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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/445/2023

JTAPI/572/2023 du 22.05.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);CONDAMNATION;CAS DE RIGUEUR;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LEI.30.al1b; LEI.33; LEI.96; LEI.62.al1.leta; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/445/2023

JTAPI/572/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 mai 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Magali BUSER, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1971, est ressortissant du Kosovo.

2.             M. A______ a été mis au bénéficie d’une autorisation de séjour dans le cadre de l'opération « Papyrus » valable du 1er février 2019 au 31 janvier 2021.

3.             Le 11 novembre 2020, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a réceptionné une demande de renouvellement de l'autorisation de séjour de M. A______.

4.             Le 21 octobre 2021, l'OCPM a dénoncé M. A______ au Ministère public du canton de Genève pour soupçons sur l'authenticité de certains documents transmis à l'appui de sa demande d'autorisation de séjour, soit notamment :

- « un certificat de travail établi par l’entreprise B______

- l’entreprise précitée apparait dans de nombreux dossiers Papyrus

- autres : demande au format-type de 4 pages retrouvée dans de nombreux dossiers établis par M. F_____. De plus, l’attestation et le certificat de salaire établis par l’entreprise précitées n’ont pas de date. Ces documents sont produits pour couvrir les années 2011 à 2013. Enfin les cotisations pour les années considérées n’apparaissent pas dans le relevé AVS. A noter que l’entreprise précitée apparait dans la liste communiquée par la BTPI » ;

5.             Entendu par la police le 31 août 2022, M. A______ a en substance déclaré être arrivé sur le territoire Suisse au début de l’été 2005. Il avait fait l’objet d’une interdiction d’entrée en 2011 et était alors retourné dans son pays. Il y était resté quelques mois et ensuite il était revenu de manière illégale pour travailler. Il ne se souvenait plus des entreprises pour lesquelles il avait travaillé car il changeait tout le temps jusqu’en 2014. Toute sa famille vivait au Kosovo.

6.             Par ordonnance pénale du Ministère public du 1er septembre 2022, M. A______ a été déclaré coupable de faux dans les certificats (art 252 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0) ainsi que d’infractions aux art. 115 et 118 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; notamment comportement frauduleux à l'égard des autorités). Il a été condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende et mis au bénéfice d'un sursis avec un délai d'épreuve fixé à trois ans.

Il lui était notamment reproché d'avoir, à Genève, le 22 juin 2018, produit à l'appui d'une demande d'autorisation de séjour déposée auprès de l’OCPM, dans le cadre de l'opération « Papyrus », différents documents falsifiés ou contrefaits et indiqué faussement, pièces à l'appui, qu'il avait séjourné et travaillé durant dix ans de manière ininterrompue à Genève. Il avait de la sorte induit en erreur l’OCPM en lui donnant de fausses indications sur ses années passées en Suisse et sur ses employeurs, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour qui aurait amélioré son statut administratif au regard du droit des étrangers, étant précisé qu’une autorisation de séjour B lui avait été délivrée en 2020, puis avait été renouvelée en 2021. Les faits reprochés étaient établis, nonobstant les explications du prévenu lesquelles n’emportaient pas conviction.

7.             M. A______ n’a pas formé opposition à l’encontre de cette ordonnance qui est entrée en force.

8.             Par courrier A+ daté du 27 octobre 2022, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser sa demande de renouvellement et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de trente jours lui était accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

9.             Aucune suite n’a été donnée à ce courrier.

10.         Par décision du 5 janvier 2023, l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

Il remplissait les conditions objectives d’une révocation de son autorisation de séjour, en application de l'art. 62 al. 1 let. a LEI, dans la mesure où il l’avait obtenue sur présentation de faux documents, faisant ainsi de fausses déclarations ou dissimulant des faits essentiels durant la procédure d'autorisation. Il avait été condamné pour ce motif par ordonnance pénale du 1er septembre 2022.

Par ailleurs, il ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'il ne puisse quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables. En effet, il n'avait pas créé avec ce pays des attaches à ce point profondes et durables pour qu'il ne puisse plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d'origine où résidait l'ensemble de sa famille. Il était d’ailleurs régulièrement retourné la voir au Kosovo, comme le démontraient les 8 visas de retour requis et obtenus. Enfin, le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution de son renvoi se révélerait impossible, illicite ou inexigible.

11.         Par acte du 6 février 2023, M. A______, sous la plume d’un mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation, à ce qu’il soit mis au bénéficie d'une autorisation de séjour en vertu des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), soit, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision, le tout sous suite de frais et dépens. Préalablement, il a conclu à ce qu’il soit autorisé à rester en Suisse durant la présente procédure et requis son audition.

Depuis son arrivée en Suisse, en 2005, il n’avait jamais cessé de travailler en qualité de peintre en bâtiment. Il était depuis plusieurs années employé par la société C______, qui tenait à poursuivre leur collaboration professionnelle. Il n’avait jamais émargé à l'Hospice général, était indépendant financièrement, n’avait pas accumulé de dettes et disposait du niveau requis en français. Sa bonne intégration ne saurait dès lors être remise en cause du seul fait qu'il avait sollicité plusieurs visas pour rendre visite à sa famille. S’agissant de la durée de son séjour, il avait été en mesure de démontrer sa présence sur le territoire helvétique dès 2006, excepté durant quelques mois au cours de l'année 2011, ce qu'il avait reconnu. Son retour à Genève avait eu lieu en 2012, soit il y avait plus de 10 ans. Il n’était ensuite retourné au Kosovo, qu'à partir de 2018, pour y passer ses vacances estivales et les fêtes de fin d'année.

Concernant sa condamnation pénale, bien qu’il avait contresigné les documents incriminés, il n’en était pas le rédacteur, compte tenu de sa maîtrise du français, et n'en avait pas eu l'initiative, puisque des pièces similaires avaient été produites dans le cadre d’autres demandes « Papyrus ». Ces circonstances, sans le disculper, nuançaient néanmoins ses intentions à l'égard de l'OCPM. En réalité, il avait simplement eu la volonté de démontrer la réalité des faits tels qu'ils s'étaient déroulés, soit d'attester de sa présence et de son travail en Suisse entre 2012 et 2013. Il avait été manipulé par un compatriote dans le dessein de se procurer un enrichissement illégitime. Partant, son comportement ne constituait en aucun cas une menace pour l'ordre juridique suisse, ce d'autant plus que l'octroi d'une autorisation de séjour pallierait à tout risque de récidive. L'OCPM avait en outre manqué de diligence en ne relevant pas instantanément les erreurs grossières que comportaient les documents falsifiés, de sorte qu’il violait le principe de la bonne foi en se prévalant maintenant de leur caractère litigieux, soit après avoir accordé et prolongé une première fois son autorisation de séjour.

Il réunissait dès lors toutes les conditions exigées dans le cadre de l'opération « Papyrus ».

Il a joint un chargé de pièces, dont des documents visant à attester de son séjour en Suisse dès juillet 2006 et de sa bonne intégration.

12.         Le 10 février 2023, M. A______ a encore transmis au tribunal des extraits de son casier judiciaire, de l’office des poursuites, de l’Hospice général et de son compte individuel AVS actualisé.

13.         Dans ses observations du 29 mars 2023, l’OCPM a proposé le rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Le motif de révocation prévu à l'art 62 al. 1 let. a LEI était manifestement réalisé, vu la condamnation du recourant du 1er septembre 2022.

Sa décision était également justifiée sous l'angle de la proportionnalité, la durée du séjour de l’intéressé devant notamment être fortement relativisée, dans la mesure où celui-ci s’était déroulé dans la clandestinité, puis au bénéfice d'une autorisation obtenue frauduleusement. Il ne ressortait enfin pas du dossier qu’il serait confronté à des difficultés insurmontables en cas de retour au Kosovo, pays où vivait toute sa famille et où il était retourné régulièrement au cours de ces dernières années.

14.         M. A______, sous la plume de son conseil, a répliqué le 18 avril 2023, reprenant, en les développant, ses précédents arguments.

En substance, l’OCPM n’avait pas pris en compte le contexte dans lequel les faits ayant conduit à sa condamnation s’étaient déroulés. Il n’avait jamais nié sa part de responsabilité, renonçant à former opposition contre l’ordonnance pénale, mais sa faute devait être relativisée au vu de sa bonne foi, ayant accordé, à tort, sa confiance à un compatriote. Le refus de renouveler son autorisation de séjour était disproportionné au vu du manque de diligence imputable à l’OCPM, de la durée de son séjour en Suisse, de sa bonne intégration, en l’absence de risque de récidive et dès lors qu’il avait adopté un comportement irréprochable depuis sa condamnation.

15.         Invité à dupliqué, l’OCPM a informé le tribunal, par pli du 9 mai 2023, n’avoir pas d’observations complémentaires à formuler.

16.         Il ressort du dossier que depuis 2018, M. A______ a régulièrement requis et obtenu des visas pour se rendre au Kosovo, pour vacances et raisons familiales.

17.         Le contenu des pièces du dossier sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b).

5.             Le recourant sollicite son audition.

6.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l’instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1).

Toutefois, ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

7.             En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer par écrit à plusieurs reprises durant la présente procédure, d’exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu’il estimait utiles à l’appui de ses allégués. L’autorité intimée a également répondu à son recours, se prononçant sur les griefs qu’elle estimait pertinents pour l’issue du litige et l’intéressé s'est vu octroyer la possibilité de répliquer, ce qu'il a fait. Le dossier comporte en outre tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige. De ce fait, il apparait peu vraisemblable que l’audition demandée apporterait des éléments nouveaux et pourrait amener le tribunal de céans à modifier son opinion. Par conséquent, la demande d'instruction tendant à la comparution personnelle du recourant, en soi non obligatoire, sera rejetée.

8.             Le recourant s’oppose à la révocation de son autorisation de séjour, et donc a fortiori à son non-renouvellement, exposant réunir toutes les conditions exigées dans le cadre de l'opération « Papyrus », respectivement des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Il soutient également qu’une révocation serait disproportionnée.

9.             La présente cause est régie par la LEI et ses dispositions d’exécution, en particulier l’OASA, puisque le statut juridique du recourant n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI).

10.         L'opération « Papyrus » a consisté en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, élaboré par le département de la sécurité et de l'économie, devenu département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (DSES), « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 : https://demain.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017). Le DSES a ainsi précisé - en tenant compte de la marge d'appréciation possible (cf. brochure officielle publiée en février 2017 : https://demain.ge.ch/document/brochure-papyrus). L’opération a pris fin le 31  décembre 2018 (« Point de situation intermédiaire relatif à la clôture du projet Papyrus » publié par le Conseil d'État en date du 4 mars 2019, cf.  https://www.ge.ch/dossier/operation-papyrus).

Les critères objectifs et cumulatifs permettant aux personnes concernées de demander la légalisation de leur séjour selon ce programme étaient les suivants : une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ; une absence de condamnation pénale ; une indépendance financière complète ; un séjour continu de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires.

S'agissant des justificatifs de séjour à Genève, un document par année de séjour était exigé pour les preuves de catégories A (à savoir, extraits AVS, attestations de l'administration fiscale, de scolarité ou de suivi d'un cours de langue à Genève, fiches de salaire, contrats de travail ou de bail, polices d'assurance, abonnements TPG nominatifs, extraits de compte bancaires ou postaux, factures nominatives de médecin, de téléphone ou des SIG). Pour les preuves de catégories B (à savoir, abonnements de fitness, témoignages « engageants » notamment d'enseignants, d'anciens employeurs ou de médecins ou des documents attestant de différentes démarches) trois à cinq documents par année de séjour étaient exigés.

11.         La durée prise en considération doit correspondre à un séjour continu. Si une ou deux courtes interruptions annuelles, correspondant par exemple à la durée usuelle de quatre semaines de vacances, sont admissibles, la continuité du séjour en Suisse n'est par contre pas compatible avec des absences répétées ou des allers-retours avec le pays d'origine, notamment lorsqu'aucun emploi ne peut être trouvé en Suisse, ou encore avec des séjours répétés dans d'autres pays pour des motifs familiaux ou professionnels. Dans ces cas, en effet, même lorsque la personne vit la majeure partie du temps en Suisse, cela dénote un mode de vie fondé sur des déplacements selon les opportunités et, quand bien même elle parvient à établir un réseau social en Suisse, on ne peut considérer qu'elle y a vraiment installé son centre de vie et que son départ au bout de plusieurs années constituerait pour elle un véritable déracinement (JTAPI/984/2021 du 27 septembre 2021 consid. 18, confirmé par ATA/191/2022 du 22 février 2022).

12.         Le Conseil fédéral a précisé que, dans le cadre de ce projet pilote, le SEM avait procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agissait donc pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse, ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur simplement parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur, en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation de ses enfants (ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid.  7a  ; ATA/1234/2019 du 13 août 2019 consid. 6 ; ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

13.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

14.         L'art. 31 al. 1 OASA précise cette disposition et prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité, l'autorité devant, lors de leur appréciation, tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let.  g).

15.         Cela étant, aux termes de l'art. 33 al. 1 LEI, l'autorisation de séjour est octroyée pour un séjour de plus d'une année. Sa durée de validité est limitée, mais peut être prolongée s’il n’existe aucun motif de révocation au sens de l’art. 62 al. 1 LEI (art. 33 al. 3 LEI).

16.         Conformément à l’art. 62 al. 1 let. a LEI, l’autorité compétente peut révoquer et, a fortiori, refuser d’octroyer une autorisation de séjour, lorsque l’étranger ou son représentant légal a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d’autorisation (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_532/2020 du 7 octobre 2020 consid. 5 ; 2C_562/2019 du 10 janvier 2020 consid. 5.2 et 5.5).

17.         Sont essentiels et décisifs non seulement les faits sur lesquels l’autorité a expressément demandé des précisions, mais également ceux dont l’intéressé devait savoir qu’ils étaient déterminants pour l’octroi de l’autorisation (cf.  ATF  135 II 1 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_148/2015 du 21 août 2015 consid. 5.1).

18.         L’étranger est tenu de collaborer à la constatation des faits et, en particulier, de fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (cf. art. 90 let. a LEI). Lorsque l’autorité lui pose des questions, il doit y répondre conformément à la vérité. Les fausses déclarations qui portent sur des éléments déterminants pour l’octroi de l’autorisation de séjour conduisent à la révocation de celle-ci. Il ne doit toutefois pas être établi que l’autorisation aurait avec certitude été refusée si l’autorité avait obtenu une information correcte. Quant à la dissimulation de faits essentiels, il faut, au même titre que pour les fausses déclarations, que l’étranger ait la volonté de tromper l’autorité. Cela est notamment le cas lorsqu’il cherche à provoquer, respective-ment à maintenir une fausse apparence sur un fait essentiel (ATF 142 II 265 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_22/2019 du 26 mai 2020 consid. 4.1 ; 2C_562/2019 du 10 janvier 2020 consid. 5.2).

19.         Le silence ou l’information erronée doivent avoir été utilisés de manière intentionnelle dans le but d’obtenir une autorisation. Il en va d’autant plus ainsi que la tromperie n’a pas à être causale, en ce sens qu’il n’est pas nécessaire qu’elle ait joué un rôle décisif dans l’octroi de l’autorisation. En outre, il importe peu que l’autorité eût pu, en faisant preuve de la diligence nécessaire, découvrir par elle-même les faits dissimulés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_420/2018 du 17 mai 2018 consid. 6.1 et l’arrêt cité).

20.         L’art. 96 al. 1 LEI prévoit que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration.

21.         De jurisprudence constante, la question de la proportionnalité du non-renouvellement ou de la révocation d’une autorisation de séjour doit être tranchée au regard de toutes les circonstances du cas d’espèce. Dans ce cadre, il y a lieu de prendre en considération la gravité de l’éventuelle faute commise par l’étranger, son degré d’intégration, la durée de son séjour en Suisse et les conséquences d’un renvoi (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_20/2019 du 13 mai 2019 consid. 7.3).

22.         À teneur de l’art. 118 al. 1 LEI, quiconque induit en erreur les autorités chargées de l’application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait, obtient frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers ou évite le retrait d’une autorisation est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

23.         En l'espèce, par ordonnance pénale du 1er septembre 2022, le Ministère public a déclaré M. A______ coupable de faux dans les certificats (art 252 CP) ainsi que d’infractions aux art. 115 et 118 al. 1 LEI), pour avoir notamment, à Genève, le 22  juin 2018, produit à l'appui de sa demande d'autorisation de séjour « Papyrus » différents documents falsifiés ou contrefaits et indiqué faussement, pièces à l'appui, qu'il avait séjourné et travaillé durant dix ans de manière ininterrompue à Genève. Il avait de la sorte induit en erreur l’OCPM en lui donnant de fausses indications sur ses années passées en Suisse et sur ses employeurs, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour qui aurait amélioré son statut administratif au regard du droit des étrangers, étant précisé qu’une autorisation de séjour B lui avait été délivrée en 2020, puis avait été renouvelée en 2021. Les faits reprochés étaient établis, nonobstant les explications du prévenu lesquelles n’emportaient pas conviction.

Le motif de révocation de l'art. 62 al. 1 let. a LEI est ainsi incontestablement réalisé. A cet égard, contrairement à ce que soutient le recourant, il importe peu que l’autorité eût pu, en faisant preuve de la diligence nécessaire, découvrir par elle-même les faits dissimulés.

24.         Reste toutefois à déterminer si la décision litigieuse, fondée sur un motif de révocation, respecte le principe de la proportionnalité. Il faut à cet égard que la pesée des intérêts publics et privés effectuée dans le cas d'espèce fasse apparaître la mesure d'éloignement comme proportionnée aux circonstances. Il convient de tenir compte de l'ensemble des circonstances et de mettre en balance l'intérêt privé à l'obtention d'un titre de séjour et l'intérêt public à son refus (ATF 144 I 91 consid. 4.2 et les références).

25.         De jurisprudence constante, lors de l'examen de la proportionnalité d'une révocation, respectivement d'un refus d'octroi d'une autorisation de séjour, il y a notamment lieu de prendre en considération la gravité de l'éventuelle faute commise par l'étranger, la durée de sa présence en Suisse, le degré de son intégration et le préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir en raison de la mesure (ATF 139 II 121 consid. 6.5.1 p. 132; 135 II 377 consid. 4.3 p. 381).

26.         Lorsque la mesure est prononcée en raison de la commission d'une infraction, la peine infligée par le juge pénal est le premier critère à utiliser pour évaluer la gravité de la faute et pour procéder à la pesée des intérêts (ATF 139 I 16 consid.  2.2.1 ; 135 II 377 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_452/2019 du 30 septembre 2019 consid. 6.1 ; 2C_970/2017 du 7 mars 2018 consid. 4.1 ; 2C_557/2018 du 26 octobre 2018 consid. 4.3).

27.         Les autorités compétentes en matière de droit des étrangers demeurent libres de tirer leurs propres conclusions quant à la dangerosité d'une personne pour l'ordre et la sécurité publique (ATF 137 II 233 consid. 5.2.2 p. 237; arrêt 2C_727/2019 du 10 janvier 2020 consid. 5.4.3 et les références). En outre, un recourant ne saurait se prévaloir de son bon comportement en prison et depuis sa sortie de prison, car le contrôle étroit que les autorités pénales exercent sur un détenu au cours de la période d'exécution de sa peine ne permet pas de tirer des conclusions déterminantes de son attitude, du point de vue du droit des étrangers, afin d'évaluer sa dangerosité une fois en liberté. Il en va de même de la période de libération conditionnelle, puisqu'une récidive conduirait probablement à la révocation de ce régime (ATF 139 II 121 consid. 5.5.2 p. 128; arrêt 2C_727/2019 du 10 janvier 2020 consid. 5.4.3 et les références).

28.         Une mesure fondée sur l'ordre public est possible sans qu'un risque de récidive soit pratiquement certain. Par ailleurs, la renonciation à une mesure ne saurait dépendre d'un risque de récidive pratiquement nul. L'appréciation dépend finalement de la gravité des infractions envisageables : plus ces infractions sont graves, moins les exigences sont grandes dans l'appréciation du risque de récidive (ATF 136 II 5 consid. 4.2 ; 130 II 493 consid. 3.3 ; 130 II 176 consid. 4.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_669/2014 du 5 janvier 2015 consid. 2.1.2 ; 2C_516/2012 du 17 octobre 2012 consid. 2.3). En tout état, le risque de récidive ne joue pas en soi un rôle déterminant pour les mesures d'éloignement prises sur la base du droit interne, mais ne constitue qu'un facteur parmi d'autres dans la pesée des intérêts (cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 5.3 ; 2C_518/2018 du 20 novembre 2018 consid. 7.5.1 ; 2C_156/2018 du 5 septembre 2018 consid. 6.5).

29.         Au titre du respect de l'ordre juridique suisse, le Tribunal fédéral prend notamment en compte l'observation par l'étranger des décisions des autorités et des obligations de droit public ou des engagements privés, en particulier l'absence de poursuites ou de dette fiscale et le paiement ponctuel des pensions alimentaires (cf. arrêts du TF 2C_810/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.2, 2C_300/2013 du 21  juin 2013 consid. 4.2 et 2C_286/2013 du 21 mai 2013 consid. 2.3, et la jurisprudence citée).

30.         La durée de séjour en Suisse d'un étranger constitue un critère très important. Plus cette durée est longue, plus les conditions pour prononcer le renvoi doivent être appréciées restrictivement (cf. ATF 135 II 377 consid. 4.4 et 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_970/2017 du 7 mars 2018 consid. 4.1). Les années passées en Suisse notamment dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes dans la pesée des intérêts (ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_516/2012 du 17 octobre 2012 consid.  2.3).

31.         En l'espèce, dans la mesure où le recourant réalise le motif de révocation de l'art. 62 al. 1 let. a LEI, il existe incontestablement un intérêt public à son éloignement. Pour le surplus, la révocation de son autorisation n’étant pas fondée sur les lettres b et c de l’art. 62 al. 1 LEI, il n’y a pas lieu de se poser la question de la gravité de l’infraction, respectivement du risque de récidive. Seuls entrent en ligne de compte la durée de sa présence en Suisse, le degré de son intégration et le préjudice qu’il aurait à subir en raison de la mesure.

Or, à cet égard, la durée du séjour en Suisse de l’intéressé doit être fortement relativisée dans la mesure où, d’une part, les documents fournis aux fins d’attester sa présence en 2011, 2012 et 2013 sont des faux, et, d’autre part, celui-ci s’est déroulé dans la clandestinité, puis au bénéfice d'une autorisation obtenue frauduleusement. Son intégration socio-professionnelle n’a rien d’exceptionnel et il ne saurait en particulier être retenu de la seule attestation de l’Académie de Karaté du 31 décembre 2010 - indiquant qu’il a été leur client en 2010 - qu’il se serait investi d'une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise. Il ne ressort enfin pas du dossier que le recourant serait confronté à des difficultés insurmontables en cas de retour au Kosovo, pays où il a vécu jusqu’à ses 34 ans, soit les années primordiales pour l'intégration socio-culturelle, où vit toute sa famille et où il est retourné régulièrement au cours de ces dernières années.

Partant, sous l'angle de ces différents éléments, le tribunal estime que l’OCPM a correctement exercé son pouvoir d’appréciation dans le respect du principe de proportionnalité, en considérant que l’intérêt public devait primer sur l’intérêt privé du recourant. C'est ainsi à bon droit qu’il a refusé de renouveler son autorisation de séjour.

32.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elles ne disposent à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10  décembre 2019 consid. 6 ; ATA/1694/2019 du 19 novembre 2019 consid. 6).

33.         En l'espèce, le recourant étant dépourvu d'une quelconque autorisation de séjour lui permettant de demeurer en Suisse, son renvoi a été prononcé à juste titre. Pour le surplus, il n'apparaît pas que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, qu'elle serait illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée au sens de l'art. 83 LEI.

34.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

35.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

36.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 février 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 5 janvier 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière