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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3506/2020

ATA/24/2022 du 11.01.2022 sur JTAPI/647/2021 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.02.2022, rendu le 27.02.2023, ADMIS, 1C_119/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3506/2020-LCI ATA/24/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 janvier 2022

3ème section

 

dans la cause

 

A______

Monsieur B______

Madame C______

Monsieur D______

représentés par Me Laurent Winkelmann, avocat

 

 

contre

Madame E______

Monsieur F______

Madame G______

Monsieur H______

Monsieur I______

Monsieur I______

représentés par Me Philippe Cottier, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2021 (JTAPI/647/2021)


EN FAIT

1) Mesdames E______, G______, Messieurs H______, I______, J______ et F______ (ci-après: les copropriétaires) sont copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de K______, sise en zone agricole.

2) Sur cette parcelle sont notamment construits le bâtiment 2______, une grange (ci-après: le bâtiment 2______ ou la grange) et le bâtiment n° 3______, une bergerie (ci-après: le bâtiment n° 3______ ou la bergerie).

3) a. Cette parcelle a été intégrée au périmètre du plan de site n° 4______ « L______ » adopté le 19 juin 2013 par le Conseil d'État (ci-après: le plan de site).

Bien que le L______ ne figurât pas au nombre des ensembles bâtis en zone agricole correspondant à la définition de hameaux prévu par la loi, ce lieu, de par la valeur d’ensemble qu’il représente, notamment d’un point de vue architectural et paysager, méritait qu’une mesure de protection spécifique soit prise à son égard.

La législation fédérale n’imposait aucunement que les bâtiments dont le changement d’affectation était envisagé fassent au préalable l’objet d’une mesure de protection individuelle telle qu’une inscription à l’inventaire des bâtiments dignes d’intérêt. Un plan de site constituait une mesure adéquate pour atteindre l’objectif de protection recherché tout en admettant la mise en œuvre de travaux de transformation sur les bâtiments existants, aux conditions fixées dans son règlement annexé.

La disparition de l’activité agricole sur le L______ n’était pas imputable au plan de site, la plupart des bâtiments qui constituaient le hameau ayant déjà perdu tout ou partie de leur vocation agricole.

Le plan de site autorisait expressément la poursuite d’activités agricoles en les concentrant dans certains bâtiments. Plus encore, il interdisait toute affectation autre qu’agricole en cas de démolition et reconstruction de ces derniers.

Le plan de site n’avait pas pour objectif de préserver tous les bâtiments situés dans le périmètre, mais seulement les bâtiments dignes d’intérêt. Les « autres bâtiments » désignés par le plan de site ne nécessitaient pas de protection spécifique, dès lors qu’ils ne revêtaient pas des qualités architecturales ou historiques justifiant le prononcé d’une telle mesure.

Le régime complexe des servitudes de passage en vigueur dans le périmètre, soumis au droit privé, ne saurait faire obstacle à l’adoption d’un plan d’affectation tel qu’un plan de site.

Le déplacement du couvert attenant au bâtiment n° 5______ prévu par le plan de site améliorait les espaces, plus particulièrement rétablissait la vue sur les espaces agricoles ouverts.

b. Ce plan de site a été jugé conforme à la loi par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 18 novembre 2014 (ATA/900/2014) et est entré en force.

Le transport sur place effectué par la chambre administrative avait mis en lumière les bâtiments sur lesquels portait le litige, soit les bâtiments nos 2______, 6______, 7______ et 8______. Les bâtiments n° 7______ et 8______ avaient été répertoriés par les autorités comme ayant une valeur de 4+ (bien intégrés, en volume et en substance), ce qui était, en soi, suffisant pour les considérer comme étant dignes d’être protégés au sens de l’art. 24d al. 2 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Il en allait de même pour le bâtiment 2______, construit à la fin du 19ème siècle dans le style « Heimatstil », qui mériterait, selon la commission des monuments de la nature et des sites (ci-après : CMNS), également une valeur de 4+. Le bâtiment n° 12 était de qualité remarquable (note 2) et avait donc été jugé digne de protection par les autorités cantonales dans le cadre de l’ensemble bâti du L______. La CMNS, commission composée de spécialistes, avait clairement pris position en faveur d'une mise sous protection et du maintien des principes architecturaux de ces bâtiments, appréciations dont la chambre administrative n’avait en l’occurrence aucun motif de s’écarter.

Par conséquent, les bâtiments que le plan de site maintenait pouvaient valablement être considérés comme dignes de protection au sens de l’art. 24d al. 2 LAT.

Les « autres bâtiments » sis dans le périmètre du plan de site n’avaient pas été considérés comme dignes de faire l’objet d’une mesure de protection par les autorités cantonales. Partant, ils ne pourraient en aucun cas faire l’objet d’un changement complet d’affectation régi par l’art. 24d LAT.

4) Le 15 mai 2019, M. M______ a déposé une demande d'autorisation de construire afin de transformer la grange pour y aménager huit logements avec création d'un sous-sol, installation de panneaux photovoltaïques et d'un abri voitures et vélos. Cette demande a été enregistrée sous la référence DD 9______.

5) Le 9 mars 2020, Monsieur M______, agissant comme architecte mandataire ainsi que comme requérant pour le compte des copropriétaires, a déposé une demande d'autorisation de construire visant à l'agrandissement et à l'aménagement de la bergerie. Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 10______.

6) Au cours de l'instruction du dossier DD 9______, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après: OCAN) a rendu un premier préavis négatif, du 2 juillet 2019, au motif que les aménagements extérieurs n'étaient pas conformes à la zone (8 places de parking x 2, abri voitures et vélos), que les haies conduisaient à un cloisonnement du site qui n'était pas souhaité en zone agricole et que le dossier ne démontrait pas que les aménagements extérieurs (haies et parkings) n'allaient pas à l'encontre du bon fonctionnement de l'exploitation agricole existante. Son second préavis, daté du 30 avril 2020, était favorable avec dérogations et conditions. Les « haies mixtes persistantes » prévues sur le pourtour de la parcelle devaient être remplacées par des haies de type agricole compatibles avec les surfaces de promotion de la biodiversité ou des haies fourragères à destination des ovins. Les travaux ne pourraient pas débuter avant d'avoir démontré l'entrée en force d'une autorisation de construire permettant l'agrandissement de la bergerie, laquelle devrait être accompagnée d'une déclaration d'intention des propriétaires.

7) a. Le 18 juin 2019, la CMNS a préavisé défavorablement le projet de transformation de la grange. Elle prenait connaissance de l'évaluation patrimoniale de cette dépendance (écuries, étables, remise et fenil) réalisée par l'historien du service de l'inventaire des monuments d'art et d'histoire (ci-après : IMAH) le 16 avril 2018, qui faisait état de l'ancienneté de l'implantation et des structures maçonnées de la construction (1852) et de l'intérêt historique de sa typologie – fenil de type Vogel-Wiege – caractéristiques des exploitations de la première moitié du XXème siècle (1926), dont il était ici relevé la qualité de mise en œuvre des matériaux. La densité et l'impact sur les aménagements extérieurs du projet n'étaient pas adaptés à ce bâtiment et au site. La transformation d'une grange-écurie au profit d'un petit immeuble de logements ne respectait pas les qualités historico-architecturales spécifiques du bâtiment et du site, dont la protection par plan de site et règlement confirmait la vocation et le caractère agricoles. Le plan de site prévoyait un changement d'affectation possible de la grange en logement vu sa qualité de bâtiment maintenu, parce que ses qualités architecturales étaient relevées et devaient être préservées, à savoir :

-          la toiture par sa sobriété, son caractère et son importance, devait le rester. Il ne pouvait y avoir de panneaux solaires ou de jours en toiture ;

-          il ne pouvait y avoir d'excavation ;

-          les structures (maçonneries, solives, charpentes) devaient être maintenues, tout comme les ponts roulants ; les travées et altimétries existantes devaient être respectées ;

- il fallait modérer les prises de jour sur l'enveloppe.

b. Dans un second préavis, du 12 mai 2020, la CMNS a constaté que le projet avait évolué de manière satisfaisante. Il proposait à présent un programme allégé permettant une meilleure réaffectation de la grande ferme et des qualités paysagères du site, à savoir :

-          une toiture sobre, un unique percement technique ;

-          le respect des demandes exprimées précédemment au sujet de l'absence d'excavation et du maintien des structures ;

-          une diminution du nombre de places de stationnement, en un emplacement unique le long du mur mitoyen ;

-          au niveau des aménagements extérieurs, la création d'un verger, la plantation de haies indigènes, une perméabilité des surfaces minérales ou des aires de stationnement.

Par ailleurs, s'agissant d'un bâtiment ayant valeur d'inscription à l'inventaire, il était attendu que les volumes d'origine soient toujours nettement lisibles. La CMNS comprenait que la géométrie très particulière de la toiture de la ferme rendait complexe les prises de jour sur les façades gouttereaux. Afin d'émettre un avis circonstancié sur la pertinence du balcon, d'avancées et de certaines prises de jour sur l'étage deux, elle demandait des précisions complémentaires.

En outre, le plan de site ne prévoyait pas de nouvelles constructions en dehors des aires d'implantation signifiées, à l'exception de constructions à affectation agricole. Par conséquent, l'aire d'implantation pour les deux abris à vélos à l'endroit signifié sur le plan de masse ne pouvait être acceptée.

La CMNS demandait encore de réduire les épaisseurs de l'isolation intérieure. En outre, les proportions des jours sur les deux pignons avaient certes diminué, mais devaient l'être davantage s'agissant des proportions des baies sur les façades pignons, surtout au nord-est. Les volets, portes et fenêtres anciennes situées dans les embrasures en pierres de taille devaient être conservées et restaurées. En cas de remplacement, les nouvelles fenêtres devraient reconduire les partitions existantes, voire le type d'ouverture originelle.

8) Après modification du projet, le service des monuments et sites (ci-après : SMS) a, le 24 août 2020, préavisé favorablement le projet, avec dérogations et sous conditions. Le projet répondait désormais majoritairement aux remarques émises par la CMNS, respectant le bâtiment et les qualités paysagères du site. Il émettait un avis favorable au sujet des balcons et avancées sous toiture, vu qu'ils s'inséraient à l'intérieur des gabarits de cette dernière, sous conditions que l'ensemble de ces éléments soit traité en bois. Certaines tuiles du toit seraient en verre au droit des balcons ou d'autres prises de jour verticales selon un calepinage discret. L'isolation intérieure était réduite, la proportion des baies sur les façades pignons avait été réduite à 120 cm et les volets, portes et fenêtres anciens étaient conservés et restaurés.

9) Toutes les autres instances consultées lors de l'instruction du dossier se sont prononcées favorablement à la construction projetée, avec ou sans réserves, dans certains cas après avoir tout d'abord demandé des modifications du projet.

10) Le 15 mai 2019, M. M______ a demandé l'autorisation de démolir des dépendances, soit les bâtiments n°s 19______, 20______, 21______ et partie du bâtiment 2______. Cette requête a été enregistrée sous la référence M 11______.

11) Toutes les instances de préavis consultées, notamment l'OCAN et la CMNS, se sont prononcées favorablement à la démolition projetée.

12) Par décision du 3 septembre 2020, le département du territoire (ci-après: le département) a délivré l'autorisation de construire DD 10______.

13) Par décisions du 1er octobre 2020, il a délivré les autorisations de construire et de démolir, respectivement DD 9______ et M 11______.

14) Par acte du 2 novembre 2020, A______, Monsieur B______, Madame N______, Monsieur D______ et Madame C______ (ci-après: A______ et consorts) ont formé recours contre les autorisations DD 9______ et M 11______ auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI).

Ils concluaient, à titre principal, à leur annulation et subsidiairement au renvoi du dossier à l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) afin d'instruire des mesures compensatoires pour les pertes de surfaces exploitables, permettant la continuation de l'exploitation agricole dans le L______ d'une manière profitable.

Bien que le plan de site définît le bâtiment 2______ comme digne d'être protégé au sens de l'art. 24d al. 2 de la LAT, les conditions de l'art. 24d al. 3 LAT n'étaient pas remplies. Ce bâtiment et ses annexes étaient nécessaires à l'usage agricole de l'entreprise O______, agriculteurs et exploitants actifs de la ferme de P______. Ces constructions servaient de bergerie pour 100 à 150 brebis avec leurs agneaux (au total 250 à 350 animaux), de local de stockage du fourrage, et de la paille, d'abri pour les machines et outils nécessaire à l'exploitation ainsi que de local de travail pour le traitement des animaux (tonte, soins médicaux, etc.).

Le projet ne maintenait pas l'aspect extérieur et la structure architecturale du bâtiment 2______. Il prévoyait un grand nombre d'ouvertures sur les murs pignons du bâtiment transformé en logements, alors que la construction actuelle n'en connaissait pas ou très peu, ce qui éloignait le bâtiment de ses origines agricoles modifiait fondamentalement son aspect extérieur.

La transformation de la grange et la démolition des constructions et installations annexes entraîneraient une perte de surface utilisable pour l'exploitation agricole d'environ 800 m2, soit une menace pour l'exploitation agricole des terrains environnants car cela obligerait l'exploitant à réduire la taille de son cheptel par moitié et diminuerait la marge bénéficiaire de l'exploitation. Une compensation à hauteur de 135 m2 par un agrandissement de la bergerie avoisinante était certes prévue. Toutefois, dans la mesure où une partie de cet agrandissement futur était déjà utilisée pour le stockage de la paille, tout autre agrandissement étant exclu par l'art. 24d al. 3 let. a LAT, il était manifeste que la transformation et la démolition projetées condamnaient l'activité agricole sur toute la parcelle n° 1______.

Les promesses de la représentante du Conseil d'État n'étaient pas respectées dans la mesure où les « besoins agricoles » n'avaient pas été examinés dans le cadre des décisions litigieuses. La DD 9______ se limitait à constater qu'une autorisation de construire au sujet de l'agrandissement de la bergerie devrait être obtenue avant le début des travaux de démolition-transformation, sans que l'envergure dudit agrandissement n'ait été évaluée de près.

Le projet de construction risquait de faire disparaître l'une des trois plus grandes exploitations agricoles sur le territoire du canton de Genève, ce pour construire quatre logements seulement. Vu l'importance croissante de la production d'aliments locaux, tant sous l'angle de la protection du climat que de la sécurité alimentaire, et l'impact de la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 sur les fermetures des frontières, il serait incompréhensible de forcer un agriculteur à mettre un terme à son activité de production de viande locale et, par la suite, devoir importer les mêmes viandes depuis des pays éloignés, comme la Nouvelle-Zélande ou l'Irlande. La ferme de P______ contribuait à la qualité de vie de la Ville de Genève et de ses environs. La présence des animaux de la ferme réjouissait de nombreux visiteurs tout au long de l'année. Le L______ était une structure rurale vivante qui méritait d'être conservée.

15) Le 22 janvier 2021, le département a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet.

A______ et consorts ne disposaient pas de la qualité pour recourir, leur qualité de propriétaires et de locataires d'immeubles adjacents à la parcelle objet des autorisations litigieuses ne suffisant pas à elle seule à la leur conférer. Ils contestaient les projets litigieux sous le seul aspect de leur impact sur l'exploitation agricole existante, dont ils « n'étaient pas eux-mêmes titulaires » et sur la production locale et la qualité de vie de la Ville de Genève et ses environs, ce qui relevait manifestement de l'intérêt général. Leur recours prenait ainsi les formes d'une action populaire.

Les travaux projetés visaient à améliorer la qualité architecturale de ce site, par une meilleure intégration au paysage, ce dont bénéficieraient aussi A______ et consorts.

16) Les copropriétaires ont conclu, le 23 décembre 2020, à ce que les deux décisions attaquées soient déclarées conformes à la loi.

Les conditions de l'art. 24d al. 3 LAT étaient remplies. La grange n'était plus nécessaire à son usage agricole car une association utilisait son rez-de-chaussée pour ses réunions quatre à cinq fois par année, ce qui avait été constaté à l'occasion du transport sur place du 29 juin 2009. Seule une petite partie de la moisson était stockée à l'étage supérieur et quelques chèvres se trouvaient dans l'appentis en bois délabré, au sud. Ces deux activités agricoles seraient regroupées dans le bâtiment n° 3______, ce qui nécessiterait l'agrandissement de la bergerie, au demeurant imposé par la DD 9______, conformément à l'art. 24d al. 3 let. c LAT.

L'exploitation agricole des terrains environnants ne serait pas menacée, car la DD 9______ était conditionnée à l'obtention d'une autorisation de construire en force prévoyant l'agrandissement et la remise en état de la bergerie afin que les exploitants ne soient pas touchés par le changement d'affectation du bâtiment 2______. Si A______ et consorts pouvaient élever des griefs contre les charges grevant les autorisations litigieuses, ils ne pouvaient pas le faire contre la manière dont ces charges seraient honorées. Il était ainsi seulement allégué que l'agrandissement autorisé par la DD 10______ serait insuffisant pour garantir la pérennité de l'activité agricole. Or, ce projet d'agrandissement n'était pas encore présenté comme définitif selon la charge dont était grevée la DD 9______. Par ailleurs, A______ et consorts ne s'étant pas exprimés durant l'instruction de la DD 10______ ni n'ayant pas fait recours contre celle-ci, ils étaient forclos à émettre une quelconque critique contre cette autorisation. La conformité à la loi et la pérennité de l'exploitation agricole seraient vérifiées par l'OCAN lorsqu'ils lui soumettraient l'autorisation de construire permettant la poursuite de l'exploitation et le bail à ferme d'une durée minimale de quinze ans à l'attention des exploitants, ce qui ne réduisait en rien la production d'aliments locaux.

Concernant l'aspect extérieur du bâtiment, la CMNS et le SMS avaient procédé à un examen minutieux et s'étaient prononcés à trois reprises sur le projet. Le traitement des murs en pignon avait fait l'objet d'une attention particulière, les portes-fenêtres ayant été réduites à des jours de 120 cm au maximum. L'aspect extérieur et la structure de la grange demeuraient dans l'essentiel inchangés.

Les autres considérations avancées dans le recours étaient dénuées de fondements juridiques. Puisque n'étaient allégués ni abus, ni excès du pouvoir d'appréciation de la part du département, qui avait suivi les préavis des commissions spécialisées, le TAPI n'avait pas de motif nécessitant de substituer son appréciation à celle de spécialistes.

17) Dans une réplique du 12 mars 2021, A______ a indiqué être propriétaire de la parcelle n° 12______ de la commune de K______, M. B______ être copropriétaire des parcelles nos 13______ et 14______ de la commune de K______ sur lesquelles était édifié un bâtiment d'habitation, sis chemin Q______, dans lequel il logeait, Mme N______, M. D______et Mme C______ être locataires dans le bâtiment sis route de P______. Ces parcelles et bâtiments étaient à proximité immédiate de la parcelle n° 1______ et faisaient partie du L______.

Le département n'avait pas pris en compte la préservation de leur qualité de vie en milieu rural, ce qui était par ailleurs l'objectif du plan de site. Une vue aérienne oblique mettait en évidence la petitesse du L______, dont la CMNS avait dit qu'il s'agissait plutôt d'un domaine. Le projet en cause induirait le doublement de sa population, ce qui entraînerait assurément des conflits avec l'exploitation agricole, notamment des problèmes de circulation et de stationnement ou des nuisances provenant de l'activité agricole. Ils seraient les premiers à souffrir de cette situation. Ils avaient également un intérêt spécial à la préservation de l'aspect esthétique des constructions existantes.

Les conditions de l'art. 24d al. 2 et 3 LAT étaient remplies. Il était en particulier contestable que le bâtiment 2______ ait été jugé digne d'être protégé, car aucun élément versé au dossier ne contenait d'analyse de la valeur intrinsèque et architecturale dudit bâtiment. Ils contestaient également que la conservation de ce bâtiment ne pourrait être assurée à long terme d'une autre manière, aucun élément n'indiquant qu'il nécessitait des travaux importants dont le coût serait disproportionné à son usage agricole. La poursuite de l'activité agricole du bâtiment 2______ permettrait d'éviter les coûts induits par la transformation et l'agrandissement du bâtiment n° 3______. Le projet litigieux impliquait une extension de cette bergerie, ce qui violait la condition posée par l'art. 24d al. 3 let. a LAT. Au vu des photographies produites, le bâtiment 2______ serait complètement dénaturé par les travaux projetés.

18) Les copropriétaires ont dupliqué le 8 avril 2021.

La chambre administrative avait déjà admis que le bâtiment 2______ était digne d'être protégé au sens de l'art. 24d al. 2 LAT, ce dont attestaient au demeurant les préavis de la CMNS du 18 juin 2019 et de l'OCAN du 30 avril 2020.

La DD 10______, en force, autorisait la fermeture de la travée longitudinale sans créer de nouveau volume ni modifier la toiture du bâtiment n° 3______. Cette autorisation pouvait être réalisée indépendamment du changement d'affectation du bâtiment 2______. L'art. 24d al. 3 let. c LAT précisait aussi qu'une légère extension des équipements existants était autorisable.

Ils rappelaient que le traitement des murs pignons avait été examiné en détail par la CMNS et que l'aménagement des jours ne modifiait pas de manière essentielle l'aspect extérieur ou la structure architecturale du bâtiment.

19) Par duplique du 20 avril 2020, le département a relevé que l'absence de grief de A______ et consorts contre l'autorisation M 11______ démontrait leur absence d'intérêt pratique à son annulation.

Le plan de site désignait le bâtiment 2______ comme digne d'être protégé, ce qui avait été confirmé par la chambre administrative. Cet élément ne pouvait dès lors plus être remis en cause à ce stade de la procédure. Le SMS avait procédé à une évaluation minutieuse de la qualité patrimoniale et architecturale du bâtiment en lui attribuant une valeur 3, soit une valeur plus élevée que celle de 4+ estimée au stade de l'arrêt ATA/900/2014. La transformation était expressément prévue par le plan de site, qui ne pouvait plus être remis en cause, et permettrait aux propriétaires de percevoir des loyers plus élevés que s'ils maintenaient la destination actuelle du bâtiment, leur permettant d'investir dans la conservation à long terme du bâtiment et de couvrir les frais de démolition des parties visées par l'autorisation M 11______.

L'extension de la bergerie ne pouvait être considérée comme une construction de remplacement, puisqu'il s'agissait seulement de l'aménagement de ses avant-toits, pour environ 128 m2, soit une surface bien inférieure à celle de la grange à transformer. L'agrandissement n'avait ainsi pas pour but de remplacer la grange. Vu les photographies produites, la grange n'était que partiellement utilisée à des fins agricoles, comme bergerie ou dépôt. Au vu des autres surfaces existantes disponibles sur la parcelle, soit les hangars, et compte tenu de l'agrandissement de la bergerie, la grange n'était plus nécessaire à l'exploitation agricole. De plus, dans une note interne du 2 juillet 2009 adressée par la direction générale de l’agriculture (ci-après : DGA - actuellement OCAN) au SMS lors de l'élaboration du plan de site et à la suite d'un transport sur place, l'OCAN avait considéré que les activités agricoles déployées dans les bâtiments n°s 2______, 8______, 7______ et 6______ pouvaient être transférées dans les bâtiments n°s 3______ (parcelle n° 1______), 15______ et 16______ (parcelle 18______). Compte tenu des rapports de surface, l'ensemble de l'activité agricole pouvait prendre place dans les bâtiments n°s 3______, 15______, 16______ et 17______.

Le SMS avait expressément qualifié d'intervention mineure les nouvelles ouvertures prévues en façade, qu'il avait approuvées, de même que la CMNS, et la pose de nouvelles tuiles translucides. Les conditions figurant dans le préavis de la CMNS du 12 mai 2020 en lien avec ces ouvertures avaient été reprises par le SMS dans son préavis favorable du 24 août 2020. Les balcons avaient été admis par le SMS car ils s'inséraient à l'intérieur des gabarits de la toiture ; ils devaient être traités en bois. En critiquant les éléments retenus par les autorités compétentes, A______ et consorts ne faisaient que substituer leur propre appréciation à celle des instances spécialisées, sans pour autant démontrer d'un excès ou d'abus du pouvoir d'appréciation de la part de celle-ci, étant précisé que le préavis de la CMNS revêtait en l'espèce un caractère prépondérant.

20) Le 30 avril 2021, A______ et consorts ont relevé que dès son origine, le projet tendait d'une part à la démolition de constructions annexes et d'autre part au changement d'affectation et à la transformation du bâtiment principal. S'agissant d'un projet global, la contestation de l'autorisation DD 9______ impliquait celle de l'autorisation de démolition M 11______.

Ils contestaient le fait que les activités agricoles pourraient être redéployées dans d'autres bâtiments. Le bâtiment n° 15______ était un couvert vétuste abritant déjà des véhicules, machines et matériel agricole ; le bâtiment n° 16______ était un abri provisoire inesthétique servant de dépôt de bois, d'environ 20 m2 ; le bâtiment n° 17______, d'environ 12 m2, était un poulailler. Le dossier n'avait manifestement pas été instruit de manière diligente par l'OAC, qui n'avait pas vérifié sur place les allégations des copropriétaires.

21) Par jugement du 24 juin 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Il ressortait de l'extrait du plan cadastral de la parcelle n° 1______ que A______ et consorts étaient propriétaires ou locataires de biens-fonds directement voisins ou à faible distance de la parcelle concernée par le projet litigieux. Comme relevé par la CMNS dans son préavis du 26 février 2002, le L______ s'apparentait plutôt à un domaine. Ainsi, vu leur proximité avec le projet en cause, les recourants seraient vraisemblablement touchés par les immissions que produirait le futur bâtiment d'habitation, notamment en termes de bruits et d'augmentation du trafic. Ils disposaient donc d'un intérêt pratique et actuel à ce que l'existence ou non d'une violation de l'art. 24d LAT soit examinée sur le fond et donc de la qualité pour recourir.

Les conditions posées par l'art. 24d al. 2 LAT étaient remplies. Le plan de site et le caractère digne de protection du bâtiment 2______ avaient été confirmés par jugement, entré en force, de la chambre administrative du 8 juillet 2014 (ATA/900/2014 précité, consid. 9), constat qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause dans la mesure où l'état de fait n'avait pas changé, Dans leur mémoire de recours du 2 novembre 2020, A______ et consorts admettaient que les conditions de l'art. 24d al. 2 LAT étaient remplies de par l'entrée en force dudit arrêt. Pour ce qui concernait la let. b de l'art. 24d al. 2 LAT, le bâtiment en cause constituait actuellement un vaste volume qui n'était utilisé que de manière très marginale à des fins agricoles et dont les revenus, selon toute vraisemblance, étaient largement insuffisants pour couvrir à long terme les frais d'entretien. Dans ces conditions, la transformation du bâtiment en vue d'y créer des logements paraissait être la meilleure option pour garantir sa conservation à long terme.

Concernant les conditions posées à l'art. 24d al. 3 LAT, l'autorité intimée, en prononçant les décisions litigieuses, avait suivi les préavis favorables de l'OCAN, de la CMNS et du SMS, autorités composées de spécialistes. Conformément à la jurisprudence, le TAPI faisait preuve de retenue et se limitait à examiner si l'autorité intimée ne s'était pas écartée sans motif prépondérant et dûment établi des préavis des autorités techniques consultatives.

Lors du transport sur place du 13 juin 2014, il avait été constaté que le bâtiment 2______ n'était que partiellement utilisé pour les activités agricoles (art. 24d al. 3 let. a LAT). Une association louait le rez-de-chaussée pour ses réunions quatre à cinq fois par année, une petite partie de la moisson était stockée à l'étage supérieur et quelques chèvres se trouvaient dans l'appentis en bois délabré au sud du bâtiment. La DGA, dans sa note de service du 2 juillet 2009, avait relevé que les activités agricoles déployées dans ce bâtiment pouvaient être transférées dans d'autres bâtiments existants, notamment dans les espaces vides de la bergerie, qui serait a fortiori agrandie vu la DD 10______ délivrée à cet effet et entrée en force. Ainsi, le bâtiment 2______ n'était plus nécessaire à l'usage agricole. De plus, l'agrandissement autorisé de la bergerie, d'une surface de 128 m2, par la création d'avant-toits, ne créait pas de nouveau volume, ni de modification de la toiture du bâtiment, étant rappelé que l'art. 24d al. 3 let. c LAT offrait la possibilité d'effectuer de légers agrandissements des structures existantes.

Le projet de construction avait été modifié pour tenir compte des préavis successifs de la CMNS, qui avait examiné avec toute l'attention voulue ses différents aspects, notamment le traitement des murs pignons et l'aménagement des jours. Le SMS avait en outre qualifié expressément certains de ces éléments de modifications mineures de la structure du bâtiment. Le SMS et la CMNS avaient conclu que l'aspect extérieur et la structure architecturale du bâtiment 2______ étaient pour l'essentiel maintenus (art. 24 al. 3 let. b LAT). En admettant que les transformations projetées n'étaient pas de nature à altérer sensiblement l'aspect extérieur et la structure architecturale du bâtiment, l'autorité intimée s'était contentée de suivre les préavis favorables des autorités compétentes spécialisées.

Il ressortait de la note de service de la DGA du 2 juillet 2009 que les activités agricoles déployées sur l'ensemble de l'exploitation pouvaient être déplacées dans d'autres bâtiments existants. L'avenir de l'exploitation agricole n'était donc pas mis en péril. De ce fait, l'exploitation des terrains agricoles environnant n'apparaissait pas être menacée par le projet en cause (art. 24d al. 3 let. d LAT).

Il n'apparaissait pas qu'il existât en l'espèce d'intérêts prépondérants s'opposant au projet de construction. La diminution des exploitations agricoles était un fait qui ne résultait pas directement de l'activité de l'État, mais des actions privées.

En conclusion, A______ et consorts ne démontraient pas en quoi l'autorité intimée aurait mésusé de son pouvoir d'appréciation en suivant les préavis des autorités spécialisée.

22) A______ et consorts, à l'exception de Madame N______ qui n'était plus domiciliée à P______ et n'avait plus d'intérêt à participer à la procédure, ont formé recours contre ce jugement par acte déposé le 24 août 2021 au guichet de la chambre administrative, concluant à son annulation, de même qu'à celles des autorisations de démolir M 11______ et de construire DD 9______.

Seules les possibilités offertes par l'art. 24d al. 2 LAT entraient en considération en l'espèce, dont toutes les conditions n'étaient toutefois pas réalisées. Le dossier ne contenait aucune analyse de la valeur patrimoniale du bâtiment 2______ qui permettrait de le considérer comme étant digne de protection au sens de l'art. 24d al. 2 let. a LAT. Son évaluation restait en attente sur le site internet de l'État de Genève. Les deux préavis de la CMNS ne contenaient aucune analyse de sa valeur architecturale. Pour cette première raison déjà, les deux autorisations litigieuses devaient être annulées.

On ignorait sur quelle base le TAPI, qui avait ainsi manifestement violé le droit fédéral, avait retenu que les revenus issus de ce bâtiment étaient « selon toute vraisemblance » insuffisants pour couvrir à long terme les frais d'entretien. Le dossier ne fournissait aucun renseignement à cet égard, en particulier les préavis de la CMNS. Le coût engendré par l'agrandissement de la bergerie voisine, de manière à pouvoir y déplacer les activités agricoles prétendument « marginales » déployées dans le bâtiment 2______, devait permettre l'entretien de celui-ci, dont on ne voyait pas en quoi il serait particulièrement onéreux.

Tous les arguments du TAPI en lien avec l'application de l'art. 24d al. 3 LAT étaient erronés. Cette instance se fondait uniquement sur une note de service du 2 juillet 2009 de la DGA et on ignorait ce qu'il en était actuellement, en particulier pourquoi le transfert des activités agricoles dans d'autres bâtiments n'avait pas eu lieu depuis douze ans, ce qui semblait démontrer que le bâtiment 2______ conservait toute son utilité, partielle, pour l'exploitation agricole. On ne voyait pas en quoi les travaux de transformation de la bergerie, portant sur 128 m2 d'espace ouvert et non fermé, complété d'un nouveau mur remonté jusqu'à sa base, empêcheraient de qualifier la bergerie de construction de remplacement. Il s'agissait d'un aménagement durable, créé de la main de l'homme, fixé au sol, ayant une incidence sur son affectation et modifiant sensiblement l'espace extérieur, tel que retenu par la jurisprudence. Ce vaste avant-toit répondait manifestement à cette définition et son impact sur la zone agricole était le même, que l'espace soit ouvert ou fermé. Les 128 m² recouverts seraient désormais impropres à la culture. Le projet litigieux ne respectait donc pas l'art. 24d al. 3 let. a LAT.

Le TAPI n'avait à tort pas examiné la pertinence des préavis de la CMNS et du SMS s'agissant de la condition du maintien pour l'essentiel de l'aspect extérieur et de la structure architecturale du bâtiment 2______ (art. 24d al. 3 let. b LAT). Or, les interventions prévues dénaturaient complètement son aspect, ce qui ressortait d'une juxtaposition photographique (pièces 24 à 27 de leur chargé de pièces). Il n'y avait pas besoin de faire appel à des spécialistes pour constater que l'aspect extérieur serait totalement bouleversé, altéré (constructions attenantes démolies, façades pignons percées de fenêtres, créations sur les deux autres murs de balcons, remplacement d'une partie des tuiles par des jours et modification complète de l'aspect des portes) au point que la vocation initiale de la grange disparaîtrait totalement. Dès lors, même si la CMNS et le SMS approuvaient l'esthétique du futur bâtiment, cette opinion ne saurait occulter le fait que celui-ci n'était pas « pour l'essentiel inchangé » comme le voulait la loi.

La situation n'était plus la même que celle examinée par la DGA en juillet 2009, ne serait-ce que parce qu'aux abords du périmètre visé par le plan de site, le plateau de P______ avait subi une substantielle modification lorsque les terrains agricoles avaient été remplacés par plusieurs groupes d'immeubles à l'ouest du périmètre déclassé R______. Les futures étapes du développement de ce nouveau quartier étendraient l'urbanisation jusqu'à la limite sud du périmètre du plan de site. Dans ces conditions, il n'était pas concevable qu'une nouvelle analyse de l'activité agricole déployée sur le plateau de P______ parvienne à la conclusion que celle-ci n'était pas menacée. Il fallait au contraire préserver l'existant, en particulier les locaux d'exploitation nécessaires. L'opinion du TAPI, fondée sur un état de fait dépassé, ne justifiait donc pas l'octroi de la dérogation (art. 24d al. 3 let. d et e LAT).

23) Les copropriétaires ont conclu le 4 octobre 2021 au rejet du recours.

Ils ont en particulier relevé que l'utilisation marginale du bâtiment 2______ avait été constatée à plusieurs reprises lors des divers transports sur place. L'autorisation DD 10______ ne visait pas à construire un avant-toit au bâtiment existant n° 3______, mais uniquement à fermer l'avant-toit existant. Les recourants n'avaient émis aucune observation lors de l'instruction de cette autorisation ni ne s'y étaient opposés. L'espace clos ainsi créé était sans commune mesure avec celui du bâtiment dont l'affectation était modifiée par les autorisations querellées.

Les recourants omettaient de dire que l'OCAN s'était prononcé récemment sur le projet, notamment à l'occasion des préavis des 27 mai 2019 et 13 mars 2020. Alors que la charge de la preuve leur incombait, ils n'exposaient pas en quoi l'éventuelle évolution du périmètre permettrait de retenir que l'autorisation querellée constituerait une menace pour l'exploitation agricole des terrains environnants.

Au vu de l'examen à plusieurs reprises du projet par la CMNS puis le SMS avant d'être approuvé par le département, ils ne comprenaient pas les motifs pour lesquels la chambre administrative devrait s'écarter de leurs préavis.

24) Le département a conclu le 18 octobre 2021 au rejet du recours.

Il a notamment relevé que le plan de site adopté le 19 juin 2013 désignait le bâtiment 2______ comme bâtiment maintenu, ce qui avait été confirmé par arrêt de la chambre de céans du 8 juillet 2014. Le 16 avril 2018, le SMS et l'historien de l'IMAH, après constat sur place, lui avaient donné une valeur plus élevée que celle de 4+ estimée au stade dudit arrêt, ce qui correspondait à une valeur d'inscription à l'inventaire, confirmée par la CMNS dans son préavis du 12 mai 2020. Cette dernière, dans son préavis précédent du 18 juin 2019, s'était également appuyée sur l'évaluation patrimoniale du 16 avril 2018. Conformément à l'art. 27D al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), il bénéficiait dès lors d'une mesure de protection au sens de l'art. 24d al. 2 let. a LAT.

A______ et consorts ne démontraient ni même n'alléguaient qu'un transfert des activités agricoles dans un autre bâtiment serait impossible ou menacerait l'activité agricole existante, ce qui n'était pas le cas et au demeurant avait été dûment et scrupuleusement examiné lors du transport sur place du 13 juin 2014. L'aménagement des avant-toits de la bergerie, d'une surface largement inférieure à celle du bâtiment 2______ n'avait pour évidence pas pour but de remplacer celui-ci. On ne pouvait en outre pas suivre les recourants lorsqu'ils affirmaient que cet aménagement aurait pour effet de rendre les surfaces agrandies impropres à la culture, puisque ces surfaces, en raison de leur emplacement sous un avant-toit préexistant, n'étaient déjà plus cultivées. Il s'agissait au surplus d'un groupement tel que préconisé à l'art. 21 al. 1 LaLAT, qui visait aussi une meilleure utilisation de la bergerie et s'avérait nécessaire à son bon fonctionnement (préavis de l'OCAN du 22 juin 2020).

La question de savoir si l'adoption des modifications de zones et des plans localisés de quartier dans le cadre du projet R______ menaceraient l'avenir de l'exploitation agricole dépassaient le cadre du litige.

25) A______ et consorts n'ont pas souhaité répliquer dans le délai qui leur avait été imparti à cet effet.

26) Les parties ont été informées, le 26 novembre 2021, que la cause était gardée à juger.

Leurs arguments, de même que la teneur des nombreuses pièces figurant à la procédure, seront repris ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du recours.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La qualité pour recourir des occupants de parcelles voisines directes du projet litigieux n'est plus remise en cause au stade du recours, de sorte qu'il y a lieu de se référer au raisonnement tenu par le TAPI sur ce point, lequel ne prête au demeurant pas le flanc à la critique.

3) Les recourants contestent la légalité des autorisations visant, sur le site du L______, situé en zone agricole, à transformer la grange pour y créer huit logements, respectivement à démolir des annexes agricoles, soit les bâtiments n°s 19______, 20______, 21______ et partie de la grange. L'autorisation visant à l'agrandissement de la bergerie, ayant fait l'objet de l'autorisation DD 10______, est en force.

4) a. Selon l'art. 1 al. 1 let. a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation. De même n'est-il pas possible de modifier, même partiellement, le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation sans autorisation (art. 1 al. 1 let. b LCI).

b. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. L'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. La LCI ne prévoit pas de hiérarchie entre les différents préavis requis. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid. 18 et les références citées).

c. En zone agricole, le préavis de la DGA ne doit pas être minimisé car il est obligatoire (art. 82 al. 2 LCI ; ATA/534/2016 du 21 juin 2016 cité in Stéphane GRODECKI/Valérie DEFAGO GAUDIN, La jurisprudence genevoise en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue en 2016, RDAF 2017 I p. 20).

d. Chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu'il s'agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 3c).

e. S'agissant du TAPI, celui-ci se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d'urbanisme et d'hygiène publique (art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative, de sorte que cette dernière exerce son pouvoir d'examen avec retenue (ATA/258/2020 précité consid. 3c ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6e).

5) a. Selon l'art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1). L'autorisation est délivrée si : la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (let. a) ; le terrain est équipé (let. b, al. 2). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (al. 3).

b. Les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole et comprennent : les terrains qui se prêtent à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice et sont nécessaires à l'accomplissement des différentes tâches dévolues à l'agriculture (let. a) ; les terrains qui, dans l'intérêt général, doivent être exploités par l'agriculture (let. b, art. 16 al. 1 LAT). Il importe, dans la mesure du possible, de délimiter des surfaces continues d'une certaine étendue (art. 16 al. 2 LAT). Dans leurs plans d'aménagement, les cantons tiennent compte de façon adéquate des différentes fonctions des zones agricoles (art. 16 al. 3 LAT).

Sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice (art. 16a al. 1 LAT) et qui servent au développement interne d'une exploitation agricole ou d'une exploitation pratiquant l'horticulture productrice sont conformes à l'affectation de la zone (art. 16a al. 2 LAT).

c. Aux termes de l'art. 20 LaLAT, la zone agricole est destinée à l'exploitation agricole ou horticole. Ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l'exerçant à titre principal (let. a) ; respectent la nature et le paysage (let. b) ; respectent les conditions fixées par les art. 34 ss OAT (let. c).

d. Les constructions édifiées dans la zone agricole au sens des art. 20 à 22 LaLAT sont soumises à ces dispositions et à celles applicables à la cinquième zone au sens de la LCI (art. 82 al. 1 LCI). En cas d'application des art. 34 à 38 et 40 OAT, le département ne peut délivrer une autorisation qu'avec l'accord, exprimé sous forme d'un préavis, du département chargé de l'agriculture (art. 82 al. 2 LCI).

e. La zone agricole est en principe inconstructible. Aussi, le fait qu'une construction soit reconnue conforme à l'affectation de la zone ne signifie pas encore que le permis doit être délivré. En effet, l'autorité compétente doit examiner en premier lieu si la nouvelle activité peut être réalisée dans les locaux existants ; si tel n'est pas le cas, elle doit en outre vérifier que la nouvelle construction n'est pas surdimensionnée par rapport à l'utilisation envisagée et les besoins de l'exploitation et qu'aucun intérêt prépondérant ne s'oppose à l'implantation du nouveau bâtiment à l'endroit prévu (art. 34 al. 4 OAT ; ATF 129 II 413 consid. 3.2, arrêt du Tribunal fédéral 1C_631/2019 consid. 2.4.5).

6) a. Selon l'art. 24d LAT, l'utilisation de bâtiments d'habitation agricoles conservés dans leur substance peut être autorisée à des fins d'habitation sans rapport avec l'agriculture (al. 1). Le changement complet d'affectation de constructions et d'installations jugées dignes d'être protégées peut être autorisé à condition que : a. celles-ci aient été placées sous protection par l'autorité compétente ; b. leur conservation à long terme ne puisse être assurée d'une autre manière (al. 2). Ces autorisations ne peuvent être délivrées que si : a. la construction ou l'installation n'est plus nécessaire à son usage antérieur, qu'elle se prête à l'utilisation envisagée et qu'elle n'implique pas une construction de remplacement que n'imposerait aucune nécessité ; b. l'aspect extérieur et la structure architecturale du bâtiment demeurent pour l'essentiel inchangés ; c. tout au plus une légère extension des équipements existants est nécessaire et que tous les coûts supplémentaires d'infrastructure occasionnés par le changement complet d'affectation de la construction ou de l'installation sont à la charge du propriétaire ; d. l'exploitation agricole des terrains environnants n'est pas menacée ; e. aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (al. 3).

b. À Genève, le département délivre les autorisations visant le maintien de l’habitation sans rapport avec l’agriculture ou le changement complet d’affectation de constructions ou installations dignes d’être protégées au sens et aux conditions fixées à l’art. 24d LAT (art. 27D al. 1 LaLAT).

c. À teneur de l’art. 27D al. 2 let. c LaLAT (exceptions de droit cantonal hors zone à bâtir), le maintien par un plan de site prévu par la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) constitue une mesure de protection au sens de l’art. 24d al. 2 let. a LAT.

7) Les recourants contestent en premier lieu le caractère digne de protection de la grange, qui comprend des écuries, des étables, une remise et un fenil, amenée à être transformée, et sa mise sous protection de l'autorité compétente (art. 24d al. 2 let. a LAT).

Ils ne sauraient être suivis. La chambre de céans a tranché la question dans l'arrêt définitif et exécutoire ATA/900/2014 précité suite au recours déposé contre le plan de site n° 4______ « L______ » adopté le 19 juin 2013 par le Conseil d'État.

En particulier, ce bâtiment 2______, construit à la fin du 19ème siècle dans le style « Heimatstil », mérite selon la CMNS une valeur de 4+ (bien intégré, en volume et en substance), ce qui est, en soi, suffisant pour les considérer comme étant digne d’être protégé au sens de l’art. 24d al. 2 LAT par les autorités cantonales dans le cadre de l’ensemble bâti du L______. La CMNS, commission composée de spécialistes, a clairement pris position en faveur d'une mise sous protection et du maintien des principes architecturaux notamment de ce bâtiment.

Par conséquent, la chambre de céans a déjà tranché de manière définitive la question : les bâtiments que ce plan de site maintient peuvent valablement être considérés comme dignes de protection au sens de l’art. 24d al. 2 LAT. Il en va ainsi de la grange concernée.

La CMNS n'a par la suite pas modifié sa position. Dans son premier préavis rendu dans le cadre de l'autorisation de construire litigieuse, défavorable, du 18 juin 2019, elle a rappelé les qualités historico-architecturales spécifiques de ce bâtiment 2______, et du site, tout en rappelant que le plan de site prévoyait un changement d'affectation possible. Dans son second préavis, favorable, du 12 mai 2020, elle a relevé que la grange avait valeur d'inscription à l'inventaire. Le SMS a enfin relevé dans son préavis du 24 août 2020 « sa qualité de bâtiment maintenu, parce que ses qualité architecturales sont relevées et doivent être préservées ».

Ces récents constats, émanant d'entités composées de spécialistes, confirment, si besoin était, la protection dont jouit cette grange.

Ce grief sera rejeté.

8) Les recourants soutiennent ensuite que les intimés n'auraient pas démontré que la conservation à long terme de la grange ne pourrait être assurée d'une autre manière qu'en modifiant son affectation (art. 24d al. 2 let. b LAT).

a. Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4).

L'un des corollaires de la maxime inquisitoire est que les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s'appliquent en principe pas, de sorte que si les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans une procédure qu'elles introduisent elles-mêmes, cela n'influence pas le fardeau de la preuve. Il n'en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l'on ne peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, la règle de l'art. 8 du Code civil du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie : quiconque prétend à un droit, doit prouver les faits dont il le déduit. De sorte, que si une partie n'arrive pas à prouver un fait à son avantage, elle en supporte les conséquences (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, 2ème éd., p. 220 ss).

b. En l'espèce, et tel que cela ressort des photos figurant notamment dans le dossier du département, la grange constitue un vaste volume qui ne semble être utilisé que de manière très marginale. En particulier, les écuries et étables y apparaissent vides de tous animaux, sans que l'on discerne une présence encore récente. Sans être contredits de manière étayée, les copropriétaires intimés ont relevé que le rez-de-chaussée était utilisé quatre à cinq fois par année pour les réunions d'une association, que seule une partie de la moisson y était stockée et que quelques chèvres se trouvaient dans l'appentis en bois délabré au sud. Il ressort de ces mêmes photos, mais également de celles produites par les recourants dans leur chargé de pièces du 12 mars 2021 (pièces 24 ss), que l'état de la grange, tant extérieur qu'intérieur, est critique. Ces éléments suffisent à retenir que le revenu provenant de l'exploitation de cette grange doit être minime et qu'il ne suffirait pas à couvrir des travaux permettant de conserver à long terme ce bâtiment qui mérite des travaux d'entretien. Les recourants échouent à renverser ce constat des copropriétaires, qui résulte déjà des photos produites à l'appui de leur demande d'autorisation.

Ce grief doit également être écarté.

9) Reste à examiner les conditions figurant à l'art. 24d al. 3 LAT dont les recourants soutiennent qu'elles ne sont pas davantage réalisées.

À cet égard, le raisonnement du TAPI, composé de spécialistes, ne souffre d'aucune critique. Rien ne permet en effet de remettre en cause le constat de la DGA qui, dans sa note de service du 2 juillet 2009, a relevé que les activités agricoles déployées dans ce bâtiment pouvaient être transférées dans d'autres bâtiments existants, notamment dans les espaces vides de la bergerie, de sorte que le bâtiment 2______ n'était plus nécessaire à l'usage agricole. Les recourants ne soutiennent pas ni a fortiori n'étayent que la grange abriterait à ce jour davantage d'activité agricole qu'en 2009, lorsque la DGA a posé ce constat. Les photos déposée au département en juillet 2020 à l'appui de la demande d'autorisation vont plutôt dans le sens d'une affectation agricole résiduelle dans cette grange.

S'agissant de la modification de la bergerie, dûment autorisée, prévoyant son agrandissement d'une surface de 128 m2, par la création d'avant-toits, elle peut être considérée au rang de légers agrandissements des structures existantes, comme le permet l'art. 24d al. 3 let. c LAT. Il ressort de la photo n° 4 annexée au procès-verbal de transport sur place effectué le 13 juin 2014 par la chambre administrative dans le cadre du recours contre le plan de site que ladite bergerie est un bâtiment imposant, de l'équivalant de deux, voire trois étages sur rez, d'une surface brute de plancher, à teneur des données cadastrales, de 30 m x 20 m, soit 600 m2. Ainsi, l'agrandissement autorisé, qui représente un peu plus d' 1/5ème de sa surface actuelle, ne saurait être qualifié de construction de remplacement, mais bien d'une légère extension des équipements existants.

Nul ne remet ensuite en cause, à bon escient, le fait que la grange se prêterait après transformation à l'habitation.

Pour ce qui est de l'aspect extérieur et de la structure architecturale du bâtiment, qui doivent à teneur de la loi demeurer pour l'essentiel inchangés, la CMNS et le SMS ont conclu que tel était le cas du projet de construction modifié pour tenir compte des préavis successifs de la CMNS, dont il n'est pas remis en cause qu'elle a examiné avec toute l'attention voulue ses différents aspects, notamment le traitement des murs pignons et l'aménagement des jours, et du SMS qui de son côté a qualifié expressément certains de ces éléments de modifications mineures de la structure du bâtiment. L'autorité intimée a suivi les préavis détaillés et cohérents de ces deux entités composées de spécialistes pour conclure que les transformations projetées n'étaient pas de nature à altérer sensiblement l'aspect extérieur et la structure architecturale du bâtiment. Ce faisant, elle n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation.

Comme déjà dit, s'agissant de la condition d'une menace de l'exploitation agricole des terrains environnants, il ressort de la note de service de la DGA du 2 juillet 2009 que les activités agricoles déployées sur l'ensemble de l'exploitation, qui semblent actuellement de peu d'envergure, peuvent être déplacées dans d'autres bâtiments existants, notamment la bergerie. Il n'est donc nullement démontré que le département aurait abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que l'avenir de l'exploitation agricole n'était pas mis en péril, pas plus que l'exploitation des terrains agricoles environnants.

Enfin, au-delà de la poursuite de l'activité agricole moyennant les aménagements prévus, il n'apparaît pas qu'un autre intérêt prépondérant s'oppose à la transformation de la grange en logements. Certes, les recourants devront « faire avec » de nouveaux voisins, dans ce hameau en zone agricole. Cette gêne, mise en balance avec l'intérêt de la population genevoise à disposer de surfaces habitables, ne revêt toutefois pas le niveau d'un « intérêt prépondérant » au sens où l'entend l'art. 24d al. 3 let d. LAT. Dans la mesure où l'exploitation agricole telle qu'elle existe actuellement se poursuivra dans le hameau, en particulier dans la bergerie, l'intérêt de la population à côtoyer des animaux dans la « Ville de Genève » sera préservé, pour autant qu'il puisse être qualifié de prépondérant et que les recourants puissent s'en prévaloir, question qui souffrira de demeurer ouverte. Enfin, la question de la transformation du quartier dans le cadre du projet dit des Grands-Esserts sort de l'objet du litige, comme justement retenu par le TAPI.

Ainsi, en tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

10) Un émolument de procédure de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de même montant, également à leur charge solidaire, sera allouée aux copropriétaires (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 août 2021 par A______, Monsieur B______, Monsieur D______et Madame C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de A______, Monsieur B______, Monsieur D______ et Madame C______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Mesdames E______, G______, Messieurs H______, I______, J______ et F______, à la charge solidaire de A______, Monsieur B______, Monsieur D______ et Madame C______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Laurent Winkelmann, avocat des recourants, au département du territoire-oac, à Me Philippe Cottier, avocat des intimés copropriétaires, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber et M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :