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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3758/2017

ATA/593/2018 du 12.06.2018 sur JTAPI/173/2018 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3758/2017-PE ATA/593/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 juin 2018

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Yaël Hayat, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 février 2018 (JTAPI/173/2018)


EN FAIT

1) Entré en Suisse le 1er février 2010, M. A______, né en _______1989 et de nationalité française, a, le 19 mars 2010, été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour CE/AELE valable jusqu’au 31 janvier 2015 en vue de l’exercice d’une activité lucrative, ayant été engagé comme serveur au restaurant B______ par C______ SA avec effet au 1er mars 2010.

L’adresse indiquée était auprès de sa tante, Mme D______, et de son mari, M. E______, à Onex, puis à Genthod.

2) Par arrêt du 14 février 2011, la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : la chambre pénale d’appel et de révision) a confirmé le jugement du Tribunal de police du 23 novembre 2010 en ce que M. A______ – qui avait été interpellé le 19 mars 2010 – était reconnu coupable de brigandage
(art. 140 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) contre un casino dans canton de Genève le 18 mars 2010 et de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 ch. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), et condamné à une peine privative de liberté de trente mois, dont quinze mois de sursis, à l’exécution de la peine et un délai d’épreuve de cinq ans, un traitement ambulatoire au sens de l’art. 63 CP étant au surplus ordonné.

3) Après sa libération le 17 juin 2011, M. A______ a, le 28 juillet 2011, été interpellé par la police, soupçonné de préparer un brigandage. Il a été incarcéré à la suite de son audition.

4) Par arrêt du 8 février 2012, la chambre pénale d’appel et de révision a reconnu l’intéressé coupable d’actes préparatoires délictueux de brigandage
(art. 260bis al. 1 CP) et de violation grave des règles de la circulation routière
(art. 90 ch. 2 LCR). Elle l’a condamné à une peine privative de liberté de neuf mois, réduite par rapport à celle de quinze mois prononcée par le jugement du Tribunal de police du 19 octobre 2011.

Il était relevé que M. A______, qui n’avait pas suivi la mesure de traitement ambulatoire ordonnée par l’arrêt du 14 février 2011, avait été condamné en France, le 18 juillet 2008, à une peine de dix mois d’emprisonnement, dont quatre avec sursis, pour violence aggravée.

5) Par ordonnance pénale du 7 janvier 2013 (cause P/1______), le Ministère public genevois a reconnu M. A______ coupable en particulier d’avoir conduit le 21 novembre 2012 un véhicule automobile sans permis de conduire (art. 95 al. 1 let. a LCR) et l’a condamné notamment à une peine pécuniaire de trente
jours-amende, à CHF 50.- le jour, avec un sursis de trois ans.

6) Par courriers des 27 février et 23 avril 2013, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a invité l’intéressé à lui indiquer la suite qui avait été donné à son interpellation du 21 novembre 2012.

7) Le 2 mai 2013, M. A______ a été interpellé par la police judiciaire genevoise, soupçonné principalement de préparer un brigandage. Maintenu en arrestation provisoire à la suite de son audition (cause P/2______), il a été libéré le 22 juillet 2013.

8) Le 25 septembre 2013, un mandat d’arrêt suisse et international a été délivré à l’encontre de l’intéressé, soupçonné d’avoir participé la veille au hold-up d’une banque en ville de Genève (cause P/3______).

9) Par pli du 3 janvier 2014, en se référant à ses courriers des 27 février et
23 avril 2013, l’OCPM a imparti à M. A______ un ultime délai de quinze jours pour lui répondre. Ce courrier est demeuré sans suite.

10) Le 21 avril 2016, en réponse à une demande de renseignements de l’OCPM, le Ministère public a indiqué que M. A______ était sous le coup d’un mandat d’arrêt international et qu’il aurait, selon les renseignements de la police, quitté la Suisse en septembre 2013.

11) Le 18 mai 2016, M. A______ a été interpellé par la police à Cornavin.

Lors de son audition, il a nié avoir participé à la prise d’otage et au brigandage du 24 septembre 2013. Ayant vu dans les journaux à l’époque que des policiers l’avaient reconnu sur des images vidéo, il avait paniqué et pris la fuite à l’étranger, terrifié à l’idée d’aller en prison pour quelque chose qu’il n’avait pas fait. Le 25 septembre 2013, il s’était, au moyen d’un avion privé, rendu à Marrakech au Maroc, où il avait vécu une vie difficile. Il avait été hébergé par sa famille vivant dans ce pays et avait trouvé un travail de commerçant. Jusqu’à fin septembre ou début octobre 2015, il n’avait pas quitté le Maroc. Par la suite, il avait voulu « revenir en Europe pour voir et surtout [s’expliquer] avec la justice ». Il s’était rendu à quelques reprises en France pour son travail et était même venu quelques fois à Genève, essentiellement pour « voir de loin sa famille », sans que ses proches ne le voient, restant aussi entre cinq et dix minutes « devant la banque près de l’Hôtel de police » mais renonçant chaque fois à la dernière minute à parler à la police genevoise.

Il a en outre indiqué résider chez M. E______ et Mme D______ à la rue de F______ ______ à Ambilly, en France.

12) Par lettre du 20 mai 2016, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de prononcer la caducité de son autorisation de séjour avec effet rétroactif dès le 25 mars 2014, compte tenu du fait qu’il avait quitté la Suisse six mois auparavant, le 25 septembre 2013, et qu’il avait séjourné deux années sans interruption au Maroc. Il envisageait également de prononcer son renvoi, sans délai, dès sa sortie de prison.

Un délai de trente jours lui était accordé pour exercer son droit d’être entendu.

13) Le 20 juillet 2016, sous la plume de son conseil, M. A______ a indiqué qu’il ne contestait pas avoir quitté momentanément la Suisse, mais que les raisons de son départ n’étaient pas de nature à justifier la caducité de son autorisation de séjour. Ses seuls liens familiaux étaient en Suisse dans la mesure où il avait perdu ses parents à l’âge de trois ans et qu’il avait été élevé par sa tante,
Mme D______, qui résidait à Genève. Il a sollicité la suspension de cette procédure le temps que les autorités pénales se prononcent sur sa culpabilité dans la cause P/3______, dans le cadre de laquelle il s’était expliqué sur son absence.

14) Par décision du 10 août 2017, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé de suspendre la procédure, a prononcé la caducité de l’autorisation de séjour de M. A______, précisant que son départ de Suisse serait enregistré, de manière rétroactive, au 25 mars 2014, et a prononcé son renvoi de Suisse dès sa remise en liberté, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

L’examen de caducité de l’autorisation de séjour ne dépendant aucunement de l’issue de la procédure pénale P/3______ ouverte à son encontre et les éléments au dossier permettant de statuer sur ses conditions de séjour en Suisse, il n’était pas utile de suspendre la présente procédure.

L’intéressé avait quitté la Suisse à destination du Maroc le 25 septembre 2013 et n’y était revenu que le 17 mai 2016. Il avait donc quitté la Suisse plus de six mois sans déclarer son départ. Son autorisation de séjour avait ainsi pris fin six mois après son départ de Suisse, soit le 25 mars 2014.

L’OCPM a indiqué que dans l’hypothèse où l’intéressé solliciterait l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour, les éléments au dossier, y compris ses antécédents pénaux, seraient pris en compte dans l’examen de sa requête. Compte tenu de la nature et de la gravité de ses antécédents durant son court séjour en Suisse, sa présence dans ce pays représentait une menace importante et constante pour l’ordre et la sécurité publics suisses. Son comportement et ses antécédents permettaient de conclure que l’intérêt public à le tenir éloigné l’emportait sur son intérêt privé à demeurer en Suisse auprès des membres de sa famille, en particulier de sa tante.

Son dossier serait transmis au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) pour que celui-ci juge de l’opportunité de prononcer une interdiction d’entrée en Suisse à son encontre.

15) Par acte du 14 septembre 2017, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif, principalement, à l’annulation de la décision entreprise et, cela fait, à la constatation qu’il n’avait pas quitté la Suisse du 25 septembre 2013 au 17 mai 2016, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants, le tout « avec suite de frais et dépens ».

Il était arrivé en Suisse en février 2010 pour y rejoindre sa seule famille, soit son oncle et sa tante, M. E______ et Mme D______. Ayant grandi auprès de sa tante suite au décès de sa mère lorsqu’il avait trois ans, il les considérait comme ses propres parents. Il avait travaillé plusieurs années auprès de l’établissement de son oncle aux Pâquis, en qualité de serveur. Par attestation du 6 juillet 2017, sa tante s’était engagée à lui offrir un emploi à plein-temps dès sa sortie de prison, en tant qu’employé polyvalent au sein de son établissement « Restaurant B______ ». Il pourrait de plus être hébergé et pris en charge à leur domicile, selon attestation de M. E______ et Mme D______ du 13 septembre 2017. Il aurait par conséquent un cadre de vie stable pour pouvoir demeurer à Genève.

S’il était certes parti le 25 septembre 2013 à destination du Maroc, il ne s’agissait toutefois en aucun cas d’un départ définitif. La peur d’être interpellé par les autorités suisses suite à l’émission d’un mandat d’arrêt à son encontre était le principal motif de son départ précipité pour le Maroc. Il n’avait néanmoins jamais véritablement quitté la Suisse puisqu’il n’avait à aucun moment reconstruit une vie dans un autre pays. Son centre de vie était resté en Suisse, où vivaient son oncle et sa tante, et il était revenu à Genève depuis son départ, notamment pour se rapprocher de ceux-ci ; il y avait d’ailleurs été interpellé le 18 mai 2016.

16) Dans ses observations du 25 septembre 2017, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif et a conclu au rejet du recours.

Concernant le constat de la caducité de l’autorisation de séjour de
M. A______, celui-ci avait indiqué, lors de son audition par la police le 18 mai 2016, avoir séjourné deux années au Maroc sans quitter ce pays. Il n’avait également pas communiqué d’adresse en Suisse mais indiqué loger chez son oncle et sa tante à la rue de F______ ______ à Ambilly, en France. Lors de son retour en Europe, il était venu à deux ou trois reprises à Genève. Force était ainsi de constater qu’il avait quitté la Suisse de manière ininterrompue pendant plus de six mois consécutifs.

17) Par décision du 5 octobre 2017, le TAPI a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif au recours formé par l’intéressé. Cette décision n’a pas été contestée.

18) Par écrit du 24 novembre 2017, M. A______ a renoncé à répliquer.

19) Par jugement du 21 février 2018, le TAPI a rejeté le recours de M. A______ et mis à sa charge un émolument de CHF 500.-.

Il ressortait des premières déclarations de l’intéressé, auxquelles la préférence devait être accordée par rapport aux déclarations divergentes subséquentes, qu’il avait quitté le territoire suisse pour une durée supérieure à six mois, ce que corroborait le fait qu’il n’ait pas donné suite à la demande de renseignements du 3 janvier 2014 de l’OCPM. Ses allers-retours en Suisse, lesquels n’étaient pas prouvés, constituaient au mieux des séjours temporaires qui ne sauraient suspendre le délai prévu à l’art. 61 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20). Ils n’étaient au demeurant pas déterminants, étant intervenus après qu’il soit resté de manière ininterrompue pendant deux ans au Maroc.

Le fait qu’il se soit trouvé à Genève le 18 mai 2016 ne permettait pas de remettre en question ce constat. En tout état, les arguments de M. A______, qui se limitaient à indiquer ne pas avoir déplacé le centre de ses intérêts hors de Suisse dès lors que ses tante et oncle y demeuraient, ne convainquaient pas. Il avait, à ce sujet, reconnu ne pas avoir eu de contacts avec ces derniers de peur d’être arrêté en raison du mandat de recherche émis à son encontre. Enfin, on peinait à suivre l’intéressé qui prétendait qu’il n’avait pas souhaité refaire sa vie hors de Suisse alors qu’il avait précisément fui ce pays pour échapper aux recherches des autorités le concernant.

Ainsi, il devait être considéré comme établi que, sans le déclarer aux autorités compétentes, M. A______ avait quitté la Suisse pendant une période supérieure à six mois et qu’il n’avait à aucun moment déposé une demande de maintien d’autorisation d’établissement conformément à l’art. 61 al. 2 LEtr. Dans ces conditions, l’OCPM ne pouvait que constater que son autorisation de séjour avait pris fin le 25 mars 2014.

Pour le reste, aucun élément du dossier ne permettait de retenir que le renvoi de l’intéressé en France, une fois libéré, ne serait pas possible, licite ou raisonnablement exigible au sens de l’article 83 LEtr.

20) Par acte expédié le 26 mars 2018 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre ce jugement – qui lui avait été notifié le 23 février précédent –, reprenant pour l’essentiel ses arguments de première instance et concluant, « avec suite de frais et dépens », à la restitution de l’effet suspensif au recours, à l’annulation du jugement querellé et, cela fait, à la constatation qu’il n’avait pas quitté la Suisse du 25 septembre 2013 au 17 mai 2016, subsidiairement au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

21) Par pli du 4 avril 2018, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d’observations.

22) Par réponse du 12 avril 2018, l’OCPM a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif ainsi que du recours.

23) Les 23 avril et 8 mai 2018, l’OCPM a transmis à la chambre administrative une ordonnance du 7 mars 2018 du Tribunal des mesures de contrainte dans la cause P/3______, ordonnant la prolongation de la détention provisoire de
M. A______ jusqu’au 18 avril 2018, une assistance de probation en sa faveur, ainsi que sa mise en liberté dès que les mesures de substitution, notamment assignation à résidence à l’adresse de sa tante à Genève, pose d’une surveillance électronique sur sa personne, obligation de travailler régulièrement par exemple au restaurant B______, interdiction de quitter la Suisse, auraient pu être intégralement organisées, lesdites mesures étant ordonnées pour six mois, soit jusqu’au 7 septembre 2018, leur prolongation étant possible.

À teneur d’un courriel du 8 mai 2018 du service juridique de l’OCPM à une collaboratrice du même département, ledit office n’entendait pas revenir sur sa décision, mais s’engageait à adapter le délai de départ de M. A______ afin de lui permettre d’exécuter sa peine en Suisse, conformément à l’exigence imposée par le Tribunal des mesures de contrainte.

24) Par écriture du 22 mai 2018, M. A______ a indiqué ne pas avoir de réplique particulière à formuler, si ce n’était que, vu l’obligation de rester sur le territoire suisse durant l’instruction de la procédure pénale, la suspension devait de toute évidence être prononcée en l’état, subsidiairement l’effet suspensif restitué.

La procédure P/4______ – qui portait sur trois brigandages commis dans le canton de Genève – serait prochainement classée en tant qu’elle le visait et il resterait prévenu dans le seul cadre de la procédure P/3______.

25) Sur ce, la cause a été gardée à juger au fond.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3, 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 70 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), si un étranger est en détention préventive ou placé dans un établissement pénitentiaire, ou s’il doit exécuter des mesures de manière stationnaire ou ambulatoire au sens des art. 59 à 61, 63 ou 64 CP ou être interné dans une institution au sens de
l’art. 397a du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), sise dans le canton qui lui a octroyé l’autorisation ou dans un autre canton, l’autorisation qu’il a possédée jusqu’alors demeure valable jusqu’à sa libération (al. 1) ; les conditions de séjour doivent être une nouvelle fois fixées au plus tard au moment de sa libération, conditionnelle ou non, de l’exécution pénale, de l’exécution des mesures ou du placement ; si un transfèrement de la personne dans son État d’origine pour y purger une peine pénale est envisagé, une décision doit immédiatement être prise au sujet de ses conditions de séjour (al. 2).

Le Tribunal fédéral a déjà jugé qu’il n’y a pas à attendre la fin d’une thérapie psychothérapeutique effectuée durant l’exécution de la peine pour statuer sur le renvoi de l’étranger (ATF 137 II 233 consid. 5 ; ATA/1412/2017 du
17 octobre 2017 consid. 6b et les références citées). Il n’est en effet pas contraire au droit interne ni au droit conventionnel de statuer sur l’expulsion le plus tôt possible, respectivement avant que la peine ou la mesure ait fini d’être exécutée (ATF 137 II 233 consid. 5).

Le Tribunal administratif fédéral a jugé que l’art. 70 OASA ne paraît pas exclure que le renvoi d’un ressortissant étranger puisse, une fois la libération de ce dernier (conditionnelle ou non) prononcée, être exécuté en dépit des mesures pénales dont il ferait encore l’objet en Suisse, en particulier sur un plan thérapeutique ; ces mesures ne confèrent en tout état de cause aucun droit de séjour (ATAF C-1229/2009 du 30 juin 2011 consid. 5.3.3.1 ; ATA/63/2018 du
23 janvier 2018 consid. 15 ; ATA/1626/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4a).

L’art. 70 OASA ne trouve application que si l’autorisation de séjour expire alors que l’étranger se trouve en détention (arrêt du Tribunal fédéral 2C_708/2013 du 7 février 2014 consid. 2.2 ; ATA/1412/2017 précité consid. 6c).

3) Il découle de l’ensemble de ces règles et principes que rien, pas même l’interdiction – temporaire – qui est faite au recourant de quitter la Suisse, ne s’oppose, en l’occurrence, à ce que son renvoi et, a fortiori, la caducité de son autorisation de séjour soient prononcés avant la fixation de la suite de la procédure pénale et/ou l’éventuelle exécution de peine à la suite d’une condamnation, ce d’autant moins que la décision de l’intimé du 10 août 2017 a prononcé son renvoi dès sa remise en liberté.

De surcroît, la résolution de la question présentement litigieuse ne dépend aucunement de la procédure pénale P/3______, qui porte du reste pour l’essentiel sur des faits antérieurs.

Partant, la requête de suspension formulée par l’intéressé sera rejetée.

4) a. En vertu de son art. 2 al. 2, la LEtr n’est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne (ci-après : CE), aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) n’en dispose pas autrement ou lorsque la LEtr prévoit des dispositions plus favorables.

Aux termes de l’art. 61 al. 2 LEtr, si un étranger quitte la Suisse sans déclarer son départ, l’autorisation de courte durée prend automatiquement fin après trois mois, l’autorisation de séjour ou d’établissement après six mois ; sur demande, l’autorisation d’établissement peut être maintenue pendant quatre ans.

L’art. 6 al. 5 annexe I ALCP, selon lequel les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs ainsi que les absences motivées par l’accomplissement d’obligations militaires n’affectent pas la validité du titre de séjour, prévoit, pour des causes telles que la présente cause – à savoir un ressortissant d’un État membre de la CE au bénéfice d’une autorisation de séjour UE/AELE et absent de Suisse durant plus de six mois au sens de l’art. 61
al. 2 LEtr –, une réglementation semblable à celle de la LEtr, raison pour laquelle c’est cette dernière qui trouve application (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1110/2013 du 17 avril 2014 consid. 3.2).

b. L’art. 61 al. 2 LEtr reprend pour l’essentiel l’art. 9 al. 3 let. c de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers
(LSEE) abrogée par l’entrée en vigueur de la LEtr (Message du
8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3562 ch. 2.9.2). Par conséquent, la jurisprudence établie à propos de l’art. 9 al. 3 let. c LSEE reste applicable sous l’empire de l’art. 61 al. 2 LEtr. D’après cette jurisprudence, l’autorisation d’établissement et, a fortiori, l’autorisation de séjour prennent fin lorsque l’étranger séjourne hors de Suisse de manière ininterrompue pendant six mois consécutifs, quels que soient les causes de cet éloignement et les motifs de l’intéressé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_2/2018 du 15 mai 2018 consid. 1.1 ; 2C_19/2012 du 26 septembre 2012 consid. 4 ; ATF 120 Ib 369 consid. 2c et d ; 112 Ib 1 consid. 2a).

Selon des principes développés dans d’autres domaines du droit et appliqués par analogie, pour savoir si une personne réside à un endroit avec l’intention de s’y établir – le domicile au sens de l’art. 23 al. 1 1ère phr. CC –, ce n’est pas la volonté interne de cette personne qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire une semblable intention (ATF 137 II 122 consid. 3.6 = JdT 2011 IV 372 ; 133 V 309 consid. 3.1 ;
119 II 64 consid. 2b/bb ; ATA/904/2014 du 18 novembre 2014 consid. 2b ; ATA/535/2010 du 4 août 2010 consid. 6). Cette intention implique la volonté manifestée de faire d’un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles (ATF 141 V 530 consid. 5.2).

Le délai de six mois n’est pas interrompu lorsque l’étranger revient en Suisse avant l’échéance de ce délai non pas durablement, mais uniquement pour des séjours d’affaires ou de visite (ATF 120 Ib 369 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 4.1 ; 9C_747/2015 du 12 mai 2016 consid. 7.1). Cette règle a d’ailleurs été reprise à l’art. 79 OASA, qui dispose que les délais prévus à l’art. 61 al. 2 LEtr ne sont pas interrompus en cas de séjour temporaire en Suisse à des fins de visite, de tourisme ou d’affaires (al. 1) et qui précise que la demande de maintien de l’autorisation d’établissement doit être déposée avant l’échéance du délai de six mois (al. 2). Il se peut, en effet, que l’étranger passe l’essentiel de son temps hors de Suisse, voire y transfère son domicile ou le centre de ses intérêts, sans jamais y rester plus de six mois consécutivement, revenant régulièrement en Suisse pour une période relativement brève. On voit mal, dans ce cas, qu’une autorisation d’établissement puisse subsister, même si l’étranger garde un appartement en Suisse (ATF 120 Ib 369 consid. 2c ; ATA/904/2014 précité consid. 2b). Lorsque l’étranger passe plusieurs années dans son pays d’origine, tout en interrompant régulièrement le délai de six mois de l’art. 61 al. 2 LEtr par un séjour en Suisse, l’extinction de l’autorisation d’établissement doit dépendre de son centre d’intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 2C_408/2010 du 15 décembre 2010 consid. 4.2 ; ATA/904 précité consid. 2b). La jurisprudence admet notamment, dans certaines limites, qu’un enfant qui retourne dans sa patrie pour y acquérir une formation puisse rester au bénéfice d’une autorisation d’établissement, s’il revient en Suisse dans le délai de six mois pour passer toutes les vacances scolaires auprès de ses parents (arrêt du Tribunal fédéral 2A.377/1998 du 1er mars 1999 consid. 3 ; ATA/904/2014 précité
consid. 2b). Cependant une telle situation ne doit pas durer trop longtemps ; sinon il y a lieu de considérer que le centre d’intérêts de l’enfant se trouve dans son pays d’origine et que son autorisation d’établissement a pris fin (arrêts du Tribunal fédéral 2C_853/2010 consid. 5.1 ; 2A.311/1999 du 26 novembre 1999 consid. 2 ; ATA/904/2014 précité consid. 2b).

5) a. En l’espèce, il est incontesté et incontestable que le recourant a quitté la Suisse le 25 septembre 2013 pour le Maroc, pays dans lequel il est demeuré sans interruption jusqu’à fin septembre ou début octobre 2015, soit pendant environ deux ans. À teneur de ses déclarations faites à la police genevoise à la suite de son interpellation à Genève le 18 mai 2016, l’intéressé se serait ensuite rendu à quelques reprises en France et serait entré quelques fois dans le canton de Genève, sans prendre contact avec son oncle et sa tante mais en « les voyant de loin ».

Ainsi, d’un point de vue objectif, il a séjourné hors de Suisse de manière ininterrompue pendant bien plus que six mois consécutifs.

b. Au plan subjectif, l’intéressé n’a, dans son recours devant la chambre de céans, pas remis en cause ses déclarations faites à la police genevoise à la suite de son interpellation – notamment celles selon lesquelles il avait été hébergé par sa famille au Maroc et y avait travaillé comme commerçant – lesquelles sont compatibles avec ses allégations formulées dans le cadre de la procédure de droit des étrangers, contrairement à ce que semble avoir retenu le jugement attaqué. On peut en effet déduire de l’ensemble de ses déclarations et allégations que, nonobstant sa vie passée au Maroc dans les conditions sus-décrites, ce qui comptait le plus pour lui était son oncle et sa tante résidant dans le canton de Genève, un retour dans ce canton auprès d’eux constituant pour lui son souhait profond à moyen ou long terme.

Cela étant, même si la volonté interne du recourant était de retrouver sa famille dans le canton de Genève, les circonstances sus-rappelées, telles que reconnaissables pour des tiers, ne montrent pas une telle intention, mais bien plutôt que le centre de ses relations personnelles et professionnelles pendant plus de deux ans, entre le 25 septembre 2013 et le 17 mai 2016, était au Maroc.

Or, selon la conception du domicile en droit privé applicable ici à tout le moins par analogie, son intention était de se fixer pour une certaine durée – de nombreux mois – au lieu de sa résidence – au Maroc –, ce qui était reconnaissable pour les tiers et donc ressortait de circonstances extérieures et objectives
(ATF 141 V 530 consid. 5.2). Le fait que, selon ses allégations, il aurait eu l’intention, à plus long terme, de séjourner à nouveau dans le canton de Genève n’est donc aucunement déterminant. Peu importe au surplus les causes et les motifs de cet éloignement – en l’occurrence en partie à tout le moins la peur d’être arrêté et incarcéré par les autorités suisses –, conformément à la jurisprudence citée plus haut.

c. Vu ce qui précède, l’OCPM ne pouvait que constater la caducité de l’autorisation de séjour de l’intéressé.

6) En l’absence d’autorisation de séjour, le renvoi de Suisse du recourant doit être prononcé, en application de l’art. 64 al. 1 LEtr.

Aucun élément de fait ne permet de penser que l’exécution de son renvoi ne serait pas licite, pas possible ou pas exigible au sens de l’art. 83 LEtr.

7) En définitive, la décision de l’intimé du 10 août 2017 et le jugement du TAPI qui la confirme sont en tous points conformes au droit, de sorte que le recours sera rejeté.

Le présent arrêt rend sans objet la requête de restitution de l’effet suspensif formulée par l’intéressé.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.-, et non de CHF 550.- comme requis dans l’avance de frais du fait qu’il n’a pas été statué sur effet suspensif, sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 mars 2018 par M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 février 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de M. A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yaël Hayat, avocate du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.