Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/4091/2023

JTAPI/456/2024 du 15.05.2024 ( OCIRT ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : ACTIVITÉ LUCRATIVE;AUTORISATION DE FRONTALIER;INTÉRÊT ÉCONOMIQUE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : Cst.29; LEI.18; LEI.21; RaLEtr.4; RaLEtr.6
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4091/2023

JTAPI/456/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 mai 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Marc BALAVOINE, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             A______ SA, anciennement B______ SA (ci-après : A______ SA), est une société anonyme inscrite au registre du commerce genevois depuis le ______ 2011. Ayant notamment pour but toutes études d’aménagements urbains et paysagers, son siège se trouve à Genève et elle possède une succursale dans le canton de Vaud.

2.             Monsieur C______, né le ______ 1985, est ressortissant du Royaume-Uni. Il est domicilié en France voisine depuis le 17 décembre 2021.

3.             Le 8 novembre 2021, A______ SA et M. C______, désigné en qualité de « D______ », ont signé un contrat de travail de durée indéterminée prenant effet le jour même ; était prévu, dès l’obtention du permis de travail et jusqu’au 31 décembre 2021, un taux d’occupation de 40% pour un salaire mensuel brut de CHF 2'240.- puis de 100 % dès le 1er janvier 2022 pour un salaire mensuel brut de CHF 5'600.-.

4.             Par formulaire « demande pour frontalier » daté du 3 janvier 2022, A______ SA a requis auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) la délivrance d’une autorisation de travail en vue d’employer M. C______ en qualité de « D______ » à temps plein, selon les conditions figurant dans le contrat de travail précité.

5.             Par courriel du 30 mars 2022, l’OCPM a informé A______ SA de l’impossibilité de délivrer l’autorisation requise, dès lors que M. C______ résidait en zone frontalière voisine depuis moins de six mois.

6.             Par courrier reçu par l’OCPM le 22 avril 2022, A______ SA a déposé une 2ème demande d’autorisation de travail frontalier en faveur de M. C______, tout en précisant que ce dernier résidait désormais en zone frontalière depuis plus de six mois.

7.             Par pli du 26 juin 2022, A______ SA a indiqué avoir émis, le 15 juin 2021, des annonces de recherche d’un collaborateur avec des compétences en Building Information Modeling (ci-après : BIM). Parmi les candidats, elle avait auditionné M. C______. Il maîtrisait le logiciel Revit qui permettait une modélisation BIM. Titulaire d’un diplôme d’architecte et d’un Master en BIM Management, il maîtrisait notamment l’anglais et possédait une capacité avérée dans la gestion des équipes. Ses compétences étaient essentielles dans le développement de ses projets. Dès lors que, durant les quatre ans à venir, aucun étudiant en paysage de la haute école E______ (ci-après : E______) ne serait formé sur le logiciel Revit, elle avait recruté un profil permettant de former leurs 25 collaborateurs sur ce logiciel.

Étaient notamment joints :

-          une offre adressée par JOBUP.CH à A______ SA le ______ 2021 relative à la publication de trois annonces pour le prix de deux, pour une durée d’un mois maximum chacune, valable du 7 juin 2021 au 6 juin 2023, contresignée par A______ SA ;

-          le texte d’une annonce - non datée - portant l’en-tête d’A______ SA pour un poste d’architecte paysagiste / urbaniste HES ou équivalent avec une très bonne maîtrise de Revit et de l’expérience dans la coordination BIM afin de développer la conception de ses projets ;

-          une traduction certifiée en anglais du Degree of Architect obtenu par M. C______ en Algérie en 2008 et le BTEC Higher National Certificate en construction délivré le 2 juillet 2015 par la F______ à ce dernier ;

-          son curriculum vitae faisant notamment état de deux expériences en tant que « BIM Technician » de juillet 2015 à décembre 2017 puis de « BIM Coordinator/Leader » de 2017 à ce jour au Royaume-Uni.

8.             Par décision du 13 juillet 2022, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), auquel la demande avait été transmise par l’OCPM pour raisons de compétence, a refusé de délivrer l’autorisation requise. L’admission de M. C______ ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse au sens de l’art. 18 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). L’ordre de priorité (art. 21 LEI) n’avait pas été respecté, l’employeur n’ayant pas démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant UE/AELE n’avait pu être trouvé. En outre, le salaire offert à M. C______ ne correspondait pas aux conditions de rémunération usuelles à Genève dans la profession et la branche.

9.             Par courrier du 12 août 2022, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a confirmé à A______ SA l’enregistrement - jusqu’au 25 août 2022 - d’un emploi vacant de « D______ » à temps plein pour une durée indéterminée, dont la mission principale serait l’intégration, le déploiement et le développement BIM.

Constituaient des critères impératifs une expérience de trois ans dans le domaine, l’utilisation des visualisations et des modélisations de l’architecture paysagère en 3D sur réalité virtuelle ainsi que la maîtrise de Revit, Naviswork, Autodesk Design Review, Virtual Reality et les fichiers COBie pour IFC. Il conviendrait de mettre en place une stratégie de déploiement BIM suivie d’un programme d’audit, de prendre en charge la responsabilité pour la partie BIM pour le service des aménagements extérieurs ainsi que la formation interne pour une utilisation maximale des fonctionnalités logicielles dont la maîtrise était requise, d’établir et de corriger les chartes BIM, d’assurer la coordination avec ses consultants et d’auditer la production BIM.

10.         Par pli du 26 août 2022, l’OCE a assigné trois potentiels candidats au poste précité, parmi lesquels, selon le tableau rempli par A______ SA le 28 février 2023, un seul avait pris contact avec elle mais n’avait pas été engagé, dès lors qu’il était ingénieur en mécanique.

11.         Par requête du 2 juin 2023, A______ SA a à nouveau sollicité auprès de l’OCPM la délivrance d’une autorisation de travail frontalière en faveur de M. C______.

Elle était un précurseur, au niveau européen, dans l’implémentation du processus BIM - qui permettait d’obtenir un modèle en trois dimensions de l’ouvrage à bâtir et facilitait énormément la conception des projets - dans le domaine des architectes paysagistes. Aucune école d’ingénieurs paysagers en Suisse, en France, en Suède, en Allemagne ou en Espagne ne dispensait de formation BIM, alors que cette technologie allait rapidement être indispensable pour participer à des projets d’envergure en Suisse et à l’étranger. Au niveau local, la mise en place du BIM permettrait au canton et aux villes de modéliser le plan Canopée 2030, afin de faire évoluer la croissance des végétaux et de modéliser le plan ombrage des villes avec la course du soleil, et de calculer l’îlot de chaleur urbain, étant précisé qu’un prototype mis en place par ses soins serait prochainement présenté à l’office de l’urbanisme et à l’office cantonal de l’agriculture et de la nature.

Elle employait 33 employés, parmi lesquels 24 étaient basés à Genève, six à G______(VD) et trois en France, dix étant de nationalité suisse, 20 étant titulaires d’une autorisation de travail frontalière et quatre étant apprentis. En 2021, elle avait réalisé un chiffre d’affaires total de CHF 2'283'749.33 et la projection pour 2023 se montait à CHF 3'000'000.-, eu égard notamment à l’acquisition de nouveaux périmètres d’étude où le BIM était imposé pour les aménagements extérieurs. Elle souhaitait embaucher un D______ pour développer le BIM, qu’elle entendait utiliser pour l’ensemble de ses projets d’ici deux ans.

Afin de respecter la priorité, elle avait annoncé la vacance du poste à l’OCE en août 2022, effectué des démarches sur LINKEDIN et posté des annonces sur des sites d’offres d’emploi, notamment JOBUP.CH. Parmi les candidatures suisses ou UE/AELE, aucune n’avait malheureusement pu être retenue, faute de connaissances suffisantes en matière de BIM. Elle avait ainsi dû se tourner vers M. C______, toujours domicilié en France voisine et au bénéfice d’un titre de séjour français délivré en 2021 et valable jusqu’en septembre 2026. Le Master BIM obtenu par le précité lui permettait d’œuvrer comme D______ et formateur certifié. Une formation aussi complète n’existait pas en Suisse romande. Seul un Certificate of advanced studies en « coordination BIM HEIA-FR/HES-SO/E______ » était proposé depuis 2021 ; d’une durée totale de 20 jours, cette formation ne permettrait pas de former des candidats permettant de répondre aux besoins de la société dans un délai raisonnable.

La délivrance du permis requis présentait des avantages économiques pour le canton. Il permettrait de combler un besoin crucial pour le développement d’A______ SA puisqu’à défaut de pouvoir engager le précité, elle ne pourrait plus répondre aux appels d’offres relatifs aux projets les plus lucratifs. Sa capacité à maintenir ses équipes et à développer l’emploi dans le canton était directement menacée. D’autre part, son engagement était pertinent pour l’économie genevoise puisqu’il pourrait former d’autres personnes au processus BIM et contribuer à répondre à la demande locale, qui s’accroîtrait ces prochaines années.

Plusieurs pièces étaient jointes, notamment :

-          un nouvel exemplaire du curriculum vitae de M. C______, qui indiquait désormais, en sus des expériences professionnelles figurant dans la version précédente de son curriculum vitae, une expérience de D______ au Royaume-Uni de 2017 à septembre 2021 puis de 2022 à ce jour auprès d’A______ France ;

-          un tableau faisant état de seize candidats, trouvés par A______ SA, parmi lesquels M. C______, et à teneur duquel seul ce dernier et un autre candidat (Monsieur H______) maîtrisaient la mise en place d’une stratégie de déploiement BIM suivie d’un programme d’audit ; M. H______ ne maîtrisait toutefois pas l’utilisation des visualisations et modélisations de l’architecture paysagère en 3D sur réalité virtuelle ni les logiciels Oculus VR et Twinmotion ; ce dernier avait obtenu, au regard des critères fixés pour le poste proposé, un score de 64 %, un autre candidat (Monsieur I______) avait obtenu un score de 46 % tandis que M. C______ avait obtenu un résultat de 95 % ;

-          copie du Master of Science in BIM délivré le 22 juillet 2022 à M. C______ par l’J______ ainsi que le « BIM Portfolio », daté de septembre 2021, de ce dernier.

12.         Par formulaire « demande pour frontalier » reçu le 6 octobre 2023 par l’OCPM, A______ SA a indiqué souhaiter engager M. C______ en qualité de « D______ – Msc BIM » moyennant un salaire mensuel brut de CHF 8'500.-, conformément au nouveau contrat de travail joint signé le 18 septembre 2023.

13.         Sur demande, A______ SA a transmis à l’OCIRT, le 16 octobre 2023, le rapport de l’organe de révision du 31 décembre 2022, sa déclaration fiscale 2022 (répartition fiscale intercantonale avec le bureau de G______(VD)) et son effectif du personnel à Genève au 30 septembre 2023 (sept suisses, deux titulaires de permis C, un titulaire de permis B, quinze titulaires de permis G et deux apprentis).

14.         Par décision du 31 octobre 2023, l’OCIRT, après examen du dossier par la commission tripartite, a refusé l’octroi de l’autorisation requise. L’admission de M. C______ en vue de l’exercice d’une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse (art. 18 LEI). De plus, l’ordre de priorité (art. 21 LEI) n’avait pas été respecté, l’employeur n’ayant pas démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant UE/AELE n’avait pu être trouvé.

15.         Par acte du 6 décembre 2023, A______ SA a interjeté recours, sous la plume de son conseil, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant, préalablement, à ce que soient ordonnées la production du préavis émis par la commission tripartite pour l’économie avant le prononcé de cette décision ainsi que la comparution personnelle des parties et, sur le fond, à l’annulation de la décision, sous suite de frais et dépens.

Une violation de son droit d’être entendu était à déplorer. La décision attaquée se fondait sur le préavis de la commission tripartite pour l’économie. Or, ce document ne lui avait pas été communiqué et ne figurait pas au dossier, alors que l’OCIRT reconnaissait, dans la décision attaquée, que l’examen de la commission avait servi de fondement à sa décision. Ce dernier aurait ainsi dû lui communiquer ce préavis afin qu’elle puisse s’exprimer sur son contenu et sur son résultat. De plus, la décision litigieuse n’était pas suffisamment motivée, dès lors qu’elle se contentait d’indiquer que les conditions des art. 18 et 21 LEI n’étaient pas remplies, sans en expliquer les raisons. Elle ignorait ainsi sur quels motifs l’OCIRT s’était fondé et se trouvait ainsi empêchée de déterminer si les arguments développés dans sa demande de permis avaient été examinés.

Sur le fond, une violation de l’art. 18 LEI était à déplorer. L’admission de M. C______ répondait aux intérêts de la Suisse et permettrait de combler un besoin crucial pour le développement d’A______ SA. À défaut de pouvoir engager le précité, elle ne serait plus en mesure de répondre aux appels d’offres pour les projets les plus lucratifs. Sa capacité à maintenir ses équipes et à développer l’emploi dans le canton était ainsi directement menacée. La candidature de M. C______ se distinguait des autres candidatures reçues puisqu’il était en mesure de former d’autres personnes à Genève à la technologie BIM. Aucune école d’ingénieurs paysagers en Suisse, en France, en Suède, en Allemagne et en Espagne ne dispensait de formation BIM. L’engagement de M. C______ était donc pertinent pour l’économie genevoise en ce qu’il pourrait former d’autres personnes et contribuer, de ce fait, à répondre à la demande du marché de l’emploi local, qui ne cesserait de s’accroître ces prochaines années. Les difficultés rencontrées pour trouver un candidat suisse ou UE/AELE qualifié témoignaient d’une demande persistante et insatisfaite dans le domaine du BIM et M. C______ contribuerait à l’amélioration du marché du travail en Suisse en introduisant des compétences avancées dans la technologie BIM.

La décision querellée violait également l’art. 21 LEI. Elle avait effectué des démarches sur LINKEDIN et diffusé des annonces sur des sites d’offres d’emploi dans le domaine du BIM, notamment sur INDEED le 27 août 2019 et JOBUP.CH le 17 juin 2021. Elle avait en outre annoncé la vacance du poste à l’OCE le 12 août 2022. Aucune des candidatures suisses ou UE/AELE reçues ne disposaient de la formation et des compétences techniques suffisantes en matière de BIM. Elle avait ainsi dû se tourner vers M. C______, qui était en mesure d’œuvrer comme D______ et formateur certifié.

Plusieurs pièces étaient jointes, notamment :

-          une impression d’écran d’une offre d’emploi pour un « dessinateur BIM », créée le 27 août 2019 et désormais expirée, faisant état d’un seul postulant et d’un recrutement portant la mention manuscrite « Printscreen Indeed /Annonce dès 2019 » et

-          un courriel d’A______ SA à JOBUP.CH du 15 juin 2021 indiquant transmettre le devis signé pour l’offre portant sur la publication de trois annonces pour le prix de deux.

16.         Interpellé par le tribunal, l’OCIRT a indiqué, par pli du 18 décembre 2023, qu’aucun suivi postal de la notification de la décision attaquée n’était disponible, celle-ci ayant été envoyée à la recourante par pli simple.

17.         Dans ses observations du 5 février 2024, l’OCIRT a conclu, quant à la forme et tout en s’en rapportant à justice, à ce qu’il soit statué sur la recevabilité du recours, et, sur le fond, au rejet de ce dernier, sous suite de frais.

Aucune violation du droit d’être entendu n’était à déplorer. Les motifs figurant dans la décision attaquée définissaient clairement les raisons pour lesquelles l’autorisation sollicitée n’avait pas été accordée ainsi que les bases légales applicables, permettant à la recourante de faire valoir ses griefs. De plus, il n’existait pas de préavis formalisé puisque la décision était rendue immédiatement après la séance hebdomadaire de la commission précitée.

L’ordre de priorité n’avait pas été respecté. La recourante n’avait pas démontré que les qualifications de M. C______ étaient à ce point spécifiques qu’il lui était impossible de recruter un travailleur suisse ou UE/AELE doté des compétences requises. Cette dernière n’avait pas prouvé avoir fait le nécessaire en temps opportun pour trouver un employé suisse ou UE/AELE correspondant au profil requis. La vacance du poste avait été annoncée à l’OCE le 12 août 2022, soit après le refus de l’OCIRT du 13 juillet 2022. D’autres candidats remplissaient en bonne partie les critères requis, notamment MM. H______ et I______. L’accord général conclu avec JOBUP.CH le 7 juin 2021 ne démontrait pas que la recourante avait publié une annonce en temps opportun. Les recherches réalisées semblaient ainsi avoir été effectuées pour s’acquitter d’une obligation légale, sans réelle intention de prendre en considération d’autres candidatures.

Quant à l’intérêt économique de la demande, d’après le site internet de la recourante, elle employait déjà un « BIM MANAGER/BIM technicien », soit Monsieur K______, au bénéfice d’un permis G, qui permettrait donc en principe d’assurer la continuité des projets indépendamment de l’engagement de M. C______. À teneur du compte de résultats produit pour l’année 2022 (chiffre d’affaires de CHF 2'692'228.-, masse salariale de CHF 1'620'820.-, bénéfice de CHF 384'429.- et répartition fiscale inter cantonale 2022 de 86.728 % à Genève et de 13.272 % dans le canton de Vaud), la situation économique de la recourante était saine. Toutefois, cette dernière n’expliquait pas en quoi la demande servirait les intérêts économiques du pays. Il apparaissait davantage que l’engagement de l’intéressé représentait un intérêt pour elle. Enfin, une société qui ne respectait pas l’ordre de priorité et ne collaborait pas en temps opportun avec l’OCE pouvait difficilement affirmer qu’elle représentait un intérêt économique suffisant pour le canton.

18.         Par réplique du 18 mars 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions, tout en sollicitant l’audition de Monsieur L______, architecte et membre actif de la société suisse des ingénieurs et des architectes (ci-après : SIA).

Tout en confirmant que son droit d’être entendu avait été violé, elle a rappelé que les conditions de l’art. 18 LEI étaient remplies. Le profil de M. C______ était nécessaire pour elle. Depuis 2022, elle avait investi CHF 404'180.30 dans le développement du logiciel BIM et CHF 215'142.95 dans du matériel BIM afin de renforcer sa compétitivité sur les concours suisses et européens exigeant l’utilisation de cette technologie. Au vu de cet investissement, il était crucial qu’elle dispose d’un D______ expérimenté, capable de former le reste de l’équipe et de gérer toutes les étapes essentielles à sa mise en place.

Le profil de M. C______ était également nécessaire pour la Suisse. Les compétences pointues de ce dernier étaient reconnues localement. Ainsi, dans l’attestation jointe, M. L______ mettait en évidence la rareté du profil de l’intéressé en tant que manager BIM spécialisé dans l’architecture paysagère, tout en précisant que ce dernier «  [était] le seul dans le canton de Genève à posséder ce profil et cette expertise ». M. C______ était régulièrement sollicité en tant qu’expert pour participer à des séances de la SIA. Il était en outre activement impliqué dans l’élaboration de normes fédérales liées au BIM, contribuant ainsi à façonner l’avenir de cette technologie en Suisse et avait notamment participé à la rédaction du guide de la SIA sur les règles de bases à adopter pour les modèles numériques BIM. En partageant son savoir-faire et en inspirant d’autres professionnels, M. C______ représentait un réel atout pour la Suisse, dont il contribuait à maintenir l’attractivité dans un domaine technologique en plein essor mais encore peu développé à Genève. Ainsi, l’engagement de ce dernier aurait des retombées économiques positives pour l’économie helvétique, en termes de création de places de travail et de diversification de l’économie régionale.

Aucune violation de l’ordre de priorité n’était à déplorer. Un poste de D______ n’était pas équivalent à un poste de BIM technicien (dessinateur de bâtiments 3D ou gestionnaire BIM). Ce dernier était chargé d’élaborer les modèles BIM pour les spécialistes concernés, d’assurer la production de chaque modèle de spécialistes, de tenir informé son D______ en continu de l’état du projet, de participer aux trainings et formations pertinents, de respecter les directives et standards et de contribuer activement aux Best Practices. Depuis février 2023, elle employait M. K______ au poste de BIM technicien. Issu du domaine de l’aménagement de cuisines, ce dernier se formait actuellement en son sein sur les aspects paysagers, dans lesquels il n’avait auparavant aucune connaissance. Il était amené à participer, en tant qu’exécutant, à des missions impliquant le BIM Management, raison pour laquelle son site internet indiquait que ce dernier se consacrait à cette activité. Toutefois, les compétences actuelles de M. K______ ne correspondaient pas aux exigences requises pour le poste de D______.

Le poste de D______ impliquait d’organiser l’exécution des besoins en information concernant le développement du projet numérique, d’être l’interlocuteur principal pour les questions relatives au développement du projet numérique entre le gestionnaire d’information et le coordinateur global BIM, de représenter le mandataire par rapport au gestionnaire d’information du mandant, de mettre en œuvre les processus de gestion autour du développement du projet numérique, d’être l’interlocuteur pour les participants côté mandataire concernant toutes les questions relatives au BIM, de rassembler tous les contenus contractuels et organisationnels du développement du projet numérique et de les transmettre au gestionnaire d’information, d’assurer des travaux basés sur des modèles cohérents, de mettre en place la stratégie de communication requise et d’organiser le système de gestion des tâches, de justifier les compétences de l’équipe, d’assurer le respect des standards et directives, d’ordonner et d’organiser la mise à disposition de la plateforme de collaboration pour l’échange d’information, de mettre à disposition les modèles, données et documents nécessaires pour le système cible et d’organiser ou de contrôler leur utilisation. Ce poste requérait une formation universitaire incluant un Master spécialisé en BIM et une solide expérience professionnelle, avec une progression à travers les différentes fonctions clés (notamment en tant que BIM technicien et BIM coordinateur). Comme souligné par M. L______, le poste de D______ était un rôle hautement stratégique dans les entreprises du bâtiment dont le territoire genevois et la Suisse romande manquaient cruellement.

Titulaire d’un diplôme en BIM Management avec mention, M. C______ bénéficiait de plus de six ans d’expérience dans le développement BIM. Il possédait des qualifications très spécifiques, étant donné qu’aucune école en Suisse ou dans un pays membre de l’UE n’offrait de formation similaire en BIM Management. Aucun des candidats ayant répondu à l’annonce de D______ publiée par ses soins ne possédait une formation aussi spécialisée et une expérience aussi solide que M. C______. Au vu de l’enjeu stratégique de la technologie BIM, elle ne pouvait se permettre d’engager un candidat ne remplissant que 64 % des critères requis.

Plusieurs pièces étaient jointes, notamment :

-          une attestation de « soutien professionnel » rédigée sur papier libre le 15 mars 2024 par M. L______, faisant état de l’importance du rôle de Manager BIM de M. C______ au sein d’A______ SA, conformément aux explications exposées supra. M. C______ contribuait fortement au succès d’A______ SA. Grâce à l’avantage technologique généré par le travail de ce dernier, A______ SA était en mesure de répondre avec succès à des appels d’offre importants, pour lesquels la méthodologie BIM était un facteur de sélection. Étant lui-même expert BIM reconnu aux niveaux cantonal et fédéral, il soulignait le grand professionnalisme de M. C______, son excellente connaissance du marché genevois et des réglementations helvétiques applicables et sa parfaite intégration à Genève. Ce dernier possédait ainsi tous les atouts permettant de contribuer au développement et au rayonnement du canton ;

-          le « Guide des règles de base pour les modèles numériques BIM » de 2024 portant l’en-tête de la section genevoise de la SIA indiquant notamment, dans la rubrique « Contribution », le nom de M. C______.

19.         Par duplique du 8 avril 2024, l’OCIRT a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ  - E 2 05  ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Aux termes de l'art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le délai de recours est de trente jours s'il s'agit d'une décision finale (art. 57 al. 1 let. a LPA). Ce délai court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 LPA).

3.             Selon une jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification d'un acte, notamment de la date à laquelle celle-ci est intervenue, incombe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; 136 V 295 consid. 5.9 et les nombreuses références ; ATA/65/2011 du 11 février 2011 consid. 5).

L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi, dont la bonne foi est présumée (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; 129 I 8 consid. 2.2 ; 124 V 400 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1 ; 6B_ 869/2014 du 18 septembre 2015 consid. 1.2 ; 5A_225/2012 du 26 septembre 2012 consid. 2.1.2 ; 8C_227/2011 du 22 mars 2012 consid. 4.2).

4.             En l’espèce, la décision querellée - datée du 31 octobre 2023 - ayant été expédiée sous simple courrier A, il est impossible de déterminer précisément la date de sa notification à la recourante, dont le fardeau de la preuve incombe à l’autorité intimée. Compte tenu de la jurisprudence rappelée ci-dessus, le tribunal retiendra dès lors que le recours, déposée le 6 décembre 2023, est recevable sous cet angle, étant en outre précisé que l’autorité intimée, qui s’en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours, ne prétend pas le contraire.

Partant, interjeté par ailleurs dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est ainsi formellement recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.

5.             La recourante sollicite la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties ainsi que l’audition de M. L______ en qualité de témoin.

6.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1).

7.             En l'espèce, le tribunal estime que la recourante a eu la possibilité de faire valoir ses arguments par le biais des écritures usuelles et de produire tout moyen de preuve qu’elle estimait utile en annexe de celles-ci. Ainsi, il convient de retenir que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tels qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige.

Quant à l’audition de M. L______, la recourante n’a pas démontré que ce dernier pourrait apporter, dans le cadre d’une audition, des éléments supplémentaires par rapport à l’attestation écrite rédigée par ses soins le 15 mars 2024, soit très récemment, et versée au dossier en annexe de la réplique.

Partant, il n’apparaît pas nécessaire de procéder aux demandes d'instruction, en soi non obligatoires, requises.

8.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

9.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

10.         Dans un premier grief d’ordre formel, la recourante se prévaut d’une violation de son droit d’être entendue, sous l’angle du défaut de motivation de la décision attaquée et eu égard à l’absence de production du préavis de la commission tripartite sur lequel se fondait cette décision.

11.         Le droit d'être entendu, tel que défini plus haut, est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2012 du 17 avril 2013 consid. 3.1). Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

Il implique notamment, pour l’autorité, l’obligation de motiver sa décision (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_478/2017 du 8 mai 2018 consid. 2.1). L’art. 46 al. 1 LPA fait de plus obligation aux autorités administratives de rendre des décisions motivées.

12.         Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver n’impose pas à l’autorité d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuves et griefs invoqués par les parties (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). Il suffit, au regard de ce droit, qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que les intéressés puissent se rendre compte de la portée de celle-ci et la déférer à l’instance supérieure en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2). La portée de l’obligation de motiver dépend des circonstances concrètes, telles que la nature de la procédure, la complexité des questions de fait ou de droit, ainsi que la gravité de l’atteinte portée à la situation juridique des parties. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. En outre, la motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 IV consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1). Il n’y a ainsi violation du droit d’être entendu que si l’autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d’examiner les problèmes pertinents (ATF 134 I 83 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_56/2015 du 13 mai 2015 consid. 2.1).

Il ressort toutefois de la jurisprudence du Tribunal fédéral que la violation du droit d’être entendu peut être réparée dans le cadre de la procédure de recours lorsque l’autorité de recours exerce le même pouvoir d’examen que l’autorité de décision (ATF 129 II 129 c. 2.2.3 p. 135, JdT 2005 IV 300; ATF 126 I 68 c. 2 p. 72, RDAF 2001 I 586; ATF 124 II 132 c. 2d p. 138). La réparation du vice doit toutefois demeurer exceptionnelle, en particulier lorsqu’il s’agit d’une violation grave, surtout parce que l’exercice différé du droit d’être entendu ne constitue le plus souvent qu’un succédané imparfait de l’audition préalable qui a été omise (ATF 116 V 182 c. 3c p. 187; ATE 105 la 193 c. 2b/cc p. 197). En outre, elle n’entre en considération que si la personne touchée ne subit aucun préjudice dans l’exercice différé du droit d’être entendu et dans la réparation du vice. Il ne serait en aucun cas admissible que l’autorité parvienne, par le biais d’une violation du droit d’être entendu, à un résultat qu’elle n’aurait jamais obtenu en procédant de manière correcte (ATF 129 I 129 c. 2.2.3 p. 135, JdT 2005 IV 300).

13.         Conformément à l’art. 4 al. 1 du règlement d’application de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (RaLEtr - E 2 10.01), la commission tripartite pour l'économie, dépendant du conseil de surveillance du marché de l'emploi, instituée par la loi sur le service de l'emploi et la location de services, du 18 septembre 1992, est chargée de rendre un préavis concernant les demandes d'autorisation de travail qui doivent faire l'objet d'une décision préalable de l'OCIRT au sens de l'art. 6 RaLEtr.

14.         L'OCIRT rend la décision préalable en matière de marché du travail, après consultation de la commission. La commission peut toutefois renoncer à examiner certaines catégories de demandes (art. 6 al. 4 RaLEtr).

15.         En l’espèce, s’agissant tout d’abord du défaut de motivation allégué, le tribunal constate que la décision litigieuse fait mention des dispositions légales sur lesquelles l'autorité intimée s'est fondée pour se prononcer. Elle indique également sa position, soit qu'il ne lui est pas possible de rendre une décision favorable, la demande ne servant pas les intérêts économiques de la Suisse et l’ordre de priorité n’ayant pas été respecté.

Par conséquent, la décision attaquée, qui mentionne les bases légales topiques applicables ainsi que les motifs de refus, est claire. La recourante a ainsi été en mesure de comprendre le sens et la portée de cette dernière. Elle a d’ailleurs exposé en détail dans son recours les raisons qui commandaient, à son sens, l'octroi d'une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de M. C______. Pour le surplus, les échanges auxquelles les parties ont pu procéder dans la présente procédure ont permis à chacune d'elles d’exprimer clairement leurs positions respectives, de sorte qu'une éventuelle violation du droit d'être entendu serait en tout état réparée. Partant, aucune violation du droit d’être entendu n’est à déplorer à ce titre.

Quant au fait qu’aucun préavis émanant de la commission tripartite n’ait été communiqué à la recourante ni versé au dossier, il sera relevé que l’art. 4 al. 1 RaLEtr prévoit que la commission précitée est chargée de rendre un préavis concernant les demandes d’autorisation de travail devant fait l’objet d’une décision préalable de l’OCIRT, ce qui est le cas ici. L’art. 6 al. 4 de ce même règlement précise quant à lui que l’OCIRT rend une décision préalable en matière de marché du travail après consultation de cette commission. Or, in casu, la décision litigieuse indique que le dossier de M. C______ a bien été examiné par la commission tripartite pour l’économie, désignée à cet effet par le Conseil d’État. Rien ne permet d’en douter, la recourante ne se préavalant d’ailleurs pas du contraire.

L’autorité intimée a en outre précisé, dans ses observations, qu’il n’existe pas de préavis formalisé, la décision étant rendue immédiatement après la séance hebdomadaire de la commission précitée. Or, rien n’oblige la commission tripartite, au vu des dispositions réglementaires précitées, à émettre un préavis par écrit. Ainsi, ledit préavis peut être formulé oralement à l’attention de l’OCIRT, ce qui apparaît avoir été le cas en l’espèce. Dès lors, l’absence de préavis écrit de la commission tripartite au dossier ne prête pas flanc à la critique sous l’angle du droit d’être entendu.

Au vu des développements qui précèdent, infondé, ce grief d’ordre formel doit donc être écarté.

16.         Sur le fond, la recourante soutient que l’engagement de M. C______ répondrait aux intérêts économiques de la Suisse et respecterait l'ordre de priorité.

17.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Royaume-Uni.

18.         Selon l’art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).

19.         À teneur de l’art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l’ordre de priorité (art. 21 LEI), les conditions de rémunération et de travail (art. 22 LEI), ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI).

Ces conditions sont cumulatives (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

20.         En raison de sa formulation potestative, l'art. 18 LEI ne confère aucun droit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_798/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.1 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3) et les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de son application (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.2).

21.         La notion d’« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, in FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1). L'art. 3 al. 1 LEI concrétise le terme en ce sens que les chances d'une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l'environnement social sont déterminantes. L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (ATA/896/2018 du 4 septembre 2018 consid. 6b ; Minh Son NGUYEN, Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 s. et les références citées).

Selon les directives et circulaires du secrétariat d'État aux migrations Séjour avec activité lucrative, état au 1er avril 2024 (ci-après : directives LEI), ch. 4.3.1, qui ne lient pas le juge, mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 ; ATA/896/2018 du 4 septembre 2018), il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné à s'intégrer. Il ne s'agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers. Par ailleurs, les étrangers nouvellement entrés dans le pays ne doivent pas faire concurrence aux travailleurs en Suisse en provoquant, par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail, un dumping salarial et social (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-857/2013 du 19 mai 2014 consid. 8.3 ;C-3518/2011 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015 consid. 12 ; ATA/940/2015 du 15 septembre 2015 consid. 7c).

22.         Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEI).

En d’autres termes, l’admission de ressortissants d’États tiers n’est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE ne peut être recruté. Le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l’économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1).

Les conditions d'admission ont matériellement pour but de gérer de manière « restrictive » l'immigration ne provenant pas de la zone UE/AELE, de servir conséquemment les intérêts économiques à long terme et de tenir compte de manière accrue des objectifs généraux relatifs aux aspects politiques et sociaux du pays et en matière d'intégration (ATAF 2011/1 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1).

Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement les emplois vacants qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L’employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c et les arrêts cités).

L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l'UE/AELE. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question, etc. (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3286/2017 du 18 décembre 2017 consid. 6.2).

Même si la recherche d’un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l’employeur peut s’avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient, à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l’art. 21 LEI (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c).

Il revient à l’employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE conformément à l’art. 21 al. 1 LEtr et qu’il s’est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d’exercer cette activité (ATA/361/2020du 16 avril 2020 consid. 4c et les références citées).

La seule publication d'une annonce auprès de l'OCE, bien que diffusée également dans le système EURES, ne peut être considérée comme une démarche suffisante. (ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 11).

23.         Enfin, conformément à l'art. 90 LEI, l'étranger et les tiers participant à une procédure prévue par la loi doivent collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Ils doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (let. a) et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (let. b).

24.         En l’espèce, sous l’angle du respect du principe de la priorité, force est de constater que la recourante n'a pas déployé tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre d'elle pour trouver un travailleur suisse ou ressortissant d’un État membre de l'UE/AELE afin de pourvoir le poste concerné. En effet, l’intéressée n’a annoncé la vacance du poste de « D______ » à l’OCE qu’en août 2022, soit neuf mois après avoir signé avec M. C______, en novembre 2021, un contrat de travail de durée indéterminée. En outre, cette annonce de poste à l’OCE est intervenue un mois à peine après que la recourante ait vu, en juillet 2022, sa demande de permis de travail frontalier en faveur du précité être refusée, au motif notamment que l’ordre de priorité n’avait pas été respecté.

Quant aux autres recherches de candidats auxquelles la recourante indique avoir procédé, le tribunal relève tout d’abord que l’existence de démarches effectuées par ses soins sur LINKEDIN n’a nullement été démontrée, nonobstant le fait que cette dernière, qui se prévaut de l’existence de telles démarches, supporte le fardeau de la preuve. S’agissant de l’annonce diffusée en août 2019 par le biais d’INDEED, elle ne saurait être déterminante, dès lors qu’elle portait, selon l’impression d’écran produite en annexe du recours, sur un emploi de « dessinateur BIM » et non de « D______ », contrairement au poste faisant l’objet de la décision attaquée. Il en va de même des annonces que la recourante indique avoir publiées sur le site internet de JOBUP.CH, dès lors que l’acceptation par la recourante d’une offre de publication de plusieurs annonces à un prix préférentiel sur le site internet précité ne démontre pas encore que des annonces auraient effectivement été effectuées en lien avec le poste de D______ concerné par la présente procédure en temps utile. Ainsi, les recherches effectuées par la recourante en vue de pourvoir le poste de D______ apparaissent insuffisantes, conformément à la jurisprudence, pour assurer le respect du principe de priorité.

Pour le surplus, l’enchaînement des démarches effectuées par la recourante – telles qu’exposées supra - tend à démontrer que celles-ci n’ont été effectuées qu’à la seule fin de répondre aux exigences légales et que celle-ci souhaitait en réalité engager spécifiquement M. C______. Va dans le même sens le fait que l’intitulé du poste à repourvoir au sein de la recourante a fluctué au cours du temps et au gré de l’avancement de la formation de M. C______. Ainsi, alors que cette dernière avait signé, en novembre 2021, un contrat de «D______ » avec M. C______, qui n’était alors pas encore titulaire d’un Master en BIM Management – lequel est, pour rappel, indispensable selon les explications de la recourante pour occuper un poste de D______ – elle a produit, le 26 juin 2022, le texte d’une annonce non datée pour un poste d’architecte paysagiste/urbaniste HES, sans mention aucune d’une qualification BIM. Ce n’est que le 12 août 2022, soit après l’obtention par M. C______ du Master précité en juillet 2022, qu’elle annoncé la vacance d’un poste de D______, que M. C______ était désormais en mesure d’occuper, au vu de l’obtention de ce diplôme. Il sera rappelé à ce titre que la jurisprudence précitée précise clairement que des ressortissants d’États tiers ne doivent être contactés que dans le cas où les efforts entrepris pour trouver un candidat européen ou ressortissant UE/AELE sont demeurés vains. Or, il apparaît que c’est ici le contraire qui s’est produit.

S’agissant de l’argument selon lequel ledit poste est particulièrement spécifique, dès lors qu’il nécessite des connaissances et une formation pointues dans le domaine BIM visé que personne – au vu du manque de formation y relative dans la région et au niveau européen - ne pouvait maîtriser mieux que M. C______, le tribunal relève tout d’abord que lesdites spécificités auraient, cas échéant, d’autant plus dû conduire la recourante à effectuer des démarches poussées pour tenter de trouver un candidat dans le respect de la législation applicable. Il lui était ainsi loisible de diffuser sa recherche à plus large échelle, en particulier sur des sites et dans une presse plus spécialisées, tant en Suisse que dans l'UE, de recourir aux réseaux sociaux ou encore de s’adresser à des organismes spécialisés, ce qu'elle ne démontre, ni même ne prétend, avoir fait.

Au demeurant, il paraît a priori peu vraisemblable qu'il n'existe personne, à l'échelle de toute l'Union européenne, qui pourrait remplir aussi bien que M. C______ les attentes de la recourante. À ce titre, il sera d’ailleurs relevé que le curriculum vitae de M. C______, transmis le 26 juin 2022 à l’OCIRT par la recourante dans le cadre de sa 2ème demande d’autorisation de travail, indique que ce dernier bénéficiait alors de deux expériences professionnelles en tant que « BIM Technician » et de « BIM Coordinator Leader ». Ainsi, il ne pouvait en juin 2022, à teneur de son curriculum vitae, se prévaloir d’aucune expérience de « D______ ». Ainsi, la recourante était alors prête à engager M. C______, qui n’était alors pas titulaire d’un Master BIM et donc, selon ses propres explications, ne possédait pas les qualités requises pour occuper un poste de D______. Ceci contredit ses explications selon lesquelles le poste à pourvoir nécessiterait obligatoirement l’obtention d’un tel diplôme et démontre que c’est davantage la personne de M. C______ – dont les compétences professionnelles ne sont ici nullement remises en cause – qu’un employé possédant un Master BIM qu’elle souhaite engager.

Enfin, s’agissant de son explication selon laquelle le profil de M. C______ lui serait indispensable en raison de ses connaissances et compétences, notamment en matière de BIM - qu’aucun autre des candidats ayant répondu à ses annonces ne possédaient à plus de 64 % -, force est de constater que, nonobstant ses explications détaillées relatives aux différences entre un D______ et un BIM technicien, le site internet de la recourante précise expressément que M. K______, qui occupe cette dernière fonction en son sein, se consacre actuellement au « BIM Management ». Quant au prétendu manque de qualification des autres candidatures reçues, il sera relevé qu’au moins l’un d’entre eux, soit M. H______, maîtrisait la mise en place d’une stratégie de déploiement BIM et d’un programme d’audit y relatif et remplissait à 64 % les critères requis. Il sera également rappelé à ce titre que, conformément à la jurisprudence précitée, il est attendu des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché du travail européen et UE/AELE.

Partant, force est de retenir que le principe de priorité n’a pas été respecté in casu.

25.         Les conditions posées par l’art. 18 LEI étant cumulatives, il n’est pas nécessaire d’examiner si les autres critères prévus par cette disposition légale sont remplis.

Toutefois, à titre superfétatoire, le tribunal constate que l’intérêt économique de la Suisse en lien avec l’engagement de M. C______ n’a pas été démontré. En effet, d’après les explications de la recourante, il apparaît qu’elle a procédé à d’importants investissements financiers dans le domaine du BIM afin de pouvoir développer cette technique qui, selon elle, deviendra indispensable dans les années à venir. Elle précise également que sans l’utilisation du BIM, elle ne pourra accéder à certains projets et études spécifiques. Toutefois, ces arguments ne correspondent pas à l'acception étroite de l'intérêt économique de la Suisse au sens de l'art. 18 let. a LEI. Il en va de même quant à son intérêt à ce que ses autres employés puissent être formés à la technologie BIM par M. C______.

En effet, rien ne démontre que l’emploi de ce dernier pourrait réellement avoir des retombées économiques positives pour la Suisse, que ce soit en termes de création de places de travail ou de diversification de l’économie régionale, étant rappelé que l’intérêt économique de la Suisse ne doit pas être confondu avec celui de l’employeur à engager une personne particulière.

Le fait que M. C______ soit sollicité pour participer, en tant qu’expert, à des séances de la SIA ou que ce dernier ait contribué à la rédaction du « Guide des règles de base pour les modèles numériques BIM » dans sa version 2024 ne permet pas de parvenir à un autre résultat, ces éléments ne démontrant pas l’existence d’un intérêt économique pour la Suisse au sens de la jurisprudence applicable.

L’attestation établie par M. L______ le 15 mars 2024 va d’ailleurs dans le même sens. Celle-ci précise en effet que M. C______ contribue fortement au succès de la recourante qui est, grâce au travail de ce dernier, en mesure de répondre avec succès à des appels d’offre importants prenant en compte l’utilisation de la méthode BIM. Quant au développement et au rayonnement du canton auquel M. C______ contribuerait, selon M. L______, il ne ressort d’aucun élément au dossier. L’on peine en effet à distinguer quel intérêt économique – au sens de la jurisprudence rendue en lien avec l’art. 18 LEI - pourrait découler pour le canton de l’engagement de M. C______, indépendamment de l’utilisation de BIM, déjà en place au sein de la recourante comme vu supra, notamment par le biais de M. K______. En outre, la technologie BIM fait désormais l’objet en Suisse, depuis 2021, selon les propres explications de la recourante, d’une formation spécifique menant à l’obtention d’un Certificate of advanced studies en « coordination BIM HEIA-FR-HES-SO/E______ », de sorte que cette technologie est, en tout état et indépendamment de l’engagement de M. C______, destinée à se développer en Suisse.

Partant, force est de constater que les conditions posées par l’art. 18 LEI ne sont in casu pas remplies.

26.         En conclusion, eu égard aux développements qui précèdent, le tribunal considère que la décision querellée ne viole pas le droit fédéral. C’est ainsi à bon droit que l’autorité intimée a refusé de délivrer l’autorisation sollicitée.

Mal fondé, le recours doit être rejeté.

27.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

28.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 décembre 2023 par A______ SA contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 31 octobre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 GENÈVE 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

GENÈVE, le

 

La greffière