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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/958/2009

ATA/65/2011 du 01.02.2011 sur DCCR/1434/2010 ( ICC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/958/2009-ICC ATA/65/2011

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

du 1er février 2011

1ère section

dans la cause

 

Monsieur C______
représenté par Me Gaspard Couchepin, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 4 octobre 2010 (DCCR/1434/2010)


EN FAIT

1. Monsieur C______, actuellement domicilié en Valais, a exercé la profession de médecin-dentiste indépendant à Genève jusqu'au 31 décembre 2006. Son domicile professionnel était alors au Grand-Saconnex tandis que son domicile privé était à St-Cergue (VD).

2. Tant la commune du Grand-Saconnex que la caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes ont, dès l'année 2007, adressé les courriers relatifs respectivement à la taxe professionnelle communale et aux cotisations sociales au domicile privé du recourant. Il ressort en outre de la consultation des registres de l'office cantonal de la population (ci-après : OCP) que l'intéressé a avisé les autorités de son départ de Genève.

3. Le 27 février 2008, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a adressé par pli simple à M. C______, à son ancien domicile professionnel genevois, le bordereau de taxation pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) 2006 (ci-après : bordereau 2006).

4. Par courrier daté du 20 avril 2008, mentionnant son domicile privé, remis à la poste le 21 avril 2008, M. C______, agissant en personne, a réclamé contre le bordereau susmentionné. Il avait constaté que sa fiduciaire avait omis de porter en déduction des charges liées à son activité professionnelle. Il avait chargé une nouvelle fiduciaire de revoir entièrement sa déclaration fiscale 2006 et espérait pouvoir transmettre une nouvelle déclaration au plus tard le 15 mai. Il souhaitait que sa taxation puisse être revue en fonction de ces nouveaux éléments.

5. Par décision du 8 janvier 2009, adressée sou pli simple à l'intéressé, à son ancien domicile professionnel, l'AFC a déclaré sa réclamation irrecevable car elle n'avait pas été présentée dans le délai légal de trente jours à dater de la réception du bordereau 2006.

6. Dans un courrier daté du 22 mars 2009 mais expédié à l'AFC le 24 février 2009, M. C______, agissant en personne et mentionnant en exergue un domicile à Martigny (VS), a indiqué qu'il avait pris connaissance de la décision susmentionnée, parvenue récemment en raison d'un acheminement perturbé par trois déménagements successifs. Il était catastrophé d'apprendre que sa réclamation n'avait pas pu être prise en compte car tardive. Il avait dû interrompre brusquement son activité professionnelle pour raisons de santé. Il demandait en substance à ce que sa réclamation soit traitée, vu les circonstances particulières.

7. Considérant le courrier susmentionné comme un recours, l'AFC l'a transmis le 12 mars 2009 à la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance.

8. Le 21 septembre 2009, l'AFC a conclu à l'irrecevabilité du recours, déposé tardivement et, subsidiairement, à son rejet.

9. Par décision du 4 octobre 2010, expédiée aux parties le 13 octobre 2010 et reçue le lendemain par M. C______, la commission a déclaré le recours recevable. La décision sur réclamation avait été adressée par pli simple et c'était à l'AFC de supporter le risque de l'absence de preuve de la date de notification. En cas de doute, il y avait lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de la communication.

Au fond, la commission a rejeté le recours. Sa réclamation n'avait été déposée que le 21 avril contre le bordereau établi le 27 février 2008, soit en dehors du délai de recours. L'intéressé n'avait pas contesté la tardiveté de sa réclamation.

10. Par acte du 11 novembre 2010, M. C______ a recouru auprès du Tribunal administratif, devenu le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), contre la décision susmentionnée, concluant à son annulation et à celle de la décision sur réclamation du 8 janvier 2009 et au renvoi du dossier à l'AFC pour examen et décision sur le fond de la réclamation du 20 avril 2008.

Actuellement domicilié en Valais, il avait toujours annoncé aux autorités et à la poste - avec demande de faire suivre le courrier - ses changements d'adresses successifs. Malgré cela, il y avait eu des retards dans le réacheminement. L'AFC lui avait adressé le bordereau 2006 en courrier B à son ancien domicile professionnel. Il l'avait reçu le 2 avril 2008 et avait envoyé une réclamation le 21 avril 2008, soit dans le délai de trente jours dès réception de celui-là. Le 8 janvier 2009, l'AFC avait à tort déclaré cette réclamation tardive. L'administration était en effet dans l'incapacité d'établir que le bordereau litigieux avait été reçu à une autre date que celle qu'il avait mentionnée. Au surplus, cette date de réception était compatible avec les délais de réacheminement d'un envoi en courrier B mal adressé.

11. Le 7 décembre 2010, la commission a transmis son dossier, sans observations.

12. Le 14 décembre 2010, l'AFC a conclu au rejet du recours.

Dans son courrier du 21 avril 2008, M. C______ n'avait pas contesté la tardiveté de sa réclamation mais demandé à ce qu'elle soit prise en compte malgré cela. Il avait en réalité fait preuve de négligence et ne démontrait pas que son état de santé l'aurait mis dans l'impossibilité d'agir en temps utile. En ne contestant qu'au stade du recours devant la chambre administrative le caractère tardif de sa réclamation, il était de mauvaise foi.

13. En date du 23 décembre 2010, le juge délégué a transmis la détermination de l'AFC à M. C______ en informant ce dernier que l'instruction de la cause était terminée. Toutefois, un délai au 31 janvier 2011 lui était accordé pour formuler toute requête complémentaire. Passé cette date, la cause serait gardée à juger en l'état.

14. Le 17 janvier 2011, M. C______ a réagi à la détermination de l'AFC. Il n'avait pas admis la tardiveté de sa réclamation. Simple contribuable sans formation juridique, il avait seulement fait part de son sentiment face à la position de l'AFC à ce sujet. Pour le surplus, il persistait dans son argumentation et ses conclusions

15. Le 18 janvier 2011, ces observations ont été transmises à l'AFC et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010 - aLOJ ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010).

3. Une réclamation peut être faite dans les trente jours dès la notification de la taxation (art. 39 al. 1 LPFisc). Au-delà du délai de trente jours précité, une réclamation tardive n'est recevable que si le contribuable établit que, par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu'il l'a déposée dans les trente jours après la fin de l'empêchement (art. 41 al. 3 LPFisc).

4. Les dispositions susmentionnées correspondent à la règle générale énoncée à l'art. 16 al. 1er LPA, selon lequel les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (SJ 1989 p. 418). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 et références citées ; ATA/322/2007 du 19 juin 2007 consid. 4a ; ATA/581/2006 du 7 novembre 2006 consid. 4 ; ATA/928/2004 du 30 novembre 2004 consid. 2a), les cas de force majeure restent réservés (art. 16 al. 1er, 2ème phrase, LPA).

5. Pour des raisons de coût, l'AFC n'envoie pas - sauf exception - les bordereaux et les décisions sur réclamation par pli recommandé. Ce faisant, elle prend le risque de ne pas pouvoir rapporter la preuve qui lui incombe, selon une jurisprudence constante (ATA/549/2001 du 28 août 2001). Or, si la notification ou sa date est contestée et qu'il existe un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 124 V 400 consid. 2a, p. 402 ; 120 III 117 consid. 2 p. 118).

En l’espèce, l’AFC a expédié le bordereau 2006 daté du 27 février 2008 sous pli simple et en courrier B. Elle est ainsi dans l’incapacité d’établir à quelle date elle l'a effectivement remis à l'office postal comme celle à laquelle le recourant l’a reçu. Au regard des conditions de réacheminement découlant des déménagements successifs du recourant - circonstances non contestées par l'intimée - il apparaît vraisemblable que celui-là l'ait réceptionné cinq semaines après la date figurant sur le document en cause.

6. L'AFC, suivie en cela par la commission, allègue que le recourant aurait dans un premier temps admis la tardiveté de sa réclamation et serait de mauvaise foi en la contestant seulement devant la chambre de céans.

L'argument méconnaît le fait que le recourant, sans formation juridique connue, plaidait en personne devant la commission et exprimait en termes non spécialisés son désaccord avec la décision querellée. La commission a également erré à cet égard et aurait dû admettre pour le délai de réclamation ce qu'elle a admis pour celui du courrier valant recours devant elle.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis.

La décision de la commission et celle de l'AFC sur réclamation seront annulées et le dossier retourné à cette dernière pour nouvelle décision après instruction de la réclamation.

Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l'AFC. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant, à la charge de l'Etat de Genève (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2010 par Monsieur C______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 4 octobre 2010 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 4 octobre 2010 ;

annule la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 8 janvier 2009 :

renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour nouvelle décision après instruction de la réclamation de Monsieur C______ ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de l'administration fiscale cantonale ;

alloue à Monsieur C______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gaspard Couchepin, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :