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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1187/2024

JTAPI/626/2024 du 25.06.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : RECONSIDÉRATION
Normes : LPA.48
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1187/2024

JTAPI/626/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, agissant pour leur propre compte et celui de leurs enfants mineurs C______, D______ et E______, représentés par Me Malek ADJADJ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

 

1.             Monsieur B______, ressortissant d’Inde né le ______ 1983, réside en Suisse depuis le 5 février 2006, initialement au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études arrivée à échéance le 31 décembre 2010.

2.             Madame A______ (née F______), ressortissante russe née le ______ 1979, réside en Suisse depuis le 2 février 2007, initialement au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études arrivée à échéance le 30 septembre 2011.

3.             Le 27 décembre 2008, les deux précités se sont mariés à G______ (Russie).

4.             Le couple a eu trois enfants, nés à Genève : C______, né le ______ 2011, D______, née le ______ 2014, et E______, née le ______ 2017, tous trois ressortissants russes.

5.             Le 5 et le 20 septembre 2011, les époux ont sollicité le renouvellement de leurs autorisations de séjour pour études auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

6.             Le 2 août 2017, ils ont sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur de leur fille E______ au titre du regroupement familial.

7.             Le 28 mars 2018, ils ont également sollicité la délivrance d'autorisations de séjour en faveur de leurs enfants C______ et D______, dans le cadre du regroupement familial.

8.             Par décision du 12 octobre 2018, l'OCPM a refusé de renouveler les autorisations de séjour pour études des époux, ainsi que de délivrer des autorisations de séjour à leurs trois enfants dans le cadre du regroupement familial. Le renvoi de toute la famille était ainsi prononcé et un délai au 31 janvier 2019 leur était imparti pour quitter le territoire.

Cette décision a fait l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), enregistré sous le n° de procédure A/4022/2018.

9.             Le 19 octobre 2018, sous la plume de son conseil, Mme A______ a sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour en sa faveur et celle de sa famille en application du programme « Papyrus ».

10.         Par décision du 16 janvier 2020, l'OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de régularisation des époux sous l'angle du programme cantonal « Papyrus » et prononcé leur renvoi de Suisse, leur impartissant un délai de départ au 17 avril 2020 pour quitter le territoire.

11.         Cette décision a fait l’objet d’un recours auprès du tribunal, enregistré sous le n° de procédure A/567/2020.

12.         Par jugement du 10 août 2020 (JTAPI/652/2020), le tribunal a joint les recours A/567/2020 et A/4022/2018 et les a rejetés.

13.         Ce jugement a fait l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), laquelle l’a rejeté par arrêt du 30 juin 2021 (ATA/691/2021), entré en force.

Si la durée de séjour de M. et Mme A______ et B______ en Suisse était longue – plus de dix ans –, ils avaient toujours été mis au bénéfice de permis de séjour temporaires et savaient devoir quitter la Suisse à la fin de leurs études. En outre, s'il était louable que les époux aient pu subvenir à leurs besoins pendant leur formation, puis ultérieurement, de manière à ne jamais émarger à l'aide sociale, M. B______ faisait toutefois l'objet d'une poursuite pour plus de CHF 150'000.-, étant relevé que le fait que cette dette résultait d'une faillite professionnelle et non d'une situation financière familiale précaire importait peu, l'origine des dettes n'étant pas pertinente. À cela s'ajoutait que l’intéressé avait fait, certes par le passé, l'objet de condamnations pénales. Les époux avaient en outre travaillé de manière illégale pendant leurs études.

Les époux ne pouvaient en outre se prévaloir d'une intégration socio-professionnelle exceptionnelle.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, Mme A______ était née en Russie, pays dont elle parlait la langue et où elle avait vécu toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte, jusqu'à l'âge de 27 ans. Elle avait donc passé dans ce pays les années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Elle était en bonne santé et, de retour dans son pays d'origine, elle pourrait faire valoir l'expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse, notamment dans le domaine de la gestion. Ayant fait le choix de célébrer son mariage en Russie, il était hautement vraisemblable qu'elle y possédait encore des proches. Dans ces circonstances, il n'apparaissait pas que les difficultés auxquelles elle devrait faire face en cas de retour en Russie seraient pour elle plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants russes retournant dans leur pays.

Pour sa part, M. B______ était né en Inde, dont il parlait l’une des langues officielles, l'hindi, et où il avait vécu toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte, jusqu'à l'âge de 23 ans. Il avait donc passé dans ce pays les années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Il était en bonne santé et, de retour dans son pays d'origine, il pourrait faire valoir l'expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse, notamment dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie. Dans ces circonstances, il n'apparaissait pas que les difficultés auxquelles il devrait faire face en cas de retour en Inde seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants indiens retournant dans leur pays.

Les enfants étaient actuellement âgés de 3, 6 et 9 ans. Ils disposaient de la nationalité russe, étaient encore très jeunes et au début de leur scolarité. En outre, les deux aînés étaient scolarisés dans une école privée et pratiquaient plusieurs langues dont l'anglais. Leur intégration à la Suisse était donc toute relative puisqu'ils évoluaient dans une école anglophone. Il ne résultait pas du dossier que leur situation personnelle présentait des particularités susceptibles d'entraîner des difficultés insurmontables en cas de départ de Suisse. Ils seraient ainsi en mesure de s'adapter dans un nouveau pays et d'intégrer son système scolaire, leurs parents étant libres de choisir de continuer à les scolariser dans une école privée anglophone dans un premier temps. Il ne pouvait dès lors être retenu qu'un départ de Suisse constituerait pour les enfants un déracinement important et une rigueur excessive au sens de la jurisprudence.

Les époux étant d'origine différente, l'un d'eux devrait faire le choix de vivre dans le pays d'origine de l'autre. Cela pouvait toutefois leur être imposé puisque les intéressés avaient déjà fait le choix, en s'installant en Suisse, de s'expatrier. Pour pouvoir continuer à vivre en famille, ils devraient certes effectuer des démarches tendant au regroupement familial dans le pays de l'un ou de l'autre, ou dans un nouveau pays tiers, tout comme ils avaient dû en faire pour pouvoir temporairement résider en Suisse.

Les recourants ne présentaient donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

L'OCPM était en conséquence fondé à refuser de donner une suite positive à leurs demandes d'autorisation de séjour et le tribunal à confirmer ledit refus.

Enfin, c’était également à bon droit que l’OCPM avait prononcé leur renvoi : le contexte actuel lié à la pandémie de Covid-19 n’était pas de nature à remettre en cause l’exécution de cette mesure et le dossier ne laissait pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer que le renvoi serait impossible, illicite ou inexigible pour d’autres raisons.

14.         Par courrier du 22 novembre 2022, l’OCPM a communiqué à la famille un nouveau délai de départ au 31 janvier 2023 pour quitter la Suisse. Ils étaient invités à se présenter auprès des guichets du service protection, asile et retour (ci-après : SPAR) le 16 janvier 2023, munis des réservations de vol pour le 31 janvier 2023 au plus tard.

La famille ne s’est pas présentée au rendez-vous.

15.         Par courriers des 25 août et 5 septembre 2023, par l’intermédiaire de leur nouveau conseil, M. et Mme A______ et B______ ont sollicité une autorisation de séjour en faveur de leurs enfants, ainsi qu’en leur faveur à titre de regroupement familial.

Les trois enfants étaient nés en Suisse, seuls pays dans lequel ils avaient vécu et qu’ils connaissaient. Ils y étaient scolarisés et bien intégrés, ce qui justifiaient l’octroi d’un permis de séjour au sens de l’art. 58a LEI. Un renvoi de Suisse constituerait un déracinement traumatisant pour ces derniers et une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 83 al. 4 LEI. Ils avaient uniquement la nationalité russe et, en raison de la guerre en Russie, un renvoi dans ce pays les exposerait à un danger réel et concret. C______, âgé de douze ans, risquait par ailleurs de se voir rapidement engagé par l’armée.

Eux-mêmes séjournaient en Suisse depuis respectivement 16 et 17 ans. Ils y avaient effectué leurs études avec succès, ce qui leur permettaient de faire prospérer une entreprise active dans le milieu de l’hôtellerie et de la restauration. Grâce à cette activité, les revenus de M. B______ lui permettaient de faire vivre la famille. Leur société était financièrement saine et générait des emplois et des impôts pour l’économie genevoise. M. B______ avait mandaté Me H______, avocat dans le canton de Vaud, afin de régler toutes les poursuites dont il faisait l’objet, ce qui devrait être fait prochainement. Ils n’avaient jamais eu recours à l’aide sociale et faisaient preuve d’une intégration exemplaire en Suisse. Leurs casiers judiciaires étaient vierges, attestant de leur respect de l’ordre juridique suisse.

16.         Par courriel du 20 septembre 2023, l’OCPM a rappelé au conseil des époux que la famille faisait l’objet d’une décision de refus et de renvoi de Suisse, définitive et exécutoire. Leur demande d’autorisations de séjour ne suspendait ainsi pas l’exécution du renvoi et ils devaient quitter le territoire suisse sans délai et attendre à l’étranger l’issue de la procédure.

17.         Par courrier du 27 septembre 2023, M. et Mme A______ et B______ ont sollicité auprès de l’OCPM la reconsidération de la décision de refus et de renvoi de Suisse du 16 janvier 2020.

Réitérant les arguments évoqués dans leur demande du 25 août 2023, ils ont fait valoir, en sus, que leur nationalité différente entraînerait des démarches longues et fastidieuses pour permettre à l’ensemble de la famille de rejoindre l’un ou l’autre des pays, avec le risque pour M. B______, s’il devait demander un visa auprès de la Russie, d’être réquisitionné dans l’armée en raison du conflit avec l’Ukraine. Un départ de Suisse mettrait également en péril leur société, leur stabilité financière et leur statut. En effet, en cas de départ, ils n’auraient d’autre choix que de vendre leur société, ce qui les priverait de revenus. Cette vente nécessiterait par ailleurs de nombreuses démarches ne pouvant être effectuées depuis l’étranger. Il était ainsi totalement dénué de sens de procéder à cette démarche dans l’attente d’une décision de l’OCPM, au risque de devoir, par la suite, relancer tout le processus.

18.         Par courriel du 9 novembre 2023, l’OCPM a informé les époux qu’ils ne pouvaient pas formuler une demande telle que celle du 25 août 2023, faute de base légale. Il leur a également imparti un délai au 15 décembre 2023 pour fournir des éléments concrets quant à l’assainissement des dettes de M. B______.

19.         Par courrier du 19 décembre 2023, les époux ont transmis à l’OCPM un courrier de Me H______ daté du 14 décembre 2023 résumant l’état des discussions avec les divers créanciers, relevant que la situation financière de M. B______ serait très prochainement saine. Concernant la demande d’autorisations de séjour du 25 août 2023, l’art. 30 al. 1 let. b LEI prévoyait spécifiquement une dérogation aux conditions d’admission. Or, le renvoi des enfants étant illicite, tant au regard de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996, instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), que de la jurisprudence de la Haute Cour administrative, leur situation en Suisse devait être régularisée. Au regard du droit à la vie privée et familiale au sens de l’art. 8 CEDH, ils devaient également être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour, dans la mesure où les enfants, vu leur jeune âge, ne pouvaient être séparés de leurs parents. L’absence de nationalité commune rendait également impossible leur renvoi de Suisse, justifiant de régulariser la situation de toute la famille dans ce pays.

20.         Par décision du 5 mars 2024, exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération du 27 septembre 2023 et confirmé les termes de sa décision du 16 janvier 2020.

Les circonstances ne s’étaient pas modifiées de manière notable depuis sa décision de refus et les conditions de l’art. 48 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) n’étaient pas remplies, les éléments invoqués n’étant pas des faits nouveaux et importants susceptibles de modifier sa position.

Bien que la situation financière de M. B______ allait probablement s’améliorer, celle-ci n’était due qu’à l’écoulement du temps. Par ailleurs, si des discussions étaient en cours avec les créanciers, la dette restait actuellement intacte. Il en allait de même de l’avancement de l’intégration des enfants, étant précisé qu’aucun d’eux n’avait passé plusieurs années en Suisse dans la période déterminante de l’adolescence.

Concernant la différence de nationalité entre les différents membres de la famille, ils leurs appartenaient de faire les démarches nécessaires pour obtenir les autorisations dans l’un ou l’autre des pays où ils souhaitaient se rendre.

21.         Par acte du 8 avril 2024, les époux ont interjeté recours auprès du tribunal contre cette décision concluant, principalement, à son annulation et au renvoi du dossier à l’OCPM pour nouvelle décision, subsidiairement à la reconsidération de la décision de l’OCPM du 16 janvier 2020, sous suite de frais et dépens. À titre préalable, ils ont sollicité la restitution de l’effet suspensif au recours et la suspension de l’exécution de leur renvoi tel que décidé par décision du 16 janvier 2020.

Aucun intérêt privé ou public prépondérant ne s’opposait à ce que leur recours soit assorti de l’effet suspensif. Leurs enfants, âgés de 6 à 12 ans, étaient nés à Genève et ne connaissaient aucun autre pays que la Suisse. Ils y étaient scolarisés et parfaitement intégrés. Interrompre leur cursus scolaire afin de les expulser dans leur pays d’origine aurait de graves conséquences sur leur santé psychique et leur capacité de développement, d’autant plus s’agissant de C______ qui était en pleine adolescence. En outre, la situation politique, sociale et économique qui prévalait actuellement en Russie était déplorable en raison de la guerre. Les récentes élections présidentielles avaient entraîné une véritable explosion des tensions sociales et la répression y était sévère. Le renvoi de C______ en Russie pourrait également signifier un rapide engagement par l’armée dans le conflit qui opposait actuellement le pays à l’Ukraine. Leur demande d’autorisations de séjour et de regroupement familial du 25 août 2023 était par ailleurs toujours en cours d’examen. Il ne faisait dès lors aucun sens de les expulser de Suisse, où ils vivaient depuis respectivement 16 et 17 ans et où leurs enfants avaient toujours vécu.

Au fond, ils ont fait valoir que l’amélioration de leur situation financière n’était pas due seulement à l’écoulement du temps, mais était la conséquence directe des efforts sérieux, concrets et importants que M. B______ avait consenti pour améliorer sa situation financière et celle de sa famille, ainsi que celle de ses ex-associés. Cette détermination sans faille à bénéficier d’une situation financière stable devait être appréciée à sa juste valeur et constituait non seulement un élément extraordinaire en leur faveur, mais également une circonstance ayant changé notablement depuis le prononcé de la décision de renvoi du 16 janvier 2020.

S’agissant des enfants, ce n’était pas seulement l’écoulement du temps, mais également le temps de la procédure - long - qui avaient favorisé leur intégration. Leur première demande de permis de séjour datait en effet de septembre 2011 et la décision y relative n’était intervenue qu’en octobre 2018. Pendant ce temps, leur famille s’était agrandie avec l’arrivée de leurs trois enfants, qui avaient grandi et développé tous leurs repères en Suisse. Ce n’était donc pas l’écoulement du temps qui expliquait leur intégration, mais bel et bien l’enracinement de toutes leurs habitudes de vie. Leur intégration s’était donc renforcée de manière significative depuis la décision de l’OCPM du 16 janvier 2020, ce qui constituait un élément nouveau à prendre en considération.

En outre, un renvoi de Suisse des enfants constituerait un déracinement traumatisant, mais également une violation de la CDE et de l’art. 83 al. 4 LEI.

Enfin, compte tenu de leur nationalité différente et de la situation en Russie, la famille ne disposait d’aucune possibilité de s’expatrier dans un pays dont l’un des parents détenait la nationalité sans s’exposer à un danger concret de guerre ou à des difficultés d’intégration insurmontables.

22.         Le 17 avril 2024, l’OCPM a répondu au recours, concluant sur le fond à son rejet et s’opposant à la restitution de l’effet suspensif et à l’octroi de mesures provisionnelles.

Les recourants, qui faisaient l’objet d’une décision de refus d’autorisation de séjour et de renvoi de Suisse entrée en force depuis 2021, ne bénéficiaient d’aucun statut légal en Suisse. Ils n’avaient en outre pas démontré d’intérêt privé prépondérant justifiant l’octroi de mesures provisionnelles et les motifs allégués à l’appui de leur demande, tels que la durée du séjour et de scolarisation des enfants, résultaient du fait qu’ils ne s’étaient pas conformés à leur obligation de quitter la Suisse, étant précisé que les renvois en Russie et en Inde étaient à ce jour considérés comme raisonnablement exigibles par les autorités fédérales. L’intérêt public à l’établissement d’une situation conforme au droit devait donc l’emporter sur l’intérêt privé des recourants à demeurer en Suisse jusqu’à l’issue de la procédure.

Au fond, aucun fait nouveau n’était invoqué au sens de l’art. 48 LPA, étant rappelé qu’une personne qui se prévalait, grâce à l’écoulement du temps depuis la décision initiale, d’une durée de séjour en Suisse accrue, d’un emploi stable, d’une indépendance financière et la prise d’un logement ne saurait se prévaloir d’une modification notable des circonstances.

23.         Par réplique du 25 avril 2024, les recourants ont persisté dans leurs conclusions sur effet suspensif et mesures provisionnelles, relevant que les citoyens russes rencontraient actuellement de très grandes difficultés à obtenir des visas internationaux compte tenu du conflit armé dans lequel leur pays était engagé, ce qui rendait la tâche de la relocalisation extrêmement ardue en termes de démarches administratives à entreprendre. Ce conflit rendait par ailleurs leur renvoi en Russie inexigible, étant encore relevé que l’absence de vol direct entre la Suisse et la Russie complexifiait un départ vers ce pays.

24.         Par décision du 2 mai 2024 (DITAI/286/2024), le tribunal a rejeté la demande d’effet suspensif et de mesures provisionnelles.

25.         Les recourants ont répliqué sur le fond par écriture du 24 mai 2024, persistant dans leurs conclusions.

La stabilité professionnelle et financière ainsi que l’équilibre familial et humain dont ils jouissaient étaient certainement enviés par de nombreux citoyens.

Les conditions favorables dans lesquelles ils se trouvaient actuellement étaient le résultat de nombreux efforts d'intégration, d'implication social et de dévouement professionnel dans le but bien compris d'offrir le meilleur à leurs enfants qui étaient nés en Suisse, qui n'avaient connu que cette culture et pour qui un départ serait synonyme de déracinement traumatisant.

Leur situation s'était ainsi considérablement améliorée depuis janvier 2020 et cela ne serait être uniquement dû à l'écoulement du temps.

Les démarches visant à solder des dettes conséquentes n’étaient pas anodines. Elles avaient nécessité l'intervention d'un avocat, de nombreux échanges et d'intenses tractations pour démontrer au créancier sa bonne foi à assumer une responsabilité que ses associés gérants fuient. Lesdites démarches ne constituaient pas de simples formalités administratives que tout individu pourrait entreprendre et n’étaient aucunement facilitées par l'écoulement du temps. Il démontrait une détermination sans faille pour assainir sa situation financière et faire ainsi évoluer notablement son indépendance financière

26.         L’OCPM a indiqué au tribunal, le 17 juin 2024, ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             L'objet du litige concerne le refus de l'autorité intimée, exprimé dans la décision du 5 mars 2024, d'entrer en matière sur la requête que lui ont présentée les recourants le 27 septembre 2023 en vue de reconsidérer la décision du 16 janvier 2020.

Il convient donc d'examiner si c'est à juste titre que la décision litigieuse prononce ce refus d'entrer en matière.

6.             Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsque (let. a) un motif de révision au sens de l’art. 80, let. a et b, existe ou (let. b) les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision.

Selon l'art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît (let. a) qu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision ou (let. b) que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente.

7.             En vertu de l’art. 48 al. 1 let. b LPA, dont l’application est seule envisageable en l’espèce, il faut que la situation du destinataire de la décision se soit notablement modifiée depuis la première décision. Il faut entendre par là des « faits nouveaux nouveaux » (vrais nova), c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a).

L'existence d'une modification notable des circonstances au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA doit être suffisamment motivée, en ce sens que l'intéressé ne peut pas se contenter d'alléguer l'existence d'un changement notable de circonstances, mais doit expliquer en quoi les faits dont il se prévaut représenteraient un changement notable des circonstances depuis la décision entrée en force ; à défaut, l'autorité de première instance n'entre pas en matière et déclare la demande irrecevable (ATA/573/2013 du 28 août 2013 consid. 4). De plus, la charge de la preuve relative à l'existence d'une situation de réexamen obligatoire d'une décision en force incombe à celui qui en fait la demande, ce qui implique qu'il produise d'emblée devant l'autorité qu'il saisit les moyens de preuve destinés à établir les faits qu'il allègue (ATA/291/2017 du 14 mars 2017 consid. 4).

8.             Saisie d'une demande de réexamen, l'autorité doit procéder en deux étapes : elle examine d'abord la pertinence du fait nouveau invoqué, sans ouvrir d'instruction sur le fond du litige, et décide ou non d'entrer en matière. Un recours contre cette décision est ouvert, le contentieux étant limité uniquement à la question de savoir si le fait nouveau allégué doit contraindre l'autorité à réexaminer la situation (ATF 117 V 8 consid. 2a ; 109 Ib 246 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3d). Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée ne porte que sur la question de la recevabilité de la demande de réexamen, le recourant ne peut que contester le refus d'entrer en matière que l'autorité intimée lui a opposé, mais non invoquer le fond, à savoir l'existence des conditions justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour, des conclusions prises à cet égard n'étant pas recevables (cf. ATF 126 II 377 consid. 8d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_115/2016 du 31 mars 2016 consid. 5 ; 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3).

Si la juridiction de recours retient la survenance d'une modification des circonstances, elle doit renvoyer le dossier à l'autorité intimée, afin que celle-ci le reconsidère (cf. Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2148), ce qui n'impliquera pas nécessairement que la décision d'origine sera modifiée (cf. Thierry TANQUEREL, op. cit., 2018, n. 1429 p. 493).

Ainsi, ce n'est pas parce qu'il existe un droit à un nouvel examen de la cause que l'étranger peut d'emblée prétendre à l'octroi d'une nouvelle autorisation. Les raisons qui ont conduit l'autorité à révoquer, à ne pas prolonger ou à ne pas octroyer d'autorisation lors d'une procédure précédente ne perdent pas leur pertinence. L'autorité doit toutefois procéder à une nouvelle pesée complète des intérêts en présence, dans laquelle elle prendra notamment en compte l'écoulement du temps. Il ne s'agit cependant pas d'examiner librement les conditions posées à l'octroi d'une autorisation, comme cela serait le cas lors d'une première demande d'autorisation, mais de déterminer si les circonstances se sont modifiées dans une mesure juridiquement pertinente depuis la révocation de l'autorisation, respectivement depuis le refus de son octroi ou de sa prolongation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2020 du 8 mai 2020 consid. 4.3 ; 2C_176/2019 du 31 juillet 2019 consid. 7.2 ; 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.4 ; 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3 ; 2C_198/2018 du 25 juin 2018 consid. 3.3).

9.             Selon la jurisprudence rendue en matière de police des étrangers, le simple écoulement du temps entre les décisions des autorités ne constitue pas un motif justifiant une reconsidération (arrêts du Tribunal fédéral 2C_38/2008 du 2 mai 2008 consid. 3.4 ; 2A.180/2000 du 14 août 2000 consid. 4c ; cf. aussi arrêt 2A.271/2004 du 7 octobre 2004 consid. 5 et 6; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-1545/2008 du 8 juillet 2008 consid. 5 ; C-7483/2006 du 19 juin 2007 consid. 6 ; C-1798/2006 du 15 juin 2007 consid. 6 ; C-273/2006 du 25 avril 2007 consid. 5.3). Autrement dit, on ne saurait voir dans le simple écoulement du temps et dans une évolution normale de l’intégration en Suisse une modification des circonstances susceptibles d’entraîner une reconsidération de la décision incriminée (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5003/2019 du 6 avril 2020 consid. 4.3 ; F-2581/2017 du 3 septembre 2018 consid. 3.4 ; F-2638/2017 du 9 novembre 2017 consid. 5.3). Le fait d'invoquer des faits nouveaux résultant pour l'essentiel de l'écoulement du temps, que le recourant a largement favorisé, peut d'ailleurs être reconnu comme un procédé dilatoire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.271/2004 du 7 octobre 2004 consid. 3.3).

10.         Ainsi, bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA, lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b ; ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 13 août 2019 consid. 5b).

11.         En l'espèce, s'agissant des nouvelles circonstances qui seraient intervenues depuis la décision du 16 janvier 2020, les recourants invoquent l’amélioration de leur situation financière, notamment en lien avec les dettes du recourant, leurs efforts d’intégration et l’enracinement de leurs enfants en Suisse.

Concernant la situation socio-professionnelle des recourants, force est de constater que la modification des circonstances depuis la décision du 16 janvier 2020 n'est due qu'à leur obstination à demeurer en Suisse malgré la décision de renvoi devenue exécutoire après avoir été confirmée tant par le tribunal que par la chambre administrative. Le tribunal relèvera également que le recourant, bien qu’indiquant avoir entrepris, par l’intermédiaire d’un avocat vaudois, des démarches en vue d’assainir sa situation financière, n’y est à ce jour par parvenu ; en effet, lesdites démarches n’ont consisté, selon les pièces versées au dossier qu’à entamer des discussions avec les créanciers et n’ont abouti à aucun résultat concret à ce jour.

Les arguments des recourants relatifs au respect de l’intérêt de leurs enfants mineurs tombent à faux dès lors qu’ils reposent sur des éléments qui sont uniquement dus à l’écoulement du temps et au non-respect de la décision prononcée à leur encontre le 16 janvier 2020 par l’OCPM. En effet, il est patent que la durée de leur séjour ainsi que celle de leur scolarisation en Suisse, tout comme leur intégration dans ce pays, a évolué au fil des ans et leur a permis, notamment, de tisser des liens et de s’inscrire à diverses activités extra-scolaires. Cependant, cette évolution ne leur est d’aucun secours, dès lors qu’elle est uniquement due au non-respect des décisions rendues à leur encontre par les autorités suisses, étant rappelé que la situation ne saurait être jugée par les autorités à l'aune du fait accompli, ce qui, de plus, reviendrait à défavoriser les personnes qui agissent conformément au droit (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6 ; 2C_473/2017 du 2 novembre 2017 consid. 3).

Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’autorité intimée a retenu que les circonstances ne s’étaient pas modifiées dans une mesure notable depuis la première décision rendue par ses soins. Il en résulte que, sauf à aboutir à un résultat qu'il s'agit d'éviter, à savoir permettre à un justiciable de remettre sans cesse en cause une décision entrée en force, en particulier pour des motifs qu'il a déjà fait valoir précédemment, l’autorité intimée était fondée à refuser d’entrer en matière sur la demande de reconsidération formée par les recourants en leur faveur et celle de leurs enfants mineurs.

12.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

13.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 avril 2024 par Madame A______ et Monsieur B______, agissant pour leur propre compte et celui de leurs enfants mineurs C______, D______ et E______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 5 mars 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière