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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/613/2022

JTAPI/186/2022 du 25.02.2022 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.76; LEI.75.al1.leth; LStup.19.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/613/2022 MC

JTAPI/186/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 février 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Ludivine DELALOYE, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le 3 juin 2015, Monsieur A______, aussi connu sous d'autres identités, dont celle de B______ (ci-après : M. A______), né le ______ 1987 et originaire du Mali, a déposé en Suisse une demande d'asile, laquelle a été radiée en raison de la disparition de l'intéressé. Dans le cadre de cette procédure, M. A______ avait été attribué au canton de C______.

2.             Le 24 janvier 2018, Monsieur A______ a été renvoyé en Italie, pays qui avait consenti à sa réadmission sur son territoire.

L'intéressé a par ailleurs fait l'objet de deux interdictions d'entrée en Suisse, dont la dernière était valable jusqu'au 31 janvier 2021.

3.             Entre le 15 juillet 2015 et le 22 juin 2018, M. A______ a été condamné quatre fois, pour entrée illégale, séjour illégal, contravention et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

4.             Le 16 janvier 2021, M. A______, en possession de son passeport malien et d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes, a été arrêté par les forces de l'ordre genevoises dans le cadre d'un trafic de cocaïne. Entendu par les enquêteurs, l'intéressé a notamment indiqué vivre en France, n'avoir aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier avec ce pays (toute sa famille vit en Afrique), ni non plus aucune source légale de revenu. Il a été maintenu en arrestation provisoire.

5.             Par arrêt du 5 octobre 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la République et canton de Genève a déclaré M. A______ coupable d'infraction grave à la LStup (art. 19 al. 1 let. d et al. 2 let. a LStup) et l'a condamné à une peine privative de liberté de deux ans (sous déduction de la détention avant jugement et de l'exécution anticipée de peine subies depuis le 16 janvier 2021), avec sursis portant sur douze mois.

Simultanément, l'autorité de jugement a ordonné l'expulsion de Suisse de l'intéressé pour une durée de cinq ans.

6.             Durant la détention pénale de M. A______, les autorités chargées de l'exécution de son refoulement ont entrepris les démarches nécessaires en vue de la réadmission de l'intéressé en Italie, Etat qui a consenti au transfert de M. A______ sur son territoire.

Le secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) ayant fait savoir que la remise de l'intéressé aux autorités italiennes ne pourrait avoir lieu le jour de sa libération, les services de police genevois ont organisé l'acheminement de M. A______ à la frontière de D______ pour le 24 février 2022.

7.             Le 22 février 2022, à sa sortie de prison, l'intéressé a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

8.             Le même jour, l'intéressé s'est vu notifier par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une décision de non-report de la mesure d'expulsion judiciaire prononcée à son endroit, après avoir eu l'occasion de faire valoir son droit d'être entendu à cet égard.

9.             Le 22 février 2022 à 15h05, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines.

Au commissaire de police, M A______ a déclaré qu’il ne s'opposait pas à son retour en Italie et de se soumettre à un test Covid-19. Il était en outre d’accord « à ce que le Tribunal administratif de première instance renonce à la procédure orale », après que le commissaire de police avait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

10.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) le même jour.

11.         Dans ses observations écrites du 23 février 2022, le conseil de l'intéressé a indiqué s'en rapporter à justice quant à la détention administrative mais qu'il convenait de la limiter au jour du renvoi, soit au 24 février 2022 compris.

12.         Par courriel du 23 février 2022, à 18h09, le commissaire de police a informé le tribunal qu'au vu du résultat positif à la Covid-19 de M. A______, résultat dont il venait d’être informé, la réadmission en Italie de ce dernier ne pourrait pas avoir lieu le lendemain, comme initialement prévu. A cette heure précise, il n'était pas en mesure de garantir que le renvoi du contraint pourrait être exécuté dans les huit jours à compter de sa mise en détention administrative.

13.         Le 24 février 2022, le commissaire de police a transmis au tribunal le Certificat Covid délivré au bénéfice de l'intéressé sur la base de sa « guérison », valable jusqu'au 4 mars 2022.

14.         Lors de l'audience de ce jour, M. A______ n'a pas pu se présenter dans la mesure où il est maintenu en isolement et au vu de l'absence de possibilités de visioconférence à son lieu de détention, son conseil l'a représenté. Ce dernier a déclaré avoir pu s'entretenir avec son client le soir précédent et qu'il était toujours d'accord sur le principe de son refoulement.

La représentante du commissaire de police a remis un courriel du 24 février 2022 de la police internationale indiquant que dès la fin de l'isolement de M. A______, soit lundi 28 février 2022, un nouveau test Covid serait effectué et que s'il se révélait négatif, la réadmission de M. A______ à la frontière italienne pourrait avoir lieu le 3 mars prochain. Le conseil de M. A______ s'en est rapporté à justice sur le principe de la détention et demandé qu'elle soit limitée au 4 mars 2022, soit le lendemain de la date de sa réadmission. Ensuite de quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 LEI ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 22 février 2022 à 14h50.

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

5.            A teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si celle-ci a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI), par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).

6.            La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

7.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une mesure d'expulsion prononcée par le Chambre pénal d'appel et de révision le 5 octobre 2021, pour une durée de cinq ans. Il a par ailleurs été condamné par cette juridiction pour infraction à l'art. 19 al. 2 let. a LStup, infraction constitutive de crime. Sa détention administrative se justifie donc sous l'angle des art. 75 al. 1 let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, ce motif permettant à lui seul le prononcé d'une telle mesure (cf. ATA/180/2016 du 25 février 2016 consid. 7 ; ATA/252/2015 du 5 mars 2015 consid. 6b). Le principe de la légalité est donc respecté.

L'assurance de son départ de Suisse répond par ailleurs à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où l'intéressé sera réadmis en Italie, étant notamment observé qu'il ne dispose pas de moyens de subsistance ni d'un lieu de séjour quelconque en Suisse, où il n'a aucune attache établie.

8.            Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

9.            En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a procédé aux démarches permettant la réadmission de l'intéressé en Italie déjà lors de sa détention pénale, lequel devait avoir lieu hier déjà. Ensuite, dès la connaissance du résultat positif à la Covid-19 de l'intéressé, elle a entrepris de nouvelles démarches en vue d'une nouvelle remise aux autorités italiennes qui devrait pouvoir avoir lieu déjà le 3 mars prochain.

10.        Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

11.        En l'espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines, qui respecte l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée. Sa portée s'avère au demeurant très relative car la détention de M. A______ prendra fin dès que la réadmission en Italie pourra avoir lieu. A l'inverse, la police doit pouvoir disposer du temps nécessaire pour organiser son expulsion. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois semaines.

12.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 22 février 2022 à 15h05 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu’au 14 mars 2022 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière