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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4187/2022

JTAPI/298/2023 du 15.03.2023 ( DOMPU ) , ADMIS

Descripteurs : AMENDE;ORDURE MÉNAGÈRE;MAXIME INQUISITOIRE
Normes : LPA.65; LGD.1; LGD.10; LGD.43
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4187/2022 DOMPU

JTAPI/298/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 mars 2023

 

dans la cause

 

A______

 

contre

VILLE DE GENÈVE

 


EN FAIT

1.             Par décision du 6 décembre 2022, la Ville de Genève (ci-après: la ville) a infligé une amende administrative d'un montant de CHF 400.- à la société A______AG en raison du constat d'un dépôt illicite de déchets le mercredi 23 novembre 2022 à 14h18 à l'écopoint situé au ______[GE].

2.             Par courrier du 8 décembre 2022 adressé au Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal), A______AG (ci-après: la recourante) s'est opposé à la décision précitée. Elle a joint des pièces.

Selon le bulletin de livraison, la marchandise avait été commandée par la société B______ SA et livrée à celle-ci par le transporteur C______AG. Dès lors, la responsabilité du dépôt du déchet ne lui incombait pas, mais incombait à la société de transport ou à B______ SA.

3.             Le 18 janvier 2023, la ville a transmis ses observations, concluant au rejet du recours. Elle a produit son dossier.

Le mercredi 23 novembre 2022 à 14h18, il avait été constaté par les agents de la police municipale de la ville qu'un carton avait été déposé à même le sol au niveau du centre de tri du ______[GE].

La lecture des bons de livraison démontrait que du matériel électronique, expédié par la recourante, avait été livré par le transporteur C______AG à l'entreprise B______ SA. Cependant, la main courante des contrôleurs du domaine public indiquait que les réceptionnistes, ainsi que le magasinier de l'entreprise B______ SA leur avaient indiqué avoir reçu un livreur de la recourante, lequel était passé à la réception avec un carton sur une palette. Le local de stockage lui avait été ouvert et il y avait déposé uniquement la marchandise, sans son emballage ni son bon de livraison. Ce bon avait été retrouvé sur le carton déposé à l'écopoint. Il mentionnait le numéro 1______, était à l'entête de la recourante, concernait la livraison d'un coffret provisoire de chantier et portait la date du 21 novembre 2022. Le second bon de livraison joint au recours, lequel était identique à celui retrouvé au niveau de l'écopoint, portait la date du 7 décembre 2022. Par ailleurs, en pièce jointe au courrier du 14 décembre 2022, la recourante avait joint le même bon de livraison, cette fois daté du 14 décembre 2022. En tout état, les constatations des contrôleurs du domaine public attestaient que c'était bien un livreur de la recourante qui s'était départi du carton en question. L'amende était ainsi fondée.

Sa quotité était proportionnée, dès lors que le montant plancher de CHF 400.- pour les entreprises avait été appliqué.

4.             Le 6 février 2023, la recourante a répliqué.

Elle avait chargé la société C______AG d'effectuer le transport des marchandises commandées par la société B______ SA. Aucune autre action, telle que le déballage de la marchandise ou la reprise de l'emballage n'avait été prédéfinie. Les déclarations des employés de B______ SA selon lesquelles le chauffeur avait déballé la marchandise lui-même et sans instructions ne correspondaient ainsi pas à l'ordre de transport et pouvaient avoir été faites pour se protéger.

Dans le cadre d'un contrat de transport, le transporteur s'engageait à organiser le transport des marchandises en son propre nom, mais pour le compte de l'expéditeur. Une éventuelle surveillance vidéo du point de collecte des déchets concerné aurait permis de renseigner sur l'identité de la personne ayant déposé le carton en question.

Enfin, si les bons de livraison comportaient des dates différentes, c'était uniquement dû au fait qu'il s'agissait de copies faites au jour correspondant (7 décembre 2022 en allemand et 14 décembre 2022 en français).

5.             Le 23 février 2023, la ville a dupliqué.

Même si une caméra de surveillance était implantée au niveau de l'écopoint, les images de celle-ci ne seraient plus exploitables, les films de ses caméras étant écrasés après sept jours si aucune enquête de police ou procédure judiciaire nécessitant leur conservation n'était engagée dans ce délai.

6.             Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par la ville en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 64 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant, notamment si le recourant agit en personne. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/64/2021 du 19 janvier 2021 consid. 2 ; ATA/1790/2019 du 10 décembre 2019 ; ATA/1199/2019 du 30 juillet 2019).

4.             Pour y satisfaire, le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi et pourquoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2). En particulier, la motivation doit se rapporter à l'objet du litige tel qu'il est circonscrit par la décision attaquée (ATF 133 IV 119 consid. 6.4) et le recourant doit se référer à des motifs qui entrent dans le pouvoir d'examen de l'autorité de recours (ATA/32/2010 du 19 janvier 2010). Une brève motivation est suffisante, à condition toutefois que les motifs avancés se rapportent à l'objet de la contestation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.143/2005 du 21 avril 2005). Encore faut-il que cette motivation soit topique, à savoir qu'il appartient au recourant de prendre position par rapport à la décision attaquée et d'expliquer en quoi et pourquoi il s'en prend à celle-ci (ATA/596/2011 du 20 septembre 2011 consid. 5 ; ATA/32/2010 du 19 janvier 2010 et les références citées). Il serait contraire au texte même de la loi de renoncer à ces exigences minimales (ATA/239/2013 du 16 avril 2013 ; ATA/173/2004 du 2 mars 2004).

5.             En l'espèce, dans son courrier du 8 décembre 2022, la recourante, qui n'est pas représentée par un avocat, n'a certes pas formellement pris de conclusions et ne s'est référée à aucune base légale, mais on comprend toutefois qu'elle conteste l'amende administrative litigieuse et sollicite son annulation. Elle explique en quoi la décision attaquée est critiquable et énonce les griefs qui sous-tendent cette « opposition » (Einsprache), de sorte que son courrier doit être considéré comme un acte de recours, lequel permet de cerner avec suffisamment de précision l'objet du litige et a de surcroît été déposé dans les délais. À cela s'ajoute que l’autorité intimée a pu comprendre les raisons qui amenait la recourante à contester la décision litigieuse et y répondre en détail à l'occasion des échanges d'écritures.

Ainsi, bien que formulé de manière imprécise, le recours doit donc être déclaré recevable sur ce point également.

6.             La recourante conteste le principe de l'amende administrative infligée à son encontre. Elle fait notamment valoir qu'elle ne serait pas responsable du dépôt illicite du carton en question.

7.             Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).

8.             La LGD a pour but de régler la gestion de l'ensemble des déchets résultant d’activités déployées sur le territoire du canton ou éliminés à Genève, à l'exclusion des déchets radioactifs ; elle constitue la loi d'application des dispositions prévues en matière de déchets par la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de ses ordonnances d'applications (cf. art. 1 LGD).

9.             Sont qualifiés de déchets toutes les choses provenant de l'activité ménagère, artisanale, commerciale, industrielle ou agricole dont le détenteur se défait ou dont l'élimination est commandée par l'intérêt public (art. 3 al. 1 LGD), étant précisé que sont qualifiés de déchets ménagers les déchets provenant de l'activité domestique, y compris les déchets organiques devant faire l'objet de collectes sélectives (art. 3 al. 2 let. a LGD).

10.         Il est interdit d'éliminer ou de déposer des déchets hors des installations publiques ou privées autorisées par le département ou des emplacements aménagés à cet effet et désignés par voie de règlement (art. 10 al. 1 LGD).

11.         Selon l'art. 17 du règlement d'application de la loi sur la gestion des déchets du 28 juillet 1999 (RGD - L 1 20.01), les communes peuvent édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur leur gestion des déchets ménagers (al. 1), ces règlements pouvant prévoir les sanctions et les mesures prévues par la loi (al. 2).

12.         Le règlement de la ville sur la gestion des déchets du 18 décembre 2019 (LC 21 911, ci-après : le règlement communal) fixe les modalités de la collecte, du transport et de l'élimination des déchets urbains sur son territoire (cf. art. 1 al. 1).

Selon l'art. 23 du règlement communal, le service en charge de la collecte des déchets met des écopoints à disposition des ménages et des entreprises. Il s’agit d’installations de tri des déchets équipées de réceptacles destinés à la collecte des déchets recyclables, cas échéant des ordures ménagères et assimilées (al. 1).

Il existe 2 types d’écopoints :

a) l'écopoint de base : permet la collecte des déchets recyclables. Il vient compléter les installations de collecte des immeubles (conteneurs à ordures ménagères, papier-carton et déchets organiques);

b) l’écopoint de quartier : réunit en un seul endroit les installations de collecte des ordures ménagères et des déchets recyclables (al. 2).

Les conditions d’utilisation sont affichées sur les écopoints. Ceux-ci sont utilisables du lundi au samedi de 7h30 à 22h00, et les dimanches et jours fériés de 10h00 à 18h00 (al. 3).

Le dépôt de déchets hors des réceptacles est strictement interdit (al. 4).

Le dépôt de déchets tels que les déchets encombrants, les déchets spéciaux (à l’exception des piles), les déchets de métaux et ferraille, est strictement interdit (al. 5).

Enfin, l’art. 30 al. 1 du règlement communal stipule qu’il est interdit d’éliminer ou de déposer des déchets sur le territoire de la ville hors des emplacements et des installations aménagées à cet effet et en dehors des horaires définis par le service en charge de la collecte des déchets.

13.         Conformément aux art. 43 al. 1 LGD et 31 du règlement communal, est passible d'une amende administrative de CHF 400.- à CHF 400'000.- tout contrevenant à la LGD, au RGD, et au règlement communal.

14.         L’art. 31 al. 2 du règlement communal précise enfin qu’il est tenu compte, dans la fixation de l’amende, du degré de gravité de l’infraction et/ou des antécédents du contrevenant.

15.         Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (cf. not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7c ; ATA/206/2020 du 25 février 2020 consid. 4b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6b ; ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 9b ; ATA/319/2017 du 21 mars 2017 consid. 3c et les références citées).

16.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG – E 4 05), les art. 1 à 110 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux infractions prévues par la législation genevoise, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal, comme notamment les art. 34ss, 42ss, 56ss, 74ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP (not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c).).

Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (cf. not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7c ; ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 consid. 13c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c).

17.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7e) et ses capacités financières (cf. ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 consid. 20 et les références citées).

Néanmoins, toujours selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité, afin d'assurer le respect de la loi, et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende, le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/147/2021 du 9 février 2021 consid. 4d et e ; ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6d). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

18.         L'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. (cf. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d et les arrêts cités ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

19.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il incombe à celles-ci d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4).

L’un des corollaires de la maxime inquisitoire est que les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s’appliquent en principe pas, de sorte que si les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans une procédure qu’elles introduisent elles-mêmes, cela n’influence pas le fardeau de la preuve. Il n’en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, la règle de l’art. 8 du Code civil du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie : quiconque prétend à un droit, doit prouver les faits dont il le déduit. De sorte, que si une partie n’arrive pas à prouver un fait à son avantage, elle en supporte les conséquences (ATA/24/2022 du 11 janvier 2022 consid. 8a).

Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2020 du 13 mai 2020 consid. 3.1 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre de celles-ci qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités), aucun moyen de preuve ne s'imposant à lui (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 6B_58/2017 du 21 août 2017 consid. 2.1 ; 6B_564/2013 du 22 avril 2014 consid. 2.3).

20.         En l'espèce, aucune des parties ne remet en cause le fait qu'un déchet, soit en l'occurrence un carton, a été déposé au niveau de l'écopoint du ______[GE] en dehors du container prévu à cet effet. Il est donc manifeste qu'une infraction à la LGD a été commise ce qui justifie, en soi, le prononcé d'une amende administrative à l'encontre de son auteur.

En revanche, la recourante conteste être responsable de ce dépôt illicite et indique qu'il ne pouvait s'agir que de la société C______AG ou de B______ SA. À l'appui de ses affirmations, elle a notamment produit un bon de livraison daté du 23 novembre 2022 indiquant que le transport de la marchandise commandée par B______ SA a été effectué par la société C______AG. De son côté, la ville prétend que la recourante serait responsable dudit dépôt illicite, dès lors qu'un bon de livraison muni de son entête aurait été retrouvé sur le carton concerné et que les employés de la société B______ SA, soit les réceptionnistes et le magasinier, lui auraient affirmé, lors du passage au commerce, que le livreur serait passé à la réception avec un carton sur une palette à déposer, qu'il lui aurait ouvert le local de stockage et que celui-ci aurait uniquement déposé la marchandise sans emballage ni bon de livraison.

Or, contrairement à ce qu'affirme la ville, rien n'indique que la recourante serait à l'origine du dépôt illicite en l'absence de preuve concrète. En effet, si la lecture de la main courante des contrôleurs du domaine public renseigne sur le fait qu'un « livreur » aurait déposé la marchandise commandée sans emballage, rien ne permet de conclure qu'il s'agissait d'un employé de la recourante ou que celle-ci aurait donné ce type d'instruction au transporteur qu'elle avait mandaté. En outre, il convient de garder à l'esprit que ces déclarations ont été faites par les employés de la société B______ SA, destinataire de la marchandise commandée, et que le carton a été retrouvé au niveau de l'écopoint situé au ______[GE], soit à proximité immédiate du siège de B______ SA. Dans cette mesure, les affirmations des réceptionnistes et du magasinier de cette dernière doivent être relativisés et ne sauraient dès lors constituer des éléments aussi probants que l'entend la ville permettant à eux-seuls de déterminer avec certitude l'identité de l'auteur de l'infraction, alors que la recourante a produit un bon de livraison indiquant qu'elle avait mandaté un transporteur tiers afin d'acheminer le colis en question.

Par conséquent, force est de constater l'instruction de l'infraction opérée par la ville est manifestement insuffisante pour démontrer la responsabilité de la recourante. Elle ne pouvait se contenter des affirmations des employés du destinataire du colis en question pour présumer de l'identité réelle de l'auteur de l'infraction, ce d'autant qu'à teneur des éléments en mains du tribunal, il ne semble pas que la recourante aurait eu l'occasion de s'exprimer sur les faits constatés avant que l'autorité intimée lui inflige cette sanction. Ainsi, le principe du prononcé d'une amende administrative à l'encontre de la recourante n'est pas fondé.

Partant, le recours est admis et la décision du 6 décembre 2022 annulée.

21.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA -E 5 10.03), la recourante, qui obtient gain de cause, est dispensée du paiement d’un émolument. L’avance de frais de CHF 250.-, versée à la suite du dépôt du recours, lui sera restituée. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la recourante n'y ayant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 2022 par A______ contre la décision de la Ville de Genève du 6 décembre 2022 ;

2.             l'admet ;

3.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution à la recourante de l’avance de frais de CHF 250.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière