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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/681/2024

JTAPI/184/2024 du 05.03.2024 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : PROLONGATION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.79; LEI.71
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/681/2024 MC

JTAPI/184/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 5 mars 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Camille LOPRENO, avocate

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1970, est originaire d'Algérie.

2.             Il est arrivé à Genève au mois d'octobre 2003, sans documents d'identité, et s'est présenté devant les autorités helvétiques sous le nom d'B______, né le ______ 1974, originaire d'Algérie (soit un de ses trente alias).

3.             Le 9 janvier 2004, les autorités genevoises ont requis le soutien du secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) en vue de l'identification formelle de M. A______ par un État, étant observé qu'il se trouvait sous le coup d'une expulsion judicaire d'une durée de cinq ans prononcée le 19 novembre 2003 par le juge d'instruction de Genève.

4.             Le 11 décembre 2006, les services de police ont obtenu la copie du passeport de M. A______ et son acte de naissance.

5.             Le 24 janvier 2007, les autorités algériennes ont informé le SEM que M. A______ avait été identifié comme ressortissant algérien sous le nom de A______ et que le consulat de ce pays était disposé à délivrer un laissez-passer en sa faveur.

6.             Le 2 mars 2009, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) a prononcé le renvoi de M. A______ de Suisse.

7.             Le 10 mars 2009, les services de police ont informé l'OCPM que vu la situation actuelle, le refoulement de l'intéressé restait provisoirement impossible.

8.             Depuis 2014, M. A______ a été condamné à huit reprises par les instances pénales genevoises, principalement pour des infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) (séjour illégal) et au code pénal suisse (vol, selon l'art 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0 - et rupture de ban).

9.             Le 7 mai 2015, les services de police ont informé l'OCPM que M. A______ avait été remis au portail de la prison de Champ-Dollon car malgré qu'un laissez-passer fut disponible, M. A______ n'était pas volontaire au retour.

10.         Le 24 mai 2017, le SEM a informé l'OCPM que M. A______ avait été reconnu par l'Ambassade d'Algérie, que celle-ci était disposée à lui délivrer un laissez-passer, et qu'un vol pouvait être réservé dans les meilleurs délais.

11.         Par jugement du 10 novembre 2017, le Tribunal de police a prononcé l'expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de trois ans conformément à l'art. 66a bis CP.

12.         Le 13 novembre 2017, l'OCPM a imparti à l'intéressé un délai de sept jours pour quitter la Suisse par ses propres moyens.

13.         Par jugement du 29 septembre 2020, le Tribunal de police a prononcé l'expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de cinq ans conformément à l'art. 66a bis CP.

14.         Le 21 janvier 2021, l'OCPM a notifié à l'intéressé, lequel était détenu à Champ-Dollon, une décision de non-report d'expulsion judiciaire, en vertu de laquelle il était informé qu'il serait refoulé en Algérie par les services de police.

15.         Le 26 juillet 2021, l'OCPM a imparti à l'intéressé un délai au 11 août 2021 pour quitter la Suisse par ses propres moyens. Cette décision était motivée par le fait que les autorités helvétiques ne pouvaient pas organiser un vol pour l'Algérie dans des délais raisonnables, la délivrance de laissez-passer aux personnes non-volontaires étant suspendue pour une période indéterminée.

16.         Le 3 septembre 2022, M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon.

17.         Par jugement du 12 octobre 2022, le Tribunal de police a prononcé l'expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de huit ans conformément à l'art. 66a bis CP.

18.         Par jugement du 16 mars 2023, le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé la libération conditionnelle de M. A______.

La situation personnelle de l'intéressé demeurait inchangée et on ne percevait aucun effort de sa part pour modifier sa situation. Aucun projet concret n'était présenté, de sorte qu'il se retrouverait à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant menée à ses dernières condamnations, à savoir en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement. S'il mettait effectivement à exécution son projet de s'installer chez sa sœur à Paris, en France, il n'avait aucune garantie de pouvoir y séjourner et y travailler légalement, situation qui favoriserait la commission de nouvelles infractions. De plus, ce projet était identique à celui qu'il avait exposé lors de sa dernière demande de libération conditionnelle en 2021, ce qui ne l'avait pas empêché de revenir en Suisse et d'y commettre de nouvelles infractions. En tout état, il était permis de douter de son intention de partir vivre à Paris, dès lors qu'il était revenu à plusieurs reprises en Suisse alors même qu'il faisait l'objet d'une décision d'expulsion.

19.         Le 5 juillet 2023, M. A______ a été auditionné par les services de police dans le cadre d'un entretien de départ. Il a déclaré être algérien mais ne pas s’appeler A______. Il n’avait jamais eu de passeport ni de pièce d’identité.

Il était opposé à son retour en Algérie et voulait y retourner par ses propres moyens quand il le déciderait, en passant par sa famille qui se trouvait à Roubaix en France. Il était rendu attentif au fait que les autorités algériennes étaient disposées à lui délivrer un laissez-passer et qu'un vol allait être organisé prochainement par les services de police.

Il refuserait de monter à bord d’un fourgon qui le mènerait à l’aéroport et refusait d’être placé en détention administrative.

20.         Le 16 juillet 2023, les services de police ont sollicité auprès de SwissREPAT la réservation d'une place à bord d'un avion de ligne, avec accompagnement policier.

Un vol a été proposé par SwissREPAT pour le 28 août 2023, sans être confirmé.

21.         Le 1er août 2023, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie.

22.         Entendu le 3 août 2023 par le tribunal, l'intéressé a indiqué qu'il ne s'appelait pas A______ mais C______. Il a confirmé être de nationalité algérienne. Il était d'accord de retourner en Algérie mais sous son vrai nom, ne voulant pas rentrer en Algérie sous une identité qui n'était pas la sienne. Il n'avait pas de document d'identité à fournir prouvant cette identité, mais il pourrait entamer des démarches auprès des autorités algériennes. Il n'avait pas d'autorisation de séjour en France. Il gagnait sa vie dans le commerce de sandwiches à ______(FR). Il habitait à ______(FR), plus précisément à ______(FR) mais il ignorait l'adresse. Il était d'accord aujourd'hui de rentrer en Algérie pour montrer qu'il n'était pas A______. Il a contesté avoir été contrôlé en 2006 avec une pièce d'identité au nom de A______ car il n'avait pas été en Suisse durant toute l'année 2006.

Le représentant du commissaire de police a indiqué ne pas avoir la confirmation de la date du vol, soit le 28 août prochain car la police était encore en train de discuter du nombre d'agents nécessaires pour escorter l'intéressé jusqu'en Algérie. Les autorités genevoises avaient la confirmation de pouvoir envoyer le billet d'avion (une fois celui-ci émis) aux autorités algériennes afin qu'elles délivrent un laissez-passer valable un mois à partir de la date du vol. Il était exact que l'intéressé avait eu des nombreux alias mais les autorités genevoises ne pouvaient pas mettre en doute la reconnaissance de celui-ci par le gouvernement algérien comme étant A______. Si ce dernier leur prouvait qu'il s'appelait bien C______, elles pourraient interpeler les autorités algériennes en vue de la délivrance d'un laissez-passer à ce nom. M. A______ était libre de prendre contact avec les autorités algériennes et, cas échéant, de solliciter un rendez-vous. Il a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de six semaines.

Le conseil de l'intéressé a indiqué que plusieurs éléments du dossier démontraient que son client n'était pas A______. Ce dernier n'avait jamais été présenté aux autorités algériennes. Il n'avait jamais déposé ses empreintes digitales. De plus, sa taille ne correspondait pas à celle indiquée sur la carte d'identité. Elle s'en est rapportée à justice tant sur le principe que sur la durée de la détention pour autant que son client puisse entreprendre des démarches en vue de sa réelle identification.

23.         Par jugement du 3 août 2023 (JTAPI/835/2023), le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 11 septembre 2023 inclus.

24.         Par courriel du même jour, le commissaire de police a transmis au tribunal la confirmation du vol prévu le 28 août 2023 au départ de Genève pour le renvoi de M. A______ à destination de l’Algérie.

25.         À la demande du SEM, le vol avec escorte policière à destination de l'Algérie prévu le 28 août 2023 a été annulé, dès lors qu’il n’avait pas reçu de réponse du Consulat général algérien à sa demande de confirmation de la validité du « counseling » du mois de janvier 2015. Il restait en contact étroit avec le consulat et ne manquerait pas de tenir l’OCPM informé, en vue de la réservation d’un prochain vol.

26.         Par requête motivée du 28 août 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

27.         Par courriel du 1er septembre 2023, l’OCPM a transmis au tribunal copie de ses échanges avec le SEM du 31 août 2023, desquels il ressortait que ce service était toujours en attente d’une réponse de la part du Consulat algérien s’agissant de la nécessité de présenter M. A______ au consul dans le cadre d’un « counseling » avant l’émission d’un laissez-passer ou si, en revanche, le laissez-passer pourrait être émis sur la base du « counseling » du 19 janvier 2015. Les autorités fédérales envisageaient d’envoyer une lettre de rappel au consul dans environ deux semaines si aucune réponse ne leur parvenait d’ici-là.

28.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 5 septembre 2023, M. A______ a répété que son nom était C______. Son beau-frère avait retrouvé en Algérie la personne qui s’appelait A______. Il persistait à dire qu’il n’était pas cette personne. D’ailleurs, sa corpulence (taille), la couleur de sa peau et de ses yeux ne correspondaient pas à ce qui était indiqué sur le passeport du précité. Il ne souhaitait pas être assimilé à cette personne et se voir reprocher ses comportements. Il n’était pas d’accord d’être renvoyé en Algérie. Il y retournerait, s’il le souhaitait, par ses propres moyens. Il souhaitait repartir en France, par ses propres moyens également. Il avait écrit au Consulat d’Algérie en Suisse il y avait un peu plus de six jours, par courrier recommandé, afin de leur expliquer sa situation. Il n’avait pas reçu de récépissé de son envoi à ce jour. Il craignait que son courrier n’ait pas été envoyé. Sur question du représentant de l’OCPM, il n’avait pas d’acte de naissance ni de carte d’identité algérienne le concernant. Il n’avait pas fait de démarches auprès des autorités algériennes afin d’obtenir de tels documents.

Le représentant de l’OCPM a indiqué n’avoir pas d’autres informations depuis l’envoi au tribunal de leur dernière correspondance avec le SEM. Il a plaidé et conclu à la confirmation de la demande de prolongation de la détention administrative pour la durée de deux mois requise, dès lors qu’ils étaient toujours dans l’attente d’une réponse du Consulat algérien, concernant la suite des démarches à entreprendre en vue du refoulement de l’intéressé.

M. A______ s’est opposé à la prolongation de sa détention, relevant n’avoir même pas terminé sa première période de détention administrative.

29.         Par jugement du 6 septembre 2023 (JTAPI/970/2023), le tribunal a prolongé la détention administrative pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 11 novembre 2023 inclus.

30.         Par acte posté le 14 septembre 2023, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, lequel a été déclaré irrecevable par arrêt du 27 septembre 2023 (ATA/1068/2023).

31.         Par courrier du 25 septembre 2023, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté auprès du tribunal de céans.

Il était détenu en vue de son renvoi depuis le 1er août 2023. Il demandait sa mise en liberté de façon à quitter rapidement le territoire suisse.

32.         M. A______ a refusé de se présenter à l’audience du 3 octobre 2023 devant le tribunal.

33.         Son avocate a expliqué qu'il avait contacté l'ambassade d'Algérie par téléphone pour lui indiquer qu'il ne s'appelait pas A______, mais C______. Elle ne savait pas quand l'entretien avait eu lieu, mais son client lui avait indiqué qu'il était postérieur au dernier jugement du tribunal. Une rencontre avait pu avoir lieu avec un représentant de l'ambassade d'Algérie, sauf erreur la semaine dernière : son client lui avait relaté qu'il ressortait de cet entretien qu'il n'était effectivement pas A______ mais elle ne savait pas ce que l'ambassade d'Algérie allait faire de cette information.

Son client lui avait aussi indiqué que son beau-frère avait retrouvé le véritable A______ en Algérie, lequel s'était présenté à un poste de police, ou une autorité administrative, pour s'identifier. Elle n'avait aucun document à produire à ce propos.

M. A______ avait fait un pas en contactant lui-même les autorités algériennes. Elle ne savait pas à quel point il serait collaborant, mais il souhaitait quitter rapidement la Suisse. Selon les informations en sa possession, il aurait souhaité dans un premier temps se rendre en France.

Elle a conclu à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à ce que sa détention se termine le 11 novembre 2023.

Le représentant de l'OCPM a indiqué qu'il n'était pas au courant que le consul d'Algérie se serait déplacé au lieu de détention de M. A______. Il allait contacter l'établissement de FAVRA pour qu'il lui confirme cet entretien. Il avait reçu du SEM la communication qu'il avait transmise jeudi dernier, laquelle indiquait qu'il allait devoir procéder à une nouvelle procédure d'identification de M. A______. C'était le SEM qui était en charge de cette demande. Il ne pensait pas qu'il aurait un résultat de ces démarches avant novembre 2023 ; l'OCPM devrait déposer vraisemblablement une demande de prolongation de la détention. Si M. A______ se disait d'accord de collaborer avec les autorités algériennes, les démarches pourraient aller assez vite. Il a conclu à ce que la demande de mise en liberté de M. A______ soit rejetée et au maintien de ce dernier en détention administrative.

34.         Par courrier du 26 septembre 2023, le SEM a déposé une nouvelle demande d’identification auprès de l’Ambassade d’Algérie après que celle-ci ait invalidé le councelling de 2015.

35.         Par courriel du 3 octobre 2023, l’OCPM a interpellé la direction de l’établissement FAVRA pour savoir si M. A______ avait reçu la visite d’un représentant du Consulat d’Algérie depuis qu’il était en détention.

36.         La directrice adjointe de FAVRA a répondu le même jour que M. A______ n’avait pas encore vu le consul et que le service social faisait ce jour une demande en ce sens.

37.         Par jugement du 4 octobre 2023 (JTAPI/1073/2023), le tribunal a rejeté la demande de mise en liberté formée le 25 septembre 2023 par M. A______ et a confirmé en tant que besoin la détention jusqu'au 11 novembre 2023.

38.         Par requête motivée du 30 octobre 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois. Il restait dans l'attente d'une réponse des autorités algériennes concernant la demande d'identification en cours.

39.         Lors de l'audience du 7 novembre 2023, M. A______ a déclaré que contrairement à ce que le tribunal avait retenu suite à l'audience du 3 octobre 2023, un représentant du Consulat algérien était bien venu le voir à Favra, ce que prouvait le courriel remis par son avocate à l'audience de ce jour. Il a précisé à ce sujet qu’il avait répondu à toutes les questions posées par le représentant du Consulat algérien. Cette personne lui avait assuré que si les autorités suisses s'étaient trompées sur son identité, les autorités algériennes ne se tromperaient pas pour établir qu’il était C______. Concernant M. A______, il avait déjà expliqué au tribunal qu’il le connaissait et qu'il se trouvait à Alger. Il a par ailleurs contesté s’être présenté sous trente alias différents.

Il avait une sœur qui habitait ______(FR), c’était sa seule famille. Elle était en possession du livret de famille.

Le tribunal a fait remarquer à M. A______ qu’il pourrait écrire à sa sœur pour lui demander de lui adresser une copie de ce livret en vue de l'établissement de son identité.

Le représentant de l'OCPM a indiqué que le SEM avait adressé au début du mois d'octobre 2023 une demande d'identification de l'intéressé auprès des autorités algériennes et qu'il était dans l'attente de leur réponse. Il a précisé que ce type de démarche prenait habituellement plusieurs mois, de sorte que la réponse ne devrait pas leur parvenir avant 2024. En effet, les autorités algériennes étaient saisies de nombreuses demandes d'identification de personnes présumées algériennes provenant de tous les cantons suisses. Les autorités suisses étaient donc tributaires du temps que prenaient ces recherches par les autorités algériennes. S’ils obtenaient une réponse positive des autorités algériennes, à la question de savoir si M. A______ était ressortissant algérien, celui-ci devrait vraisemblablement être présenté au Consulat d'Algérie en vue de la délivrance d’un laissez-passer. Cette démarche pouvait également prendre un bon mois. Il a ajouté à l'intention de M. A______ que si celui-ci était d'accord de retourner en Algérie, il lui serait loisible de contacter le consulat en vue d'un départ volontaire. Dans ces circonstances, son départ pourrait être accéléré.

M. A______ a répondu qu’il allait réfléchir à cette opportunité.

Le représentant de l'OCPM a conclu à l'admission de la demande de prolongation pour une durée de quatre mois.

Le conseil de l’intéressé a conclu au rejet de la demande de prolongation, subsidiairement à ce qu'une telle prolongation soit limitée à deux mois, le tout en application des principes de proportionnalité et de célérité.

40.         Par jugement du 8 novembre 2023 (JTAPI/1236/2023), le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 10 mars 2024 inclus.

41.         Le 30 janvier 2024, le SEM informait l’OCPM qu'un rappel avait été envoyé au consulat algérien le 19 janvier 2024 concernant la demande d'identification déposée le 6 octobre 2023. Le résultat n'était pas encore connu mais s'il devait être positif, il faudrait encore présenter l'intéressé à un prochain counseling.

42.         Par requête motivée du 27 février 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois. Il restait dans l'attente d'une réponse des autorités algériennes concernant la demande d'identification en cours.

43.         Lors de l'audience de ce jour, M. A______ ne s'est pas présenté.

Le représentant de l'OCPM a indiqué que les autorités fédérales avaient relancé l'ambassade d'Algérie au mois de janvier 2024, mais qu'elles n'avaient pas encore reçu de réponse. Une fois l'identité de M. A______ confirmée par l'Algérie, ce dernier devrait voir le Consul algérien en Suisse afin de se voir délivrer un laissez-passer. Cela pourrait prendre de six mois à une année. S'agissant du councelling, il fallait compter encore deux mois supplémentaire. La demande d'identification a été initiée en autonome 2023, mais il a fallu recommencer la démarche d'identification dès lors que M. A______ avait contesté son identité et sa nationalité. Monsieur C______ était un alias connu des autorités suisses. Il a conclu à ce que la demande de prolongation soit admise pour une durée de quatre mois, compte tenu de plusieurs expulsions et de l'intérêt public à le renvoyer.

Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de M. A______, subsidiairement à ce qu'une telle prolongation soit limitée à deux mois, le tout en application des principes de proportionnalité et de célérité.

Le représentant de l'OCPM a indiqué que M. A______ ne souhaitait pas rentrer en Algérie et ne collaborait pas avec les autorités.

Son conseil a indiqué que M. A______ avait collaboré avec les autorités algériennes l'année passée.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).

3.             En l'occurrence, le 27 février 2024, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois.

4.             Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai prévu par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

5.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

6.             Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Concrètement, dans ces deux circonstances, la détention administrative peut donc atteindre dix-huit mois (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 8.1).

7.             La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

8.             Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune démarche n'est accomplie en vue de l'exécution du refoulement par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l'intéressé lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 7a).

9.             Les autorités chargées de l'exécution du refoulement doivent essayer d'établir l'identité de l'étranger le plus rapidement possible et de se procurer les papiers nécessaires au départ de celui-ci. Toutes les mesures qui semblent propres à accélérer l'exécution du refoulement doivent être prises. Le principe de célérité oblige les autorités à prendre les mesures qui, vu les circonstances concrètes du cas particulier, sont de nature à activer l'exécution du refoulement. Les mesures à prendre par les autorités responsables doivent être appréciées globalement en fonction des circonstances du cas d'espèce. La question de savoir si le principe de diligence a été violé dépend donc des particularités du cas d'espèce. Il faut notamment tenir compte de la complexité du cas, en particulier sous l'angle de l'exécutabilité du refoulement. Dans ce contexte, il peut être tenu compte d'un manque de coopération de la part de l'étranger, même si un tel comportement ne saurait toutefois justifier l'inactivité des autorités. Il faut en outre prendre en considération le fait que l'aide requise des autorités étrangères peut parfois prendre du temps. On ne saurait donc reprocher aux autorités une violation du principe de diligence lorsque le retard dans l'obtention des papiers d'identité est imputable à une représentation diplomatique étrangère (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2A.715/2004 du 23 décembre 2004 consid. 2.3.1 ; 2A.497/2001 du 4 décembre 2001 consid. 4a ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3 ; ATA/1204/2015 du 6 novembre 2015 consid. 9b ; ATA/616/2014 du 7 août 2014 consid. 7).

10.         Pour l'exécution du renvoi, le SEM assiste l'autorité cantonale d'exécution (art. 71 LEI ; art. 1 OERE). C'est lui qui se charge d'obtenir des documents de voyage pour les étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion (art. 71 let. a LEI ; art. 2 al. 1 OERE). C'est lui qui est l'interlocuteur des autorités des pays d'origine, en particulier des représentations diplomatiques ou consulaires des États d'origine ou de provenance des étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion, pour autant que d'autres dispositions n'aient pas été prises dans le cadre d'un accord de réadmission ou après entente avec les cantons (art. 2 al. 2 OERE).

11.         Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention. La détention doit en particulier être levée, selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, si le motif de la détention n'existe plus ou si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ou qu'elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l'art. 83 al. 1 à 4 LEI (cf. ATA/92/2017 du 3 février 2017 consid. 5a ; ATA/1173/2015 du 30 octobre 2015 consid. 5b).

12.         Selon la jurisprudence, le simple fait que les autorités chargées du refoulement des étrangers se heurtent à des difficultés et risquent de ne pouvoir le faire en temps utile n'est pas suffisant pour lever la détention. Sous l'angle du principe de la proportionnalité, la détention n'est inadmissible que si des raisons sérieuses laissent penser que la mesure d'éloignement ne pourra certainement pas intervenir avant la fin du délai légal de détention (ATF 122 II 148 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.584/20032A.606/2003 du 8 janvier 2004 consid. 6 ; 2A.549/2003 du 3 décembre 2003 consid. 2.2 ; Grégor CHATTON/Laurent MERZ in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, n. 5 p. 780).

13.         En l'espèce, s'agissant du principe de la détention de M. A______, sa légalité a déjà été examinée et admise par le tribunal le 3 août 2023. En l'absence d'un changement déterminant des circonstances depuis lors, il n'y sera pas revenu.

14.         L'assurance du départ effectif de M. A______ répond toujours à un intérêt public certain et s'inscrit dans le cadre des obligations internationales de la Suisse (cf. not. art. 3 ch. 3 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise par la Suisse dans le cadre du développement de l'acquis de Schengen - Directive sur le retour - RO 2010 5925), étant rappelé que les autorités suisses doivent s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le territoire, désormais - et sans autre option possible en l'état - à destination de son pays d'origine (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281). Ainsi, M. A______ ne saurait être remis sans autre en liberté pour quitter la Suisse en choisissant lui-même son lieu de destination. Dans son principe, la détention en cause n'est par conséquent toujours pas contraire au principe de la proportionnalité.

15.         Concernant les démarches en vue de son identification, les autorités suisses ont jusqu'ici fait tout ce qui était en leur pouvoir. Il ressort en effet du dossier qu'une demande d'identification a été formulée le 26 septembre 2023, le 6 octobre 2023 et un rappel a été envoyé au consulat général d’Algérie le 19 janvier 2024. A ce jour, le SEM demeure dans l'attente d'une réponse des autorités algériennes.

16.         S'agissant enfin de la durée requise par l'OCPM, M. A______ est détenu administrativement depuis le 1er août 2023, de sorte que la durée de la détention administrative admissible en vertu de l'art. 79 LEI n'est de loin pas atteinte. Elle ne le sera pas non plus à l'issue de la prolongation quatre mois sollicitée par l'OCPM, étant observé, qu'en l'absence de coopération de l’intéressé, sa détention pourrait se prolonger jusqu'à dix-huit mois en application de l'art. 79 al. 2 let. a LEI. À ce sujet, l'intéressé a souligné l'entretien qu'il a eu avec un représentant des autorités de son pays à Favra, lequel n'a de toute évidence pas suffi à établir sa réelle identité ni permis la délivrance d'un laissez-passer.

17.         Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ sera admise pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 10 juin 2024 inclus, compte tenu des mois déjà écoulés et de l'absence de réactivité des autorités algériennes.

18.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 27 février 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

2.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 10 juin 2024 inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

Le président suppléant

André MALEK-ASGHAR

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière