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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2575/2014

ATA/1280/2015 du 01.12.2015 sur JTAPI/627/2015 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR ; NOUVEL EXAMEN(EN GÉNÉRAL) ; DEVOIR DE COLLABORER
Normes : LPA.61.al1 ; LPA.61.al2 ; LEtr.11.al1 ; LEtr.40.al2 ; OASA.83 ; LaLEtr.1.al1 ; LaLEtr.2 ; LIRT.17A ; RIRT.35A ; LaLEtr.3 ; LEtr.18 ; LEtr.33
Résumé : Le recourant directeur d'une société qu'il a fondée, a obtenu une autorisation de séjour avec activité lucrative soumise à un renouvellement annuel dont la prolongation était subordonnée à la concrétisation des projets annoncés dans la demande, dans le business plan et au fait que du personnel soit engagé sur le marché du travail local. Au terme de la première année, l'OCIRT a refusé de prolonger l'autorisation de séjour. Suite à l'instruction du dossier, selon la chambre administrative les conditions pour le renouvellement de l'autorisation de séjour étaient remplies au moment de la décision querellée quand bien même l'OCIRT n'était pas en possession de tous les éléments de fait pertinents. A la date de l'arrêt, la société est bénéficiaire et répond aux exigences posées par l'OCIRT à la prolongation de l'autorisation de séjour. Toutefois, le recourant a largement sous-estimé son devoir de collaboration et l'importance des renseignements à fournir à l'administration. Son attention est formellement attirée sur son devoir de collaborer, le recours n'ayant été admis qu'en raison de la spécificité du cas d'espèce.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2575/2014-PE ATA/1280/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er décembre 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Homayoon Arfazadeh, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
26 mai 2015 (JTAPI/627/2015)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1969, est d'origine iranienne.

2) a. Le 30 novembre 2012, il a adressé à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande motivée en vue d'obtenir une autorisation de séjour avec activité lucrative.

Actif dans le domaine du négoce d'instruments financiers, M. A______ souhaitait développer ses activités à Genève et s'y établir avec sa famille. Il avait créé le 27 juin 2012 la société B______ et détenait 80 % du capital-actions. Ce projet s'intégrait dans la continuité de deux sociétés qu'il avait déjà créées, soit « C______ », ayant son siège aux Émirats arabes unis, et « B______ Ltd » en Malaisie ; il était actionnaire principal de la première et détenait 50 % du capital de la seconde.

Il souhaitait pouvoir occuper le poste de directeur général de la société B______ à Genève.

b. M. A______ a remis à l'OCPM le business plan rédigé en novembre 2012.

Selon le plan de recrutement, la société envisageait d'engager en fin d'année 2012, deux traders ayant une expérience significative dans le domaine bancaire, pour être opérationnels dès le début 2013. Leurs salaires bruts seraient de
CHF 7'200.- à CHF 12'000.- à leur recrutement avec possibilité d'évolution en fonction des performances individuelles. L'effectif serait graduellement porté à quatre traders et une secrétaire d'ici à 2018.

Le résultat opérationnel devait être de CHF 94'100.- en 2013, de
CHF 129'742.- en 2014, et CHF 179'009.- en 2015 et le bénéfice reporté de
CHF 71'284.- en 2013, CHF 98'535.- en 2014 et CHF 136'203.- en 2015.

3) La demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative a été déposée à l'OCPM le 16 janvier 2013. Ce dernier l'a transmis à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) pour des raisons de compétences.

4) Par décision du 15 mars 2013, l'OCIRT a répondu favorablement et délivré une autorisation valable douze mois.

Sa prolongation était subordonnée à la concrétisation des projets annoncés dans la demande d'autorisation de travail, dans le business plan de novembre 2012 et au fait que du personnel soit engagé sur le marché suisse du travail.

5) Le 26 avril 2013, l'office fédéral des migrations, devenu depuis le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), a confirmé cette décision.

6) A l'échéance annuelle, l'OCPM a transmis son dossier à l'OCIRT pour renouvellement.

7) Le 16 mai 2014, afin de pouvoir entrer en matière sur la demande de prolongation, l'OCIRT a demandé à M. A______ un bref rapport concernant la concrétisation des projets annoncés, les comptes annuels 2013, le nombre d'emplois créés ayant permis un recrutement sur le marché local, ainsi que l'effectif complet du personnel de la société.

Constatant que B______ n'était « pas à jour avec l'administration fiscale cantonale » (ci-après : AFC-GE), l'OCIRT l'invitait à prendre les mesures adéquates dans les meilleurs délais.

8) a. M. A______ a répondu à l'OCIRT le 12 juin 2014. Les affaires de B______ se développaient dans de bonnes conditions. Les activités de négoce de devises avaient pris plus de temps que prévu à démarrer en raison des difficultés rencontrées pour ouvrir des comptes bancaires à Genève. Un trader avait été engagé le 1er août 2013 sur le marché local. Parallèlement, M. A______ avait procédé au rachat du restaurant D______ dont l'exploitation devait générer de substantiels bénéfices ces prochaines années. Il employait une douzaine de personnes.

b. Plusieurs documents étaient annexés à ce courrier, notamment :

- le relevé des frais généraux 2013 affichant un montant de CHF 312'729.- sous la rubrique salaire du personnel administratif et CHF 236'525.60 pour les salaires du personnel du restaurant ;

- le compte de pertes et profits au 31 décembre 2013 mentionnant une perte nette annuelle de CHF 390'165.88, soit un solde négatif cumulé de près de
CHF 435'500.-, incluant la perte de CHF 45'301.11 de l'année 2012 ;

- la liste du personnel de B______, soit quatre personnes employées par la société (y compris M. A______) et huit personnes employées par le restaurant.

9) Par décision du 18 juin 2014, l'OCIRT a refusé la prolongation de l'autorisation de séjour avec activité lucrative de M. A______.

Les conditions stipulées dans la décision du 15 mars 2013 n'étaient pas remplies. En outre, l'activité déployée ne correspondait pas, ou qu'en partie, à celle pour laquelle l'autorisation avait été délivrée. Enfin, la société n'était pas en règle avec l'AFC-GE.

10) a. Par courrier du 1er juillet 2014, M. A______ a sollicité le réexamen de cette décision.

Il ne s'était pas transformé en exploitant de restaurant et entendait bien respecter ses engagements, à savoir développer une activité dans le négoce de devises et d'autres instruments financiers.

Il avait toutefois dû surmonter des difficultés pour obtenir l'ouverture de comptes bancaires en Suisse, les établissements se montrant de plus en plus réticents à accueillir des fonds étrangers provenant du Moyen-Orient et de l'Asie de l'ouest. C'était pour cette raison qu'il avait saisi l'opportunité d'investir dans le restaurant et espérait réaliser un substantiel bénéfice lors de la revente de
celui-ci.

Les premiers obstacles étaient désormais franchis et il avait été à même d'investir la somme de USD 822'559.- dans une des meilleures banques de trading en ligne en Suisse, soit E______. La société avait ainsi engagé deux traders en 2013, dont un ressortissant suisse précédemment au chômage. Les gains réalisés pour la période d'avril 2014 à juin 2014 s'étaient élevés à CHF 40'406.65.

La société avait également investi d'importantes sommes d'argent dans la création de logiciels de développement. Livrés en février 2014, ils étaient devenus opérationnels le 2 avril 2014 et étaient désormais utilisés pour faire fructifier le capital investi par B______.

Enfin, les montants dus à l'AFC-GE avaient été payés le 12 juin 2006 (sic), soit antérieurement à la décision.

b. M. A______ a joint un certain nombre de documents à ce courrier :

-                 le relevé d'écritures du compte no 811797 de la F______, duquel il ressortait qu'entre le 2 avril 2014 et le 25 juin 2014, suite à un investissement d'un peu plus de CHF 820'000.-, un bénéfice de CHF 40'406.65 avait pu être effectué sur les transactions ;

 

-                 le relevé d'écritures du 1er avril 2014 au 25 juin 2014 du compte no 811'797 auprès de E______ attestant des mêmes résultats (étant précisé que F______ a été rachetée par E______ en 2013) ;

 

-                 le relevé d'écritures du compte no 711'158 auprès de E______, duquel il ressort que USD 50'000.- ont été déposés le 13 juin 2014, générant un profit de USD 1'777.50 entre le 13 et le 25 juin 2014 ;

 

-                 le contrat de développement de logiciels conclu le 8 février 2013 entre B______ et G______ ;

 

-                 la preuve des paiements le 12 juin 2014 de CHF 25'744.25 et CHF 6'040.15 pour les impôts 2013 et 2014.

11) Le 8 juillet 2014, l'OCIRT a sollicité des documents et renseignements complémentaires, soit notamment :

-                 les comptes de B______, séparant les différentes activités de la société, celle-ci accusant, fin 2013, une perte « conséquente » de près de
CHF 390'000.- ;

 

-                 l'audit des comptes ;

 

-                 les intentions par rapport à une éventuelle augmentation du capital ;

 

-                 des explications complémentaires sur ce qu'il entendait par « investissement » dans la banque en ligne E______.

12) M. A______ a répondu le 18 juillet 2014 :

- la perte de CHF 390'000.- s'expliquait, d'une part en raison des travaux de rénovation du restaurant qui s'étaient échelonnés sur une période de six mois, réduisant fortement l'accueil de la clientèle durant cette période et d'autre part, par les salaires du personnel administratif, hors restaurant, qui totalisaient CHF 300'000.- pour l'exercice 2013. L'activité de négoce de devises avait débuté en avril 2014, suite aux difficultés rencontrées jusque-là pour l'ouverture de comptes bancaires.

- La séparation des activités au niveau comptable ne pourrait intervenir que pour l'exercice 2014 ;

- B______ n'ayant pas l'obligation d'avoir un organe de révision, les comptes n'avaient pas été audités. Ils avaient cependant été établis par sa fiduciaire ;

- M. A______ n'excluait pas une augmentation du capital. Parallèlement, il investirait CHF 500'000.- supplémentaires dans E______, vu les résultats encourageants déjà réalisés ;

- l'investissement dans la banque en ligne E______ représentait la valeur destinée à l'achat, la vente et le négoce de devises, d'actions et d'obligations. Ces opérations s'effectuaient « en ligne » dans le but de réagir et de saisir des occasions le plus rapidement possible en générant, ainsi des résultats immédiats ou sur le court terme.

13) Par décision du 31 juillet 2014, l'OCIRT a confirmé son refus en ces termes. « Après un nouvel examen de votre dossier, nous notons que l'autorisation n'a à aucun moment été délivrée en vue de la reprise ou de la gestion d'un restaurant et que, par conséquent, au vu des résultats de l'activité de négoce de devises, les objectifs annoncés n'ont de loin pas été atteints ».

14) a. Par acte du 1er septembre 2014, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il concluait principalement à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'OCIRT de prolonger son autorisation de séjour avec activité lucrative, subsidiairement, à l'annulation de la décision litigieuse et au renvoi de la cause à l'OCIRT.

Le résultat opérationnel pour 2014 estimé à CHF 129'742.- serait largement dépassé pour 2014 et les années suivantes. La société avait d'ores et déjà réalisé des profits à hauteur de CHF 193'970.- sur le compte 811'797 de F______, du 2 avril au 27 août 2014 et de USD 12'000.- sur le compte 711'158 de
F______, du 13 juin au 27 août 2014, soit plus de CHF 200'000.- en quelques mois.

Malgré les nombreuses difficultés rencontrées pour obtenir l'ouverture de comptes auprès des établissements bancaires suisses, il avait atteint les objectifs fixés, en termes de chiffre d'affaires et d'engagement du personnel. Les documents produits démontraient que la nature des activités déployées par la société en 2014 était bien conformes à celle pour laquelle l'autorisation avait été délivrée.

L'octroi d'un premier renouvellement aurait permis de dissiper les doutes de l'OCIRT. C'était précisément au moment même où la société avait mis en place toute l'infrastructure nécessaire à la réalisation de ses objectifs que l'OCIRT voulait l'en empêcher en refusant de prolonger l'autorisation délivrée.

b. Il a notamment produit à l'appui de son recours :

- une liste des opérations et les résultats du compte 811'797 auprès de
F______, du 2 avril 2014 au 26 août 2014, présentant un bénéfice de CHF 193'970.44.

- une liste des opérations et les résultats du compte 711'158 auprès de
F______, du 13 juin 2014 au 26 août 2014, présentant un bénéfice de USD 12'197.79.

15) Par écritures du 29 octobre 2014, l'OCIRT a conclu au rejet du recours.

Aux termes de la première demande d'autorisation, M. A______ se proposait d'intervenir dans un secteur (la finance) durement touché à l'époque. B______ devait avoir comme activité principale le négoce de devises et d'autres instruments financiers et engager des cadres issus du domaine bancaire.

La diversification vers un domaine totalement étranger au secteur financier, soit l'achat du restaurant, ainsi que la perte subie par B______, avaient attiré l'attention de l'OCIRT. Ce dernier avait considéré que les conditions données à l'autorisation du 15 mars 2013 n'étaient plus remplies.

Tout un chacun pouvait placer de l'argent auprès de la banque en ligne E______ s'il en avait les moyens. Il ne s'agissait pas d'une activité propre à une société financière spécialisée dans le négoce de devises mais bien d'une activité accessoire.

16) a. Par pli du 25 mars 2015, M. A______ a transmis au TAPI le bilan de B______ au 31 décembre 2014, son compte d'exploitation 2014 et son compte de pertes et profits au 31 décembre 2014.

Sa présence à Genève avait permis à B______ d'obtenir deux contrats très lucratifs de prestations de services en faveur des H______ et I______, permettant de réaliser un bénéfice largement supérieur aux prévisions annoncées par le business plan, tant pour l'exercice 2014 que pour l'exercice 2013.

D'autres contrats de ce type allaient être conclus grâce à la réputation qu'il avait acquise dans ce domaine.

b. Selon le bilan de B______ au 31 décembre 2014, les actifs de la société totalisaient CHF 1'836'486.-, dont un poste de CHF 800'000.- intitulé « Débiteurs - I______», un poste de CHF 400'000.- intitulé « Débiteurs - H______» et un poste de CHF 518'805.- intitulé « Matériel-Installations ».

Le compte d'exploitation indiquait un chiffre d'affaires au 31 décembre 2014 de CHF 1'989'427.-, dont CHF 789'427.- de recettes du restaurant D______ et CHF 1'200'000.- de recettes de B______. Il en résultait un bénéfice brut de CHF 1'764'378.65.

Selon le compte de pertes et profits au 31 décembre 2014, le bénéfice net était de CHF 408'801.15.

Le compte de pertes et profits au 31 décembre 2013 présentait un solde négatif de CHF 435'466.99. Au 31 décembre 2014, le solde négatif se montait à
CHF 47'105.84.

17) Par courrier du 26 mars 2015, le TAPI a invité M. A______ à produire les contrats liant B______ à H______ et I______. Il devait en expliquer l'objet et les termes, de même que les raisons pour lesquelles la rétribution due par ces sociétés à B______ n'apparaissait que sous forme de dettes dans les comptes 2014 de cette dernière.

18) Par courrier du 9 avril 2015, le recourant a transmis les contrats signés le 16 décembre 2013 entre B______ et I______, ainsi que le 19 février 2014 entre B______ et H______, traduits de l'anglais.

Il s'agissait d'accords de conseil et de services. B______ devait assister les sociétés dans le choix des diverses structures juridiques et suggérer des plans opérationnels.

Les cocontractants de B______ s'engageaient à lui payer une redevance mensuelle de CHF 100'000.-.

19) M. A______ a complété ses explications par courrier du 16 avril 2015.

Dès lors que la plupart des montants dus par les sociétés H______ et I______ avaient été versés sur E______ en 2014 et que ces sommes ne figuraient pas au bilan de B______ pour cet exercice, elles avaient été comptabilisées comme dettes desdites sociétés. Le bilan 2015 permettrait de clarifier cette situation par des versements effectifs et la créance de l'actionnaire serait revue en conséquence.

En raison de problèmes rencontrés avec la direction du restaurant et compte tenu du fait que l'investissement ne s'inscrivait pas dans les activités de trading développées par sa société, M. A______ envisageait de vendre l'établissement dès qu'une occasion intéressante se présenterait.

Il a notamment produit un courriel d'un collaborateur de E______ attestant des versements effectués sur le compte de B______, soit USD 622'976.- du 13 juin 2014 au 1er avril 2015 et CHF 930'000.- du 2 avril 2014 au 30 mars 2015.

20) Après avoir pris connaissance de ces explications et des derniers documents remis par B______, l'OCIRT a fait part de ses observations.

Si la situation financière de cette société s'était améliorée, elle restait encore déficitaire.

Il était difficile à la lecture des comptes 2014 d'évaluer les charges incombant à la société. Les éventuels bénéfices retirés de la gestion du restaurant devraient à l'avenir être retranchés des comptes.

La comptabilisation reportée des montants dus par des sociétés étrangères, la promesse que les comptes 2015 seraient, cette fois-ci, parfaitement clairs, faisaient ressortir le flou qui régnait dans ce dossier depuis le début.

L'OCIRT ne pouvait pas prolonger un permis en se contentant d'approximations.

21) Par jugement du 26 mai 2015, le TAPI a rejeté le recours.

Selon le business plan, B______ devait réaliser un chiffre d'affaires de CHF 500'000.- en 2013 et de CHF 535'000.- en 2014. Selon ses comptes d'exploitation, elle n'avait réalisé qu'un chiffre d'affaires de CHF 175'000.- en 2013. Le chiffre d'affaires 2014, à hauteur de CHF 1'200'000.-, n'était constitué que de créances envers les deux sociétés avec qui elle avait signé des contrats en décembre 2013, respectivement en février 2014. À ce sujet, le recourant s'était contenté d'indiquer que les sommes de CHF 800'000.- et CHF 400'000.- avaient été versées sur E______ et que le bilan 2015 permettrait de clarifier cette situation par des versements effectifs. Par conséquent, il n'y avait pas eu de chiffre d'affaires effectif tiré de ces contrats, mais uniquement une expression comptable et fictive. Au 31 décembre 2014, un chiffre d'affaires d'environ CHF 2'200'000.- aurait dû apparaître en lien avec ces contrats, dès lors qu'une rétribution mensuelle de B______ de CHF 100'000.- par mois était convenue. Le TAPI ignorait tout des activités concrètement développées par B______ au profit de ses deux cocontractantes, ainsi que les raisons pour lesquelles celles-ci n'auraient pas réellement rémunéré B______ en échange de ses prestations. Il apparaissait étrange que l'existence de ces deux contrats n'ait été mentionnée ni dans les courriers et demande de réexamen adressés par le recourant à l'autorité intimée en juin et juillet 2014, ni même dans son recours, mais apparaisse seulement lors de la production des comptes 2014, afin d'étayer une créance faisant office de chiffre d'affaires.

Dans son recours, l'intéressé avait annoncé que l'année 2014 dépasserait les résultats escomptés par le business plan, un profit de CHF 200'000.- ayant d'ores et déjà été réalisé entre avril et août 2014. Or, ce montant disparaissait purement et simplement du compte de résultats 2014, remplacé par les créances évoquées ci-dessus.

Selon le TAPI, les deux traders n'avaient eu aucune activité rentable en 2014, puisque celle-ci aurait dû se traduire par un chiffre d'affaires effectif. Il fallait relever à cet égard que le salaire de l'un des deux traders était sensiblement inférieur à la rémunération minimale annoncée dans le business plan.

Les bénéfices nets prévus par le business plan devaient se monter à
CHF 71'000.- en 2013 et à près de CHF 100'000.- en 2014. Les résultats effectifs avaient été une perte de CHF 390'165.- en 2013, diminuée grâce aux recettes du restaurant. Pour 2014, en déduisant du bénéfice net les recettes de
CHF 1'200'000.- résultant d'une simple écriture comptable, la perte était de près de CHF 800'000.-.

Le recourant, loin de parvenir à donner à B______ une activité stable et une progression régulière, avait tenté de masquer les pertes accumulées par cette société et n'avait pas été constant dans les projets liés au restaurant.

22) a. Par acte du 26 juin 2015, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité.

Il a conclu principalement à l'annulation du jugement et de la décision de refus de prolongation de l'autorisation de travail rendue par l'OCIRT le 31 juillet 2015 [recte : 2014] et à ce qu'il soit ordonné à ce dernier de prolonger l'autorisation de séjour avec activité lucrative, subsidiairement, que le dossier soit renvoyé à l'OCIRT pour nouvelle décision.

Il vivait à Genève avec sa famille depuis la fin de l'année 2012. Ses trois enfants étaient scolarisés en Suisse.

Le début effectif des opérations avait pris du retard en raison de la durée d'obtention du permis de séjour et des difficultés rencontrées dans l'ouverture des comptes nécessaires à son activité de négoce de devises. Les établissements bancaires étaient réticents à ouvrir des comptes au nom de B______ compte tenu de son origine iranienne, des sanctions financières internationales contre l'Iran et du fait que la société avait été récemment établie.

Les activités sur le marché des changes avaient concrètement débuté au début du mois d'avril 2014 et des comptes avaient alors pu être ouverts auprès de E______.

Entre la fin de l'année 2013 et le début 2014, la société avait conclu avec I______ et H______ deux contrats visant à fournir des conseils en négoce d'instruments financiers et de devises, moyennant une rémunération de CHF 100'000.- par mois pour chacune d'elles. Ainsi, la société avait facturé un total de CHF 1'200'000.- pour I______ et CHF 1'000'000.- pour H______ .

Entre avril et août 2014, les sommes de CHF 820'000.- et USD 50'000.- avaient pu être déposées sur les comptes ouverts auprès de E______.

B______ avait mandaté la société J______ (ci-après : l'organe de révision) pour qu'elle procède à un audit des comptes 2014. Le compte pertes et profits audité faisait état d'un bénéfice après impôts de CHF 344'474.35, réduisant ainsi les pertes à CHF 90'992.64, alors qu'elles s'élevaient à CHF 435'466.99 en 2013. Le bénéfice net de l'exercice 2014 avait par conséquent permis d'éponger considérablement les pertes accumulées lors des exercices précédents.

Le business plan prévoyait un bénéfice reporté de CHF 98'535.- pour 2014. Celui-ci avait ainsi été nettement meilleur que les prévisions d'origine.

Les corrections apportées au bilan par l'organe de révision étaient notamment liées aux faits suivants :

- Sur les CHF 2'200'000.- qui avaient été facturés aux sociétés I______ et H______, un montant de CHF 1'331'426.- n'avait jamais été concrètement payé, raison pour laquelle un poste « débiteurs » d'un montant équivalent avait été constitué à l'actif du bilan ;

- Sur ces CHF 1'331'426.-, la somme de CHF 1'000'000 était due par I______, tandis que la somme de CHF 331'426.- était due par la société H______ . Dans la mesure où la créance à l'encontre de la société I______  risquait de ne jamais être recouvrée, en raison d'une suspension des relations d'affaires la liant à B______, due à un litige lié à des factures impayées, cette dette avait été entièrement provisionnée dans un compte « provision sur débiteurs ».

L'organe de révision avait également établi la situation comptable provisoire de B______ pour les mois de janvier à mai 2015. H______ s'était acquittée de l'intégralité de sa dette, soit les CHF 331'426.- dus pour 2014, mais également les CHF 500'000.- dus pour 2015 (janvier à mai). Pour la période du 1er janvier 2015 au 31 mai 2015, le bénéfice enregistré après impôts s'élevait à CHF 228'884.46, de sorte qu'actuellement la société avait épongé les pertes accumulées précédemment et un montant de CHF 137'891.82 était à disposition de l'assemblée générale.

Conformément au business plan, la société avait engagé deux traders, titulaires de diplômes de gestion respectivement pour le 1er juillet 2013 et le 1er  août 2013.

L'investissement opéré pour l'acquisition du restaurant s'était avéré profitable puisqu'après avoir procédé à son assainissement, la société s'apprêtait à le mettre en gérance pour une somme de CHF 32'642.-.

La société était à jour avec les autorités fiscales tant pour 2014 que pour 2015 et ne faisait l'objet d'aucune poursuite.

Pour le surplus, les arguments du recourant seront développés dans la partie en droit en tant que de besoin.

b. M. A______ a produit de nouvelles pièces à l'appui de son recours :

- quatre attestations de l'OCPM établissant que sa famille résidait au
Grand-Saconnex ;

- les attestations d'inscription de ses enfants dans des écoles de la région ;

- les contrats de travail conclus avec les traders : le contrat avec Monsieur  K______ était conclu à partir du 1er juillet 2013 pour une durée indéterminée et prévoyait un salaire brut de CHF 5'780.- par mois treize fois l'an. Monsieur  L______ était engagé du 1er août 2013 au 31 décembre 2014 pour un salaire mensuel net de CHF 7'000.- durant les trois mois d'essai puis de CHF 8'000.- net ainsi que 5 % du bénéfice dégagé par sa propre activité pour chaque fin d'année ;

- les décomptes salaires : M. K______ avait perçu une rémunération brute de CHF 7'128.- les deux premiers mois, puis de CHF 7'828.- de septembre à décembre 2013. M. L______ avait perçu un salaire net de CHF 7'303.- durant les trois premiers mois, puis de CHF 8'302.60 en novembre et décembre 2013 ;

- le rapport de l'organe de révision, sur les comptes de l'exercice 2014 et le bilan provisoire pour l'année 2015 établi par ce dernier ;

- l'attestation du 18 juin 2015 de l'AFC-GE certifiant que la société B______ avait acquitté l'intégralité des impôts cantonal et communal. Elle était également à jour avec le paiement des acomptes de l'année courante ;

- une attestation de l'office des poursuites certifiant que B______ ne faisait l'objet d'aucune poursuite ni acte de défaut de biens.

23) Le TAPI n'a pas formulé d'observations.

24) Le 7 août 2015, l'OCIRT a conclu au rejet du recours.

Le TAPI avait rendu une décision négative qui n'avait pas d'effet suspensif. La chambre administrative devait par conséquent constater que M. A______ n'était pas autorisé à travailler.

L'OCIRT doutait de la présence de l'épouse et des enfants du recourant à Genève, n'en ayant trouvé aucune trace sur les registres de l'OCPM.

Les chiffres fournis en abondance par le conseil de M. A______ ne faisaient que confirmer que la société B______ était en déficit et seuls deux traders avaient été engagés et depuis peu de temps.

La gestion du restaurant posait problème, au point que le recourant avait songé à s'en séparer puis à le mettre en gérance. L'OCIRT avait refusé à deux reprises des permis à des citoyens iraniens que la société voulait engager et, lors d'une inspection, il avait trouvé que la grande majorité des employés étaient en situation irrégulière, au moins du point de vue du droit des étrangers.

Le recourant ne s'était pas privé d'exercer des pressions sur l'autorité par divers canaux.

25) M. A______ a répliqué le 15 septembre 2015.

Le dépôt du recours avait un effet suspensif de par la loi (art. 59 al. 2 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 - OASA - RS 142.201) et la décision attaquée, soit de non-renouvellement de son permis, devait être inefficace jusqu'à droit connu. La chambre administrative devait ainsi constater qu'il était autorisé à travailler jusqu'à droit connu sur son recours.

La société n'était pas en déficit. Depuis la perte enregistrée en 2013, les documents comptables n'avaient eu de cesse de s'améliorer et de manière spectaculaire. En 2014, un remarquable bénéfice net de CHF 344'474.35 avait été enregistré, réduisant considérablement les pertes de 2013 et dépassant les pronostics établis par le business plan. De plus, les comptes provisoires produits en appel pour le premier semestre 2015 établissaient que les pertes figurant au bilan avaient été intégralement épongées et qu'un montant de CHF 137'891.82 était à disposition de l'assemblée générale. La société B______ était actuellement florissante et avait créé des emplois, de sorte qu'elle remplissait toutes les exigences posées par l'OCIRT.

L'engagement de deux traders correspondait à ce qui avait été prévu par le business plan jusqu'en 2016, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché de n'avoir pas encore conclu de contrat de travail supplémentaire. L'engagement de deux nouveaux traders était toujours prévu pour 2017.

En procédant à la mise en gérance du restaurant, la société entendait se déresponsabiliser des obligations légales qui étaient imposées aux exploitants d'établissement publics. La société avait le droit d'investir ses fonds propres dans des affaires rentables plutôt que sur un compte bancaire non rémunéré.

L'OCIRT avait effectivement refusé une demande de permis déposée dans le but d'engager une personne d'origine iranienne, qui venait de conclure sa formation hôtelière en Suisse, comme chef de cuisine du restaurant. La seconde demande de permis avait été déposée afin de pouvoir garder en place le directeur de l'établissement.

Il contestait les accusations de l'OCIRT, selon lesquelles la grande majorité des employés était dans une situation irrégulière au moins du point de vue du droit des étrangers.

Les accusations de l'OCIRT, selon lesquelles il aurait tenté d'exercer des pressions sur l'autorité étaient scandaleuses, ne se fondaient sur aucun élément de fait concret et ne comportaient aucune motivation.

Enfin, il avait produit, à l'appui de son recours, quatre attestations de l'OCPM certifiant que sa famille était domiciliée au Grand-Saconnex.

26) Le 18 septembre 2015, la cause a été gardée à juger.

27) Selon l'extrait du registre du commerce du canton de Vaud, E______ est une société qui a pour but principal l'exercice d'une activité bancaire et de négociant en valeurs mobilières essentiellement par l'utilisation de systèmes électroniques. Par contrat de fusion du 4 novembre 2013, elle a repris les actifs et passifs de F______ à Lausanne.

Selon l'extrait du registre du commerce du canton de Vaud, la société
F______ a été radiée le 9 décembre 2013. Elle avait pour but l'exploitation d'une banque, ainsi que l'exercice d'une activité de négociant en valeurs mobilières. Sa principale activité était le commerce de devises en ligne et tous types d'opérations liées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La chambre administrative relèvera que le jugement du TAPI comporte une erreur de plume sur la première page, l'intimé étant l'OCIRT et non l'OCPM. Celle-ci est toutefois sans incidence, le jugement ayant dûment été notifié à l'OCIRT et celui-ci ayant participé à tous les actes de la procédure.

3) La décision dont est recours a été rendue suite à une demande de réexamen. L'OCIRT est entré en matière et a procédé à un complément d'instruction. Cette nouvelle décision, même si elle a abouti à la même solution que la précédente, ouvre la voie d'un recours au fond (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 2. 4. 5. 2 p. 403 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 480, n. 1431).

4) L'OCIRT conclut à ce que la chambre de céans constate que le recours interjeté dans le cadre de la présente procédure n'a pas d'effet suspensif et que
le recourant n'est pas autorisé à travailler.

Toutefois, dès lors qu'il est statué, par cet arrêt, sur le fond du litige, cette demande liée à l'effet suspensif sera déclarée sans objet.

5) La chambre administrative ne peut pas revoir l'opportunité de la décision attaquée. En revanche, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 et 2 LPA).

6) Les conditions d'octroi d'une autorisation de travail sont régies par les dispositions de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005
(LEtr - RS 142.20) et de ses ordonnances d'application, ainsi que par les directives établies par le SEM conformément à l'art. 89 OASA.

7) a. Tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé
(art. 11 al. 1 LEtr).

b. Qu'il s'agisse d'une première prise d'emploi, d'un changement d'emploi ou du statut de travailleur salarié vers un statut de travailleur indépendant, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l'admission en vue de l'exercice de l'activité lucrative (art. 40 al. 2 LEtr et 83 OASA).

8) Dans le canton de Genève, le département de la sécurité et de l'économie est l'autorité compétente en matière de police des étrangers, compétence qu'il peut déléguer à l'OCPM (art. 1 al. 1 et art. 2 LaLEtr) sous réserve des compétences dévolues à l'OCIRT en matière de marché de l'emploi.

La compétence pour traiter les demandes d'autorisation de séjour avec prise d'emploi est dévolue à l'OCIRT (art. 17A de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 - LIRT - J 1 05 et 35A du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 - RIRT - J 1 05.01).

9) De même que les décisions de l'OCPM, celles de l'OCIRT peuvent faire l'objet d'un recours auprès du TAPI avant de pouvoir être déférées à la chambre administrative (art. 3 LaLEtr).

10) En l'espère, la demande du recourant vise à obtenir la prolongation de l'autorisation de séjour à l'année, permis B, avec activité lucrative
(art. 18 et 33 LEtr), octroyée par décision du 15 mars 2013 valable jusqu'au
24 mai 2014.

11) a. Aux termes de l'art. 18 LEtr, un étranger peut être admis en vue d'exercer une activité lucrative salariée aux conditions suivantes: son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEtr sont remplies (let. c).

La notion d'« intérêts économiques du pays » est formulée de façon ouverte. Elle vise en premier lieu le domaine du marché du travail (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 p. 3469 ss, spéc. p. 3485 ss et 3536). Il s'agit, d'une part, des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. D'autre part, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier. En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d'oeuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (ATAF C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1 et les références citées).

b. L'art. 18 LEtr étant rédigé en la forme potestative, les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.2 ; C-6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 4.2).

12) Selon les directives établies par le SEM - qui ne lient pas le juge mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré et pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATA/2/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/565/2012 du 21 août 2012 ; ATA/353/2012 du 5 juin 2012) -, les ressortissants d'États tiers sont admis sur le marché du travail suisse si leur admission sert les intérêts économiques du pays (art. 18 et 19 LEtr). Lors de l'appréciation du cas, il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné de s'intégrer. Il ne s'agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d'oeuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers. Par ailleurs, les étrangers nouvellement entrés dans notre pays ne doivent pas faire concurrence aux travailleurs en Suisse en provoquant, par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail, un dumping salarial et social (ATA/940/2015 du 15 septembre 2015 consid. 7c).

13) a. En l'espèce, la chambre administrative doit examiner si c'est à juste titre que l'OCIRT a refusé le renouvellement de l'autorisation de séjour en considérant que les objectifs annoncés dans le business plan de 2012, sur la base duquel le recourant avait obtenu une autorisation de séjour avec activité lucrative, n'avaient pas été atteints.

b. Le TAPI a notamment considéré que le résultat de l'exercice 2014, soit le chiffre d'affaires de CHF 1'200'000.-, n'était pas un chiffre d'affaires effectif, mais uniquement une expression comptable et fictive, que l'activité des deux traders en 2014 aurait dû se traduire par un résultat et qu'un des salaires était sensiblement inférieur à la rémunération minimale annoncée dans le business plan.

c. Le recourant a donné des explications sur l'origine de ce montant, soit la conclusion entre fin 2013 et début 2014, des contrats avec I______ et H______, moyennant une rémunération de CHF 100'000.- par mois. Des totaux de CHF 1'200'000.- et CHF 1'000'000.- avaient ainsi pu être facturés. Entre avril et août 2014, une partie de ces montants avait été directement versée sur E______, soit les sommes de CHF 820'000.- et USD 50'000.-. Un montant de CHF 1'331'426.- n'avait jamais été payé, raison pour laquelle un poste « débiteurs » d'un montant équivalent avait été constitué à l'actif du bilan. Sur cette somme, CHF 1'000'000.- étaient dûs par I______ et risquaient de ne jamais être recouvrés en raison d'une suspension des relations d'affaires. Cette dette avait été entièrement provisionnée.

Les versements de CHF 820'000.- et USD 50'000.- sur les comptes auprès de E______ sont attestés par les pièces versées à la procédure. De même, le bilan au 31 décembre 2014 comprend un poste « débiteur » pour CHF 1'331'426.- ainsi que le poste « provision sur débiteurs » pour CHF 1'000'000.-.

Par conséquent, la chambre administrative s'écartera des conclusions du TAPI, puisque les contrats conclus en décembre 2013 et février 2014 ont partiellement généré des revenus effectifs, versés sur les comptes auprès de E______ et que le solde de la dette apparaît au bilan. Si la dette de I______  semble irrécouvrable à hauteur d'un million, le contrat avec H______  semble honoré, ladite société ayant soldé sa dette de CHF 331'426.- et étant à jour, au 31 mai 2015, pour avoir versé, en sus du montant précité, CHF 500'000.-.

Les investissements de la société dans la banque E______ sont également confirmés par les pièces. Ainsi, en plus des montants susmentionnés, des versements de CHF 110'000.- et USD 572'976.02 ont été effectués en 2015. Entre avril et août 2014, le compte 811'797 a engendré un bénéfice de CHF 193'970.44 et le compte 711'158 un profit de USD 12'197.79. Les activités des traders ont ainsi généré un bénéfice effectif, contrairement à l'analyse faite par le TAPI.

S'il est vrai qu'un des contrats de travail prévoyait un salaire brut mensuel de CHF 5'780.-, le montant brut finalement versé dès le troisième mois était de CHF 7'828.-, soit un montant supérieur à celui prévu dans le business plan lequel s'élevait à CHF 7'200.- bruts. De plus, le recourant a donné des explications crédibles sur l'évolution du montant de ce salaire, à savoir qu'au moment de la signature du contrat, la société se trouvait dans une situation financière difficile, ses activités n'ayant pas encore débuté. Elle avait cependant pu l'adapter par la suite, comme en attestent les pièces au dossier. Par conséquent, la chambre administrative s'écartera des conclusions du TAPI sur ce point également.

Le TAPI a également critiqué le fait que le recourant avait annoncé qu'un profit de CHF 200'000.- avait été réalisé entre avril et août 2014 et que celui-ci disparaissait du compte de résultat 2014, étant remplacé par les créances résultant des contrats. Toutefois, lorsque dans son recours, le recourant indique que la société a réalisé des profits à hauteur de CHF 193'970.- sur le compte 811797 de F______, il parle des placements effectués et non pas de la rémunération des contrats, si bien que les premiers n'ont pas été remplacés par les seconds.

Par ailleurs, l'exercice 2013 s'était conclu par une perte, soit un solde négatif cumulé de près de CHF 435'500.-, incluant la perte de 2012. Selon l'organe de révision, le résultat pour l'année 2014 affichait un bénéfice net de CHF 344'474.35, permettant de réduire ainsi la perte à CHF 90'992.64. Suite aux excellents résultats du premier semestre 2015, elle avait pu être totalement amortie et un montant de CHF 137'891.82 était à disposition de l'assemblée générale. La société avait en effet dégagé un bénéfice de CHF 228'884.46 au 31 mai 2015, soit un résultat 2015 supérieur au bénéfice de CHF 136'203.- prévu par le business plan, quand bien même le premier semestre 2015 n'était pas encore terminé.

Aux termes de ces derniers résultats, la chambre administrative constate qu'après des débuts difficiles, la société n'a eu de cesse d'améliorer son bilan et qu'elle est actuellement bénéficiaire.

En réponse aux différentes autres critiques formulées en cours de procédure à l'égard du recourant, la chambre administrative constate ce qui suit :

La perte initiale est due à des circonstances extérieures et indépendantes de la volonté du recourant, soit les obstacles rencontrés dans l'ouverture de comptes bancaires en Suisse. Malgré ces difficultés, la société a assumé CHF 300'000.- de charges salariales en 2013, ce qui doit être retenu à son crédit.

L'OCIRT a critiqué les investissements effectués auprès de E______, soutenant que tout un chacun pouvait placer de l'argent auprès de cette banque en ligne s'il en a les moyens. Cette remarque est dénuée de pertinence, puisque le marché des devises est accessible à tous, tant par l'intermédiaire de E______ que de n'importe quel autre organisme financier offrant ces services.

S'il est vrai que le chiffre d'affaires du restaurant est inclus dans le calcul du bénéfice, il en est de même des charges, si bien qu'en l'absence de bilan séparé, ce résultat peut effectivement être pris en compte.

Le rachat du restaurant est certes critiquable, puisqu'il n'entre pas dans les activités de la société en faveur de laquelle l'autorisation a été octroyée. Cependant, ce reproche ne saurait, à lui seul, justifier le refus de renouveler l'autorisation, ce d'autant plus que cet investissement constitue actuellement une source de revenus régulière non négligeable pour la société, puisqu'il a été mis en gérance et qu'en procédant ainsi, le recourant a préservé les huit postes de travail des employés du restaurant.

La société est actuellement à jour dans le paiement de ses impôts.

Les prétendues pressions exercées par le recourant ne sont pas documentées. Il en va de même des critiques formulées par l'OCIRT sur la gestion du restaurant. Par conséquent, ces reproches seront écartés.

14) a. En conséquence, actuellement, la société répond aux exigences posées par l'OCIRT à la prolongation de l'autorisation de séjour, soit la concrétisation des projets annoncés dans la demande d'autorisation de travail et dans le business plan de novembre 2012, ainsi qu'au fait que du personnel a été engagé sur le marché suisse du travail. La société est actuellement bénéficiaire.

Il ressort des pièces auditées que, au 31 décembre 2014, le résultat opérationnel projeté par le business plan était de CHF 129'742.- et que la société a réalisé CHF 344'474.- soit un résultat près de trois fois supérieur. Cependant, compte tenu des pertes de 2013, le bénéfice reporté était négatif, se montant à
- CHF 90'992.-, alors que celui espéré devait s'élever à CHF 98'535.-.

Les chiffres au 31 mai 2015, non audités mais établis par l'organe de révision, font état d'un bénéfice de CHF 228'884.- en cinq mois, soit déjà largement supérieur au résultat fixé par le business plan pour toute l'année 2015 de CHF 179'009.-. De même, le bénéfice reporté au 31 mai 2015 dépasse déjà, après cinq mois, le résultat annuel attendu par l'OCIRT puisqu'il se monte à CHF 137'891.- alors que CHF 136'203.- étaient espérés pour l'année entière. Une projection linéaire du bénéfice réalisé en cinq mois, donnerait un bénéfice annuel de CHF 549'321.- au lieu des CHF 179'009.- exigés, et un bénéfice reporté de CHF 458'329.- soit bien au-delà des chiffres annoncés par le business plan de CHF 136'203.-.

D'importants investissements ont été effectués ces dernières années par la société afin de lui permettre de mettre en place et de développer ses activités. Elle emploie quatre personnes et d'autres postes de travail doivent être encore créés à l'avenir.

b. Toutefois, si les conditions semblent remplies, des zones d'ombre subsistent, s'agissant par exemple des versements effectués sur E______. S'ils sont attestés par les pièces versées au dossier, aucun document ne permet de confirmer que l'argent provient effectivement de H______. L'objet des deux contrats conclus doit également être précisé. Les raisons pour lesquelles l'un des deux traders n'a bénéficié que d'un contrat de durée déterminée ne figurent pas au dossier. La chambre administrative ignore si celui-ci a finalement vu son contrat renouvelé, et dans cette hypothèse à quelles conditions, tout comme elle ne connaît pas l'identité de deux des quatre personnes employées depuis 2014 ainsi que leurs conditions de travail, documents à l'appui.

Il ressort par ailleurs de la procédure que le recourant a largement sous-estimé son devoir de collaboration et l'importance des renseignements à fournir tant à l'OCIRT qu'au TAPI en application, notamment, de l'art. 20 al 1 LPA selon lequel il appartient à l'autorité de réunir les renseignements, procéder aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision et apprécier les moyens de preuve des parties.

c. En conséquence, l'analyse des conditions posées par l'OCIRT pour le renouvellement de l'autorisation s'avère délicate pour plusieurs raisons.

L'OCIRT n'ayant pas été en possession de tous les éléments, il n'a pas été en mesure d'approfondir la situation comptable de la société tant au 31 décembre 2013 qu'au 30 avril 2014, date de l'échéance de l'autorisation de séjour, ce qui fondait sa décision. Il ressort du dossier que si certaines conditions étaient remplies en faveur dudit renouvellement, celle du bénéfice de la société au 31 décembre 2013 ne l'était pas. Toutefois, rien n'indique qu'à la date du renouvellement le bénéfice réalisé par l'entreprise n'ait pas été conforme aux exigences du business plan pour 2014, dès lors que ladite année, largement bénéficiaire, a servi à rattraper les pertes précitées.

Par ailleurs, des raisons objectives expliquaient la non réalisation de cette condition au 31 décembre 2013, notamment les difficultés rencontrées par l'intéressé pour ouvrir des comptes bancaires compte tenu de sa nationalité.

Il ressort du dossier constitué devant la chambre administrative que malgré les pertes, le recourant a dûment acquitté plus de CHF 300'000.- de salaires pour la société en 2013, que d'importants contrats ont été conclus en décembre 2013 et en février 2014, que ses affaires ont pu se développer concrètement dès avril 2014 ce que confirment les chiffres audités au 31 décembre 2014 ainsi que les résultats produits au 31 mai 2015, lesquels semblent largement supérieurs au business plan, sous les réserves émises précédemment quant à certains renseignements encore manquants.

Si, à la lecture de l'entier du dossier finalement constitué devant la chambre de céans et des circonstances particulières du cas d'espèce, celle-ci arrive à la conclusion que les conditions pour le renouvellement de l'autorisation de séjour devaient être considérées comme remplies au moment de la décision querellée, quand bien même l'OCIRT n'était pas en possession de tous les éléments pour s'en rendre compte, l'attention du recourant est formellement attirée sur le fait qu'à l'avenir, il devra fournir à l'OCIRT, à première requête, toutes les pièces et informations en temps utile, accompagnées des explications nécessaires et séparer les comptes de la société de ceux du restaurant. La collaboration des parties est une condition en procédure administrative qui peut être sanctionnée par une décision défavorable à l'intéressé puisque l'autorité apprécie librement l'attitude d'une partie qui refuse de produire une pièce ou d'indiquer où celle-ci se trouve. L'autorité peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevables les conclusions des parties qui refusent de produire les pièces et autres renseignements indispensables pour qu'elle puisse prendre sa décision (art. 24 al. 2 LPA).

La poursuite du séjour en Suisse du recourant reste clairement conditionnée au respect des conditions légales, strictes en la matière. Ainsi, si le renouvellement querellé portait de mai 2014 à mai 2015, un nouvel examen des conditions de renouvellement doit être entrepris immédiatement par l'OCIRT, pour le renouvellement pour l'année de mai 2015 à mai 2016.

Partant, le recours sera admis. Le jugement du TAPI du 26 mai 2015, de même que la décision de l'OCIRT du 31 juillet 2014, seront annulés. Le dossier sera retourné à l'OCIRT, afin qu'il délivre au recourant la prolongation de l'autorisation de séjour sollicitée dans le sens de ce qui précède.

15) Vu l'issue de la procédure, aucun émolument ne sera perçu
(art. 87 al.1 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2015 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 mai 2015 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 mai 2015 ;

annule la décision du 31 juillet 2014 rendue par l'office cantonal de l'inspection et des relations de travail ;

retourne le dossier à l'office cantonal de l'inspection et des relations de travail pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur A______ à la charge de l'État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Homayoon Arfazadeh, avocat du recourant, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, à l'office cantonal de la population et des migrations pour information, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.