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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3585/2022

JTAPI/378/2023 du 03.04.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3585/2022

JTAPI/378/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 avril 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Antoine BOESCH, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1970, est ressortissant du Kosovo.

2.             Par décision du 28 septembre 2022, faisant suite à une demande d'autorisation de séjour déposée par M. A______ le 22 juin 2018 dans le cadre de l'opération Papyrus, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et a prononcé son renvoi de Suisse.

Selon cette décision, il avait été interpellé par les services de police le 29 novembre 2008, suite à quoi une interdiction d'entrée en Suisse avait été prononcée à son encontre pour la période du 7 avril 2009 au 6 avril 2012. Le 1er mai 2014, le Ministère public du canton de Genève l'avait condamné pour entrée illégale, séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation. Le 15 juillet 2015, il avait été interpellé par le Corps des garde-frontières de Bardonnex. Lors de son audition, il avait déclaré avoir déposé une demande d'asile en France et être domicilié à Annecy. À cette occasion, il avait fourni une attestation de domicile de la Croix-Rouge française mentionnant sa domiciliation en France depuis le 8 janvier 2015. Lors de son contrôle, il avait également été constaté qu'il faisait l'objet de deux interdictions d'entrée sur le territoire Schengen. L'une émanait des autorités grecques et était valable du 5 avril 2008 au 24 février 2017, tandis que la seconde émanait des autorités hongroises et déployait ses effets du 20 septembre 2013 au 4 septembre 2015. Le 6 novembre 2015, le Ministère public du canton de Genève l'avait condamné pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers. Dans le cadre de sa demande d'autorisation de séjour du 22 juin 2018, il avait produit notamment un extrait de son casier judiciaire suisse indiquant des condamnations pour infractions à la loi fédérale sur les étrangers, des attestations de l'Hospice général et de l'office des poursuites, un formulaire M complété par la société B______, les témoignages d'amis confirmant sa bonne intégration, un extrait de son compte individuel AVS mentionnant des cotisations 2006, 2010, 2011, 2012 et 2015, des achats d'abonnement des Transports publics genevois (TPG) pour quelques mois en 2011, 2013 et 2014 et enfin une attestations de connaissance de la langue française mentionnant son niveau A2. En 2018 et 2019, suite à ses demandes, quatre visas de retour lui avaient été octroyés afin de se rendre au Kosovo pour des raisons familiales. Le 18 septembre 2019, l'OCPM avait soumis son dossier au SEM avec un préavis favorable, avant que cette autorité retourne de le dossier pour un nouvel examen le 2 novembre 2020. En juin 2021, un nouveau visa de retour lui avait été octroyé pour qu'il puisse se rendre au Kosovo. Entendu par la police le 15 février 2022, notamment pour comportement frauduleux à l'égard des autorités et faux dans les titres, il était ressorti de son audition qu'il avait déposé une demande d'asile en France, qu'il avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et que son renvoi au Kosovo avait été effectué par les autorités de ce pays le 15 septembre 2016. Le 15 février 2022, le Ministère public de Genève l'avait déclaré coupable, notamment, de faux dans les titres, ainsi que de tentative d'infraction relative à un comportement frauduleux à l'égard des autorités. Constitué par courrier du 2 juin 2022, son conseil avait informé l'OCPM, notamment, du dépôt d'une demande de révision, le 25 mai 2022, de l'ordonnance pénale du 15 février 2022. Enfin, par courrier de son mandataire du 29 août 2022, dans le cadre de son droit d'être entendu, il avait allégué qu'en 2015, ses enfants avaient obtenu l'asile en France et qu'il avait formellement déplacé son domicile auprès de ces derniers, mais que ce déplacement était en réalité fictif et que par conséquent, il avait vécu en Suisse de manière ininterrompue de 2005 à septembre 2016, date à laquelle il avait été renvoyé au Kosovo par les autorités françaises. Il avait ajouté qu'il était revenu en Suisse le 1er juillet 2017, qu'il vivait depuis lors sans interruption, que ses enfants résidaient en France voisine et enfin qu'il n'avait plus de famille au Kosovo, hormis une tante, de sorte que ses possibilités de réintégration sur le marché du travail dans son pays d'origine étaient inexistantes.

Sur le plan juridique, il avait été renvoyé en septembre 2016 au Kosovo par les autorités françaises et y était resté jusqu'au 1er juillet 2017, date de son retour en Suisse. Par conséquent, son séjour dans ce dernier pays avait pris fin lors de son renvoi au Kosovo en septembre 2016. Dans ces circonstances, sa situation ne répondait pas aux critères de l'opération Papyrus. Il ne vivait en effet en Suisse de manière ininterrompue que depuis le 1er juillet 2017, soit depuis tout juste cinq ans. En outre, il résultait de l'attestation de domicile de la Croix-Rouge française qu'il avait vécu à Annecy de 2015 à 2016.

Sous l'angle des critères découlant des bases légales relatives au cas individuel d'extrême gravité, sa présence en Suisse devait être relativisée par rapport aux nombreuses années qu'il avait passées dans son pays d'origine, étant rappelé qu'il était âgé de 35 ans lorsqu'il était arrivé en Suisse et qu'il avait donc vécu une grande partie de sa vie au Kosovo. Au surplus, compte tenu du fait que ses enfants avaient obtenu l'asile en France, il avait également la possibilité d'entreprendre des démarches auprès des autorités françaises en vue de s'installer auprès de sa famille. Enfin, il ne démontrait pas qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place.

3.             Par acte du 31 octobre 2022, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation.

De son mariage avec Madame C______ étaient nés trois enfants qui portaient son nom, soit D______, née le 21 juin 1996, E______, né le 6 février 1998 et F______, née le 8 octobre 2000. Tous trois, ainsi que leur mère, vivaient actuellement en France voisine. Lui-même était arrivé à Genève en avril 2005 et avait travaillé jusqu'à ce jour en qualité d'ouvrier ferrailleur, ce qu'il offrait de démontrer par son audition, ainsi que par extrait de son compte individuel AVS. Selon ce document, daté du 13 mai 2022, il a cotisé à l'AVS en 2006 pour un montant annuel d'un peu plus de CHF 31'000.-, en 2007 pour un peu plus de CHF 25'000.-, en 2008 pour un peu moins de CHF 25'000.-, en 2009 pour un peu moins de CHF 12'000.-, en 2010 pour un peu moins de CHF 9'000.-, en 2011 pour un peu plus de CHF 5'000.-, en 2012 pour un peu plus de CHF 25'000.-, en 2013 pour un peu moins de CHF 14'000.-, en 2014 pour un peu moins de CHF 2'000.-, en 2015 pour un peu plus de CHF 7'000.-, en 2019 pour un peu moins de CHF 20'000.-, et enfin en 2020 pour un peu plus de CHF 21'000.-. Il travaillait actuellement pour la société G______ en tant que ferrailleur et percevait un salaire mensuel de CHF 4'700.-. Il n'avait jamais bénéficié de l'aide de l'Hospice général et ne faisait l'objet d'aucune poursuite ou acte de défaut de biens, ainsi qu'attesté par pièces. Il avait toujours vécu à Genève, à l'exception de son retour au Kosovo entre septembre 2016 et juillet 2017.

Ainsi, il vivait en Suisse depuis 2005. En 2015, il s'est effectivement domicilié en France dans l'espoir d'obtenir des papiers mais, dans les faits, n'avait jamais changé d'adresse. Entre septembre 2016 et juillet 2017, il avait résidé au Kosovo afin d'accompagner sa mère dans les derniers mois de sa vie. Après son décès, il était rentré en Suisse. Il avait ainsi vécu en Suisse les dix-sept dernières années, à l'exception de dix mois. Compte tenu de son indépendance financière et de sa bonne intégration socioprofessionnelle, il remplissait les conditions de l'opération Papyrus. Sous l'angle des dispositions légales relatives au cas individuel d'extrême gravité, il était arrivé en Suisse à l'âge de 34 ans et, au terme de plus de dix-sept ans de séjour, était aujourd'hui âgé de 52 ans. Il était intégré à la vie genevoise et se sentait Suisse. Il ne se rendait au Kosovo que dans le but d'y voir sa tante ou d'y passer des vacances à moindre coût. Ses enfants vivaient en France voisine et un renvoi au Kosovo ne lui permettrait plus de prendre soin d'eux ni de les voir, outre qu'il n'avait dans ce pays plus aucune famille, à l'exception d'une tante. Il fallait enfin rappeler que le Kosovo était le pays le plus pauvre d'Europe et que le taux de chômage y était le plus élevé. Son renvoi dans ce pays le condamnait à une vie plus que précaire, alors qu'elle s'était battu pendant près de vingt ans pour travailler et subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille sans bénéficier d'aucune aide sociale.

4.             Par écritures du 21 décembre 2022, l'OCPM a répondu au recours en concluant à son rejet. Le recourant n'avait pas démontré à satisfaction de droit un séjour ininterrompu d'une durée d'au moins 10 ans. De surcroît, l'interruption de son séjour entre 2016 et 2017, lorsqu'il avait été renvoyé au Kosovo par les autorités françaises, impliquait selon la jurisprudence une interruption à partir de laquelle seule comptait la date de sa nouvelle arrivée en Suisse. En tout état, la durée de son séjour devait être relativisée, puisqu'il avait vécu et travaillé en Suisse d'abord illégalement, puis au bénéfice d'une tolérance au moment du dépôt de sa demande de régularisation. Il ne pouvait pas non plus se prévaloir d'une ascension professionnelle remarquable, ni de connaissances métier qu'il ne pourrait mettre à profit qu'en Suisse. Enfin, il ne pouvait se prévaloir d'un comportement irréprochable sur le plan pénal, notamment en raison de sa condamnation du 15 février 2022 pour faux dans les titres et tentative d'induire en erreur les autorités en vue de l'obtention d'un titre de séjour.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant reproche tout d'abord à la décision litigieuse de ne pas respecter les critères fixés par l'opération Papyrus.

4.             L'opération « Papyrus » consiste en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, élaboré par le département de la sécurité et de l'économie (DSE), dont les compétences en la matière échoient actuellement au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES), « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA » ; communiqué de presse du 21 février 2017 : https://demain.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017). Le DSES a ainsi précisé - en tenant compte de la marge d'appréciation possible (brochure officielle publiée en février 2017, disponible en ligne sur le lien : https://demain.ge.ch/document/brochure-papyrus) - les critères objectifs et cumulatifs permettant aux personnes concernées de demander la légalisation de leur séjour selon ce programme soit :

- un séjour continu de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les familles avec enfants non scolarisés, les familles sans enfants et les célibataires ;

- une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ;

- une absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal) ;

- une indépendance financière complète.

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b ; JTAPI/794/2021 du 9 août 2021 consid. 20).

5.             S'agissant de la durée du séjour en Suisse, le tribunal de céans a déjà considéré qu'une personne qui avait vécu en Suisse de 2001 à 2018, mais qui avait fait l'objet en 2016 d'une décision de renvoi exécutée deux ans plus tard, ne pouvait plus se prévaloir, à son retour en Suisse en 2019, du séjour qu'elle y avait effectué auparavant (JTAPI/443/2022 du 2 mai 2022). Dans la même affaire, la chambre administrative de la Cour de justice a à son tour retenu que, dans la mesure où l'intéressé avait passé plus de six mois dans son pays d'origine en 2018, après qu'il y eu été renvoyé, il ne pouvait plus se prévaloir d'un long séjour légal ininterrompu en Suisse (ATA/844/2022 du 23 août 2022).

6.             En l'espèce, il est établi que le recourant a été renvoyé au Kosovo en septembre 2016 par les autorités françaises et qu'il n'est revenu en Suisse que le 1er juillet 2017. Même s'il s'agissait de considérer que son séjour en Suisse avait commencé en 2005, comme l'affirme le recourant, et qu'il s'était déroulé ensuite de manière ininterrompue jusqu'en 2016, force est de constater que, comme dans la jurisprudence citée ci-dessus, son séjour a quoi qu'il en soit été interrompu durant près de onze mois entre septembre 2016 et juillet 2017. Ainsi, seule la durée écoulée depuis cette dernière date pouvait être prise en considération dans le cadre de la demande de permis de séjour déposée par le recourant le 22 juin 2018.

À ceci s'ajoute qu'en réalité, le caractère ininterrompu du séjour du recourant en Suisse n'est de toute manière pas démontré à satisfaction de droit durant la période de 2005 à 2016. En effet, si son compte individuel AVS fait état de versements annuels de 2006 à 2015, force est de constater que les montants cotisés en 2010 et 2011, ainsi qu'en 2014 et 2015, sont particulièrement bas et peuvent aisément s'expliquer par le fait que l'intéressé, durant ces années-là, n'a pas travaillé en Suisse tout au long de l'année. Cette hypothèse s'avère d'autant plus vraisemblable que pour les années 2011, 2013 et 2014, il n'a acheté d'abonnements TPG que pour des périodes de quelques mois, qu'il a par ailleurs fait l'objet de décisions d'interdiction d'entrée sur le territoire Schengen prises par les autorités grecques en 2008 et par les autorités hongroises en 2013 et enfin qu'il a été envoyé dans son pays par les autorités françaises où, selon ses propres déclarations à l'époque, il vivait depuis 2015, ce qui démontre que le recourant, nonobstant ses déclarations actuelles faites pour les besoins de la cause, ne demeurait pas de manière régulière en Suisse, mais se déplaçait dans d'autres pays européens, probablement au gré des opportunités professionnelles qui se présentaient.

7.             Au vu de ce qui précède, c'est de manière parfaitement fondée que la décision litigieuse considère, sous l'angle de l'opération Papyrus, que le recourant, au moment du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour le 22 juin 2018, ne remplissait pas, à tout le moins, la condition d'un séjour ininterrompu de 10 ans en Suisse.

8.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière, ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de sa réintégration dans l'État de provenance (let. g).

9.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La reconnaissance de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité implique que les conditions de vie et d'existence de l'étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C 754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A 718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6956/2014 du 17 juillet 2015 consid. 6.1 ; C_5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.3 ; C_6726/2013 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/181/2019 du 26 février 2019 consid. 13d ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

10.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

11.         S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités).

Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé en Suisse s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Le fait qu'un ressortissant étranger se soit toujours comporté de manière correcte, qu'il ait tissé des liens non négligeables avec son milieu et qu'il dispose de bonnes connaissances de la langue nationale parlée au lieu de son domicile ne suffit ainsi pas pour qualifier son intégration socio-culturelle de remarquable (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

12.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

13.         En l'espèce, comme déjà vu plus haut, la durée du séjour en Suisse du recourant ne peut être prise en compte qu'à partir du 1er juillet 2017. Elle ne peut donc pas être considérée comme longue au sens de la jurisprudence relative au cas individuel d'extrême gravité, de sorte que seule une intégration exceptionnelle permettrait de considérer que le renvoi de Suisse du recourant serait susceptible de constituer pour lui un véritable déracinement. Or, que ce soit sous l'angle professionnel ou social, son intégration peut certes être qualifiée de bonne (étant cependant réservées les condamnations figurant à son casier judiciaire), mais elle ne peut en aucun cas être qualifiée d'exceptionnelle.

Par conséquent, c'est à bon droit que la décision litigieuse retient que le renvoi de Suisse du recourant n'aurait pas pour lui des conséquences aussi graves que celles que visent à éviter les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA.

14.         Quant à son retour dans son pays d'origine, le recourant est certes âgé actuellement de 53 ans et il n'est pas certain qu'il retrouvera rapidement du travail au Kosovo. Cela étant, ces circonstances le placent dans une situation identique à celle de ses compatriotes restés au pays, étant rappelé que la conjoncture économique existant dans le pays d'origine n'est pas un motif qu'il est possible de retenir dans le cadre de l'évaluation d'une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité. À cela s'ajoute que, même si c'était pour rendre visite, comme il l'affirme, à une tante, ainsi que pour y prendre des vacances, ses nombreux retours au Kosovo durant les dernières années (notamment durant une période de onze mois entre 2016 et 2017) montrent qu'il n'a pas perdu tout contact avec son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans avant d'arriver en Suisse. Par conséquent, son retour au Kosovo ne devrait pas non plus le placer devant des difficultés insurmontables de réintégration.

15.         Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que l'autorité intimée a refusé de soumettre son dossier avec un préavis favorable au SEM.

16.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1; cf. aussi not. ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 9).

17.         En l'espèce, dès lors qu'il a refusé de délivrer une autorisation de séjour au recourant, l'OCPM devait en soi ordonner son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, aucun élément ne laissant pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

18.         Intégralement infondé, le recours sera donc rejeté.

19.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

20.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 28 septembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière