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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/983/2022

JTAPI/947/2022 du 13.09.2022 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/463/2023

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;CONDAMNATION
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; LEI.83.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/983/2022

JTAPI/947/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1985, est ressortissant du Kosovo.

2.             Le 6 juin 2018, il a déposé une demande de régularisation de ses conditions de séjour dans le cadre de l’opération papyrus auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

À l’appui de sa demande, il a transmis :

-          un formulaire M, à teneur duquel il était arrivé à Genève le 13 mars 2007. Il était célibataire et n’avait pas d’enfant à charge ;

-          plusieurs fiches de salaires pour les mois de février 2009, juillet 2010, janvier et février 2014 ainsi qu’un contrat de travail d’une durée indéterminée à compter du 13 juillet 2016 ;

-          un extrait individuel de la caisse cantonale genevoise de compensation ;

-          un extrait de l’office des poursuites du 26 mars 2021 selon lequel il ne faisait l’objet ni de poursuites ni d’actes de défaut de biens ;

-          un extrait de son casier judiciaire - vierge - du 28 novembre 2017 ;

-          une attestation de l’Hospice général du 1er juin 2018 certifiant qu’il n’était pas aidé financièrement ;

-          un certificat de français, niveau A2 à l’oral, daté de février 2018 ;

-          des justificatifs de séjour depuis son arrivée soit abonnement des transports publics genevois, attestation de l’opérateur de téléphonie mobile SWISSCOM indiquant que son numéro de téléphone 1______ était activé depuis le
5 mai 2007.

3.             Le 13 juillet 2018, 3 décembre 2018, 1er mars 2019, 24 avril 2019, 17 juillet 2019, 31 juillet 2021 et 2 janvier 2022, M. A______ a sollicité de l’OCPM de pouvoir bénéficier d’un visa de retour, indiquant vouloir se rendre au Kosovo pour des raisons familiales.

4.             Par ordonnance pénale du 4 juillet 2019, le ministère public de Genève a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 80.- le jour pour lésions corporelles par négligence au sens de l’art. 125 al. 1 du code pénal (CP – RS 311.0), entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire au sens de l’art. 91a al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière, (LCR - RS 741.01) et violation des obligations en cas d’accident au sens de l’art. 92 al. 2 LCR.

Il lui était reproché d’avoir, à Genève, le 15 décembre 2018, alors qu’il circulait au volant de son véhicule automobile immatriculé 2______ sur la route d’Hermance en direction de Thonon, omis de respecter le signal de prescription « Cédez le passage » et ainsi ne pas avoir accordé la priorité à Monsieur B______, lequel circulait normalement au guidon de son motocycle, provoquant de la sorte un heurt et la chute de M. B______ lui causant une rupture de l’urètre. De même, il lui était reproché d’avoir quitté les lieux de l’accident sans remplir ses devoirs y relatifs, se dérobant aux mesures permettant de déterminer son incapacité de conduire, et ce alors qu’il ne pouvait ignorer qu’au vu de l’accident intervenu et des dégâts et blessures causés, ces mesures auraient été diligentées au moment même où les autorités se seraient rendues sur place.

5.             Par ordonnance pénale du 20 juillet 2021, le ministère public de Genève a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 50.- le jour pour faux dans les titres selon l’art. 251 ch. 1 CP, infractions aux art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI et infraction à l’art. 92 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Il lui était reproché d’avoir, entre le mois de juillet 2014 et le 19 juillet 2021, séjourné et travaillé en étant démuni des autorisations nécessaires. Aussi, dans le cadre de la demande papyrus, il lui était reproché d’avoir produit des documents non-authentiques, soit falsifiés, notamment des fiches de salaires afin de tenter d’induire en erreur l’OCPM en lui donnant de fausses indications sur sa situation salariale dans le but d’obtenir frauduleusement une autorisation pour lui-même. Enfin, il lui était reproché d’avoir omis, lorsqu’il séjournait en Suisse, de respecter l’obligation de s’assurer pour le risque maladie.

6.             Le 29 octobre 2021, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande du 6 juin 2018. Il lui a imparti un délai pour exercer, par écrit, son droit d’être entendu.

7.             Le 5 janvier 2022, M. A______ s’est déterminé.

8.             Par décision du 25 février 2022, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de
M. A______ avec un préavis favorable au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au
25 avril 2022 pour quitter le territoire suisse et l’ensemble de l’espace Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. Il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, les différentes condamnations pénales dont il avait fait l’objet ne correspondaient pas au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger qui souhaitait obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Une réintégration au Kosovo n’aurait pas de graves conséquences sur sa situation personnelle car il avait suivi l’école obligatoire dans ce pays et obtenu un diplôme d’école de commerce. Enfin, selon la convention sociale conclue entre la Suisse et le Kosovo, les ressortissants kosovars pouvaient, à nouveau, percevoir les prestations de l’assurance-invalidité lorsqu’ils résidaient hors de la Suisse.

9.             Par acte du 26 mars 2022, M. A______ a interjeté recours contre cette décision par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à la transmission de son dossier avec un préavis favorable au SEM, en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur.

Il était à Genève depuis près de quinze ans.

La condamnation pénale du 20 juillet 2021 prise en compte par l’OCPM était rentrée en force faute d’avoir été contestée. Toutefois, les éléments constitutifs de faux dans les titres n’étaient pas réunis puisque les éléments erronés présents sur les fiches de salaire portaient uniquement sur le taux d’activité réel et non sur l’existence des rapports de travail.

Il avait un bon niveau en langue française et remplissait le critère de l’intégration linguistique. Il avait toujours subvenu à ses besoins, était autonome financièrement et ne dépendait pas de l’aide sociale.

Il souffrait de limitations fonctionnelles qui ne lui permettaient pas de travailler à 100% et son dossier était en cours d’instruction auprès de l’assurance-invalidité. Un renvoi de Suisse aurait pour conséquence qu’il ne pourrait pas bénéficier des mesures de l’assurance-invalidité ni de celles de réadaptation. De même, si son taux d’invalidité reconnu devait être inférieur à 50%, il ne pourrait pas percevoir sa rente au Kosovo. Dans ces conditions, sa réintégration au Kosovo était compromise et participerait manifestement à une dégradation de ses conditions d’existence.

À l’appui de son recours, il a produit un chargé de pièces relatifs à ses allégations dont notamment :

-          un rapport médical du 6 avril 2018 faisant état de douleurs intenses au niveau de la clavicule droite, de l’épaule et du bras droit suite à un accident survenu le 7 septembre 2016. L’utilisation de l’épaule droite était réduite à 80%, une médication et des séances de physiothérapie étaient mises en place ;

-          une « convention pour la période d’initiation et de mise au courant avec allocation d’initiation au travail » conclue entre l’office de l’assurance-invalidité de Genève, M. A______ et l’entreprise C______ pour la période du 17 mai 2021 au 12 novembre 2021. Le taux d’activité était fixé à 50% et un profil d’activité adapté mis en place.

10.         En date du 22 avril 2022, M. A______ a transmis spontanément au tribunal une copie de son contrat de travail avec l’entreprise C______ à teneur duquel il était engagé, à compter du 1er avril 2022, en qualité de responsable d’équipe à un taux de 100%.

11.         Le 24 mai 2022, l’OCPM a transmis son dossier au tribunal, accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués dans ce cadre n’étant pas de nature à modifier sa position.

12.         Invité à répliquer par courrier du tribunal du 27 mai 2022, M. A______ ne s’est pas manifesté.


 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1166/2021 du 2 novembre 2021 consid. 2).

5.             Le recourant conclut à la délivrance d'un permis de séjour pour cas de rigueur. Il se prévaut de la durée de son séjour en Suisse et de ses problèmes de santé.

6.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI et à la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 2C_841/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3 ; 2C_737/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.1), les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit, étant précisé que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques.

7.             Dans le cas d'espèce, la demande d'autorisation de séjour du recourant ayant été déposée le 6 juin 2018, c'est l'ancien droit qui s'applique.

8.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants kosovars.

9.             Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d’admission dans le but de tenir compte des cas individuels d’extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs (let. b). En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

10.         L'art. 31 al. 1 OASA précise cette disposition et prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité, l'autorité devant, lors de leur appréciation, tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI; (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

11.         Les critères énumérés par l’art. 31 al. 1 OASA, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) F-3986 2015 ; F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/465/2017 du 25 avril 2017 consid. 5 ; ATA/425/2017 du 11 avril 2017).

12.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/353/2019 du 2 avril 2019 consid. 5c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/1217/2020 du 1er décembre 2020 ; ATA/38/2019 précité consid. 4c ; Directives LEI ch. 5.6).

13.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du TAF C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3 ; C-1240/2012 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/1217/2020 du 1er décembre 2020).

14.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant à lui seul pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, Berne, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du TAF C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

15.         L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b.dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 précité consid. 5.2 ; arrêts du TAF C-5414/2013 précité consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 précité consid. 4.3 ; ATA/1217/2020 du 1er décembre 2020 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1 ; ATA/353/2019 précité consid. 5d).

16.         S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d’admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l’octroi d’un permis humanitaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées).

17.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

18.         En l’espèce, après un examen du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal doit constater que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le recourant ne satisfait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.

Quand bien même le recourant aurait séjourné en Suisse depuis plusieurs années, il convient de souligner qu’il l’a fait en violation des prescriptions légales en vigueur. Ainsi, conformément à la jurisprudence susmentionnée, ce séjour ne saurait être pris en considération dans son ensemble ou à tout le moins il ne saurait constituer un élément déterminant dans l’examen de son dossier, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi depuis de nombreuses années.

De même, l’intégration du recourant ne saurait être qualifiée de bonne car il a fait l’objet de condamnations pénales. En décembre 2018, après avoir causé un accident, il a quitté les lieux sans remplir ses devoirs y relatifs et en se dérobant aux mesures prévues par la loi.

S’agissant de sa situation économique, il doit être reconnu que le recourant a subvenu à ses besoins par ses propres moyens, de sorte à ne pas dépendre de l’aide sociale. Il ne fait par ailleurs pas l’objet de poursuites pour dettes, ni d’actes de défaut de biens.

Sa maîtrise de la langue française est néanmoins faible, puisqu’il n’a pas atteint le niveau B1 à l’oral, ce qui laisse songeur si on admettait qu’il séjournerait depuis de nombreuses années dans un territoire francophone de manière ininterrompue. Il n’a pas non plus fait état d’une quelconque intégration socioculturelle, par exemple en produisant des lettres de soutien, ou des justificatifs démontrant qu’il participe à des associations locales ou s’engage bénévolement. Par ailleurs, il a vécu dans son pays non seulement son enfance et le début de sa vie d’adulte, mais surtout son adolescence, période cruciale pour la formation de la personnalité. Dès lors, il maîtrise la langue et les codes culturels afférents au Kosovo. Il ne démontre pas non plus que ses difficultés de réintégration dans son pays d’origine seraient plus graves pour lui que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se retrouverait dans une situation similaire. En outre, il ne faut pas perdre de vue que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, il ne pouvait ignorer, au vu de son statut illégal en Suisse, qu’il pourrait à tout moment être amené à devoir renoncer, en cas de refus de la régularisation de ses conditions de séjour, à tout ce qu’il avait mis en place en Suisse. De surcroît, il dispose d’un réseau familial dans son pays d’origine, ayant demandé à pouvoir y retourner à de nombreuses reprises.

19.         Les motifs médicaux qu’il allègue ne peuvent pas non plus justifier à eux seuls l'octroi d'un permis de séjour, dans la mesure où il n'a aucunement été démontré que, dans son cas, un suivi médical suffisant serait indisponible au Kosovo. À cet égard, conformément à la jurisprudence susmentionnée, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas pour justifier une exception aux mesures de limitation du nombre des étrangers.

20.         De plus, comme le relève l'autorité intimée, s'il devait avoir droit à une rente invalidité en raison de sa situation de santé, celle-ci sera exportable au Kosovo en raison de la convention établie entre la Suisse et cet État.

21.         Dans ces conditions, le tribunal considère que le recourant ne se trouve pas dans une situation d'une extrême gravité, au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, qui justifierait une dérogation aux conditions d'admission prévues aux art. 18 à 29 LEI.

Partant, l’OCPM n’a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation (cf. art. 96 LEI) en rejetant la demande formulée par le recourant.

22.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée.

Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; cf. aussi not. ATA/598/2014 du 29 juillet 2014 consid. 12 ; ég. ATA/228/2015 du 2 mars 2015 consid. 8 ; ATA/182/2014 du 25 mars 2014 consid. 12).

23.         En l'occurrence, dès lors qu'il a refusé de délivrer une autorisation de séjour au recourant, l'OCPM devait en soi ordonner son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI.

24.         Selon l'art. 83 al. 1 LEI, le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. Ces trois conditions susceptibles d'empêcher l'exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l'une d'elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable.

L'exécution du renvoi n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans l'un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsque le renvoi serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

Les étrangers admis provisoirement en Suisse bénéficient d'un statut précaire qui assure leur présence dans le pays aussi longtemps que l'exécution du renvoi n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (ATF 141 I 49 consid. 3.5 ; 138 I 246 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 1.2.1). L'admission provisoire constitue en d'autres termes une mesure qui se substitue, en principe pour une durée limitée, à la mise en œuvre du renvoi, lorsque celui-ci s'avère inexécutable. Elle coexiste donc avec la mesure de renvoi entrée en force, dont elle ne remet pas en cause la validité. L'admission provisoire n'équivaut pas à une autorisation de séjour, mais fonde un statut provisoire qui réglemente la présence en Suisse de l'étranger tant et aussi longtemps que l'exécution de son renvoi apparaîtra comme impossible, illicite ou non raisonnablement exigible (ATF 141 I 49 consid. 3.5 ; 138 I 246 consid. 2.3 ; 137 II 305 consid. 3.1).

L'admission provisoire peut être proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEI), mais non par l'étranger lui-même, qui ne dispose d'aucun droit à cet égard (ATF 141 I 49 consid. 3.5.3 ; 137 II 305 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2011 du 3 août 2011 consid. 2.2 ; ATA/675/2014 du 26 août 2014 consid. 7).

25.         En l'occurrence, seul le caractère raisonnablement inexigible de l'exécution du renvoi serait éventuellement susceptible d'entraîner une admission provisoire du recourant. Rien dans le dossier ne permet cependant de l’affirmer. En effet, le dernier certificat médical figurant au dossier date du mois de juillet 2018 et le recourant n’a plus remis de rapport concernant son état de santé. De même, dans la mesure où il a débuté, à partir d’avril 2022, un nouvel emploi à un taux de 100%, il faut en déduire qu’il a recouvré sa pleine capacité de travail, même s’il s’agit d’un poste de chef d’équipe qui ne nécessiterait pas de soulever des charges et permettrait de préserver son épaule.

Au demeurant, s'agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, il y a lieu de rappeler que l'exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine ou de provenance, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées ; ATA/731/2015 du 14 juillet 2015). L'art. 83 al. 4 LEI ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance de l'étranger concerné, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (cf. not. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 10d).

26.         En l'espèce, au vu des éléments médicaux à disposition du tribunal, il n'apparaît pas que l’état de santé du recourant nécessiterait une prise en charge particulièrement lourde ne pouvant être poursuivie qu'en Suisse.

Les problèmes de santé liés à son épaule n'apparaissent pas, à teneur de jurisprudence, d'une gravité telle à pouvoir constituer un obstacle à l'exécution de son renvoi au Kosovo. Ils ne l’ont d'ailleurs pas empêché de retourner à plusieurs reprises dans sa patrie depuis le dépôt de sa demande.

Au surplus, compte tenu de l'infrastructure médicale dont dispose actuellement le Kosovo (soit des hôpitaux étatiques présents dans tous les districts, dont notamment la Clinique universitaire de Pristina qui dispose de tous les départements médicaux), il y a lieu d'admettre que le recourant pourra trouver au Kosovo un encadrement médical adéquat pour poursuivre, si nécessaire, le traitement entamé en Suisse (cf. arrêts du TAF E-6397/2018 du 22 janvier 2019 et F-3505/2018 du 20 novembre 2018 consid. 3.3.2).

27.         La procédure pendante relative à la détermination d’un éventuel taux d’invalidité ne saurait non plus justifier le maintien de la présence du recourant en Suisse pour accomplir d'éventuels actes d'instruction.

Le Tribunal fédéral a rappelé à cet égard que, pour subir des examens médicaux ou se présenter à des audiences durant une procédure AI en cours, point n'est besoin de rester en Suisse : l’intéressé peut effectuer des séjours touristiques et se faire représenter par un mandataire (cf. arrêts 2C_905/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.2 ; 2C_138/2007 du 17 août 2007 consid. 4 et les réf. citées). 

28.         Dans ces conditions, l'OCPM pouvait considérer que l'exécution du renvoi du recourant était raisonnablement exigible et qu'il n'avait pas à proposer son admission provisoire au SEM (cf. art. 83 al. 6 LEI).

29.         En conséquence, mal fondé, le recours sera rejeté.

30.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

31.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 mars 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 25 février 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Endri GEGA

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière