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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1753/2022

JTAPI/1078/2022 du 17.10.2022 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;CONDAMNATION
Normes : LCR.26; LCR.31; LCR.29; OCR.3.al1; LCR.16a.al1.leta; LCR.16a.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1753/2022 LCR

JTAPI/1078/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 octobre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Le 11 janvier 2022, Monsieur A______, titulaire d'un permis de conduire depuis le 30 août 1993, a fait l'objet d'un rapport de contravention établi par la police municipale de la Ville de Genève. Dans le cadre d'une action PréDiRe, il avait été constaté qu'un automobiliste, venant de la rue des Battoirs, circulait sur la rue Dancet en direction du boulevard du Pont-d'Arve, tout en manipulant son téléphone mobile de la main droite sans vouer toute l'attention nécessaire à la route et à la circulation. Lors de son interpellation, il avait également été constaté que les deux pneus avant du véhicule se trouvaient dans un état insuffisant. L'intéressé avait été déclaré en contravention sur le champ.

2.             Par ordonnance pénale du 28 mars 2022, le Service des contraventions a condamné M. A______ à une amende de CHF 460.- (non compris les émoluments) pour violation simple des règles de la circulation routière (inattention et conduite avec pneu(s) en état insuffisant), lors de l’infraction commise le 11 janvier 2022 à 11h55.

Cette ordonnance n’a pas été frappée d’opposition.

3.             Le 31 mars 2022, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a informé M. A______ que la police avait porté l’infraction du 11 janvier précédent à sa connaissance et que ses constatations pouvaient aboutir à une mesure administrative. Un délai lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

4.             Le 15 avril 2022, l'intéressé a transmis ses observations à l'OCV. À la sortie de son parking privé à la rue des Battoirs, il avait posé son téléphone portable dans le tablier de bord, sans l'utiliser, son véhicule disposant du Bluetooth. Lors de son interpellation, il avait expliqué à la police municipale qu'il avait simplement posé son téléphone dans le tablier sans l'utiliser. L'agent municipal lui avait encore signalé que son pneu avant gauche était un peu lisse. Il avait rapidement fait remplacer ce pneu. Enfin, il avait besoin de son véhicule pour travailler en sa qualité de gestionnaire commercial dans une société de transport.

5.             Par décision du 27 avril 2022, l’OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de M. A______ pour une durée d'un mois. Celui-ci n'avait pas voué toute l'attention nécessaire à la route et à la circulation en manipulant un téléphone portable et avait circulé avec deux pneus dans un état insuffisant le 11 janvier 2022, sur la rue Dancet, au volant d'une voiture. Il s’agissait d’une infraction légère aux règles de la circulation routière. Il ne pouvait pas justifier d’une bonne réputation de conducteur, ayant fait l’objet de trois retraits de permis, les 18 mai 2009, 29 mars 2019 et 5 juillet 2021. Après une infraction légère, le permis de conduire était retiré pour un mois au moins au conducteur qui avait fait l'objet d'un retrait de permis ou d'une autre mesure administrative au cours des deux années précédentes. La durée minimale du retrait s'élevait donc à un mois. Par ailleurs, le précité ne justifiait pas d’un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles au sens défini par la jurisprudence. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, la mesure ne s’écartait pas du minimum légal.

6.             Par acte du 25 mai 2022, M. A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) reprenant en substance ses explications précédentes devant l'OCV. S'il admettait qu'il avait un pneu lisse, il contestait en revanche avoir utilisé son téléphone portable. Il avait un besoin quotidien de son véhicule pour travailler. Enfin, ses antécédents pour lesquels il avait été puni ne justifiaient pas la sévérité de la mesure, qui était susceptible de lui faire perdre son emploi.

Il a notamment joint à son recours un courrier de son employeur.

7.             Le 22 juillet 2022, l'OCV a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Persistant dans les termes de la décision entreprise, il a conclu au rejet du recours.

8.             Le recourant n'a pas répliqué dans le délai imparti.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant conteste le retrait de permis prononcé par l’OCV. Il considère la décision de l’autorité intimée comme étant trop sévère et ne tenant pas compte de ses besoins professionnels.

4.             Aux termes de l'art. 26 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), chacun doit se comporter dans la circulation de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.

5.             Selon l'art. 31 al. 1 LCR, le conducteur doit rester constamment maître de son véhicule, de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de prudence. Cela signifie qu'il doit être à tout moment en mesure de réagir utilement aux circonstances. En présence d'un danger, et dans toutes les situations exigeant une décision rapide, il devra réagir avec sang-froid et sans excéder le temps de réaction compatible avec les circonstances.

6.             L'art. 3 al. 1 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11) précise que le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation ; il évitera toute occupation qui rendrait plus difficile la conduite du véhicule ; il veillera en outre à ce que son attention ne soit distraite, notamment, ni par un appareil reproducteur de son ni par un quelconque système d'information ou de communication. Le degré de l'attention requise par l'art. 3 al. 1 OCR s'apprécie au regard des circonstances d'espèce, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 137 IV 290 consid. 3.6 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_512/2017 du 28 février 2018 consid. 3.2 ; 6B_69/2017 du 28 novembre 2017 consid. 2.2.1). L’attention requise du conducteur implique qu’il soit en mesure de parer rapidement aux dangers qui menacent la vie, l’intégrité corporelle ou les biens matériels d’autrui.

7.             Conformément à l'art. 29 LCR, les véhicules ne peuvent circuler que s'ils sont en parfait état de fonctionnement et répondent aux prescriptions. Ils doivent être construits et entretenus de manière que les règles de la circulation puissent être observées, que le conducteur, les passagers et les autres usagers de la route ne soient pas mis en danger et que la chaussée ne subisse aucun dommage.

8.             Notamment, la toile des pneumatiques ne doit être ni abîmée, ni apparente et les pneumatiques doivent présenter un profil d'au moins 1,6 mm sur toute la surface de la bande de roulement (art. 58 al. 4 de l'ordonnance concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers du 19 juin 1995 - OETV - RS 741.41).

9.             En principe, l'autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire est liée par les constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits. L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 137 I 363 consid. 2.3.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2018 du 18 avril 2019 consid. 2.2 ; 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_30/2017 du 21 avril 2017 consid. 2.1). Si les faits retenus au pénal lient donc en principe l'autorité et le juge administratifs, il en va différemment des questions de droit, en particulier de l'appréciation de la faute et de la mise en danger (arrêts du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_30/2017du 21 avril 2017 consid. 2.2.2 et l'arrêt cité ; 1C_146/2015 du 7 septembre 2015 consid. 2.1 et les arrêts cités).

10.         Cela vaut non seulement lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d'une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés, mais également, en principe, lorsque la décision a été rendue à l'issue d'une procédure sommaire, même si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police. Il en va notamment ainsi lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu'il y aurait également une procédure de retrait de permis. Dans cette situation, elle est tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale, le cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition, mais ne peut pas attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_312/2015 du 1er juillet 2015 consid. 3.1 ; 1C_631/2014 du 20 mars 2015 consid. 2.1 ; 1C_708/2013 du 27 février 2014 consid. 3.1 ; 1C_33/2012 du 28 juin 2012 consid. 2.1 ; 1C_502/2011 du 6 mars 2012 consid. 2.1 ; 1C_274/2010 du 7 octobre 2010 consid. 2.1 ; 1C_216/2009 du 14 septembre 2009 consid. 5 ; ATA/172/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/576/2011 du 6 septembre 2011 ; ATA/363/2011 du 7 juin 2011).

11.         En l'espèce, le recourant a été reconnu coupable par le service des contraventions de violation simple des règles de la circulation routière pour inattention durant la conduite (art. 31 LCR et 3 OCR) et conduite d'un véhicule présentant deux pneumatiques dans un état insuffisant (art. 29 LCR, art. 59 OETV), en application des art. 90 al. 1 et 93 LCR.

N'ayant pas fait usage de la voie de droit qui lui aurait permis de contester cette décision pénale, il n'est plus fondé à nier la réalisation de l'infraction reprochée dans le cadre de la procédure administrative, étant au demeurant relevé qu'il n'apporte aucun élément de fait ou moyen de preuve nouveau, qu'il n'aurait pu faire valoir dans le cadre de la procédure pénale, susceptible de remettre en cause la décision de l'OCV.

12.         Lorsque la procédure prévue par la loi sur les amendes d’ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n’est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d’élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

13.         Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d’admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

14.         À teneur de l’art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d’autrui alors que seule une faute bénigne peut lui être imputée.

15.         Après une infraction légère, le permis de conduire est retiré pour un mois au moins au conducteur qui a fait l’objet d’un retrait de permis ou d’une autre mesure administrative au cours des deux années précédentes (art. 16a al. 2 LCR).

16.         Comme l'indiquait clairement l'ancien droit (cf. art. 17 al. 1 let. c et d aLCR), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004, et selon la jurisprudence fédérale, le délai de récidive ne commence à courir qu'à partir du moment où l'intéressé entre à nouveau en possession de son permis de conduire, c'est-à-dire à l'exécution complète de la mesure précédente (arrêt du Tribunal fédéral 1C_180/2010 du 22 septembre 2010 consid. 2.3 ; Cédric MIZEL, "Retrait administratif du permis de conduire : le nouveau concept de récidive et la pratique des "cascades"", in RPS 126/2008, p. 330 ; cf. aussi not. arrêt du Tribunal fédéral 1C_347/2007 du 22 octobre 2007 consid. 2 et ATF 116 Ib 151 consid. 3c). En cas d’infraction particulièrement légère, il est renoncé à toute mesure administrative (art. 16a al. 4 LCR).

17.         Selon l'art. 16 al. 3 LCR, les circonstances doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis de conduire, notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile. La durée minimale du retrait ne peut toutefois être réduite. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette dernière règle s'impose à l'autorité et aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte de besoins professionnels particuliers du conducteur (ATF 132 II 234 consid. 2). Ainsi, si des circonstances telles que la gravité de la faute, les antécédents ou la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile doivent être prises en compte pour fixer la durée du retrait, la durée minimale prescrite par la loi ne peut pas être réduite (ATF 135 II 334 consid. 2.2).

18.         En l'occurrence, c'est à bon droit que l'autorité intimée a retenu que le recourant avait commis une infraction légère au sens de l'art. 16a al. 1 let. a LCR en manipulant son téléphone portable et en conduisant un véhicule présentant deux pneumatiques dans un état insuffisant, définie comme celle que commet une personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée.

C'est également à juste titre qu'il a fait application de l'art. 16a al. 2 LCR et, fixé à un mois la durée du retrait du permis du recourant, dès lors que celui-ci a fait l'objet de trois retraits de permis, les 18 mai 2009, 29 mars 2019 et 5 juillet 2021, cette dernière mesure ayant pris fin le 23 octobre 2020, soit au cours des deux années précédant l'infraction du 11 janvier 2022.

Par ailleurs, étant lié par cette durée, qui constitue le minimum légal incompressible devant sanctionner l'infraction en cause, l'OCV a correctement appliqué les règles en vigueur et n'a pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation. En particulier, un éventuel besoin professionnel d'utiliser son véhicule ne permet pas d'alléger la mesure minimale de retrait du permis.

19.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours sera rejeté. La décision entreprise ne peut dès lors qu'être confirmée.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 27 avril 2022 ;

2.             le rejette

3.             met à la charge du recourant, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière