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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3551/2022

JTAPI/240/2023 du 03.03.2023 ( LCR ) , REJETE

IRRECEVABLE par ATA/615/2023

Descripteurs : PERMIS DE CONDUIRE;EXPERTISE MÉDICALE;RETRAIT DE PERMIS;RETRAIT DE SÉCURITÉ;ALCOOL;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : LCR.14; LCR.16; LCR.16d; LCR.17.al3; LCR.17.al5; Cst.29
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3551/2022 LCR

JTAPI/240/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 mars 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Sébastien LORENTZ, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1975, est titulaire d’un permis de conduire suisse pour les catégories et sous-catégories B, B1, F, G et M depuis le 21 février 1996.

2.             Par décision du 30 septembre 2019, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a prononcé un retrait de sécurité du permis de conduire de l'intéressé pour une durée indéterminée dès le 13 janvier 2019, précisant qu’une nouvelle décision de sa part ne pourrait intervenir que sur la base d'un nouveau rapport d’expertise réalisé auprès d’un médecin du trafic SSML de niveau 4.

3.             Par rapport d'expertise du 28 septembre 2021, la Docteure B______, médecin spécialiste du trafic SSML a conclu que M. A______ ne présentait plus actuellement une problématique éthylique de nature à contre-indiquer la conduite d'une automobile. II était donc apte, sous réserve des conditions susmentionnées, à la conduite des véhicules à moteur du 1er groupe.

Il était relevé que les états de santé physique et psychique de l’intéressé, âgé de 46  ans, étaient conformes aux exigences requises des conducteurs. Il était connu pour une dépendance à l’alcool de longue date, avec une première prise en charge spécialisée débutée (sur demande de l'UMPT) en novembre 2005, associée à d'importantes difficultés à dissocier l'alcool de la conduite, son dossier administratif de conducteur comportant cinq infractions routières avérées de ce type entre 1999 et 2019. Suite à la précédente expertise, négative, rendue par l'UMPT fin juillet 2019, l'intéressé avait initié une nouvelle période de suivi spécialisé en janvier 2021. Son alcoologue indiquait qu'il y était venu de manière régulière et y avait participé activement, notamment en se soumettant aux analyses de sang qui étaient requises. Les résultats de ces analyses n’étant toutefois pas compatibles avec la stricte abstinence à l’égard de l'alcool qu'annonçait respecter son patient, cette spécialiste lui avait proposé de les remplacer par deux analyses capillaires (…) dont les résultats (EtG non détecté) confirmaient les annonces réitérées d’abstinence totale prolongée Enfin, son alcoologue soulignait l'évolution clairement positive de M. A______, qui avait désormais pris conscience de l'importance de dissocier la prise d’alcool de la conduite d'un véhicule.

Lors de l'évaluation médicale courante, l'expertisé confirmait l’établissement d'une stricte abstinence à l'égard de l'alcool depuis le mois de janvier 2021, et présentait une réelle prise de conscience de sa problématique éthylique passée et de ses difficultés face à l'alcool. Il réalisait, de fait, les dangers que représenterait une éventuelle reprise de cette consommation (…). Par ailleurs, rien ne permettait de remettre en doute ses déclarations relatives à une abstinence depuis toujours à l'égard de tout produit stupéfiant illicite et/ou de médication psychotrope.

En définitive, M. A______ ne présentait actuellement plus une consommation problématique d’alcool dans la mesure où il avait réalisé à cet égard un changement satisfaisant et objectivable, dans le cadre d’un suivi addictologique initié il y avait huit mois, Toutefois, la poursuite de ce suivi médical spécialisé mensuel s'avérait nécessaire durant six mois supplémentaires au moins, afin que l’évolution positive actuellement observée puisse être consolidée. Cette période d'observation devrait par ailleurs comporter la réalisation de deux analyses capillaires effectuées tous les trois mois (soit en décembre 2021 et mars 2022) sur des prélèvements de cheveux proximaux d’une longueur de 3 cm.

A l'issue de cette période (mars 2022), la médecin alcoologue en charge de l’intéressé devrait lui adresser un certificat confirmant que le suivi régulier ainsi que les deux analyses capillaires avaient bien été effectués, afin qu’elle confirme son actuel préavis favorable. Au terme de ce suivi de consolidation, il ne serait pas nécessaire que l'intéressé se présente à une nouvelle expertise médicale, pour autant que, durant toute la période dudit suivi, il n'y ait eu aucun manquement significatif aux rendez-vous prévus, aucune reprise anamnestique d'une consommation problématique d'alcool et aucun résultat d'analyse capillaire alarmant. Dans le cas contraire, son alcoologue pourrait à tout moment lui signaler les motifs de ses inquiétudes et, après avoir revu l'intéressé, les conclusions de son expertise actuelle pourraient être remises en question, comme le prévoyait l'art. 17 al. 5 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

4.             Par décision du 4 novembre 2021, l’OCV a retiré le permis de conduire de l'intéressé pour une durée de 16 mois, nonobstant recours, en application de l’art. 16c LCR.

Il lui était par ailleurs ordonné de se soumettre aux conditions mentionnées dans le rapport d'expertise précité, faute de quoi, une nouvelle mesure devrait être prononcée pour une durée indéterminée avec effet immédiat.

5.             Par courrier du 17 décembre 2021, la Dre B______ a informé l’OCV que l’alcoologue en charge de M. A______ lui avait signalé ce jour qu'il ne s'était pas présenté aux rendez-vous prévus en octobre et novembre 2021, et que le prélèvement capillaire qu'elle avait effectué le 8 décembre 2021 dénotait la reprise d'une consommation excessive et chronique d'alcool (EtG dosé à 50  pg/mg) au cours des deux à trois mois ayant précédé ce prélèvement.

Les conditions requises au terme de l'expertise du 28 septembre 2021 n'avaient ainsi pas été respectées par l’intéressé et, par conséquent, son préavis favorable ne pouvait être confirmé actuellement. Dans ces conditions, il devait donc être considéré comme inapte à la conduite des véhicules à moteur.

Sa réadmission à la circulation routière pourrait être réenvisagée lors d'une nouvelle expertise d'aptitude à la conduite automobile effectuée auprès d'un médecin spécialiste du trafic SSML de niveau 4. Cependant, cette réévaluation de son aptitude à la conduite automobile ne pourrait avoir lieu qu'au terme d'une prise en charge spécialisée et régulière durant une nouvelle période de six mois au minimum, objectivant le maintien d'une stricte abstinence à l'alcool. Par ailleurs, au vu de la problématique éthylique dont souffrait M. A______ depuis très longue date et de ses difficultés manifestes à maintenir dans la durée une abstinence totale à l'égard de l'alcool, il devrait lui être suggéré de s'engager dans une prise en charge alcoologique encadrée et quotidienne sur plusieurs semaines, tel qu'un sevrage en milieu hospitalier ou un suivi serré en hôpital de jour.

6.             Par courrier du 17 janvier 2022, l'OCV a imparti à M. A______ un délai au 1er février 2022 pour lui faire parvenir d'éventuelles observations à la suite du courrier précité le déclarant inapte à la conduite des véhicules à moteur.

7.             Dans ses observations du 27 janvier 2022, M. A______, agissant sous la plume d’un conseil, a expliqué s’être soumis à une analyse capillaire en décembre 2021. Le résultat positif à la consommation d'alcool de ladite analyse l’avait surpris dans la mesure où il avait scrupuleusement cessé toute consommation d'alcool depuis plus d’une année. Aussi, le résultat positif du rapport du 17 décembre 2021 ne pouvait être que la conséquence d'une consommation involontaire et non désirée. Soucieux de poursuivre son abstinence, il avait de bonne foi immédiatement augmenté le rythme de consultation de la Dre C______, spécialiste en addictologie. Dans ce sens et au besoin, il était disposé à se soumettre à de plus amples et fréquents tests d'alcoolémie afin de prouver son abstinence.

8.             Par courrier du 11 février 2022, l’OCV a informé M. A______ que, compte tenu du suivi par la Dre C______, il conditionnait le maintien de son droit de conduire à la poursuite du suivi médical spécialisé engagé, à une fréquence mensuelle, pendant six mois supplémentaires au moins, à compter de décembre 2021, afin que l'évolution positive observée lors de l'expertise puisse être consolidée.

Cette période d'observation devrait par ailleurs comporter la réalisation de deux analyses capillaires effectuées tous les trois mois (soit en mars et juin 2022) sur des prélèvements de cheveux proximaux d'une longueur de 3 cm. A l'issue de cette période, soit en juin 2022, la Dre C______ devrait adresser à la Dre  B______ un certificat confirmant que le suivi régulier ainsi que les deux analyses capillaires avaient bien été effectués, afin que le préavis favorable puisse être confirmé. Au terme de ce suivi de consolidation, il ne serait pas nécessaire qu’il se présente à une nouvelle expertise médicale, pour autant que, durant toute la période dudit suivi, il n'y ait eu aucun manquement significatif aux rendez-vous prévus, aucune reprise anamnestique d'une consommation problématique d'alcool et aucun résultat d'analyse capillaire alarmant. Dans le cas contraire, la Dre C______ pourrait à tout moment signaler ses inquiétudes à la Dre B______, laquelle pourrait revoir les conclusions de son expertise après l’avoir revu.

9.             Par courrier du 1er juillet 2022, la Dre B______ a informé l’OCV que l’alcoologue en charge de M. A______ lui avait signalé ce jour que le prélèvement capillaire qu'elle avait effectué le 8 juin 2022 était très fortement pathologique (EtG dosé à 82 pg/mg). Ce résultat dénotait la reprise d'une consommation excessive et chronique d'alcool au cours des deux à trois mois ayant précédé ce prélèvement. Ainsi, sur la base de ce résultat, les conditions requises au terme de l'expertise d'aptitude à la conduite automobile du 28  septembre 2021 n'étaient manifestement pas respectées et le préavis favorable qui y était formulé ne pouvait être confirmé actuellement. Dans ces conditions, l'intéressé devait donc être considéré comme inapte à la conduite des véhicules à moteur.

Sa réadmission à la circulation routière pourrait être réenvisagée lors d'une nouvelle expertise d'aptitude à la conduite automobile effectuée auprès d'un médecin spécialiste du trafic SSML de niveau 4, ne pouvant avoir lieu qu'au terme d'une prise en charge spécialisée et régulière durant une nouvelle période de six mois au minimum, objectivant le maintien d'une stricte abstinence à l'alcool. Par ailleurs, au vu de la problématique éthylique dont souffrait M. A______ depuis très longue date et de ses difficultés manifestes à maintenir dans la durée une abstinence totale à l'égard de l'alcool, il lui était fortement recommandé d'initier une prise en charge alcoologique quotidienne sur plusieurs semaines, tel qu'un sevrage en milieu hospitalier ou un suivi serré en hôpital de jour.

10.         Par courrier du 5 juillet 2022, l'OCV a imparti à M. A______ un délai au 2 août 2022 pour lui faire parvenir d'éventuelles observations à la suite du courrier précité le déclarant inapte à la conduite des véhicules à moteur.

11.         Dans le délai imparti, M. A______, sous la plume d’un conseil, a requis le courrier du 1er juillet 2022 de la Dre B______ ainsi qu’une prolongation du délai pour ses observations, compte-tenu de l’absence durant une bonne partie de l’été de la Dre C______, ce qui lui a été accordé.

12.         Dans ses observations du 29 août 2022, M. A______, sous la plume de son conseil, a indiqué avoir redoublé d'efforts en vue de respecter une stricte abstinence et avoir ainsi cessé à nouveau toute consommation d'alcool dès le mois de juin 2022. Il continuait de surcroît à honorer scrupuleusement ses consultations auprès de la Dre C______, à la fréquence mensuelle prescrite et avait initié des démarches en vue de débuter un suivi au D______ en complément, conscient du fait qu'il avait besoin d'un soutien important. Ce suivi débuterait au début du mois de septembre 2022 et devrait contribuer grandement à maintenir son abstinence. Au mois de septembre prochain, il se prêterait à de nouvelles analyses capillaires. Il tenait absolument à conserver son permis de conduire en tant qu'il lui était indispensable dans l'exercice de son droit de visite sur ses enfants domiciliés en E______ et dans le cadre d'un processus de recrutement pour un poste au sein de la Fondation F______, lequel nécessitait un permis de conduire. Il l’invitait dès lors à bien vouloir prolonger le délai échéant au 31 août 2022 au 15 octobre 2022 pour le dépôt d'observations complémentaires, cela afin de pouvoir lui fournir une attestation de suivi auprès du D______ ainsi que le résultat des analyses du mois de septembre 2022.

13.         Par décision exécutoire nonobstant recours du 27 septembre 2022, rappelant les faits précités, l'OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de M. A______ pour une durée indéterminée, précisant que la levée de la présente mesure était subordonnée à la présentation d’un rapport d’expertise établi par un médecin de niveau 4, lequel devra se déterminer favorablement quant à son aptitude à la conduite.

14.         Par courrier du même jour, il l’invitait à déposer son permis de conduire au plus tard le 13 octobre 2022.

15.         Par courrier du 24 octobre 2022, l’OCV a dénoncé M. A______ auprès de Madame la Commandante de la Police au motif qu’il n’avait pas déposé son permis de conduire malgré sa sommation.

16.         Par acte daté du 25 octobre 2022, M. A______, sous la plume d’un nouveau conseil, a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et au renvoi du dossier pour instruction, sous suite de frais et dépens.

Préalablement, la restitution de l'effet suspensif devait être ordonnée dans la mesure le résultat de l'expertise du 20 octobre 2022 constatait une abstinence à l’alcool et qu’il y avait manifestement une autre cause que la consommation d'alcool aux résultats positifs des analyses effectuées par la Dre B______. Devant cette incertitude, l'autorité ne pouvait partir de l'idée que l'administré mettrait en danger la sécurité public faute d'en apporter la preuve, par conséquent l'effet suspensif doit être restitué afin que les autorités puissent établir les raisons de ces résultats anormaux.

Son droit d’être entendu avait été violé du fait que la Dre B______ avait envoyé son rapport sans y joindre les résultats détaillés. Par conséquent, il n’avait pas pu se prononcer sur ces derniers et encore moins les soumettre à un spécialiste. S’agissant des analyses toxicologiques, leurs résultats variaient très fortement sur une période relativement courte de quelques mois. A l'heure actuelle, aucune démarche n’avait été entreprise par les spécialistes mandatés par l'autorité pour expliquer ces fortes variations. Les résultats du 20 octobre 2022, démontraient que ses déclarations du 27 janvier 2022 étaient exactes. Pour ces motifs, la décision devait être annulée, et la cause renvoyée à l'autorité pour des examens complémentaires en vue d’expliquer ces variations.

Il a notamment joint un rapport du 20 octobre 2022, du Dr G______ du H______ (ci-après : H______), constatant une abstinence de la consommation d'alcool.

17.         Le 8 novembre 2022, l'OCV a transmis son dossier et indiqué s’opposer à la restitution de l’effet suspensif. L’intérêt public à la protection des usagers de la route devait prévaloir sur l’intérêt privé du recourant à recouvrer immédiatement son permis de conduire. De plus, cela reviendrait à vider de son sens la décision querellée.

18.         Le 21 novembre 2022, M. A______ a répliqué sur effet suspensif. L’OCV ne se déterminait pas sur la différence notable de résultats des analyses.

Il a joint une deuxième expertise effectuée le 8 novembre 2022, sur un prélèvement du 1er novembre 2022, indiquant qu’il n’y avait pas d’alcool dans le sang et que le résultat était compatible avec une absence de consommation d’éthanol pendant les 2 à 3 semaines qui avaient précédé le prélèvement.

19.         Par décision du 24 novembre 2022, le tribunal a rejeté la demande de restitution d’effet suspensif au recours formée par le recourant (DITAI/1______).

Cette décision a fait l’objet d’un recours à la chambre administrative de la Cour de justice. La procédure est toujours en cours.

20.         Le 24 janvier 2023, l’OCV a transmis son dossier et informé le tribunal n’avoir pas d’observations à formuler sur le fond du litige, persistant dans sa décision.

21.         Ce courrier a été transmis au recourant avec l’information que le dossier de l’OCV était consultable au greffe du tribunal, sur rendez-vous.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137  V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 515 p. 171).

5.             Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office. S'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/285/2013 du 7 mai 2013), de sorte qu'il peut admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (cf. ATF 135 III 397 consid. 1.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_540/2013 du 5 décembre 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 2.1).

6.             Le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu au motif que la Dre B______ avait envoyé son rapport, sans y joindre les résultats détaillés. Par conséquent, il n’avait pas pu se prononcer sur ces derniers, étant relevé que les résultats des analyses réalisées variaient fortement sur une période relativement courte de quelques mois, sans que les spécialistes mandatés par l’autorité ne l’expliquent.

7.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à leur détriment, de produire des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à leurs offres de preuves pertinentes ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 142 II 218 consid. 2.3).

8.             Le droit d’être entendu implique aussi l’obligation, pour l’autorité, de motiver sa décision afin que le destinataire puisse la comprendre, l’attaquer utilement s’il y a lieu et afin que l’autorité de recours puisse exercer son contrôle. L’autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’est pas tenue de discuter tous les arguments soulevés, mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige. La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Savoir si la motivation présentée est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_762/2020 du 17  mars 2021 consid. 2.1 et les références citées ; 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6b).

9.             Une violation du droit d’être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen, pour autant que celle-ci dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure. Si une telle réparation dépend de la gravité et de l’étendue de l’atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l’exception, elle peut cependant se justifier même en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure. En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; ATA/782/2022 du 9  août 2022 consid. 2b ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6c et les références citées).

10.         En l’espèce, la décision querellée mentionne les bases légales applicables (art. 16d LCR) et les faits pertinents sur lesquels elle se fonde. Avant le prononcé de celle-ci, le recourant a par ailleurs eu l’occasion de se déterminer sur les constats faits par les Dres C______ et B______, et en particulier sur le courrier du 1er juillet 2022 de cette dernière praticienne le déclarant inapte à la conduite au motif que le résultat du prélèvement capillaire réalisé le 8 juin 2022 était très fortement pathologique et dénotait la reprise d’une consommation excessive et chronique d’alcool au cours des deux à trois mois ayant précédé ce prélèvement. Dans ses observations du 29 août 2022, le recourant, assisté d’un conseil, a d’ailleurs reconnu, à tout le moins, un épisode de rechute avant juin 2022.

En outre, la lecture des écritures du recourant, assisté d’un nouveau conseil, permet de retenir que celui-ci a compris les tenants et aboutissants de la décision qu’il a contesté en toute connaissance de cause. Les résultats détaillés sur lesquels la Dre B______ a fondé son rapport sont dans le dossier de l’OCV, ce dont le recourant a été informé le 27 janvier 2023. Son conseil a enfin consulté le dossier le 8 février 2023.

Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la décision litigieuse ne souffre pas d’un défaut de motivation et que le droit d’être entendu du recourant, lequel aurait d’ailleurs été, en tout état, réparé devant le tribunal de céans, n’a pas été violé.

11.         Le recourant conclut à l’annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause à l’OCV, pour examens complémentaires, au motif que celle-ci se fonde sur des analyses toxicologiques dont les résultats varient très fortement des dernières analyses réalisées et ce sur une période relativement courte de quelques mois, sans qu’aucune démarche n’ait été entreprise par les spécialistes mandatés par l'autorité pour expliquer ces fortes variations. Les résultats du 20 octobre 2022, démontraient que ses déclarations du 27 janvier 2022 étaient exactes.

12.         Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l'aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui remplit les conditions suivantes :

- il a atteint l'âge minimal requis (let. a) ;

- il a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b) ;

- il ne souffre d'aucune dépendance qui l'empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) ;

- ses antécédents attestent qu'il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

13.         Le permis de conduire est retiré lorsque l'autorité constate que les conditions légales de sa délivrance, énoncées par la disposition précitée, ne sont pas ou ne sont plus remplies (art. 16 al. 1 1ère phr. LCR).

14.         Il y a également lieu à retrait du permis de conduire, pour une durée indéterminée, lorsque la personne en cause, en raison de son comportement antérieur, ne peut garantir qu'à l'avenir elle observera les prescriptions et fera preuve d'égards envers autrui en conduisant un véhicule automobile (art. 16d al. 1 let. c LCR).

15.         Ces mesures constituent un retrait de sécurité (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 122 II 359 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1 ; 1C_384/2011 du 7  février 2012 consid. 2.3.1), en ce sens qu'elles ne tendent pas à réprimer et ne supposent pas la commission d'une infraction fautive à une règle de la circulation, mais sont destinées à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs inaptes (cf. not. ATF 133 II 331 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819/2013 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 2).

16.         La décision de retrait de sécurité du permis de conduire constitue une atteinte grave à la sphère privée de l'intéressé ; elle doit donc reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 133 II 284 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013
consid. 3.1 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; cf. en ce qui concerne le retrait justifié par des raisons médicales ou l'existence d'une dépendance : ATF 129 II 82 consid. 2.2), le pronostic devant être posé sur la base des antécédents du conducteur et de sa situation personnelle (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 125 II 492 consid. 2a).

17.         En cas de doute, il y a lieu d'ordonner un examen médical, notamment un examen psychologique ou psychiatrique (art. 11b al. 1 let. a OAC ; ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1). Selon la jurisprudence, un tel doute peut reposer sur de simples indices (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1).

18.         Les mesures appropriées à cet effet, notamment l'opportunité d'une expertise médicale, varient en fonction des circonstances et relèvent du pouvoir d'appréciation de l'autorité cantonale appelée à se prononcer sur le retrait (ATF  129 II 82 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1 ; 1C_248/2011 du 30 janvier 2012 consid. 3.1 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a).

19.         Le rôle du médecin, en particulier du médecin-expert, est de décrire l'état clinique d'un intéressé et en aucune manière celle de se prononcer sur l'opportunité ou la nécessité de retirer son permis de conduire. La chose est d'autant plus vraie que certains concepts de la médecine n'ont pas la même portée en droit de la circulation routière. Cette considération doit toutefois être nuancée lorsque l'autorité compétente, administrative ou judiciaire, comme ce fut le cas en l'espèce, demande au médecin de se prononcer également sur l'aptitude à conduire d'un conducteur. Il reste qu'il appartient fondamentalement à l'autorité administrative, respectivement au juge, d'apprécier les éléments médicaux du rapport du médecin, puis de répondre à la question - de droit - de savoir si l'aptitude d'une personne est ou non donnée. L'autorité administrative, respectivement le juge, apprécient librement les preuves figurant au dossier ; cette considération est toutefois relativement théorique, dans la mesure où la liberté de l'autorité trouve sa limite dans l'interdiction de l'arbitraire : si le juge n'est en principe pas lié par les conclusions de l'expert médical, il ne peut s'en défaire, sous peine de violer l'art. 9 de la Constitution fédérale (protection contre l'arbitraire), qu'en exposant les motifs déterminants et les circonstances bien établies qui lui commandent d'agir de la sorte. Par contre, lorsque les conclusions médicales paraissent insuffisantes ou lacunaires, le juge se doit de les faire compléter (Cédric MIZEL, Aptitude à la conduite automobile, exigences médicales, procédure d'examen et secret médical, AJP/PJA 2008 p 596 ; cf. aussi ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 ; 118 Ia 144 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid. 2.2).

20.         En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est décisif, c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et, enfin, que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2008 du 23  février 2009 consid. 2.2).

21.         Selon l'art. 17 al. 3 LCR, le permis de conduire retiré pour une durée indéterminée peut être restitué à certaines conditions après expiration d'un éventuel délai d'attente légal ou prescrit si la personne concernée peut prouver que son inaptitude à la conduite a disparu.

Si la personne concernée n’observe pas les conditions imposées ou trompe d’une autre manière la confiance mise en elle, le permis lui est retiré à nouveau (art. 17 al. 5 LCR).

22.         En l'espèce, l'OCV, qui a suivi la procédure prévue par la loi et la jurisprudence rappelée ci-dessus avant de rendre sa décision, a fondé celle-ci sur les conclusions du courrier de la Dre B______ du 1er juillet 2022, le déclarant inapte à la conduite de véhicule à moteur sur la base des résultats du prélèvement capillaire effectué le 8 juin 2022, très fortement pathologique (EtG dosé à 82 pg/mg) et dénotant la reprise d'une consommation excessive et chronique d'alcool au cours des deux à trois mois ayant précédé ce prélèvement. Ainsi, sur la base de ce résultat, les conditions requises au terme de l'expertise d'aptitude à la conduite automobile du 28 septembre 2021 n'étaient manifestement pas respectées et le préavis favorable qui y était formulé ne pouvait être confirmé actuellement.

Pour rappel, au terme de l’expertise du 28 septembre 2021 précitée, le recourant devait démontrer, durant toute la période de suivi, n’avoir eu aucun manquement significatif aux rendez-vous prévus, aucune reprise anamnestique d'une consommation problématique d'alcool et aucun résultat d'analyse capillaire alarmant, son alcoologue pouvant, dans le cas contraire, remettre en question les conclusions de son expertise, ce qu’elle a précisément fait, par l’intermédiaire de la Dre B______, le 17 décembre 2021, puis le 1er juillet 2022.

Dès lors, le recourant, qui savait qu'il devait strictement se soumettre aux conditions posées par l’expert, et en particulier s’abstenir de toute consommation problématique d’alcool, s'il voulait que ce dernier maintienne ses conclusions d'aptitude à la conduite et que, à défaut, ledit expert pourrait conclure à son inaptitude, ne fait que substituer sa propre appréciation à celle de l'expert et de l'autorité intimée s'agissant des conséquences qu’il faudrait tirer des résultats des analyses effectuées.

La présence de résultats variant très fortement sur une période de quelques mois s’explique au demeurant facilement et est parfaitement compatible avec la reprise d'une consommation excessive et chronique d'alcool suivie d’une période d’abstinence stricte, qui correspond au mode de consommation du recourant, comme il l’admet lui-même, notamment dans ses écritures du 29 août 2022. Il ressort au surplus des expertises des 20 octobre et 8 novembre 2022 portant sur l’analyse des prélèvements des 3 octobre et 1er novembre 2022, que les résultats indiquant qu’il n’y avait pas d’alcool dans le sang étaient compatibles avec une absence de consommation d’éthanol « pendant les 2 à 3 semaines qui avaient précédé le prélèvement », et non depuis le 27 janvier 2022, comme voudrait le faire croire le conseil du recourant. Dans ces conditions, il n’y avait pas lieu d’instruire plus avant les fortes variations des résultats d’analyses et la Dre B______ puis l’OCV pouvaient à juste titre tenir compte des résultats du prélèvement capillaire effectué le 8 juin 2022, dont le recourant ne démontre au demeurant pas qu’ils seraient entachés d’erreur, pour fonder leurs décisions.

Dans ces circonstances, en retirant le permis de conduire du recourant suite au courrier de la Dre B______ du 1er juillet 2022, l'OCV n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni violé la loi, les conditions requises au terme de l'expertise d'aptitude à la conduite automobile du 28 septembre 2021 n'étant manifestement pas respectées et le préavis favorable qui y était formulé n’étant plus confirmé par l’expert. Le fait que son permis de conduire lui soit indispensable pour exercer son droit de visite sur ses enfants et dans le cadre professionnel et que les résultats des derniers prélèvements effectués indiquent qu’il n’y avait pas d’alcool dans le sang et que le résultat était compatible avec une absence de consommation d’éthanol pendant les 2 à 3 semaines qui avaient précédé le prélèvement, n’y changent rien, n’ayant, en particulier, aucune incidence sur le fait que le recourant n’a pas respecté les conditions posées par l’expert pour confirmer son aptitude à la conduite des véhicules à moteur.

23.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant succombe, est condamné au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

25.         Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 25 octobre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 27  septembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière