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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4136/2021

JTAPI/886/2022 du 01.09.2022 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;SERVITUDE;SERVITUDE DE NON-BÂTIR
Normes : RCI.10B; RCI.12; LCI.69; LCI.71
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4136/2021 LCI

JTAPI/886/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

Monsieur B______, représenté par Me Kim AUBERSON PROD'HOM, avocate, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______, sise à l'adresse D______, sur laquelle est construite une maison d'habitation n° 2______ d'une surface totale de 76 m2.

2.             Monsieur B______ est propriétaire de la parcelle n° 3______ de la même commune, à l'adresse chemin du E______, sur laquelle et construite notamment une maison d'habitation n° 4______ d'une surface totale de 145 m2, ainsi qu'un autre bâtiment n° 5______ d'une surface totale de 22 m2.

3.             Les parcelles précitées, situées en cinquième zone à bâtir, sont directement voisines.

Le 10 juin 1992, une servitude de distance et vue droite a été constituée en faveur de la parcelle n° 1______ (fond dominant) et de l’État de Genève sur la parcelle n° 3______ (fond servant). Elle prévoit la mention suivante : « Cette servitude comporte l'interdiction de toute construction dans les limites de la zone, étant entendu qu'en cas de construction future sur le fond servant, la limite de la zone grevée sera considérée comme limite de parcelle pour le calcul des distances et vues de droite exigées par la loi sur les constructions. La présente servitude ne pourra être modifiée ou radiée sans l'accord du Département des Travaux publics » devenu, le 1er juin 2018, le département du territoire (ci-après : DT ou le département). Selon le plan annexé, la zone concernée par la servitude se situe à la limite de propriété longeant, côtés sud-est et sud-ouest, la maison d'habitation construite sur la parcelle n° 1______.

La distance entre la maison d'habitation actuellement érigée sur le fonds dominant et la limite de propriété est de 4.18 mètres du côté sud-est et de 3.64 mètres du côté sud-ouest.

4.             En date du 26 août 2021, M. B______ a déposé auprès du département une demande d'autorisation de construire portant sur la démolition d'une clôture existante et la construction d'une nouvelle clôture en remplacement de l'ancienne. Il s'agissait d'agrandir la clôture et de la déplacer le long de la limite parcellaire avec la parcelle voisine n° 1______. Cette requête a été enregistrée sous la référence APA 6______.

Selon les plans fournis, la clôture à démolir se situait sur la parcelle n° 3______. Elle était représentée en deux parties. Elle se trouvait pour partie en retrait de la limite de propriété, partant depuis l'avant du bâtiment n° 5______, en direction nord-est, côté chemin F______. L'autre partie se situait en limite de propriété, partant de l'arrière du bâtiment n° 5______, en direction sud-ouest. S'agissant de la nouvelle clôture à construire, elle longeait en continu la limite de propriété, passant également à l'arrière du bâtiment n° 5______. Elle serait composée d'un treillis diagonal en fil fortement galvanisé et sa hauteur ne devait pas dépasser 1m50.

5.             Dans le cadre de l'instruction de cette demande, toutes les instances de préavis sollicitées se sont déclarées favorables au projet, sans réserves, à savoir, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature le 2 septembre 2021 et la direction des autorisations de construire, devenue l’office des autorisations de construire, le 2 novembre 2021. L'office du patrimoine et des sites a considéré ne pas être concerné par cette demande.

6.             Par décision du 4 novembre 2021, le département a délivré l'autorisation de construire sollicitée portant sur le remplacement et l'agrandissement d'une clôture. Cette décision a été publiée dans la Feuille d'avis officielle du même jour.

7.             Par acte du 4 décembre 2021, M. A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette autorisation, concluant principalement à son annulation et, subsidiairement, au renvoi du dossier au département pour nouvelle décision. Il a produit un chargé de pièces.

Alors que l'autorisation litigieuse n'était pas encore définitive, M. B______ avait entrepris des travaux sur sa propriété le 11 octobre 2021. Ces travaux avaient finalement été arrêtés le même jour suite à son intervention auprès de l'intimé. Toutefois, il avait constaté que sa propre clôture érigée à l'intérieur de sa propriété avait complètement disparu.

L'autorisation litigieuse avait été délivrée sur la base d'un document erroné, à savoir le plan visé ne varietur du 15 octobre 2021 intitulé « Remplacement de la clôture existante ». En effet, ce document représentait la « clôture à démolir » par un traitillé jaune en forme de « L » allant pour partie de la cabane de jardin de M. B______, à savoir le bâtiment n° 5______, jusqu'à une borne de délimitation située de l'autre côté en direction du chemin F______. Or, cette clôture n'existait pas. Il s'agissait en réalité d'un mur en parpaing en forme de « L » partant effectivement de la cabane de jardin mais s'arrêtant bien avant la borne de délimitation suscitée. Contrairement à la clôture qui lui appartenait, laquelle longeait la limite de propriété et avait disparu suite aux travaux entrepris par M. B______ le 11 octobre 2021. Ces informations inexactes avaient été ajoutées intentionnellement afin d'induire le département en erreur, lequel aurait dû s'en apercevoir, manquant ainsi à ses obligations.

La délimitation de sa parcelle avec celle de M. B______ était également erronée, deux bornes ayant été placées à 7 cm en sa défaveur. Cette erreur avait par la suite été rectifiée en juillet 2021 après l'intervention d'un géomètre mandaté par ses soins. Les coûts de cette intervention devaient être pris en charge par M. B______. Malgré cette rectification, en juillet 2021, M. B______ avait procédé à la démolition des semelles de certaines bordures de pavés prétendant qu'elles dépassaient toujours la délimitation parcellaire, ce qu'il contestait.

Il ressort des pièces produites, notamment du plan cadastral, que le mur en parpaing suscité se trouve sur la parcelle de M. B______.

8.             Le département s'est déterminé sur le recours le 7 février 2022. Il a produit son dossier le 8 février 2022.

M. B______ avait remis l'ensemble des plans, coupes et élévations exigés, notamment dans le cadre des différentes demandes de complément qui lui avaient été adressées, dans le cadre de l'instruction du dossier. Il apparaissait, à la lecture de ces différents documents, dont notamment le plan cadastral obtenu directement sur le guichet cartographique de la mensuration officielle, que les travaux autorisés ne devaient être réalisés que sur la parcelle de M. B______.

L'existence d'un litige concernant la délimitation réelle de la parcelle du recourant avec celle de M. B______ relevait essentiellement d'une problématique de droit privé pour laquelle il n'avait pas à se prononcer.

S'agissant des travaux réalisés avant l'entrée en force de l'autorisation de construire, M. B______ avait été rendu attentif, à satisfaction de droit, de l'interdiction de leur mise en œuvre.

9.             M. B______ a, sous la plume de son conseil, répondu au recours le 7 février 2022, concluant à son rejet, sous suite de frais et dépens. Il a produit un chargé de pièces.

Il avait mandaté une entreprise dans le but de remplacer sa clôture afin qu'elle suive le tracé exact des divisions parcellaires, ce qui n'était pas le cas auparavant. Si les travaux préparatoires avaient débuté avant l'entrée en force de l'autorisation litigieuse, ceux-ci avaient été exécutés exclusivement sur sa propre parcelle. Contrairement aux allégués du recourant, la clôture démolie dans ce cadre se trouvait uniquement sur sa parcelle et lui appartenait.

Le plan litigieux du 15 octobre 2021 contenait effectivement une erreur au niveau de quelques mètres du tracé en jaune représentant la clôture à démolir. Celle-ci avait été tracée pour partie dans le prolongement du mur en parpaing en direction du chemin F______, alors que la clôture existante formait un coude depuis la fin dudit mur en direction de la propriété du recourant, puis longeait la limite parcellaire pour rejoindre la borne de délimitation située de l'autre côté en direction du chemin F______. Ainsi, la clôture à démolir se trouvait pour partie, à savoir depuis la tête du mur en parpaing jusqu'à la borne susmentionnée, en limite de propriété et non en retrait comme dessiné sur le plan litigieux. Pour le surplus, le tracé de la nouvelle clôture à construire, en limite de propriété, était parfaitement exacte, le recourant ne soulevant aucun grief à ce sujet.

Enfin, s'il admettait l'erreur s'agissant de la délimitation parcellaire, il contestait devoir supporter les coûts liés à la rectification de celle-ci. De plus, une partie des semelles en béton continuait d'empiéter sur sa propriété, suite au refus du recourant de supprimer les débordements, il avait scié la partie des semelles qui empiétait sur sa propriété.

10.         Le recourant a répliqué par écriture du 11 mars 2022, persistant dans ses conclusions. Il a produit des pièces complémentaires.

Reprenant en substance les motifs invoqués dans sa précédente écriture, il a ajouté que le tracé de la clôture projetée passait pour une grande partie par la zone grevée de la servitude de distance et vue droite interdisant toute construction. Or, cette servitude n'avait pas été mentionnée dans la requête d'autorisation de construire.

Il a ensuite fait état des diverses demandes d'autorisation de construire déposées par M. B______ depuis 1992, invoquant que ce dernier avait fourni des informations erronées au département dans ce cadre et n'avait respecté ni les plans, ni les délais pour l'exécution des travaux. Au contraire, les divers travaux qu'il avait entrepris sur sa propre propriété avaient tous été effectués dans les règles de l'art. Les travaux entrepris par M. B______ le 11 octobre 2021 lui avaient causé divers dommages à la propriété et constituaient un grave danger pour la sécurité de sa famille ainsi que de celle des enfants amenés à jouer à proximité des lieux, danger qui subsistait encore ce jour. S'agissant enfin de la clôture démolie, elle se trouvaient bien, par endroits, sur sa propre parcelle.

11.         Le département a dupliqué le 11 avril 2022, maintenant ses conclusions.

Sur la base des informations apportées par M. B______ dans le cadre de la présente procédure, il prenait note que le tracé de la clôture à démolir n'était pas tout à fait celui présenté dans les plans autorisés. Néanmoins cette différence ne pouvait, en l'occurrence, porter à conséquence dès lors que la clôture était vouée à être démolie, sans que ni l'office cantonal de l'agriculture et de la nature ni le service des monuments et des sites ne fassent valoir de remarque à ce sujet.

Concernant la servitude de distance et vue droite, celle-ci n'était effectivement pas mentionnée dans le formulaire de requête qui lui avait été adressée. Cela dit, le but de cette servitude était lié à la possibilité de venir construire, sur la parcelle du recourant, une maison qui apparemment n'était pas ou plus au bénéfice de la distance nécessaire pour ce faire, conformément à ce que prescrivait l'art. 69 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). De son avis, l'installation d'une clôture, non occultante, le long de la limite de propriété n'était pas contraire à cette servitude, dès lors que ladite clôture offrait la possibilité de délimiter la parcelle sans pour autant mettre à mal le but de cette disposition légale, laquelle visait surtout à éviter que des constructions, destinées principalement à de l'habitation, soient érigées à proximité l'une de l'autre, avec tous les inconvénients en découlant.

En tous les cas, le litige opposant M. B______ et le recourant relevait plus du droit privé que du droit public, ces derniers n'arrivant à l'évidence pas à se mettre d'accord sur la délimitation réelle de leur parcelle respective.

12.         M. B______ a également dupliqué, en date du 11 avril 2022, maintenant ses conclusions.

Il contestait les allégués concernant la servitude de distance et vue droite, lesquels ressortaient au droit privé et n'avaient aucune pertinence dans le cadre de la présente procédure.

13.         Le recourant a produit des écritures spontanées le 25 avril 2022.

L'erreur contenue dans le plan litigieux ne pouvait être considérée comme sans importance ni conséquence puisque la loi exigeait des plans clairs et précis dans le cadre des requêtes d'autorisation de construire afin notamment de garantir les droits de toute personne disposant d'un intérêt digne de protection pour recourir. La servitude de distance et vue droite interdisait enfin toute construction, y compris celles de peu d'importance telle qu'une clôture.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_831/ 2019 du 8 juin 2020 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 ; ATA/322/2019 du 26 mars 2019 consid. 3).

4.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/64/2022 du 25 janvier 2022 consid. 2a et les références cités).

5.             En l'occurrence, l'objet du recours porte sur l'autorisation de construire délivrée par le département le 4 novembre 2021 relative au remplacement et à l'agrandissement d'une clôture sur la parcelle de M. B______. Les arguments développés par le recourant à l'égard des différentes autorisations de construire entrées en force ainsi que de la délimitation de sa parcelle avec celle de son voisin, exorbitants au présent litige, ne seront donc pas examinés.

6.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

7.             Le recourant conclut à l'annulation de la décision attaquée, au motif qu'elle a été prise sur la base d'un plan erroné.

8.             Aux termes de l’art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b), démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c), modifier la configuration du terrain (let. d).

9.             Les demandes d’autorisation sont adressées au département (art. 2 al. 1 LCI). Le règlement d’application détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (art. 2 al. 2 LCI).

10.         La demande accélérée doit être adressée au département sur formule officielle, en 5 exemplaires (art. 10B al. 1 1ère phr. du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 ; RCI – L 5 05.01). Il y a notamment lieu de joindre, dans la mesure où ils sont nécessaires, les plans et documents suivants : plans, coupes et façades nécessaires à la compréhension du projet (5 ex.) ; sur ces plans, les parties à démolir sont en jaune et les parties à construire ou à transformer sont en rouge (art. 10B al. 2 let. h RCI).

11.         Selon la jurisprudence, les exigences formelles imposées par l'art. 9 al. 2 RCI – qui a trait aux plans et documents à joindre lors du dépôt d'une demande définitive d'autorisation de construire – ne sont pas seulement destinées à permettre au département d'instruire les demandes et de contrôler leur conformité à la loi, ou encore de faciliter le travail du juge. Elles permettent également de garantir l'exercice du droit de chacun de consulter – et de comprendre – les projets de construction qui sont déposés, et celui des personnes disposant d'un intérêt digne de protection de recourir, cas échéant, en connaissance de cause (art. 3 al. 2 et 145 LCI, 18 RCI et 60 LPA ; ATA/461/2020 du 07 mai 2020 ; ATA/1829/2019 du 17 décembre 2019 ; ATA/213/2018 du 6 mars 2018 et les références citées).

12.         La précision des plans a également pour fonction de déterminer avec exactitude les détails de l'ouvrage et d'en fixer les contours une fois pour toutes, rendant un contrôle possible au stade de l'exécution. Cette exigence protège, de ce point de vue, tant le bénéficiaire de l'autorisation qui, une fois celle-ci entrée en force, peut se prévaloir d'un droit clairement défini, que les éventuels opposants ou l'autorité compétente, qui peuvent s'assurer que les travaux, une fois exécutés, sont conformes à l'autorisation délivrée (ATA/461/2020 du 7 mai 2020 ; ATA/1829/2019 du 17 décembre 2019).

13.         Cette jurisprudence peut s'appliquer mutatis mutandis à la demande accélérée d'autorisation de construire de l'art. 10B RCI, puisque dans les deux types de demandes il y a lieu de joindre les plans des constructions/aménagements projetés (ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 consid. 5f).

14.         Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1).

15.         En l'espèce, s'il est vrai que le plan visé ne varietur du 15 octobre 2021 contient une erreur, la clôture à démolir se trouvant pour partie en limite de propriété et non en retrait comme dessiné, il n'en demeure pas moins qu'il permet de comprendre, à sa lecture seule et en comparaison avec le plan soumis au tribunal, les modifications envisagées. Le recourant reconnait par ailleurs qu'une clôture, dont la titularité est certes contestée, existait bel et bien en limite de propriété. Pour le surplus, il n'invoque pas que les plans produits à l'appui de la demande d'autorisation se fondent sur une limite de propriété inexact, ni que le tracé en rouge de la nouvelle clôture à construire est erroné.

Dans ces conditions, le tribunal estime que les plans fournis respectent les exigences posées par l'art. 10B RCI et étaient suffisants et adéquats pour permettre à l'autorité intimée de rendre une décision en toute connaissance de cause. En tant que l'erreur concerne la clôture à démolir, on peut enfin se demander si le recourant dispose d'un intérêt digne de protection à soulever un tel grief. Il n'en invoque au demeurant aucun.

Le grief est donc mal fondé.

16.         Le recourant fait valoir que la clôture autorisée passe pour une grande partie par une zone grevée d'une servitude de distance et vue droite interdisant toute construction.

17.         Figurant au titre des dispositions applicables en cinquième zone, l'art. 69 LCI prévoit que, lorsqu’une construction n’est pas édifiée à la limite de propriétés privées, la distance entre cette construction et la limite doit être au moins égale à la hauteur du gabarit diminuée de 1 m (D H - 1) (al. 1). Sous réserve des dispositions des articles 67 et 68, la distance entre une construction et une limite de propriété ne peut être en aucun cas inférieure à 5 m (D 5) (al. 2). Les distances entre constructions et limites de propriétés ou entre 2 constructions doivent être également appliquées aux angles de ces constructions (al. 3).

18.         Selon l'art. 71 LCI, lorsque les distances aux limites de propriétés et les distances entre constructions ne sont assurées que par un accord entre propriétaires voisins, sans modification des limites de leurs parcelles, cet accord doit faire l’objet d’une servitude inscrite au registre foncier (art. 71 al. 1 LCI). L’autorisation de construire est subordonnée à la remise d’un extrait du registre foncier attestant que cette inscription a été opérée (al. 2). Le règlement d’application fixe les termes dans lesquels la servitude doit être établie (al. 3).

19.         L'art. 46 LCI, applicable aux quatre premières zones de construction, a la même teneur.

20.         Selon l’art. 12 RCI, les servitudes de distances et vues droites doivent être énoncées, en principe, dans la forme suivante : « Il est constitué sur la parcelle n° ..... (fonds servant) au profit de la parcelle n° ..... (fonds dominant) et au profit de l’Etat de Genève une servitude de distance et vue droite. Cette servitude, qui s’exerce sur la zone figurée par ..... au plan ci-annexé, comporte l’interdiction de toute construction dans les limites de cette zone, étant entendu qu’en cas de construction à édifier dans l’avenir sur la parcelle n° ..... (fonds servant) la limite de la zone grevée doit être considérée comme limite de parcelle pour le calcul des distances et vues droites exigées par la loi sur les constructions. Cette servitude ne peut être modifiée ou radiée sans l’accord du département ».

21.         Selon la jurisprudence, la nature de la servitude imposée par l'art. 12 RCI est de droit public, le but étant de prévoir un mécanisme de contrôle obligatoire de l'Etat en amont (ATA/928/2021 du 7 septembre 2021 consid. 9).

22.         La notion de « construction » est juridiquement déterminée par l'art. 1 RCI, selon lequel sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment les murs, clôtures, portails, poulaillers, clapiers, chenils clôtures (let. b).

23.         Selon l'art. 1A al. 1 RC, sont notamment des constructions et installations d'importance secondaire au sens des art. 2 al. 3 et 6 al. 1 LCI, les murs, clôtures, portails, poulaillers, clapiers, serres (let. a) ainsi que les constructions dites de peu d'importance au sens de l'art. 3 al. 3 RI (let. b).

24.         La jurisprudence a notamment admis que la servitude de droit public prévu à l'art. 12 RCI s'applique à l'agrandissement des attiques d'immeubles et l'aménagement des terrasses en toiture (ATA/928/2021 du 7 septembre 2021), aux immeubles d'habitation (JTAPI/440/2020 du 25 mai 2020) ainsi qu'aux garages à voitures (ATA/372/2020 du 16 avril 2020). Dans un jugement récent (JTAPI/167/2022 du 23 février 2022 consid. 19), le tribunal de céans a retenu qu'une telle servitude vise également les constructions dites de peu d'importance.

25.         En l'espèce, il ressort du dossier qu'il existe une servitude de distance et vue droite constituée en 1992 modifiant les limites parcellaires entre la parcelle du recourant et celle de l'intimé. Il n'est pas contesté qu'une partie de la nouvelle clôture projetée empiète sur l'assiette de cette servitude.

Dans la mesure où l'acte de constitution de la servitude reprend en grande partie le texte de l'art. 12 RCI et dès lors que l'Etat de Genève en est également bénéficiaire, il convient de considérer qu'elle constitue une servitude de droit public telle que prévue par cette disposition.

Cette servitude interdit toute construction dans les limites de la zone de servitude. Le département soutient qu'elle ne s'appliquerait pas à l'installation d'une clôture, n'étant pas de nature à obstruer la vue. Les termes mêmes de cette servitude ne permettent toutefois pas de retenir cette position, les clôtures étant par ailleurs expressément considérées comme des « constructions », à l'art. 1 let. b RCI.

Il en résulte que, à défaut d'accord des bénéficiaires sur la radiation ou modification de la servitude, aucune construction ne peut être réalisée dans les limites de son assiette. L'autorité intimée ne soutient pas qu’un tel accord aurait été donné. Celui du recourant fait en tout état défaut.

Ne tenant pas compte de la limite parcellaire telle que fixée par la servitude en question, la construction projetée ne pouvait dès lors être autorisée, sauf à violer les art. 69 LCI cum 71 LCI et 12 RCI.

26.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et l'autorisation de construire querellée annulée.

27.         La juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments (art. 87 al. 1 LPA et 1 s. du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Elle peut en outre, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA ; cf. aussi art. 6 RFPA).

28.         En l’occurrence, vu l’issue du litige, un émolument de CHF 900.- sera mis à la charge de l'intimé qui succombe.

L’avance de frais effectuée par le recourant, qui obtient aussi gain de cause, lui sera restituée. Il ne se verra pas allouer d'indemnité de procédure, dans la mesure où, ayant agi en personne, il ne démontre pas avoir encouru des frais particuliers pour les besoins de la procédure (art. 87 al. 2 LPA a contrario ; cf. not. ATA/1278/2018 du 27 novembre 2018 consid. 11 ; ATA/759/2018 du 19 juillet 2018 ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 6 ; ATA/658/2017 du 13 juin 2017 consid. 10 ; cf. aussi ATA/1015/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/11/2014 du 7 janvier 2014 ; ATA/779/2013 du 26 novembre 2013 ; ATA/216/2013 du 9 avril 2013 ; ATA/93/2007 du 6 mars 2007), étant rappelé que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une partie non assistée par un avocat peut obtenir des dépens, à certaines conditions seulement, dans des causes particulièrement compliquées, avec une valeur litigieuse élevée et en raison d'un travail important qui dépasse ce que chaque individu peut devoir consacrer à ses affaires personnelles (cf. ATF 133 III 439 consid. 4 ; 129 II 297 consid. 5 ; 125 II 518 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 1C_641/2012 du 30 avril 2013 consid. 4 ; 1B_674/2012 du 22 février 2013 consid. 3 ; 1C_215/2012 14 décembre 2012 consid. 3 ; 4P.267/2003 du 25 mars 2004 consid. 4).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 4 décembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 4 novembre 2021 (APA 6______) ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision entreprise ;

4.             met un émolument de CHF 900.- à la charge de Monsieur B______ ;

5.             ordonne la restitution au recourant de l'avance de frais de CHF 900.- ;

6.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Carmelo STENDARDO et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière