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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3184/2023

JTAPI/134/2024 du 16.02.2024 ( OCPM ) , REJETE

recours terminé sans jugement

Descripteurs : FIN;AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT
Normes : LEI.2.al2; ALCP.6.al5; LEI.61.al1.leta; LEI.61.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3184/2023

JTAPI/134/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 février 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Mourad SEKKIOU, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 2001, est ressortissante française.

2.             Arrivée en Suisse le 1er août 2003, Mme A______ a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour (permis B) le 19 novembre 2003 dans le cadre d'une demande de regroupement familial auprès de son père, Monsieur B______, né le ______ 1966, ressortissant français, lequel était au bénéfice d'une autorisation d'établissement depuis le 31 juillet 2008, jusqu'à son départ de Genève le 10 décembre 2012 pour Porrentruy.

3.             Mme A______ a été mise au bénéfice d'un permis d'établissement en date du 12 août 2008, dont le dernier délai de contrôle a été fixé au 31 juillet 2023.

4.             Par formulaire daté du 1er octobre 2019, reçu par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) en date du 20 décembre 2019, Mme A______ a annoncé son départ non définitif à destination de Los Angeles aux États-Unis d'Amérique (ci-après: USA) à partir du 20 août 2019 et a demandé une autorisation d'absence pour permis C. Elle a annoncé conserver son adresse à Genève et a sollicité une attestation de départ. Si Mme A______ avait envoyé la copie de son passeport et du récépissé de paiement de l'émolument de CHF 25.- pour l'attestation de départ, elle n'avait cependant pas transmis l'ensemble des documents demandés au verso du formulaire D, notamment la lettre de motivation décrivant le motif et la durée de l'absence, et n'avait pas déposé l'original de son permis C à l'OCPM ni la preuve de paiement de l'émolument relatif à l'autorisation d'absence.

5.             La demande d'autorisation d'absence étant incomplète et sans adresse de courriel ou de numéro de téléphone pour joindre Mme A______, l'OCPM a envoyé un courrier, le 9 janvier 2020, adressé à la mère de cette dernière, pour demander les documents manquants, à l'adresse qu'elle avait déclaré conserver à Genève et partager avec sa mère.

6.             Par courrier du 13 mars 2020, l'OCPM a réitéré sa demande du 9 janvier 2020, précisant que sans réponse dans un délai de trente jours, la demande d'autorisation d'absence de Mme A______ serait classée.

Aucune suite n'y a été donnée et l'OCPM a classé sa demande d'autorisation d'absence.

7.             Par courriel du 19 août 2021, suite à un entretien téléphonique avec le conseil de Mme A______ durant lequel ce dernier a informé l'OCPM que Mme A______ n'avait pas quitté la Suisse, mais uniquement effectué un court séjour aux États-Unis pour une période inférieure à six mois, l'OCPM a demandé plusieurs documents complémentaires afin de justifier sa résidence effective à partir de la date de son retour le 20 août 2019, notamment les polices d'assurance maladie et factures de téléphone mobile ainsi qu'une copie intégrale de son passeport.

8.             En date du 27 septembre, du 14 octobre et du 19 octobre 2021, le conseil de Mme A______ a envoyé des courriels avec de nombreux documents joints, dont en particulier un document daté du 8 septembre 2021 énumérant son emploi du temps depuis septembre 2012, dans lequel elle indiquait avoir fréquenté une Université en Californie (USA) à partir du 20 août 2019, être revenue le 20 décembre 2019 à Genève pour les vacances de Noël, puis être allée à Gstaad du 26 décembre 2019 au 4 janvier 2020 et enfin à Megève (France) du 6 au 10 janvier 2020. Elle était ensuite retournée en Californie le 21 janvier 2020 et être finalement revenue à Genève à partir du 17 avril 2020.

9.             Par courrier du 2 mai 2022, Madame C______, sous la plume de son conseil, a interpellé l'OCPM au sujet du lieu de résidence effectif de Mme A______. En substance, elle indiquait qu'en sa qualité d'administratrice unique de la société D______ SA, elle devait tenir une liste des ayants droit économiques des actions de la société, dont faisait partie Mme A______, et de vérifier leur adresse effective. Elle s'interrogeait sur la résidence de Mme A______, au vu des informations contradictoires publiées sur les registres publics et sur les réseaux sociaux.

10.         Par courrier du 16 juin 2023, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser de préaviser favorablement le renouvellement de son autorisation de séjour.

11.         Cette dernière a fait valoir ses observations dans le délai prolongé imparti par l'OCPM par courrier du 15 août 2023.

12.         Par décision du 29 août 2023, l'OCPM a constaté la caducité de l'autorisation d'établissement de Mme A______ avec effet au 19 février 2020, soit six mois après son départ de Suisse.

Sur demande, une autorisation d'établissement pouvait être maintenue pendant quatre ans, mais la formulation potestative de la norme topique ne conférait aucun droit à l'octroi d'une autorisation d'absence.

Selon les éléments du dossier, Mme A______ avait quitté la Suisse pour Los Angeles (USA) le 18 août 2019. Son départ avait été annoncé rétroactivement à la date du 20 août 2019 au moyen du formulaire d'annonce de départ et de demande d'autorisation d'absence transmis. Si la demande avait été déposée dans le délai de six mois après le départ effectif, elle était incomplète et Mme A______ n'avait jamais reçu d'autorisation d'absence. Aucune réponse n'avait été donnée au courrier de demande d'informations complémentaires adressée à son domicile genevois où résidait sa mère. La demande avait alors été classée dans un premier temps. Mme A______ affirmait un retour en Suisse depuis Los Angeles (USA), via Houston (USA), New York (USA) et Londres (Angleterre) le 17 avril 2020, qui était justifié au moyen de courriels non-probants et du seul tampon d'entrée à Houston (USA) le 17 avril 2020. En outre, à cette date, Mme A______ avait cumulé un séjour à l'étranger d'une période supérieure à six mois mettant fin automatiquement à son autorisation d'établissement. L'impossibilité du retour avant le délai de six mois en raison du COVID n'avait pas été démontrée à satisfaction de droit. En effet, si l'école avait fermé ses portes, elle continuait néanmoins à dispenser ses cours en ligne. Aucun document prouvant que son visa américain avait été annulé n'avait été produit, ce d'autant qu'elle affirmait avoir poursuivi ses études en ligne depuis Boston en avril 2020. Si des vols pour des voyageurs étrangers depuis l'Europe et l'espace Schengen vers les États-Unis avaient été suspendus, aucune restriction d'entrée en Suisse n'avait été énoncée. Au 30 mai 2020, le transport aérien des voyageurs provenant de l'étranger n'était pas interdit, mais seulement canalisé dans les trois plus grands aéroports de Suisse (Bâle, Zurich et Genève). En outre, les vacances de fin d'année annoncées entre le 21 décembre 2020 et le 4 janvier 2021, à Genève puis à Gstaad, ne suffisaient pas à interrompre le délai de six mois nécessaire au maintien de l'autorisation de séjour ou d'établissement lorsque le centre des intérêts était déplacé à l'étranger. De plus, la durée du séjour passé en Suisse ne couvrait qu'une période maximale de dix-huit jours.

Par ailleurs, depuis son retour le 17 avril 2020, Mme A______ n'avait pas démontré sa volonté de résider effectivement et durablement en Suisse. En effet, au regard des nombreux tampons dans son passeport, de ses décomptes de factures de téléphonie mobile et de ses emplois à l'étranger qui étaient affichés sur sa page personnelle LinkedIn, Mme A______ n'avait pas démontré avoir résidé durablement en Suisse ni même pour des périodes annuelles supérieures à six mois depuis l'année 2020. Selon sa page LinkedIn, elle ne résidait pas en Suisse et était au bénéfice d'un emploi à Abu Dhabi (DBX) depuis le mois d'août 2022. Son centre d'intérêt avait donc été déplacé à l'étranger.

Au surplus, en l'absence de constatation de caducité entrée en force, la délivrance d'une attestation de résidence était justifiée par le fait que Mme A______ était juridiquement encore titulaire d'une autorisation d'établissement, sans que cela ne préjugeait en rien sur la constatation de caducité rétroactive.

Les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour en application de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) ou de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n'étaient pas remplies.

13.         Par acte du 29 septembre 2023, sous la plume de son conseil, Mme A______ (ci-après: la recourante) a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

L'OCPM ne l'avait pas informée de la réception du courrier du 2 mai 2022 que lui avait adressé Mme C______, indiquant qu'elle n'avait pas droit au renouvellement de son permis d'établissement. Son droit d'être entendu avait ainsi été violé.

Les faits démontraient qu'elle n'avait jamais voulu transférer son domicile hors de Suisse et s'installer aux USA. Elle avait eu l'intention d'y étudier et non d'y travailler. En formation, elle n'avait eu aucun bail ni aucun contrat de travail à résilier. Jeune adulte à peine sortie de l'école, elle ne connaissait rien en matière de séjour en Suisse. Elle avait transmis le formulaire d'annonce de départ définitif [sic] de Suisse en croyant bien faire. Elle n'avait obtenu qu'un visa de type F-1 auprès de l'ambassade des USA à Berne et l'OCPM ne pouvait ignorer que le titulaire d'un tel document était uniquement autorisé à séjourner provisoirement dans le pays afin d'y étudier, l'empêchant ainsi de s'y domicilier et d'y travailler. Elle n'avait jamais déplacé le centre de ses intérêts aux USA.

Il n'existait aucun fait propre à justifier la révocation de la décision du 12 novembre 2021.

Elle était toujours étudiante mais avait la volonté de résider durablement en Suisse. Elle dépendait encore entièrement de ses parents sur les plans affectif et financier. Son domicile demeurait à Genève.

En date du 12 novembre 2021, l'OCPM avait décidé que son permis d'établissement restait valable. Cette décision avait créé des droits subjectifs en sa faveur, notamment le droit d'y résider. La sécurité du droit imposait que cette décision fut maintenue. La révocation de cette décision violerait également le principe de la bonne foi.

14.         Le 29 novembre 2023, l'OCPM a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

La recourante n'avait pas démontré à satisfaction de droit avoir gardé le centre de ses intérêts en Suisse du 18 août 2019 (date d'entrée aux USA) à ce jour. Elle n'avait pas produit de documents attestant qu'elle était toujours au bénéfice d'une assurance-maladie ou d'une ligne téléphonique en Suisse, ou qu'elle y poursuivait certaines de ses activités. Il ressortait au contraire de son dossier que ces dernières années, elle avait voyagé dans de nombreux pays où elle avait aussi intégré le milieu du travail. Par ailleurs, on ignorait où elle se trouvait à ce jour et quel était son emploi du temps. En outre, elle avait déposé une demande incomplète de délivrance d'une autorisation d'absence, malgré les demandes de compléments formulées.

Le courriel du 12 novembre 2021 n'était pas une décision, mais une simple communication.

De nouveaux éléments déterminants pour la correcte application de l'affaire étaient parvenus à la connaissance de l'autorité au courant de l'année 2022.

15.         Le 18 décembre 2023, la recourante a répliqué, maintenant les conclusions de son recours.

Dans son courriel du 12 novembre 2021, l'autorité intimée avait admis par écrit que son permis d'établissement restait valable.

Selon la jurisprudence, les jeunes qui étudiaient à l'étranger ne perdaient pas leur autorisation d'établissement à la suite d'un séjour à l'étranger pour études entrecoupé d'un séjour en Suisse pour les vacances scolaires.

16.         Le 5 janvier 2024, l'OCPM a informé le tribunal qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.

17.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître. Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a). En effet, Il incombe à l'administré d'établir les faits qu'il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle. En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 4.2). Cette obligation a été qualifiée de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé et qu'il connaît donc mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2).

6.             Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

7.             La recourante prétend que son droit d'être entendu aurait été violé, dès lors que l'OCPM se serait fondé sur un courrier reçu de la part de Mme C______, sans qu'elle n'eut été interpellée à cet égard.

8.             Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_485/2022 du 24 mars 2023 consid. 4.2). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2). Sa portée est déterminée d'abord par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 126 I 15 consid. 2 ; 125 I 257 consid. 3a et les références). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution qui s’appliquent (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, pp. 518-519 n. 1526). Quant à l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et les références).

Tel qu’il est garanti par cette dernière disposition, le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 28 novembre 2022 consid. 3 et les références ; ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5a et les références).

9.             En l'espèce, si l'OCPM n'a certes pas interpellé la recourante sur ce courrier, on peine cependant à déceler en quoi il était déterminant dans l'examen de sa situation administrative au sens du droit des étrangers. En effet, la situation de la recourante auprès de l'OCPM à débuter par son annonce de départ à l'étranger, de sorte que c'est dans le cadre de la procédure d'instruction que l'OCPM a reçu spontanément ce courrier, sans toutefois que celui-ci n'eut manifestement joué un quelconque rôle dans l'examen de la situation administrative de la recourante, l'OCPM ne s'y étant jamais référé et disposant de suffisamment d'éléments versés à son dossier pour examiner sa situation.

Partant, son droit d'être entendu n'a pas été violé. Le grief est écarté.

10.         La recourante conteste la caducité de son autorisation d’établissement constatée par l’OCPM avec effet rétroactif au 19 février 2020, soit six mois après son départ de Suisse. Elle prétend notamment que le courriel du 12 novembre 2021 de l'OCPM constituerait une décision administrative attestant de la validité de son permis d'établissement.

11.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas en l’espèce.

12.         En vertu de son art. 2 al. 2, la LEI n’est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne, aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l'ALCP n’en dispose pas autrement ou lorsque la LEI prévoit des dispositions plus favorables.

13.         L’art. 6 al. 5 annexe I ALCP, selon lequel les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs ainsi que les absences motivées par l’accomplissement d’obligations militaires n’affectent pas la validité du titre de séjour, prévoit, pour un ressortissant d’un État membre de la communauté européenne au bénéfice d’une autorisation d’établissement UE/AELE et absent de Suisse durant plus de six mois au sens de l’art. 61 al. 2 LEI, une réglementation semblable à celle de la LEI, raison pour laquelle c’est cette dernière qui trouve application (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1110/2013 du 17 avril 2014 consid. 3.2 ; ATA/593/2018 du 12 juin 2018 consid. 4a).

14.         Selon l’art. 61 al. 1 let. a LEI, l’autorisation prend fin lorsque l’étranger déclare son départ de Suisse.

Si un étranger quitte la Suisse sans déclarer son départ, l’autorisation de courte durée prend automatiquement fin après trois mois, l’autorisation de séjour ou d’établissement après six mois. Sur demande, l’autorisation d’établissement peut être maintenue pendant quatre ans (art. 61 al. 2 LEI).

15.         Cette extinction s’opère de iure (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-139/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1), quelles que soient les causes de l’éloignement et les motifs de l’intéressé (ATF 120 Ib 369 consid. 2c) ; peu importe ainsi si le séjour à l'étranger était volontaire ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2C_691/2017 du 18 janvier 2018 consid. 3.1). Sous cet angle, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à l'art. 96 LEI, à un examen de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 5).

16.         Ce délai de six mois n'est pas interrompu lorsque l'étranger revient en Suisse avant l'échéance dudit délai non pas durablement, mais uniquement pour des séjours d'affaires ou de visite (ATF 120 Ib 369 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_853/2010 du 22 mars 2011 consid. 5.1). Cette règle a d'ailleurs été reprise à l'art. 79 OASA, qui dispose que les délais prévus à l'art. 61 al. 2 LEI ne sont pas interrompus en cas de séjour temporaire en Suisse à des fins de visite, de tourisme ou d'affaires (al. 1) et qui précise que la demande de maintien de l'autorisation d'établissement doit être déposée avant l'échéance du délai de six mois (al. 2) (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_853/2010 du 22 mars 2011 consid. 5.1 ; 2C_408/2010 du 15 décembre 2010 consid. 4.1). Cette demande doit être adressée, dûment motivée, à l'autorité cantonale compétente en matière d'étrangers, qui statue librement dans sa propre compétence (cf. Directives LEI, ch. 3.5.3.2.3). L'autorité de police des étrangers n'a pas l'obligation d'informer l'étranger qu'il lui est loisible de solliciter le maintien de son autorisation d'établissement au sens de l'art. 61 al. 2 LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_776/2017 du 2 octobre 2017 consid. 3.2.3). Dans le cas des enfants et des jeunes qui ont séjourné de manière régulière en Suisse chez leurs parents avant de se rendre à l'étranger pour y fréquenter une école, mais qui reviennent régulièrement en Suisse (par exemple pour rendre visite à leurs parents durant les vacances scolaires ou semestrielles), l'autorisation d'établissement peut, sur demande, être maintenue (cf. Directives LEI, ch. 3.5.3.2.3 et 6.16).

17.         Les étrangers admis en Suisse dans le cadre du regroupement familial fréquentent parfois l’école obligatoire ou complémentaire (p. ex. université, haute école spécialisée) à l'étranger pendant quelques années, tout en conservant leur domicile auprès de leurs parents. Ces enfants et ces jeunes séjournent une partie de l'année hors de Suisse. Ils ne peuvent rester au bénéfice de leur autorisation de séjour ou d'établissement que dans la mesure où le centre de leur vie familiale demeure en Suisse, où ils reviennent régulièrement en Suisse (p. ex., pour rendre visite à leurs parents durant les vacances scolaires ou semestrielles) et, sous réserve du maintien de l’autorisation d’établissement (cf. ch. 3.5.3.2.3), où la durée de leur séjour à l’étranger n’excède pas six mois ininterrompus (art. 61 al. 2 LEI). La durée de la formation à l’étranger doit être limitée. A cet effet, il convient d’apprécier de manière adéquate la situation de l’intéressé. Par ailleurs, il faut examiner si les enfants risquent de rencontrer des difficultés d’intégration du fait de la scolarisation temporaire à l’étranger. En effet, un tel cas ne serait pas compatible avec la volonté du législateur d’encourager dans la loi sur les étrangers l’intégration des ressortissants étrangers et leur séjour dans le pays (cf. ch. 3.4.3 et 3.5.5 et arrêt du TF 2C_609/2011 du 3 avril 2012).

18.         Le séjour en Suisse est réputé terminé si l'étranger transfère le centre de ses intérêts à l'étranger. On peut considérer qu'une personne a déplacé le centre de ses intérêts lorsqu'elle a, par exemple, résilié ses rapports de service, dénoncé son contrat de bail ou pris un emploi à l'étranger, retiré sa caisse de pension, etc. En règle générale, le maintien de l'autorisation de séjour est subordonné à la présence de son titulaire en Suisse durant la majeure partie de l'année (cf. Directives LEI, ch. 3.4.3 et la référence citée). Une autorisation de séjour ne peut également subsister lorsque l'étranger passe l'essentiel de son temps hors de Suisse, voire y transfère son domicile ou le centre de ses intérêts, sans jamais toutefois y rester consécutivement plus du délai légal, revenant régulièrement en Suisse pour une période relativement brève, même s'il garde un appartement en Suisse. Dans ces conditions, il faut considérer que le délai légal n'est pas interrompu lorsque l'étranger revient en Suisse avant l'échéance de ce délai non pas durablement, mais uniquement pour des séjours d'affaires ou de visite (ATF 145 II 322 consid. 2 ; ATF 120 Ib 369 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 4.1 ; 9C_747/2015 du 12 mai 2016 consid. 7.1 ; ATA/1155/2018 du 20 octobre 2018 consid. 3a).

19.         Pour savoir si une personne réside à un endroit avec l'intention de s'y établir, ce n'est pas la volonté interne de cette personne qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire une semblable intention (cf. ATF 133 V 309 consid. 3.1 ; 119 II 64 consid. 2b/bb ; 113 II 5 consid. 2 ; 97 II 1 consid. 3 ; ATA/904/2014 du 18 novembre 2014 consid. 2 ; ATA/535/2010 du 4 août 2010 consid. 6).

20.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 consid. 2.2 ; 9C_115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2 ; ATA/700/2014 précité consid. 4a ; ATA/141/2012 du 13 mars 2012 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 568).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 p. 72 s. ; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 et 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Conformément au principe de la confiance, qui s’applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l’administration doivent recevoir le sens que l’administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1 = RDAF 2005 I 71 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 s.). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 et les références citées). La protection de la bonne foi ne s’applique pas si l’intéressé connaissait l’inexactitude de l’indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1 ; T. TANQUEREL, op. cit., p. 193 s. n. 571).

21.         En l'espèce, la recourante n'a pas annoncé un départ définitif de Suisse. Cela étant, si elle a sollicité une autorisation d'absence de la part de l'OCPM, la recourante ne l'a pas obtenue, ce qu'elle ne conteste pas.

Selon son récapitulatif de déplacements du 13 octobre 2021, ainsi que ses déclarations, la recourante a quitté le territoire suisse pour les USA en tout cas à partir du 20 août 2019, ne revenant en Suisse que durant les fêtes de Noël du 20 au 26 décembre 2019, puis du 26 décembre 2019 au 4 janvier 2020 à Gstaad, avant de se rendre à Megève (France) du 6 janvier au 10 janvier 2020. Elle a ensuite regagné les USA le 21 janvier 2020 et est revenue en Suisse le 17 avril 2020. Or, conformément à la jurisprudence précitée, la très courte période durant laquelle la recourante est venue en Suisse passer les fêtes de Noël avec sa famille n'est pas propre à interrompre le délai fixé à l'art. 61 al. 2 LEI, de sorte qu'il convient de retenir qu'elle s'est en toute hypothèse absentée de Suisse entre le 20 août 2019 et le 17 avril 2020, soit durant près de neuf mois, de sorte que son autorisation d'établissement avait pris fin de iure le 19 février 2020, soit à l'échéance du délai de six mois.

Dans cette mesure, la question de l'impact du courriel de l'OCPM du 12 novembre 2021 sous l'angle du principe général de la bonne foi peut souffrir de rester indécise, dès lors qu'à cette date, l'autorisation d'établissement de la recourante était déjà caduque et que l'OCPM ne pouvait ainsi pas, en toute logique, en prolonger la durée de validité.

22.         Au vu de ce qui précède, la décision querellée sera confirmée en tant qu'elle constate avec effet rétroactif la caducité de l'autorisation d'établissement de la recourant.

23.         Mal fondé, le recours est rejeté.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

25.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 29 septembre 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 29 août 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière