Les démarches en vue d'organiser un vol pour le renvoi de l'intéressé en Lituanie, allaient immédiatement être engagées.

Il ressortait de la base de données de l’OCPM que M. A______ n’était pas marié.

13.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.

14.         Entendu le 27 mars 2025 par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner en Lituanie. Ce pays était en train de circonscrire la population pour intégrer l'armée. Il risquait ensuite de devoir retourner en Ukraine s'il était enrôlé dans l'armée. S'il ne s'était pas rendu à l'aéroport pour prendre le vol qui lui a été réservé c'était car il ne voulait pas être forcé d'être enrôlé dans l'armée en Lituanie. Il vivait à ______[GE] à l'Hospice générale. Lorsque la police était venue l'appréhender le 16 janvier 2025, il se promenait avec sa copine. Généralement, il dormait toujours à l'Hospice générale. Il ne travaillait pas, il n'avait pas de revenu. Il recevait de l'argent de l'Hospice générale, à savoir CHF 11.- par jour. Il avait une petite amie en Suisse mais pas de famille. Sa famille vivait en Ukraine. Une de ses sœurs vivait en Croatie. Le 16 janvier 2025, il n'était pas informé que la police venait le chercher.

La représentante du commissaire de police a indiqué que la demande de réadmission pour la Lituanie avait été effectuée. Elle a transmis au tribunal un échange de courriels le confirmant. Eu égard à l'accord de réadmission conclu entre la Suisse et la Lituanie, ils attendaient une réponse dans les dix jours. Les commissaires de police s'acheminaient vers un vol avec escorte policière. Dès lors, ils pensaient pouvoir réserver un vol dans les deux semaines qui suivaient la réponse des autorités lituaniennes.

Elle a plaidé et conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu principalement à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à la réduction de la durée de sa détention à un mois.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 25 mars 2025 à 10h05.

3.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, une mise en détention administrative est possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

5.            Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

6.            Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

7.            Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

8.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi. Démuni de toute source de revenu et sans attache avec la Suisse, le risque qu'il échappe à son renvoi en prenant la fuite, notamment sous la forme d'un passage dans la clandestinité, est élevé. En effet, l'intéressé s'est déjà soustrait à son renvoi le 15 août 2024 et n'était pas présent sur son lieu de résidence lorsque les services de police ont tenté de l'appréhendé le 16 janvier 2025. Par ailleurs, il a affirmé à plusieurs reprises qu'il était opposé à son renvoi vers Lituanie, encore lors de l'audience par-devant le tribunal, de sorte que les conditions de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI sont réalisées.

9.            Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 et 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

10.        Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010).

11.        Par ailleurs, selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un Etat qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

12.        En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

13.        En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, en tant qu'elle a procédé aux démarches en vue de la réadmission de l'intéressé en Lituanie. Par ailleurs, la durée sollicitée est nécessaire pour recevoir l'accord des autorités lituaniennes, organiser un vol avec escorte policière voire un vol spécial si M. A______ ne devait pas monter dans le vol avec escorte policière. Partant, la durée de la détention décidée par le commissaire de police respecte pleinement le cadre légal fixé par l'art. 79 al. 1 LEI.

14.        Enfin, aucune mesure moins incisive que la détention est propre à assurer l'exécution du renvoi de M. A______, en particulier une assignation à résidence. En effet, tout indique que l'intéressé s'opposerait à son renvoi et ne suivrait pas les injonctions de l'autorité s'il devait être laissé en liberté. On en veut pour preuve qu'il ne s'est pas présenté à l'aéroport à la date et à l'horaire convenu alors qu'il avait déjà l'obligation de se présenter à l'OCPM chaque quinze jours et ce, notamment en vue de l'exécution de son renvoi, ce qui ne l'a pas empêché de se soustraire à celui-ci.

15.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

16.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 25 mars 2025 à 1005 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 24 mai 2025 ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au SEM.

Genève, le

 

Le greffier