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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/337/2024

JTAPI/157/2024 du 23.02.2024 ( LCR ) , IRRECEVABLE

ATTAQUE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;DÉCISION;NOTION
Normes : LPA.46; LPA.4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/337/2024 LCR

JTAPI/157/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Killian SUDAN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, ressortissant français, est titulaire du permis de conduire suisse catégorie B.

2.             Par décision du 29 juin 2018, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a prononcé un avertissement à l'encontre de M. A______ pour inobservation d'une restriction sur le permis de conduire.

3.             Le 27 octobre 2021, l'OCV a prononcé le retrait de l'autorisation 121 de transport professionnel de personnes de M. A______ pour une durée indéterminée, laquelle lui a été restituée par décision du 7 avril 2022 en raison de la présentation d'un certificat médical le déclarant apte à la conduite des véhicules à moteur du 2ème groupe.

4.             Le 26 octobre 2022, l'OCV a prononcé un retrait du permis de conduire de M. A______ d'une durée d'un mois. Il lui était reproché d'avoir circulé à une vitesse inadaptée aux conditions de la route (mouillée), d'avoir perdu la maîtrise de son véhicule et d'avoir causé une embardée le 30 juin 2022 à 23h05 sur l'autoroute N5 à la sortie B______ (NE), en direction du sud, au volant d'une voiture.

5.             Par courrier du 19 janvier 2023, envoyé à son adresse à C______, l'OCV a indiqué à M. A______ que les autorités de police l'avaient informé que le 5 janvier 2023, à 1h55, il s'était fait contrôler au volant d'un véhicule par la police bernoise, laquelle avait relevé qu'il conduisait malgré une mesure de retrait du permis de conduire et sous l'influence présumée de stupéfiants. Il était invité à formuler ses observations.

6.             Par rapport du 16 février 2023, M. A______ a été dénoncé par le Corps des gardes-frontières à l'OCV pour conduite malgré un retrait de permis ou sans permis de conduire suite à un contrôle au D______ (JU). Il avait indiqué aux autorités une adresse de résidence à E______ (France).

7.             Le 17 février 2023, l'OCV a adressé à M. A______ un courrier identique à celui du 19 janvier 2023. Ce courrier a été envoyé à son adresse à E______ (France).

8.             Par courriel du 2 mars 2023, M. A______ a transmis ses observations, indiquant qu'il rencontrait des problèmes avec l'acheminement de son courrier. Concernant sa consommation de stupéfiants, elle n'était qu'occasionnelle, durant la période des fêtes de fin d'année, et qu'il n'en avait consommé pour la dernière fois que le jour de l'an.

9.             Par courrier du 13 mars 2023, l'OCV a informé le Ministère public du canton du Jura qu'au moment des faits survenus le 16 février 2023, M. A______ ne se trouvait plus sous le coup du retrait de permis de conduire prononcé le 26 octobre 2022, lequel aurait été exécutoire depuis le 4 janvier 2023 et avait pris fin le 3 février 2023.

10.         Par décision du 15 mars 2023, l'OCV a prononcé une décision intimant à M. A______ l'obligation de se soumettre à une expertise par un médecin de niveau 4 afin d'élucider des doutes quant à son aptitude à la conduire. Un délai de trois mois lui a été fixé à cet effet.

11.         Par courriel du 3 avril 2023, l'OCV a écrit à M. A______ afin que celui-ci lui transmettre une adresse postale valide pour lui permettre de lui notifier la décision du 15 mars 2023, faute de quoi elle le serait par voie édictale.

12.         Par courrier du 19 juin 2023, l'OCV a informé M. A______ qu'aucun rapport d'expertise ne lui était parvenu dans le délai fixé à cet effet. Un délai pour transmettre ses observations lui était imparti.

Aucune suite n'a été donnée.

13.         Par décision du 4 juillet 2023, l'OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de M. A______ pour une durée indéterminée. En l'absence de transmission d'une expertise telle qu'ordonnée par décision du 15 mars 2023, entrée en force, son inaptitude à la conduite était présumée, de sorte qu'il y avait lieu de l'écarter de la circulation routière pour une durée indéterminée pour des raisons de sécurité.

14.         Le 18 octobre 2023, M. A______ s'est rendu aux guichets de l'OCV afin d'obtenir des renseignements sur sa situation, suite à un contrôle de police intervenu la veille.

15.         Le 13 décembre 2023, l'OCV a indiqué à M. A______ que la police lui avait transmis un rapport établi en raison d'infractions à la circulation routière commises le 17 octobre 2023 à 16h41, soit la conduite malgré une mesure de retrait et opposition aux mesures visant à déterminer une incapacité de conduire. Il lui était rappelé qu'il faisait actuellement l'objet d'un retrait de permis de conduire pour une durée indéterminée par décision du 4 juillet 2023 et qu'il n'était plus en droit de circuler avec des véhicules à moteur. La levée de cette mesure était subordonnée à la présentation d'une expertise favorable émanant d'un médecin de niveau 4. Son attention était attirée sur le fait que selon l'art. 16c al. 4 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), pour toute conduite sous retrait, un délai d'attente correspondant à la durée minimale prévue pour l'infraction devait être fixé. La durée minimale avant toute levée de mesure était ainsi de douze mois, dès le 17 octobre 2023.

16.         Par acte du 29 janvier 2024, M. A______, sous la plume de son conseil, a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) contre les décisions de l'OCV du 15 mars, du 4 juillet et du 13 décembre 2023, concluant, à titre préalable, à ce que le tribunal dise et constate que le recours avait effet suspensif, à titre principal, à l'annulation de la décision du 15 mars 2023 et à ce que le tribunal constatat la nullité des décisions du 4 juillet et du 13 mars 2023, subsidiairement, à leur annulation, et encore plus subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité pour décision dans le sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.

La dernière décision avait été notifiée le 13 décembre 2023, de sorte que l'ensemble des décisions pouvait être attaqué conjointement. S'il fallait considérer que chacune d'elles devait être attaquée séparément, s'agissant des deux premières, celles-ci lui avaient été soumises le 18 octobre 2023. Ceci étant dit, après avoir informé l'OCV qu'il ne les avait jamais reçues auparavant, il était resté dans l'attente d'un retour formel de l'autorité intimée, tel que cela avait été convenu aux guichets de l'OCV. Il attendait donc une reconsidération de ces décisions et n'avait, de bonne foi, aucune raison de les contester dans l'intervalle. Ce n'était que le 13 décembre 2023 que le recourant avait clairement et réellement été informé que l'OCV maintenait les deux premières décisions afin de justifier sa troisième.

La première et la troisième décisions bénéficiaient de l'effet suspensif automatique, faute d'indication relative à un éventuel caractère exécutoire nonobstant recours. S'agissant de la deuxième, elle précisait que le recours n'avait pas d'effet suspensif, mais dans la mesure où elle était viciée et qu'il disposait d'un intérêt privé évident à disposer de son permis de conduire afin de pouvoir continuer à exercer sa profession de chauffeur professionnel, une restitution de l'effet suspensif se justifiait.

Au fond, la décision du 15 mars 2023 violait l'art. 15d al. 1 let. b LCR, dès lors que les doutes de l'OCV sur son aptitude à la conduite n'étaient pas qualifiés ou sérieux. Une consommation festive de stupéfiants ne permettait pas de constater la dépendance, ce d'autant qu'il n'avait jamais été condamné pénalement. Il était donc disproportionné de le soumettre à une expertise médicale.

Les décisions du 4 juillet et du 13 décembre 2023 devaient être déclarées nulles, car elles reposaient sur une cause inexistante, soit l'absence de soumission à une expertise. Cet ordre ne lui avait pas été notifié valablement, sans faute de sa part, car l'autorité s'était trompée d'adresse. Subsidiairement, ces décisions devaient être annulées, car elles violaient les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 16d LCR. L'autorité ne pouvait lui reprocher d'avoir adopté un comportement contraire à des décisions dont il n'aurait eu connaissance la première fois qu'en se rendant aux guichets de l'OCV le 18 octobre 2023 et dont il n'aurait eu confirmation que le 13 décembre 2023.

17.         Le 12 février 2024, l'OCV a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu à l'irrecevabilité du recours et des conclusions sur effet suspensif, subsidiairement, au rejet du recours, sous suite de frais.

Le courrier du 13 décembre 2023 n'était pas une décision et les décisions des 15 mars et 4 juillet 2023 étaient définitives et exécutoires, de sorte que les délais pour recourir à leur encontre étaient échus.

Le recourant se méprenait en alléguant une notification des décisions en janvier 2024. L'adresse figurant sur les rapports de police était bien une adresse française, alors que son adresse officielle à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) était au ______(GE) jusqu'au 28 juillet 2023. Le courriel du recourant du 2 mars 2023 confirmait la bonne réception de la lettre de l'autorité du 17 février 2023 envoyée à son adresse française. À ce moment déjà, il devait s'attendre au prononcé d'une décision administrative pour les faits du 5 janvier 2023. La décision du 15 mars 2023 avait été envoyée à l'adresse française du recourant et avait été retournée à l'autorité avec la mention « Pli avisé et non réclamé ». Le suivi postal démontrait deux distributions infructueuses les 20 et 21 mars 2023, ce qui signifiait que le nom du recourant figurait sur sa boîte aux lettres au moment du passage du facteur. La décision avait ainsi été notifiée fictivement en l'absence de retrait à l'office postal. Cette décision avait été réexpédiée à bien plaire par pli simple le 18 avril 2023, sans faire courir de nouveau délai. Ce courrier n'était jamais revenu en retour. Le courrier suivant du 19 juin 2023, rappelant au recourant qu'aucune expertise n'était parvenue à l'autorité, n'était lui aussi jamais revenu en retour. La décision du 4 juillet 2023 avait également été retournée avec la mention « Pli avisé et non réclamé », raison pour laquelle elle avait été réexpédiée à bien plaire par pli simple le 22 août 2023, lequel n'était jamais revenu en retour. Ce n'était que le 18 octobre 2023 que le recourant avait informé l'autorité d'un changement d'adresse, bien que cela lui avait déjà été demandé en avril 2023. Les décisions des 15 mars et 4 juillet 2023 avaient ainsi été valablement notifiées et le recourant en connaissait parfaitement le contenu. À tout le moins, il savait depuis le 2 mars 2023 qu'une procédure administrative était ouverte à son encontre. Il était également conscient, au moins depuis le 18 octobre 2023, date de son passage aux guichets de l'autorité, que son permis de conduire lui avait été retiré. Dès lors, en admettant qu'il n'avait pas eu connaissance des décisions avant le 18 octobre 2023, le dies a quo pour recourir contre les décisions du 15 mars et du 4 juillet 2023 débutait le 19 octobre 2023. Le fait d'avoir attendu passivement était ainsi contraire au principe de la bonne foi. Au surplus, au mois de décembre 2023, le recourant continuait malgré tout à conduire.

S'agissant de l'effet suspensif, le recourant ne l'avait pas interpellée pour éclaircir la question du caractère décisionnel du courrier du 13 décembre 2023. La requête en restitution de l'effet suspensif devait ainsi être rejetée, car elle était hors délai. En tout état, il s'opposait à la restitution de l'effet suspensif, le recourant ayant seulement indiqué être chauffeur professionnel, sans expliquer à satisfaction de droit en quoi ses intérêts étaient gravement menacés puisqu'il avait indiqué dans son courriel du 2 mars 2023 être « au chômage sans solde ». La sécurité routière représentait un intérêt public prépondérant à son intérêt privé à récupérer son droit à conduire avant que les doutes quant à son aptitude à la conduite n'eut été dissipés.

18.         Le 19 février 2024, le recourant a répliqué sur sa demande d'effet suspensif.

19.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/190/2022 du 22 février 2022 consid. 6b ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/190/2022 du 22 février 2022 consid. 6b ; ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

3.             Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office. S'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4). Aussi, peut-il admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (cf. ATF 139 II 404 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_164/2019 du 20 janvier 2021 consid. 2 ; 2C_44/2017 du 28 juillet 2017 consid. 2.1 ; 2C_540/2013 du 5 décembre 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 2).

4.             L'OCV prétend que tant le recours que la demande de restitution de l'effet suspensif seraient irrecevables. Il invoque le fait que les décisions des 15 mars et 4 juillet 2023 auraient été valablement notifiées au recourant, au plus tard le 18 octobre 2023, de sorte que le délai pour recourir à leur encontre serait échu, et que le courrier du 13 décembre 2023 ne constituerait pas une décision sujette à recours. De son côté, le recourant prétend que le délai de recours ne débuterait qu'à partir de la notification de la « décision » du 13 décembre 2023, laquelle comprenait et confirmait également les deux décisions précédentes.

Nonobstant la demande de restitution de l'effet suspensif, il convient en préambule d'examiner la recevabilité du recours, d'une part, sous l'angle de la notification des décisions des 15 mars et 4 juillet 2023 et, d'autre part, sous celui de la qualification juridique du courrier du 13 décembre 2023.

5.             Selon l'art. 46 al. 1 LPA, les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies ordinaires et délais de recours. Selon l'art. 46 al. 2 LPA, les décisions sont notifiées aux parties.

6.             Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA ; cf. aussi not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_1010/2020 du 26 février 2021 consid. 4.3 ; 2C_884/2019 du 10 mars 2020 consid. 8 ; 2C_1021/2018 du 26 juillet 2019 consid. 4.2). Une décision irrégulièrement notifiée n'est pas nulle, mais seulement inopposable à ceux qui auraient dû en être les destinataires. Une telle décision ne peut donc pas les lier, mais la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Le délai de recours ne part qu'au moment où la personne concernée a eu connaissance de la décision. Cependant, celle-ci ne peut pas retarder ce moment selon son bon plaisir. Il convient à cet égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi, qui imposent une limite à l'invocation du vice de forme. En vertu de ce principe, toute personne concernée par l'issue d'une procédure est tenue de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision qui la clôt, dès qu'elle peut en soupçonner l'existence, sous peine de se voir opposer l'irrecevabilité d'un éventuel moyen pour cause de tardiveté. Le principe de la bonne foi oblige en effet celui qui constate un prétendu vice de procédure à le signaler immédiatement, à un moment où il pourrait encore être corrigé, et lui interdit d'attendre, en restant passif, afin de pouvoir s'en prévaloir ultérieurement devant l'autorité de recours (ATF 139 IV 228 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1010/2020 du 26 février 2021 consid. 4.3 ; 2C_83/2020 du 14 septembre 2020 consid. 4.2 et les arrêts cités ; 2C_884/2019 du 10 mars 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités ; 2C_829/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3.2.1 ; 6B_329/2016 du 13 octobre 2016 consid. 3.3). Contrevient évidemment aux règles de la bonne foi celui qui omet de se renseigner pendant plusieurs années ou celui qui attend passivement (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1021/2018 du 26 juillet 2019 consid. 4.2 ; 6B_329/2016 du 13 octobre 2016 consid. 3.3 ; 1C_15/2016 du 1er septembre 2016 consid. 2.2).

Cela signifie notamment qu'une décision, fût-elle notifiée de manière irrégulière, peut entrer en force si elle n'est pas déférée au juge dans un délai raisonnable (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8D_5/2019 du 4 juin 2020 consid. 4.3 ; 2C_160/2019 du 5 novembre 2019 consid. 4.1 ; 1C_311/2018 du 2 avril 2019 consid. 3.2 et la référence citée ; 9C_202/2014 du 11 juillet 2014 consid. 4.2 et les références ; ATA/224/2020 du 25 février 2020 consid. 4).

7.             De jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification d'une décision et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi, dont la bonne foi est présumée (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2019 du 10 mars 2020 consid. 7.1 ; 2C_250/2018 du 26 octobre 2018 consid. 5.2 et les références).

Comme toutes les règles sur le fardeau de la preuve, cette jurisprudence tend en particulier à régir les conséquences d'une absence de preuve ; elle ne permet cependant pas au juge d'occulter les éléments propres à établir le fait pertinent pour trancher en défaveur de la partie qui avait la charge de la preuve (ATF 114 II 289 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.4, non publié in ATF 134 II 186 ; ATA/296/2017 du 14 mars 2017 consid. 10 ; ATA/436/2016 du 24 mai 2016 consid. 5).

8.             En l'espèce, la question de la détermination exacte de la notification de chacun des décisions du 15 mars et du 4 juillet 2023 peut souffrir de rester indécise. En effet, bien qu'il conteste que ces décisions lui aient été valablement notifiées, le recourant a, à tout le moins, déclaré en avoir pris connaissance le jour où il s'est rendu aux guichets de l'OCV, le 18 octobre 2023 – soit avant le courrier du 13 décembre 2023. Ainsi, dans l'hypothèse qui lui est la plus favorable, on peut retenir que la notification de ces décisions a en tout état été effectuée à cette date, de sorte que le délai de trente jours pour recourir contre ces décisions a commencé à courir, au mieux, le lendemain, soit le 19 octobre 2023, et est ainsi arrivé à échéance le 20 novembre 2023. Or, le recourant n'a formé aucun recours dans ce délai et s'est contenté d'adopter une attitude passive en vue d'une potentielle reconsidération des décisions de l'OCV, ce qui ne saurait être admis sur la base du principe de la bonne foi. Au demeurant, il sera rappelé que conformément à l'art. 16 al. 1 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé, hormis en cas de force majeur, ce que le recourant n'a ni allégué, ni démontré.

Ces décisions sont ainsi manifestement entrées en force, de sorte qu'elles ne peuvent plus aujourd'hui faire l'objet du présent recours, lequel doit être déclaré irrecevable sur ce point.

9.             Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets. Toute décision au sens de l’art. 4 LPA doit avoir un fondement de droit public. Il ne peut en effet y avoir décision que s’il y a application, au travers de celle-ci, de normes de droit public. De nature unilatérale, une décision se réfère à la loi dont elle reproduit le contenu normatif de la règle. Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte visé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base et conformément à la loi (ATA/1199/2017 du 22 août 2017 consid. 6b et les références citées).

Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 précité consid. 2.1 et les références citées).

10.         En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral, ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. De manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 ; ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3c). Ces dernières peuvent constituer des cas limites et revêtir la qualité de décisions susceptibles de recours, lorsqu’elles apparaissent comme des sanctions conditionnant ultérieurement l’adoption d’une mesure plus restrictive à l’égard du destinataire (ATA/664/2018 du 26 juin 2018 consid. 2b).

11.         En l'espèce, si le recourant prétend que le courrier du 13 décembre 2023 constituerait une décision sujette à recours, force est de constater qu'elle ne remplit pas tous les critères prévus par l'art. 4 LPA et par la jurisprudence précitée. En effet, le contenu de ce courrier ne tend à l'évidence pas à modifier la situation juridique ou factuelle du recourant, mais en substance à lui rappeler le contenu des décisions précédentes, lesquelles sont entrées en force, soit son obligation de se soumettre à une expertise médicale auprès d'un médecin de niveau 4 et son retrait de permis pour une durée indéterminée dans l'attente de celle-ci. Au surplus, ce courrier lui indique uniquement les modalités concrètes, ex lege, d'une éventuelle levée de la mesure de retrait de permis dont il fait l'objet. Il est ainsi manifeste que ce courrier ne constitue pas une décision administrative sujette à recours, mais une simple communication de l'administration.

Le recours sera également déclaré irrecevable sur ce point.

12.         Partant, le recours dans son ensemble doit être déclaré irrecevable, ce qui rend sans objet la demande de restitution de l'effet suspensif au recours formulée par le recourant.

13.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

14.         Le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 29 janvier 2024 par A______ contre les décisions de l'office cantonal des véhicules des 15 mars et 4 juillet 2023 et contre le courrier de l'office cantonal des véhicules du 13 décembre 2023 ;

2.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

3.             le laisse à la charge de l'État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière