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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/169/2015

ATA/436/2016 du 24.05.2016 sur JTAPI/1452/2015 ( ICC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/169/2015-ICC ATA/436/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 mai 2016

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

représentée par Cofida SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2015 (JTAPI/1452/2015)


EN FAIT

1. Madame A______, née en 1965, architecte, est contribuable à Genève.

2. Le 20 août 2012, elle a déposé sa déclaration fiscale 2011 auprès de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE).

3. Le 18 août 2014, l'AFC-GE a fait parvenir à Mme A______ ses avis de taxation concernant notamment l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2011. Elle retenait notamment, concernant l'impôt sur la fortune, une valeur fiscale de CHF 1'511'600.- au total pour les actions que la contribuable détenait dans son cabinet d'architectes.

4. Le 17 septembre 2014, Mme A______ a formé réclamation auprès de l'AFC-GE contre sa taxation ICC 2011, en demandant que la valeur de l'action de son cabinet soit fixée à CHF 10'113.10 en lieu et place des CHF 30'232.- retenus par l'AFC-GE.

5. Par décision du 16 décembre 2014, l'AFC-GE a rejeté la réclamation. La valorisation d'une société commerciale devait être effectuée en tenant compte de sa valeur de rendement et non uniquement de sa valeur de substance.

6. Le 16 janvier 2015, Mme A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant à ce que la valeur de l'action soit rectifiée à CHF 10'113.12.

Le paragraphe de la partie en droit intitulé « du respect des délais » avait la teneur suivante : « La décision querellé a été notifiée le 16 décembre 2014 à la recourante. Elle indique qu'un recours peut être formé dans un délai de trente jours par-devant le Tribunal de céans. Déposé ce jour, soit dans le délai imparti et par-devant l'autorité compétente, le présent recours doit être déclaré recevable ».

7. Dans sa détermination du 20 avril 2015, l'AFC-GE s'en est rapportée à justice concernant la recevabilité du recours.

8. Par jugement du 14 décembre 2015, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

La décision sur réclamation datait du 16 décembre 2014, et Mme A______ alléguait qu'elle lui avait été notifiée le même jour. Le recours avait été déposé le 16 janvier 2015 et donc hors du délai légal de trente jours, sans explication quant à la cause de ce retard.

9. Par acte posté le 15 janvier 2016, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à ce qu'il soit ordonné au TAPI d'entrer en matière sur le recours.

Elle avait reçu la décision sur réclamation le 17 décembre 2014 et non le 16 décembre 2014, si bien que son recours par-devant le TAPI n'était pas tardif.

10. Le 25 janvier 2016, le TAPI a communiqué son dossier sans formuler d'observations.

11. Le 10 février 2016, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La décision sur réclamation avait été expédiée sous pli simple le 16 décembre 2014. Selon la jurisprudence, en cas de doute sur la date de réception il y avait lieu de se fonder sur les déclarations de l'administré, et en cas de déclarations contradictoires de celui-ci, de privilégier la version donnée en premier lieu.

Mme A______ avait indiqué devant le TAPI avoir reçu la décision le 16 décembre 2014, et seulement ensuite, devant la chambre administrative, ne l'avoir reçue que le 17 décembre 2014. Il y avait donc lieu de privilégier la déclaration la plus proche des faits.

12. Le 12 février 2016, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 18 mars 2016 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

13. Aucune des parties ne s'est manifestée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ – E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur la tardiveté du recours déposé par la recourante auprès du TAPI le 16 janvier 2015.

3. Selon les art. 50 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID – RS 642.14) et 49 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc – D 3 17), le délai pour recourir auprès du TAPI contre la décision sur réclamation est de trente jours à compter de la notification de cette dernière.

Le délai court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 41 al. 1 cum art. 49 al. 4 LPFisc). Les délais sont réputés observés lorsque l’acte de recours est parvenu à l’autorité ou a été remis à son adresse à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse au plus tard le dernier jour du délai avant minuit (art. 41 al. 1 cum art. 49 al. 4 LPFisc).

4. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA, applicable par renvoi de l'art. 2 al. 2 LPFisc), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/30/2016 du 12 janvier 2016 consid, 3a ; ATA/751/2013 précité consid. 5). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/751/2013 précité consid. 5 ; ATA/805/2012 du 27 novembre 2012 consid. 1d ; ATA/712/2010 du 19 octobre 2010).

En matière fiscale, passé le délai de trente jours, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que, par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu’il l’a déposée dans les trente jours après la fin de l’empêchement (art. 41 al. 3 cum art. 49 al. 4 LPFisc).

5. De jurisprudence constante, si une autorité envoie une décision soumise à recours par pli simple, c’est à elle de supporter le risque de l’absence de preuve de la date de notification (ATF 129 I 8 consid. 2.2 ; 124 V 400 consid. 2a ; 122 I 97 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_227/2011 précité consid. 4.2). Le Tribunal fédéral a considéré à plusieurs reprises que, si la notification même d’un acte envoyé sous pli simple ou sa date sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de la communication (arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 précité consid. 2.4.1, non reproduit in ATF 134 II 186 ; ATF 124 V 400 consid. 2a et les références citées). Comme toutes les règles sur le fardeau de la preuve, cette jurisprudence tend en particulier à régir les conséquences d’une absence de preuve ; elle ne permet cependant pas au juge d’occulter les éléments propres à établir le fait pertinent pour trancher en défaveur de la partie qui avait la charge de la preuve (ATF 114 II 289 consid. 2a).

La chambre de céans a déjà jugé que l’AFC-GE envoyant ses décisions sous pli simple, le fardeau de la preuve de la notification lui incombait (ATA/60/2015 du 13 janvier 2015 consid. 6 ; ATA/234/2014 du 8 avril 2014 consid. 6 ; ATA/157/2007 du 27 mars 2007). Cela étant, lorsque le contribuable ne conteste pas avoir reçu la décision peu de temps après sa date d’expédition, ni n’allègue ne l’avoir jamais reçue, la chambre administrative admet que la décision entreprise a été réceptionnée quelques jours après son expédition (ATA/60/2015 précité consid. 6 ; ATA/234/2014 précité consid. 6 ; ATA/137/2012 du 13 mars 2012).

6. En l'espèce, la décision sur réclamation a été expédiée par l'AFC-GE le mardi 16 décembre 2014 par pli simple ; un autre type de notification, comme une réception en mains propres, n'a jamais été évoqué. Mais si la recourante a indiqué s'être vu notifier ladite décision à la date même de l'envoi, en ne fournissant de surcroît aucun élément concernant la date de réception de cette décision, ses déclarations allaient clairement à l'encontre de l'expérience générale de la vie.

En effet, selon la Poste, « le Courrier A est le mode d’expédition le plus efficace pour vos lettres. La distribution ponctuelle et fiable a lieu le jour ouvrable suivant, y compris le samedi » (<https://www.post.ch/fr/courriera>). Une réception le jour même de l'envoi n'est donc pas envisageable vu le mode de notification adopté (ATA/60/2015 précité consid. 7). Le pli ne pouvait ainsi être réceptionné, au plus tôt, que le 17 décembre 2014 ; or, en tenant compte de cette date de notification, le recours déposé par-devant le TAPI respectait le délai légal. Il n'y avait dès lors pas lieu d'admettre un doute sur la première date possible de réception, et par là même de se fonder sur les déclarations contenues dans l'acte de recours.

7. Il découle de ce qui précède que le recours doit être admis. Le jugement attaqué sera annulé, et la cause renvoyée au TAPI pour qu'il examine les autres conditions de recevabilité et, le cas échéant, le fond du litige.

8. Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). En revanche, aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la recourante n'y ayant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA), et ayant au surplus largement provoqué la nécessité de la présente procédure par ses propres déclarations inexactes.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 janvier 2016 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2015 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2015 ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Cofida SA, mandataire de Madame A______, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :