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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3464/2021

JTAPI/871/2022 du 29.08.2022 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : RÉCLAMATION DE DROIT PUBLIC;DÉLAI LÉGAL;OBSERVATION DU DÉLAI;RESTITUTION DU DÉLAI;RETARD INJUSTIFIÉ
Normes : LIFD.16.al1; LIFD.37; LIFD.41; LIFD.133.al1; LIPP.17; LIPP.62
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3464/2021 ICC/IFD

JTAPI/871/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 août 2022

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés en France voisine et travaillant tous deux à Genève, ont été soumis à l’impôt à la source (IS) en 2019 et 2020.

Année fiscale 2019

2.             Par bordereau IS 2019 du 12 avril 2021, les contribuables ont été imposés sur un revenu imposable de CHF 229’381.-. En application du barème Cr1, le montant d’impôt s’élevait à CHF 42’206,10. Compte tenu des retenues déjà effectuées en CHF 32’537,90, le solde dû s’élevait à CHF 9’668,20.

3.             Par pli simple daté du 24 avril 2021 et parvenu à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) le 10 mai 2021 à teneur du tampon humide apposé sur la lettre, les contribuables ont contesté devoir une telle somme, « très élevée et pour le moins surprenante » ; certaines pièces auraient pu manquer à leur dossier.

4.             Le 22 juillet 2021, ayant considéré ce courrier comme une réclamation, l’AFC-GE les a informés qu’en l’absence de demande de rectification de l’imposition à la source (aussi bien au niveau du règlement d’application de l’impôt à la source qu’au niveau du statut quasi-résident), elle avait rectifié leur imposition dans le cadre du barème C et en tenant compte de la charge de leur enfant. Sans préjuger de sa décision, elle les priait de lui communiquer les justificatifs d’éventuelles déductions 2019 à faire valoir dans le règlement d’application de l’IS.

5.             En août 2021, les contribuables ont répondu en remettant à l’AFC-GE leur déclaration fiscale 2019 dûment complétée.

6.             Par décision sur réclamation du 15 septembre 2021, l’AFC-GE a rappelé que les seules déductions admissibles étaient celles prévues à l’art. 4 du règlement d’application de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 12 décembre 1994 (RISP - D 3 20.01). Elle ne pouvait pas prendre en compte la demande de quasi-résident en 2019 (résultant du dépôt de la déclaration fiscale 2019), celle-ci constituant une contestation de l’assujettissement, non introduite avant le 31 mai 2020, délai exceptionnellement prolongé au-delà du
31 mars 2020 en raison de la situation sanitaire. Après avoir appliqué le diviseur trois aux annuités rétroactives perçues en 2019, elle a remis aux contribuables un bordereau rectificatif : le solde dû se montait à CHF 8’842,45.


 

Année fiscale 2020

7.             Le 1er juillet 2021, les contribuables ont adressé à l’AFC-GE une demande de rectification de leur imposition 2020, faisant valoir la déduction de leurs frais professionnels effectifs (statut de « quasi-résident »).

8.             Le 29 juillet 2021, l’AFC-GE leur a fait parvenir un courrier les informant de la réception de leur demande de quasi-résident.

9.             Par bordereau IS 2020 du 23 septembre 2021, les contribuables ont été imposés sur un revenu imposable de CHF 233’383.-. En application du barème Cr1, le montant total d’impôt s’élevait à CHF 43’432,60. Compte tenu des retenues déjà effectuées en CHF 33’650,75, le solde dû s’élevait à CHF 9’781,85.

Dans le courrier accompagnant ce bordereau, l’AFC-GE précisait ne pas pouvoir prendre en compte la demande de quasi-résident, celle-ci n’ayant pas été déposée dans les délais légaux, soit avant le 31 mars 2021.

10.         Par acte du 11 octobre 2021, les contribuables ont interjeté recours contre ces deux décisions sur réclamation des 15 et 23 septembre 2021 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant au rejet des décisions entreprises, au réexamen de leur dossier « sous la forme du statut de quasi-résident pour les années 2019 et 2020 » et à la fixation de la taxation des annuités rétroactives aux taux d’imposition retenus pour les années auxquelles ces annuités auraient dues être versées, le tout sous suite de frais et dépens.

Ils étaient tous deux prélevés à la source depuis plus d’une dizaine d’années et remplissaient chaque année leur déclaration d’impôt via leur fiduciaire, hormis en 2019 et 2020 compte-tenu de la crise sanitaire. Leur situation fiscale était identique depuis 2015. Il s’agissait des premières années que l’AFC-GE leur réclamait des sommes complémentaires se trouvant bien au-delà tant de leurs économies que de leur capacité financière. En tant que C______ au sein de la police, le recourant était engagé en première ligne pour faire face aux défis logistiques et sécuritaires du canton durant la pandémie. La recourante occupait, quant à elle, une place clé dans la D______. Ces engagements avaient particulièrement « heurté » leur vie privée et amené à une situation familiale extrêmement compliquée soldée par une séparation. Dans ces circonstances, il était probable que certaines pièces aient pu manquer à leur dossier déposé à l’AFC-GE ou que celui-ci ait pu être égaré, en tout ou en partie.

Le refus d’entrée en matière de l’AFC-GE « pour des délais certes quelque peu dépassés, mais ô combien compréhensibles au vu des événements personnels et sociétaux traversés ces deux dernières années » était regrettable. Une pénalité de retard aurait été acceptable, mais pas les sommes colossales requises, ceci pour quelques jours de dépassement, alors qu’ils auraient été éligibles au statut de quasi-résident, comme chaque année.

11.         Dans sa réponse du 13 janvier 2022, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les requêtes d’application du statut de quasi-résident étaient manifestement tardives de sorte que les décisions étaient justifiées. En effet, le délai pour requérir un tel statut était impératif. Les contribuables ne démontraient pas l’existence d’un motif sérieux ou la survenance d’un cas de force majeure qui les auraient concrètement empêchés d’agir en temps utile ou de désigner un tiers pour s’en charger à leur place. Aucun motif ne permettait de restituer le délai. De même, la situation sanitaire ne pouvait être prise en considération, l’AFC-GE n’ayant pas traité différemment leur situation par rapport à celle d’autres contribuables.

Quant à l’année fiscale 2019, le recourant n’apportait aucune précision ni argument lui permettant de conclure à la taxation des annuités rétroactives aux taux d’imposition retenus pour les années au cours desquelles elles auraient dû être versées.

12.         Les contribuables ont répliqué le 14 février 2022.

Il avait été largement démontré par plusieurs études, tant suisses qu’internationales, que les effets psychologiques de l’épidémie de COVID-19 avaient été considérables. Le stress engendré par cette situation unique et incomparable avec d’autres évènements, ne pouvait qu’être perçu comme un facteur ayant conduit à une « désorganisation psychologique et organisationnelle ». Malgré cela, une dissociation des activités professionnelles et privées était possible permettant de privilégier les tâches d’utilité publique avant les actes administratifs privés. L’accomplissement de ces tâches de sécurité et de santé publique pouvait ainsi faire oublier les délais de réclamation auprès de l’AFC-GE. L’ensemble de ces éléments, devaient être considérés, à titre exceptionnel, comme des motifs sérieux d’empêchement d’agir. Dès lors, aucune jurisprudence ne pouvait s’appliquer à une telle situation.

Pour appuyer leurs propos, les contribuables ont déposé un chargé de sept pièces contenant différents articles provenant notamment de l’Organisation mondiale de la santé ou de l’office fédéral de la santé publique en lien avec l’influence du COVID-19 sur la santé psychique.

13.         Dans sa duplique du 14 mars 2022, l’AFC-GE a persisté dans sa position.


 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale en matière d’impôt à la source (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 - cum art. 17 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 16 janvier 2020 - LISP - D 3 20 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous l’angle des art. 140 LIFD et 49 LPFisc (cum art. 17 LISP).

3.             Tout en admettant avoir déposé tardivement leurs demandes d’application du statut de quasi-résident pour les années 2019 et 2020, les recourants contestent la décision d’irrecevabilité rendue par l’autorité intimée sur ce point. Ils sollicitent une restitution du délai en invoquant les difficultés liées à la crise sanitaire.

4.             Lorsque le contribuable entend - comme en l’espèce - réclamer le bénéfice des déductions supplémentaires équivalentes à celles du régime de taxation ordinaire, il doit obligatoirement le faire dans le délai fixé aux art. 137 al. 1 LIFD et 23 al. 2 LISP, soit au plus tard au 31 mars de l’année qui suit celle pour laquelle l’impôt est dû (cf. ATF 135 II 274 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_360/2015 du 13 mai 2015 consid. 6.1 ; ATA/1339/2019 du 3 septembre 2019 consid. 7 et 8).

Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus si ce n’est par le législateur lui-même. Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos (cf. ATA/286/2020 du 10 mars 2020 ; ATA/1157/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2a ; ATA/1595/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3a).

Les règles relatives à ce type de délais nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d’égalité de traitement et d’intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l’irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d’un délai n’est en principe pas constitutive d’un formalisme excessif prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (cf. not. ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine ; 125 V 65 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_586/2015 du 12 novembre 2015 consid. 2.3 ; 2C_56/2015 du 23 mai 2015 consid. 2.4 ; ATA/413/2021 du 13 avril 2021 consid. 8b).

Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, une réclamation tardive contre la décision d’assujettissement n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu’il l’a déposé dans les trente jours après la fin de l’empêchement.

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Celui-ci doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute du contribuable (cf. ATF 119 II 86 ; 112 V 255 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2 et les références citées ; ATA/463/2018 du 8 mai 2018). Il peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective et doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/463/2018 du 8 mai 2018 ; ATA/1245/2017 du 29 août 2017).

Les cas de force majeure, soient les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible demeurent aussi réservés. Pour établir l’existence d’un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’assujetti (ATA/461/2018 du 8 mai 2018 ; ATA/328/2018 du 10 avril 2018).

Par exemple, le seul état de santé déficient est insuffisant, notamment lorsqu’il s’agit d’une dépression importante. Même le cas d’un administré atteint d’un cancer, dont la situation de santé se péjorait et le traitement s’alourdissait, nonobstant un certificat mentionnant la nécessité de soins de l’intéressé et son incapacité à pouvoir gérer sa vie professionnelle et personnelle pendant six mois, n’a pas été considéré comme cas de force majeure (cf. ATA/402/2021 du 13 avril 2021 consid. 3c et les références).

Par ailleurs, si le contribuable invoque une maladie (par ex. une dépression), il doit démontrer, par des moyens de preuve pertinents, tant sa réalité que le fait qu’elle l’a concrètement empêché de déposer son acte en temps utile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_716/2010 du 25 janvier 2011 consid. 2).

Il a également été jugé que si l’un des époux est effectivement empêché de former réclamation, notamment en raison de sa maladie, l’autre époux a le devoir d’agir à sa place, ou du moins de requérir les services d’un tiers, quand bien même l’époux empêché ne lui confiait pas spécifiquement cette mission. Le fait que l’un des époux s’acquitte habituellement des tâches administratives de la famille ne constitue ainsi pas une raison suffisante pour permettre une restitution du délai de réclamation (cf. ATA/576/2020 du 9 juin 2020 consid. 4 et 5 et les références citées).

5.             En l’espèce, les recourants justifient leur retard par les conséquences de la pandémie tout d’abord sur leur vie professionnelle, puis, par ricochet, sur celle privée. Ils estiment que leur implication professionnelle accrue les a empêchés de déposer leur réclamation contre la décision d’assujettissement dans le délai légal.

Le tribunal ne saurait suivre leur raisonnement.

Il sied tout d’abord de relever que, s’agissant de l’année fiscale 2019, l’AFC-GE a elle-même tenu compte de la crise sanitaire et des conséquences de celle-ci sur l’organisation de la vie de tous les contribuables. Elle a en effet prolongé de pas moins de deux mois, soit au 31 mai 2020, le délai pour déposer une demande de statut de quasi-résident. Or, la demande des contribuables est parvenue à l’AFC-GE près d’une année plus tard. Quant à l’année fiscale 2020, leur demande est parvenue à l’AFC-GE deux mois après le terme du délai légal.

Les recourants ont versé à la procédure des articles en lien avec les conséquences de la pandémie sur la santé psychique pour expliquer leur retard. Ils ne démontrent toutefois pas, à l’appui notamment d’un certificat médical circonstancié, qu’ils ont été, concrètement, empêchés de déposer leurs demandes en temps utile.

Les engagements professionnels sans faille des recourants ne sont pas mis en doute. Malgré cela, l’on pouvait raisonnablement attendre d’eux qu’ils requièrent les services d’un tiers pour les aider dans leurs démarches administratives, étant relevé que le contribuable, qui, dans le cadre de son travail, doit s’assurer quotidiennement du respect de la loi, connait l’importance du respect des délais légaux.

Partant, c’est à bon droit que l’AFC-GE a considéré que les demandes de statut de quasi-résident pour les années 2019 et 2020 étaient tardives et refusé de restituer le délai.

6.             Les recourants requièrent la taxation des annuités rétroactives, perçues en 2019, aux taux d’imposition retenus pour les années au cours desquelles elles auraient dû être versées. Ils contestent ainsi l’application par l’AFC-GE du diviseur 3 au montant perçu à ce titre.

7.             Selon les art. 16 al. 1 LIFD et 17 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques. Le revenu imposable se détermine d’après les revenus acquis pendant la période fiscale (art. 41 al. 1 LIFD et 62 al. 1 LIPP). Font partie de ces revenus notamment les versements provenant de l’assurance-vieillesse et survivants, de l’assurance-invalidité, ainsi que tous ceux provenant d’institutions de prévoyance professionnelle ou fournis selon des formes reconnues de prévoyance individuelle liée, y compris les prestations en capital et le remboursement des versements, primes et cotisations (art. 22 al. 1 LIFD et 25 al. 1 LIPP). Sous réserve des art. 204 LIFD et 72 al. 2 LIPP, ces prestations sont entièrement imposables (cf. ATF 132 II 128 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_640/2010 du 11 décembre 2010 consid. 3.1).

En revanche, lorsque le revenu comprend des versements de capitaux remplaçant des prestations périodiques, l’impôt se calcule compte tenu des autres revenus et des déductions autorisées, au taux qui serait applicable si une prestation annuelle était servie en lieu et place de la prestation unique (art. 37 LIFD et 43 LIPP). Il s’agit là de versements effectués en une seule fois qui sont destinés à éteindre une créance relative à des prestations périodiques, le versement devant remplacer une prestation due à l’origine sous une autre forme. Ce système dit du taux de la rente ne s’applique que si, de par leur nature, les prestations en cause auraient normalement dû être versées périodiquement, mais qu’un tel paiement n’a pas eu lieu, indépendamment de la volonté du bénéficiaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_640/2010 du 11 décembre 2010 consid. 3.2).

A la lumière de ces principes, l’art. 37 LIFD a été notamment déclaré applicable au versement de rattrapage de rentes en matière d’assurances sociales nées auparavant, ainsi qu’au versement de la prestation en capital effectué par une caisse de pensions, servant à rembourser les arriérés de rentes d’invalidité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_640/2010 du 11 décembre 2010 consid. 3.2 ; 2C_267/2007 du 5 octobre 2007 consid. 2.3). Sont également imposés au taux de la rente les paiements en une fois du salaire dû (arriérés de salaire) (Ivo P. BAUMGARTNER in Martin ZWEIFEL, Michael BEUSCH, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 3ème éd., 2017, art. 37, § 12, p. 940 et les réf. citées ; Felix RICHNER, Walter FREI, Stefan KAUFMANN, Hans Ulrich MEUTER, Handkommentar zum DBG, 3ème édition, 2016, art. 37, § 15, p. 744 ; décision de la commission de recours administrative du canton de Saint-Gall du 27 septembre 2016 in GVP 2016 n° 21 ; arrêt du Tribunal administratif du canton de Zurich du 22 décembre 1999 in StE 2000 B 29.2 Nr 6).

Lorsque l’on se trouve dans un cas d’application de l’art. 37 LIFD et que les prestations périodiques allouées sous forme de capital s’étendent sur un nombre déterminé d’années, le capital versé est imposable à un taux « périodisé ». Cette conversion ne s’effectue pas en vertu d’une valeur actuarielle, mais en divisant le montant du versement unique par le nombre d’années en vue de déterminer le montant de la rente pris en compte pour le taux. Le moment auquel est effectué le versement en capital à l’intérieur de la période fiscale importe peu (arrêts du Tribunal fédéral 2C_640/2010 du 11 décembre 2010 consid. 3.5 ; 2A.118/2006 du 4 juillet 2006 consid. 2.2 et 2.3).

L’art. 37 LIFD, dont la teneur est identique à celle de l’art. 43 LIPP, tient compte du fait que le droit aux prestations périodiques naît antérieurement au versement du capital. Son but est précisément d’éviter que des personnes ne bénéficiant pas immédiatement de leurs rentes à la suite de retards qui ne leur sont pas imputables soient fiscalement désavantagées par rapport à celles qui perçoivent leurs rentes périodiques dès la naissance du droit à de telles prestations d’assurance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_640/2010 du 11 décembre 2010 consid. 3.3).

8.             Le droit positif suisse a adopté la théorie de l’accroissement net du patrimoine, c’est-à-dire une conception extensive du revenu imposable. Selon cette théorie, le revenu est défini comme l’ensemble des biens économiques qui entrent dans le patrimoine d’un contribuable pendant une période donnée et dont il peut disposer pour satisfaire ses besoins, sans diminuer le patrimoine qu’il avait au début de la période. Il correspond à l’accroissement net du patrimoine d’un individu au cours de la période concernée, ce qui peut provenir tant d’une augmentation des actifs que d’une diminution des passifs. Tous les gains qui viennent accroître son patrimoine font partie du revenu, même si, à l’instar de gains accidentels ou exceptionnels, ils ne proviennent pas d’une source permanente. Ainsi, tout revenu que la loi n’exclut pas expressément de son champ d’application est considéré comme faisant partie du revenu imposable. Il comprend l’ensemble des revenus du contribuable, quelles que soient leur nature ou leur forme ; l’impôt frappe le revenu global net (ATF 142 II 197 consid. 6 ; 125 II 113 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_766/2010 du 29 juillet 2011 consid. 2.1 ; ATA/1519/2017 du 21 novembre 2017 consid. 5b ; ATA/1419/2017 du 17 octobre 2017 consid. 3b).

Le principe de l’accroissement net du patrimoine, consacré aux art. 16 al. 1 LIFD et 17 LIPP, concrétise le principe constitutionnel de l’imposition selon la capacité économique. Les exceptions doivent être interprétées restrictivement (ATF 139 II 363 consid. 2.1).

9.             Selon les art. 41 al. 1 LIFD et 62 al. 1 LIPP, le revenu imposable se détermine d’après les revenus acquis durant la période fiscale. Pour identifier ces revenus et les rattacher à une période fiscale déterminée, il convient d’établir le moment de leur réalisation.

10.         La LIFD pas plus que la LIPP n’indiquent quand il y a lieu de considérer un revenu comme réalisé.

Selon la jurisprudence, le revenu n’est imposable que s’il est réalisé. Cette condition essentielle constitue le fait générateur de l’imposition du revenu (arrêts du Tribunal fédéral 2C_454/2015/2C_455/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.1 ; 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 6.2 ; 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.4). La réalisation détermine le point d’entrée de l’avantage économique dans la sphère fiscale du contribuable. Tant que l’avantage économique n’est pas réalisé, il demeure une expectative non - encore - imposable (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_454/2015/2C_455/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.1 ; 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.3). Un revenu est considéré comme réalisé lorsqu’une prestation est faite au contribuable ou que ce dernier acquiert une prétention ferme sur laquelle il a effectivement un pouvoir de disposition. En règle générale, l’acquisition d’une prétention est déjà qualifiée de revenu dans la mesure où son exécution ne paraît pas incertaine. Ce n’est que si cette exécution paraît d’emblée peu probable que le moment de la perception réelle de la prestation est pris en considération (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_454/2015/2C_455/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.1 ; 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.3; 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 6.2 ; 2C_683/2013 du 13 février 2014 consid. 6.4 ; 2C_941/2012 du 9 novembre 2013 consid. 2.5). Le caractère certain de l’exécution de la prestation ne saurait en revanche dépendre de la seule volonté du contribuable ; si tel était le cas, celui-ci pourrait déterminer lui-même, en fonction de ses convenances personnelles, à quel moment ce revenu est imposable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_116/2010 du 21 juin 2010 consid. 2.3).

Dans une cause relative au versement d’un capital relatif aux arriérés de prestations périodiques, le Tribunal fédéral a considéré ce revenu comme étant imposable au moment où le montant est versé, quand bien même la naissance des prestations périodiques était antérieure (cf. arrêt 2C_267/2007 du 5 octobre 2007 consid. 2.3).

11.         En l’espèce, s’agissant du moment déterminant pour l’acquisition, par le recourant, de l’arriéré des annuités qui lui ont été octroyées, il convient de relever qu’il ne s’agissait pas d’une prétention ferme sur laquelle il avait, effectivement, un pouvoir de disposition. En effet, le rattrapage des annuités de la fonction publique, supprimées par les autorités politiques pour les années 2016 à 2018, est intervenu suite à une décision de justice du 7 juin 2019. Dans ces conditions, l’acquisition du droit aux annuités antérieures à l’année 2019 ne pouvait pas être considéré comme certaine. En outre, à teneur de la jurisprudence susmentionnée, le versement d’un capital relatif aux arriérés de prestations périodiques, tels que des arriérés de salaire, est imposable au moment où le montant est versé, soit en 2019. L’AFC-GE était dès lors fondée à s’appuyer sur le moment du versement des annuités supprimées survenu au cours de la période fiscale 2019. Dans ces circonstances, l’arriéré des annuités est donc sans conteste imposable en 2019.

Les modalités d’imposition de ce montant sont dès lors gouvernées par les art. 37 LIFD et 43 LIPP, de sorte que ce capital doit être imposé - comme l’a fait l’AFC-GE - au taux de la rente. Le recourant perd en effet de vue que ces dispositions ont précisément pour but d’éviter que des personnes ne bénéficiant pas immédiatement de leurs rentes à la suite de retards qui ne leur sont pas imputables soient fiscalement désavantagées par rapport à celles qui perçoivent leurs rentes périodiques dès la naissance du droit à de telles prestations (cf. Message du Conseil fédéral concernant les lois fédérales sur l’harmonisation fiscale du 25 mai 1983, in FF 1983 III 1, p. 186).

12.         Partant, le recours, mal fondé, sera rejeté.

13.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 octobre 2021 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale des 15 et 23 septembre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Endri GEGA, président, Philippe FONTAINE et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Endri GEGA

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière