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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2072/2022

JTAPI/21/2023 du 11.01.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;CONCUBINAGE;SUSPENSION DE LA VIE COMMUNE
Normes : LEI.30.al1.letb; LEI.50.al2; OASA.31.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2072/2022

JTAPI/21/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 janvier 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Jurisconsultes LIAUDET & Associés, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1985, est ressortissant du Canada.

2.             Il a déclaré être arrivé à Genève en 2019 avec son partenaire, Monsieur B______, de nationalité vénézuélienne. Ce dernier a dès lors occupé un emploi auprès du Programme des C______ pour l'environnement. De ce fait, M. A______ s'est vu délivrer une carte de légitimation et a été autorisé à travailler en tant que serveur et barman auprès de l'établissement public D______.

3.             Par courrier du 28 janvier 2022 adressé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), M. A______ a exposé que son union avec M. B______ avait pris fin à la suite de conflits qui avaient entraîné des violences physiques et psychologiques. Sa carte de légitimation, dont l'expiration était prévue le 7 février 2022, ne pourrait donc pas être renouvelée. Il sollicitait par conséquent le renouvellement de son autorisation de séjour sur la base des dispositions légales relatives aux conséquences de la dissolution de la famille. Depuis 2019, il s'était pleinement intégré à Genève, il avait obtenu un emploi, parlait couramment français et avait établi un cercle d'amis proches. Son amour pour Genève avait grandi du fait qu'il s'y sentait chez lui. Il n'avait par ailleurs plus aucune attache au Canada. Selon le curriculum vitae produit en annexe à ce courrier, M. A______ a suivi une formation en administration publique de juillet 2005 à juin 2008 auprès de E______ au Mexique (d’où il est originaire), puis a occupé un poste de directeur de vente auprès de F______ de juin 2006 à septembre 2008 au Mexique. À partir de janvier 2012 et jusqu'à janvier 2020, il a occupé différents emplois à G______, notamment en tant que coordinateur de marketing.

4.             Exerçant son droit d'être entendu après que l'OCPM l'eu informé de son intention de rejeter sa demande, M. A______, par courrier du 27 avril 2022, a expliqué qu'il suivait un traitement contre le VIH et que les progrès obtenus durant son séjour en Suisse étaient si avancés qu'ils lui permettaient de se sentir en sécurité. À son arrivée au Canada, il devrait attendre quelques mois avant de pouvoir accéder à son assurance qui ne couvrait que l'essentiel. De plus, bien qu'il existât au Canada certaines lois contre la discrimination, il appartenait à une « population clé » qui souffrait malgré tout de stigmatisation. Les succès obtenus en Suisse de manière générale dans le traitement contre le VIH n'avaient pas été atteints au Canada et il craignait de ne plus obtenir la suppression virale ou de retomber dans un trouble psychologique, non seulement à cause de la difficulté initiale pour accéder aux services médicaux, mais également en raison de la [moins bonne] qualité de la médecine, de l'aggravation de sa situation financière et de l'abandon dans lequel l'avait laissé son ex partenaire. S'agissant de la violence constante dont il avait été victime de la part de ce dernier, il s'était agi non seulement de violence physique (comme en attestaient les photos d'hématomes qu'il annexait) et verbale, mais en outre, il avait fait usage du pouvoir que lui donnait son statut en tant que fournisseur de biens, de services, d'accès à l'assurance-maladie et de résidence en Suisse. Son ex-partenaire avait même essayé de suspendre son accès à son traitement antirétroviral, lui avait enlevé le droit de voir son chien et l'avait finalement expulsé de ses deux maisons en Suisse et au Canada.

5.             Par décision du 23 mai 2022, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation de séjour à M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

Outre les faits mentionnés plus haut, cette décision relevait que le précité n'avait fait l'objet d'aucune condamnation en Suisse et qu'il disposait d'un compte bancaire avec un solde de CHF 8'102.- en mars 2022.

C'était sous le seul angle du cas individuel d'extrême gravité que devait être examinée la question de la poursuite de son séjour en Suisse. Or, il était arrivé dans ce pays en 2020 alors qu'il était âgé de 35 ans et son séjour n'y était actuellement que d'une durée de deux ans. Le fait qu'il soit éventuellement arrivé en Suisse en octobre 2019 plutôt qu'en février 2020 n'y changeait rien. Il ne pouvait pas non plus se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée. L'emploi qu'il occupait dans un restaurant pourrait également être occupé dans son pays d'origine. En outre, les éventuelles violences dont il aurait fait l'objet dans sa relation de couple, qui n'étaient au demeurant étayées par aucun document, ne permettaient pas, à elles seules, de constater l'existence d'un cas de rigueur. Enfin, son traitement contre le VIH pourrait être suivi au Canada ou au Mexique et ne constituait pas un élément permettant à lui seul de constater l'existence d'un cas de rigueur.

6.             Par acte du 24 juin 2022, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation.

Il avait fait part à son médecin traitant, le Docteur H______, de la violence dont il avait été victime et avait dès lors été adressé par ce dernier à une psychologue, Madame I______, auprès de laquelle il avait entrepris une thérapie de janvier à mai 2021. Sur conseil de cette dernière, il avait mis fin à sa relation sentimentale en mai 2021. En juin de la même année, son partenaire lui avait ordonné de quitter son appartement et il s'était réfugié chez une amie. Son ex partenaire semblait avoir annoncé la séparation du couple dans le seul but de lui faire perdre sa carte de légitimation et semblait également avoir conservé les remboursements de l'assurance-maladie de l'C______ concernant les soins qui lui étaient prodigués, ce qui mettait en péril leur continuation. Son ex partenaire refusait encore qu'il récupère ses affaires personnelles ainsi que son chien, dont il était pourtant propriétaire. Malgré tout, son ex partenaire refusait de résilier la convention de partenariat qui les unissait et il devait désormais entreprendre des démarches judiciaires pour faire annuler cette dernière et pour récupérer ses biens. Cette démarche était coûteuse et il était nécessaire qu'il puisse retrouver son emploi dans l'intervalle. Afin de préserver ses droits, il n'avait d'autre choix que de recourir contre la décision litigieuse.

Sur le plan juridique, il fallait tout d'abord constater que la fin de la carte de légitimation dont il bénéficiait était prématuré, car une telle carte restait valable aussi longtemps qu'un couple n'était que séparé, jusqu'au moment où le jugement de divorce entrait en force. Il s'imposait que le tribunal demande préalablement l'apport de la procédure ayant abouti à la fin de l'enregistrement de la carte de légitimation.

En vertu de la maxime inquisitoire, il aurait appartenu à l'autorité intimée de requérir des éléments de preuve supplémentaires concernant les violences dont il avait été victime, au lieu de lui reprocher de n'avoir pas suffisamment étayé ces dernières. Aujourd'hui, il ne pouvait que solliciter du tribunal de pouvoir apporter des témoignages en lui octroyant un court délai pour ce faire.

Enfin, c'était à tort et sans motivation que la décision litigieuse excluait l'application des dispositions légales relatives à la poursuite du séjour en cas de dissolution de l'union conjugale.

7.             Par écritures du 23 août 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

S'agissant des griefs relatifs à la fin de la carte de légitimation, le tribunal ne pouvait entrer en matière sur cet aspect, étant rappelé que la délivrance et le retrait de ces cartes relevait de la seule compétence du Département fédéral des affaires étrangères.

D'autre part, le recourant, lors de son entrée en Suisse, avait été mis au bénéfice d'une carte de légitimation en qualité de concubin en application de la loi sur l'État hôte, et non en application de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration. À partir de la séparation du couple et du retrait de la carte de légitimation, la situation du recourant ne pouvait être examinée que sous l'angle des dispositions relatives au cas individuel d'extrême gravité.

8.             Par courrier du 26 août 2022, le tribunal a imparti au recourant un délai au 19 septembre 2022 pour déposer une éventuelle réplique. Il n'y a été donné aucune suite.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Il convient tout d'abord de préciser que l'objet du litige se rattache exclusivement à la décision entreprise, qui concerne le refus d'octroyer au recourant une autorisation de séjour suite au retrait de sa carte de légitimation. Ce retrait résulte d'une décision du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et ne fait pas l'objet de la décision litigieuse, comme l'a rappelé l'autorité intimée. Le tribunal ne peut donc entrer en matière sur les griefs et arguments développés par le recourant, d'après lesquels sa carte de légitimation n'aurait pas dû lui être retirée.

4.             Le recourant considère tout d'abord que l'autorité intimée aurait dû lui octroyer une autorisation de séjour en application de l'art. 50 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) compte tenu des violences domestiques dont il dit avoir été victime.

5.             Conformément à l’art. 50 al. 1 let. a LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de l’art. 42 LEI subsiste lorsque l’union conjugale a duré au moins trois ans et que les critères d’intégration définis à l’art. 58a LEI sont remplis. Il s’agit de deux conditions cumulatives (ATF 140 II 345 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_417/2021 du 16 juin 2021 consid. 5.3 ; ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 6c).

Dans les situations qui échappent aux dispositions de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, notamment lorsque le séjour en Suisse durant le mariage n'a pas duré trois ans, l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI permet au conjoint étranger de demeurer en Suisse après la dissolution de l'union conjugale, lorsque la poursuite de son séjour s'impose pour des raisons personnelles majeures. Les raisons personnelles majeures, visées à l'al. 1 let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale.

Ces dispositions sont également applicables aux partenaires entregistrés (art. 52 LEI).

6.             En l'espèce, la situation du recourant ne peut être examinée sous l'angle de l'art. 50 LEI. Ceci découle du fait que la présence en Suisse du recourant dépendait non pas des dispositions de la LEI sur le regroupement familial (art. 42 et ss LEI), mais de dispositions liées au statut de fonctionnaire international dont bénéficiait l'ex partenaire du recourant. Dans la mesure où ce n'est pas en vertu des dispositions sur le regroupement familial que le recourant a entamé son séjour en Suisse, ce ne sont pas non plus les dispositions relatives à la poursuite d'un tel séjour qui trouvent à s'appliquer.

7.             Il convient donc de se concentrer exclusivement sur la question de savoir si c'est à juste titre que la décision litigieuse refuse de considérer la situation du recourant comme relevant d'un cas individuel d'extrême gravité.

8.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Canada.

Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière, ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de sa réintégration dans l'État de provenance (let. g).

9.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La reconnaissance de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité implique que les conditions de vie et d'existence de l'étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C 754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A 718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6956/2014 du 17 juillet 2015 consid. 6.1 ; C_5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.3 ; C_6726/2013 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/181/2019 du 26 février 2019 consid. 13d ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

10.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

11.         S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités).

Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé en Suisse s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Le fait qu'un ressortissant étranger se soit toujours comporté de manière correcte, qu'il ait tissé des liens non négligeables avec son milieu et qu'il dispose de bonnes connaissances de la langue nationale parlée au lieu de son domicile ne suffit ainsi pas pour qualifier son intégration socio-culturelle de remarquable (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

12.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

13.         En l'occurrence, que l'arrivée en Suisse du recourant remonte à la fin de l'année 2019 ou au début de l'année 2020, il n'en reste pas moins que son séjour dans son pays est d'environ trois ans actuellement et est donc très loin de constituer une longue durée au sens de la jurisprudence susmentionnée.

Quant à l'intégration socioprofessionnelle du recourant en Suisse, elle peut certes être qualifiée de bonne, notamment en raison du fait qu'il n'a jamais dépendu de l'aide sociale et qu'il s'est toujours assumé financièrement, mais cette intégration ne revêt cependant pas non plus le caractère exceptionnel défini par la jurisprudence pour qualifier les cas individuels d'extrême gravité. Le recourant a occupé à Genève un poste de serveur dans un établissement public, mais force est de constater qu'il a précédemment occupé au Mexique et au Canada des postes requérant de plus importantes qualifications. Par conséquent, en quittant la Suisse, il ne perdrait pas l'opportunité d'exercer un métier qu'il ne pourrait plus retrouver au Mexique ou au Canada. Quant à son intégration sociale, même si le recourant fait état de son attachement au canton de Genève et a pu nouer de nouvelles amitiés, il s'agit là d'une intégration ordinaire telle qu'elle découle normalement d'un séjour de quelques années, mais pas non plus d'une intégration hors norme.

14.         S'agissant des violences domestiques dont fait état le recourant, l'autorité intimée a certes mis en doute leur existence réelle, mais elle a néanmoins relevé dans la décision litigieuse que même en les admettant, elles ne suffisaient pas pour considérer que l'on avait affaire à un cas individuel d'extrême gravité. Le tribunal ne saurait reprocher à l'autorité intimée, à ce sujet, un abus de son pouvoir d'appréciation et d'ailleurs, le recourant, qui met surtout en lien ces violences avec l'art. 50 LEI, n'explicite pas les raisons pour lesquelles elles auraient en elles-mêmes pour conséquence qu'un renvoi de Suisse le placerait dans une situation de détresse.

15.         S'agissant du traitement antirétroviral que suit le recourant contre le VIH, l'intéressé se contente de faire état des craintes qu'il aurait d'être moins bien soigné au Canada qu'en Suisse, mais ne fournit à ce sujet aucun élément probant permettant de considérer que sa santé serait soumise à un risque significatif s'il devait poursuivre ce traitement au Canada plutôt qu'en Suisse. Au demeurant, le Canada fait partie des pays bénéficiant d'une médecine de pointe et les craintes exprimées par le recourant apparaissent a priori infondées.

16.         S'agissant enfin des conséquences du retour du recourant au Canada, c'est avec raison que l'autorité intimée relève qu'il a quitté ce pays à l'âge de 35 ans, alors que, selon son curriculum vitae, il s'y était parfaitement intégré, notamment sur le plan professionnel, depuis au moins huit ans. Quant à un retour au Mexique, force est de constater que le recourant y a effectué des études secondaires jusqu'à l'âge de 27 ans et qu'il a également occupé un emploi en tant que cadre auprès d'un important établissement bancaire. Par conséquent, on ne voit pas pour quelle raison le retour du recourant dans l'un ou l'autre de ces pays, où il a séjourné bien plus longuement qu'en Suisse et pendant des périodes plus significatives sur le plan professionnel, serait susceptible de le placer dans une situation de détresse.

17.         Pour toutes ces raisons, le recours apparaît infondé et devra être rejeté.

18.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

19.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 juin 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 23 mai 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière