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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/320/2024

JTAPI/88/2024 du 02.02.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75.al1.letc; LEI.76.al1.letb.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/320/2024 MC

JTAPI/88/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1980, est originaire du Sénégal.

2.             Le 27 janvier 2021, il a été interpellé par la police genevoise en flagrant délit de vente d’une boulette d'un gramme de cocaïne. Lors de son audition, il a nié se livrer au trafic de cocaïne et a indiqué être arrivé en Suisse la veille.

3.             Prévenu d’infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), à l’art. 19 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup ; RS 812.121) et à l’art. 286 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

4.             Par ordonnance pénale du 28 janvier 2021, le Ministère public l’a condamné pour les faits ayant mené à son arrestation. M. A______ s'est opposé à cette ordonnance pénale. Statuant sur ladite opposition, le Tribunal de police l'a condamné notamment pour délit contre la LStup par jugement du 7 octobre 2021.

5.             Le 28 janvier 2021, le commissaire de police a fait interdiction à M. A______ de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois.

6.             M. A______ a violé cette mesure à réitérées reprises et a été condamné en conséquence tant par le Tribunal de police que par le Ministère public.

7.             Par décision du 26 mai 2021, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: l'OCPM) a prononcé son renvoi immédiat de Suisse, lui octroyant un délai de départ au 27 mai 2021.

8.             Par décision du 4 février 2022, notifiée le 11 février 2022, le secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: le SEM) lui a fait interdiction d'entrer en Suisse jusqu'au 3 janvier 2025.

9.             Le 24 novembre 2022, M. A______ a été interpellé par la police genevoise dans le quartier B______, après avoir été observé, en compagnie d'un tiers, prendre contact avec deux personnes, lesquelles ont reconnu qu'elles venaient de leur acheter trois "cailloux" de crack. Prévenu d’infractions à la LEI et à l’art. 19 LStup (trafic), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

10.         Le jour même, après avoir été condamné par ordonnance pénale du Ministère public, il a fait l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prise à son encontre par le commissaire de police pour une durée de vingt-quatre mois.

11.         Le 29 janvier 2024, l'intéressé, en possession d'un passeport sénégalais ainsi que d'un titre de séjour portugais, a été interpellé par les services de police genevois, dans le cadre d'une opération de lutte contre le trafic de stupéfiants. Il ressort du rapport d'arrestation que la police a observé l'intéressé en train d'effectuer un échange de main à la main avec un autre individu, lequel a mis en cause M. A______ pour lui avoir vendu un caillou de crack d'un poids de 0.9 gr brut. M. A______ a refusé de s'exprimer devant la police.

12.         Prévenu d’infractions à la LEI et à l’art. 19 LStup (trafic), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

13.         Par décision du 30 janvier 2024, l'OCPM a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, sur la base de l'art. 64 LEI.

14.         Le 30 janvier 2024 également, par ordonnance pénale du Ministère public, l'intéressé a été condamné pour les faits ayant mené à son arrestation, puis il a été remis en mains des services de police.

15.         Ces derniers ont entrepris les démarches nécessaires au renvoi de Suisse de M. A______ en procédant à la réservation d'un vol à destination du Portugal qui aura lieu le 2 février 2024 au départ de Genève.

16.         Le 30 janvier 2024, à 16h25, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines sur la base des art. 75 al. 1 let. b, c et g et 76 al. 1 let. b ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr).

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Portugal et voulait retourner à Annemasse. Il était cependant d’accord que le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) renonce à la procédure orale, après que le commissaire de police eût attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 16h10.

17.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour, par courriel, à 16h37.

18.         Par courriel du 30 janvier 2024, le commissaire de police a transmis la confirmation d'une place sur un vol à destination du Portugal qui aura lieu le 2 février 2024 à 12h45 au départ de Genève.

19.         Par courriel du 31 janvier 2024, le commissaire de police a transmis au tribunal une déclaration de départ signée par M. A______ déclarant vouloir rentrer le plus rapidement possible à destination du Portugal.

20.         A réception de cette déclaration, le tribunal a invité le conseil de M. A______, désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 1er février 2024 à 18h00.

21.         Par courrier adressé par télécopie au tribunal dans le délai imparti, le conseil de M. A______ a indiqué qu'il n'avait aucune observation à formuler étant donné que son client avait signé la déclaration de départ.

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.            Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 30 janvier 2024 à 16h10, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées)

Toutefois, selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.

3.             En l’espèce, tout porte à croire que le renvoi pourra avoir lieu dans le délai de huit jours précité, puisqu'une place sur un vol à destination du Portugal a d'ores et déjà été réservée pour le 2 février 2024 au départ de Genève.

Par ailleurs, M. A______ a donné par écrit son consentement à ce que le tribunal statue sur son sort sans l’entendre oralement et a confirmé, aussi bien par une déclaration signée de sa main que par l'intermédiaire de son Conseil, qu'il était d'accord de retourner au Portugal.

Le tribunal se prononce donc sur la base du dossier du commissaire de police et après avoir donné la possibilité à M. A______, sous la plume de son conseil, de déposer des observations écrites

4.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

5.            A teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, lorsqu'une décision de renvoi de première instance a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée lorsqu'elle franchit la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyée immédiatement (let. c).

Comme cela ressort du texte même de l'art. 76 al. 1 LEI et de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la détention administrative n'implique pas que la décision de renvoi soit définitive et exécutoire (cf. not. ATF 130 II 377 consid. 1 ; 129 II 1 consid. 2 ; 122 II 148 consid. 1 ; 121 II 59 consid. 2a).

6.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prononcée le 30 janvier 2024. Par ailleurs, faisant l'objet d'une interdiction d'entrer en Suisse prononcée le 4 février 2022 et valable jusqu'au 3 janvier 2025, il a violé cette interdiction en revenant en Suisse durant l'année 2022, ce pour quoi il a été condamné par le Tribunal de police le 19 octobre 2022.

7.            Ainsi, sur le principe, les conditions légales de la détention administrative sont réalisées.

8.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

9.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

10.         En l'occurrence, M. A______ a démontré par son comportement qu'il n'entendait pas se soumettre aux ordres que lui donnaient les autorités administratives au sujet de son obligation de quitter la Suisse ou de l'interdiction d'y pénétrer. Par conséquent, toute mesure moins incisive que la détention s'avérerait inapte à assurer l'exécution de son renvoi.

L’assurance de son départ de Suisse répond par ailleurs à un intérêt public certain.

En outre, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a immédiatement procédé à la réservation d'une place sur un vol de ligne pour permettre le renvoi de M. A______ dans son pays d'origine, lequel pourra avoir lieu le 2 février 2024 déjà.

11.        Par conséquent, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée trois semaines, qui respecte en soi l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée.

12.        Cela étant, il sera souligné que si le renvoi n'a pas eu lieu dans le délai de huit jours suivant l'ordre de détention, M. A______ sera entendu par le tribunal au plus tard douze jours après l'ordre de détention (art. 80 al. 3 LEI). Dans cette perspective, il appartiendra au commissaire de police de faire savoir au tribunal, le 7 février 2024 au plus tard, si l'exécution du renvoi s'est concrétisée ou non.

13.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 30 janvier 2024 à 16h10 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 19 février 2024 inclus ;

2.             invite le commissaire de police à faire savoir au tribunal le 7 février 2024 au plus tard si l’exécution du renvoi a eu lieu ou non ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière