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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/376/2022

JTAPI/101/2022 du 04.02.2022 ( MC ) , CONFIRME

REJETE par ATA/196/2022

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.77; LEI.80.al6.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/376/2022 MC

JTAPI/101/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 4 février 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Aleksandra PETROVSKA, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1989, est originaire du Sri Lanka.

2.             Il est arrivé en Suisse le 29 juin 2015. Le lendemain, il a déposé une demande d'asile au centre d'enregistrement et de procédure de B______.

3.             Par décision du 4 novembre 2016, l'autorité fédérale compétente (actuellement le secrétariat d'Etat aux migrations [ci-après : SEM]) a rejeté cette demande et prononcé son renvoi de Suisse. Un délai au 2 janvier 2017 lui était imparti pour quitter le territoire. Le canton de Genève était tenu de procéder à l'exécution de cette décision.

Les motifs qu'il avait fait valoir à l'appui de sa demande, en particulier le fait qu'il était recherché par les autorités sri lankaises et risquait d'être l'objet de persécutions, ne satisfaisaient pas aux conditions requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié. Par ailleurs, l'exécution de son renvoi vers le Sri Lanka était licite, possible et raisonnablement exigible.

4.             Par arrêt du 28 février 2018 (D-1______), le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours qu'il avait formé contre cette décision, estimant lui aussi que l'exécution de son renvoi vers le Sri Lanka était licite, possible et raisonnablement exigible.

5.             Le 9 mars 2018, le SEM lui a imparti un nouveau délai au 6 avril 2018 pour quitter la Suisse.

6.             Le 18 avril 2018, dans le cadre d'un entretien de départ dans les locaux de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), il a indiqué qu'il n'avait jusqu'ici entrepris aucune démarche en vue de son départ de Suisse. Il était en bonne santé générale, à l'exception du fait que, suite à la dernière décision prise à son encontre, il ne dormait plus. Cela travaillait dans sa tête. Il buvait et fumait beaucoup. Il déprimait. Il voulait se battre pour pouvoir rester en Suisse, car il ne pouvait pas retourner au Sri Lanka, où il était recherché. Il y avait de réels problèmes. Dans cette mesure, il ne savait pas encore s'il se rendrait auprès de la Croix-Rouge genevoise pour organiser son retour. Enfin, il a pris note du fait qu’il s’exposerait à des mesures de contrainte s'il devait ne pas collaborer à l’organisation de son renvoi.

7.             Le 16 mai 2018, le SEM a fait savoir à l'OCPM qu'il avait été identifié par les autorités du Sri Lanka, lesquelles étaient disposées à délivrer un laissez-passer en sa faveur, moyennant la présentation d'une réservation de vol. Les autorités genevoises étaient donc priées de réserver un vol auprès de swissREPAT. Une fois cette démarche accomplie, un laissez-passer serait demandé aux autorités sri lankaises, dont l'original serait adressé à swissREPAT.

8.             Le 18 mai 2018, la Croix-Rouge genevoise a fait savoir à l'OCPM qu'il s'était présenté à elle et lui avait expliqué qu'il était « en procédure de recours ». Vu la situation, un nouveau rendez-vous ne lui avait pas été donné.

9.             A nouveau entendu par l’OCPM le 29 mai 2018, il a déclaré qu’il n'était pas disposé à rentrer au Sri Lanka, car sa vie y était en danger. Il a pris encore une fois note du fait qu’il s’exposerait à des mesures de contrainte s'il ne collaborait pas à l’organisation de son départ.

10.         Le 7 juin 2018, l’OCPM a requis la police d'exécuter son renvoi à destination du Sri Lanka, selon les modalités transmises par le SEM le 16 mai 2018.

11.         Par arrêt du 3 août 2018, le Tribunal administratif fédéral a déclaré irrecevable la demande de révision de l'arrêt rendu à son égard le 28 février 2018, assortie d'une demande d'octroi de mesures provisionnelles, qu'il avait déposée les 20 avril et 1er juin 2018.

12.         Le 13 septembre 2018, l'Hospice général a fait état de sa disparition du foyer dans lequel il logeait à C______ à compter du 3 septembre 2018.

13.         Le même jour, la police a procédé à l'annulation du billet d'avion qui avait été réservé pour la date du 4 octobre 2018 en vue de son refoulement au Sri Lanka.

14.         Le même jour encore, son inscription au système de recherche de la police (RIPOL) a été sollicité sur la base de l'art. 47 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), motifs pris de sa soustraction à l'exécution de son renvoi et de son lieu de séjour inconnu.

15.         Le 28 janvier 2020, l`Hospice général a fait savoir à l'OCPM qu'il était entré dans un nouveau foyer à D______.

16.         Le 21 février 2020, le SEM n'est pas entré en matière sur la demande de reconsidération de sa décision du 4 novembre 2016, qu'il avait déposée le 17 décembre 2019 avec de nouvelles pièces.

17.         Par arrêt du 25 mai 2020, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours qu'il avait déposé le 2 mars 2020 contre cette décision.

18.         Entendu une nouvelle fois par l’OCPM le 25 novembre 2020, il a indiqué qu’il n'était toujours pas disposé à rentrer au Sri Lanka et qu'il ne voulait pas se présenter à la Croix-Rouge genevoise. Il a ajouté qu'il était suivi par le centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégré (CAPPI) de la Servette, en raison de problèmes psychologiques. Il a pris à nouveau pris note du fait qu’il s’exposerait à des mesures de contrainte s'il ne collaborait pas à l’organisation de son renvoi.

19.         Le 17 décembre 2020, l’OCPM a requis une nouvelle fois de police qu'elle procède à l'exécution de son renvoi à destination du Sri Lanka, selon les modalités communiquées par le SEM.

20.         Le 11 janvier 2022, le département d'immigration et d'émigration du Sri Lanka a délivré un laissez-passer en sa faveur, valable jusqu'au 10 juillet 2022, à la demande des autorités suisses.

21.         Le 2 février 2022, il a été interpellé par la police.

22.         A 11h17, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de soixante jours sur la base de l’art. 77 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Cet acte précise notamment que son refoulement au Sri Lanka sera effectué au moyen d'un vol spécial organisé par la Suisse, dont la date est confirmée et qui aura lieu dans le délai de la détention administrative.

Préalablement, il avait déclaré qu’il s'opposait toujours à son retour au Sri Lanka. Il vivait à Genève depuis sept ans et risquait « peut-être » sa vie en retournant dans son pays. En outre, il souffrait de maux de dents, pour lesquels il bénéficiait d'un traitement antidouleur.

23.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

24.         Le tribunal a alors invité son conseil, désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 3 février 2022 à 16h.

25.         Par courrier adressé par courriel au tribunal dans ce délai, son conseil a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention litigieux et à sa libération immédiate en application de l'art. 80 al. 6 let. a LEI.

Une procédure était actuellement en cours contre lui au Sri Lanka. Il produisait à cet égard une attestation établie le 2 février 2022 par un avocat sri lankais, établi à E______, lequel était en train de rassembler tous les documents nécessaires et les transmettrait dans un délai d'un mois. En l'état, sa vie serait manifestement en danger en cas de renvoi dans son pays d'origine. L'exécution d'une telle mesure constituerait une violation du principe de non-refoulement, dès lors qu'il risquait de se retrouver en détention dès qu'il aurait posé le pied sur le sol sri lankais. Par ailleurs, son état de santé était précaire. Il était suivi aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) par un CAPPI depuis mai 2020 en raison d'un état dépressif et un état de stress post-traumatique. Il avait bénéficié d'un traitement à base d'antidépresseurs. Son médecin traitant avait pu constater chez lui une anxiété manifeste, avec des ruminations et des flash-backs d'événements traumatiques vécus au Sri Lanka. Selon ce praticien, dont une attestation médicale (datée du 18 mai 2021) était produite, un renvoi pourrait aggraver la décompensation psychique. Ainsi, en cas de retour dans son pays d'origine, son état de santé risquerait de se détériorer très fortement. Enfin, d'après Amnesty International, la situation des droits de l'homme s'était certes améliorée au Sri Lanka, mais la minorité tamoule, dont il faisait partie, continuait à subir des discriminations.

EN DROIT

1.            Le tribunal est compétent pour examiner d'office la légalité et l'adéquation de la détention administrative prononcée en application des art. 75 ss LEI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Lorsque, comme en l'espèce, la détention est fondée sur l'art. 77 LEI, elle est soumise au contrôle de l'autorité judiciaire sous la forme de la procédure écrite (art. 80 al. 2 2ème phr. LEI, qui institue une exception au principe de l'oralité de la procédure institué par la loi [cf. Grégor CHATTON/Laurent MERZ in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II [Loi sur les étrangers], 2017, n. 30 ad art. 80 p. 869]).

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            Il statue ce jour dans le délai de 96 heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr.

5.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

6.             En vertu de l'art. 77 al. 1 LEI précité, l'autorité cantonale compétente peut ordonner la détention d'un étranger afin d'assurer l'exécution de son renvoi ou de son expulsion aux conditions cumulatives (cf. ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 3a et la référence citée) suivantes : une décision exécutoire a été prononcée (let. a) ; il n'a pas quitté la Suisse dans le délai imparti (let. b) ; l'autorité a dû se procurer elle-même les documents de voyage (let. c).

Normalement, les autorités partent du principe que l’étranger dispose des documents de voyage ou se les procure lui-même. Si l’étranger a laissé entendre qu’il n’entreprendrait rien dans ce sens ou n’entreprend effectivement rien, ou s’il échoue dans ses efforts, elles deviennent actives. Lorsque, par la suite, elles parviennent à se procurer les documents nécessaires, la condition de l’art. 77 al. 1 let. c LEI est en principe remplie. Au regard de la détention selon l’art. 77 LEI, est décisif dans le comportement de l’étranger le fait qu’il n’ait pas quitté le pays dans le délai imparti et n'ait lui-même pas entrepris suffisamment de démarches pour obtenir des papiers au moment nécessaire. En revanche, si l’étranger échouait dans ses démarches malgré un comportement irréprochable, une détention ne se justifierait pas ; elle serait pour le moins disproportionnée, voire contraire à l’art. 5 CEDH. Cela étant, l’étranger devra au moins alléguer et rendre plausible qu’il avait tout entrepris en temps utile pour obtenir des papiers, s’il ne ressort rien du dossier à ce sujet. Pour le reste, d’autres éléments subjectifs ne sont pas exigés. Il n’est, entre autres, pas nécessaire qu’on puisse reprocher à l’étranger un manque de collaboration à l’obtention des papiers par les autorités, même si le titre de l’art. 77 LEI (« en cas de non-collaboration ») pourrait laisser entendre le contraire. La non-collaboration au sens de l’art. 77 LEI se résume au fait que l’étranger n’a pas ou pas suffisamment entrepris de démarches pour obtenir lui- même, à savoir sans le concours des autorités, les papiers indispensables à son départ de Suisse. Exiger une condition de non-collaboration supplémentaire rendrait l’art. 77 LEI superflu, étant donné qu’en cas de défaut de collaboration de la part de l’étranger, les motifs de détention de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 ou 4 LEI seraient (déjà) applicables. Ce qui est décisif est que l’étranger n’ait pas lui-même entrepris dans ce sens les démarches exigibles de sa part. Que suite à des démarches introduites par les autorités, il se laisse prendre en photo, signe des documents ou accepte d’aller au rendez-vous organisé par les autorités auprès de la représentation diplomatique de son pays n’exclut pas d’emblée la détention selon l’art. 77 LEI (cf. Grégor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 19 ad art. 77 p. 826).

La durée de la détention ne peut excéder 60 jours (art. 77 al. 2 LEI) et les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 77 al. 3 LEI).

7.             Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 , 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2)

8.             En l'espèce, les trois conditions posées par l'art. 77 al. 1 LEI apparaissent réunies. M. A______ ne le conteste d'ailleurs pas. Celui-ci fait en effet l'objet d'une décision de renvoi de Suisse définitive et exécutoire, que de nombreuses procédures, intentées sur plusieurs années, n'ont pas permis de remettre en question. Il n'a pas quitté le pays dans le différent délai qui lui avait été imparti et a jusqu'ici refusé de se soumettre à son obligation. En outre, alors qu'il était démuni d'un document d'identité valable, il n'a lui-même, depuis le prononcé de son renvoi, pas entrepris la moindre démarche aux fins d'obtenir un document de voyage, de sorte que les autorités genevoises, chargées de l'exécution du renvoi par le SEM, ont impérativement dû, avec l'aide de celui-ci, se procurer elles-mêmes un tel document auprès des autorités de son pays d'origine.

Au vu des démarches que l'OCPM a entreprises préalablement - et longuement - pour tenter d'obtenir son départ volontaire et de son refus catégorique, sa privation de liberté demeure proportionnée, étant observé, pour le surplus, que son attention a été attirée à de nombreuses reprises sur le fait que son refus d'obtempérer pourrait impliquer que son refoulement serait opéré par la police et qu'une mesure de contrainte pourrait être ordonnée dans cette perspective. Au vu de la situation, même s'il y a lieu de le regretter, on ne voit d'ailleurs pas quelle autre mesure moins coercitive serait à même d'assurer la mise en œuvre de la décision de renvoi fédérale en cause, d'autant qu'il est prévu qu'elle soit effectuée prochainement par vol spécial.

Les principes de la légalité et de la proportionnalité apparaissent ainsi respectés.

Compte tenu de ce qui précède, l'obligation de célérité que l'art. 77 al. 3 LEI impose à l'autorité est également respectée et la durée de la détention (60 jours), à l'intérieur de laquelle le renvoi devrait être exécuté, respecte le cadre légal.

9.             L'art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention est levée notamment lorsque l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Ces raisons doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_1072/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.2 et les arrêts cités). Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (cf. ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 3.1).

Notamment, l'exécution du renvoi n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Cette disposition vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a et les arrêts cités). Ces dispositions conventionnelles ont la même portée que l'art. 10 al. 3 Cst., selon lequel la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits et l'art. 25 al. 3 Cst., d'après lequel nul ne peut être refoulé sur le territoire d'un État dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels et inhumains (cf. ATF 139 II 65 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1). Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 et les références citées ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1). Si l'interdiction de la torture, des peines et traitements inhumains (ou dégradants) s'applique indépendamment de la reconnaissance de la qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore qu'un renvoi serait prohibée par le seul fait que, dans le pays concerné, des violations de l'art. 3 CEDH devraient être constatées ; une simple possibilité de mauvais traitements ne suffit pas. La personne qui invoque l'art. 3 CEDH doit démontrer à satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux (« real risk ») d'être victime de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays (arrêts du Tribunal administratif fédéral D-4646/2019 du 19 septembre 2019 ; D-6086/2018 du 28 février 2018 ; D-7505/2014 du 9 août 2016 ; D-6818/2014 du 13 janvier 2015 ; E-6698/2013 du 26 février 2014 consid. 7.3.1 ; D-5124/2010 du 14 juin 2013 consid. 7.1 ; D-1479/2012, D-1481/2012 du 21 novembre 2013 consid. 7.2.1 ; D-987/2011 du 25 mars 2013 consid. 8.2.2). Il faut une preuve fondée sur un faisceau d'indices ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants, sans qu'il faille exiger une certitude absolue (cf. ATAF 2011/24 consid. 10.4.1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral D-2576/2020 du 4 juin 2020 ; D-4646/2019 du 19 septembre 2019 ; D-4186/2012 du 6 janvier 2015 consid. 8). Des considérations générales sont insuffisantes à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 7.2 et les nombreux arrêts cités)

Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse ne devient inexigible que dans la mesure où, à leur retour dans leur pays d'origine ou de provenance, elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. Cette définition des soins essentiels tend en principe à exclure les soins avancés relativement communs et les soins coûteux, les soins devant consister en principe en des actes relativement simples, limités aux méthodes diagnostiques et traitements de routine relativement bon marché ; les soins vitaux ou permettant d'éviter d'intenses souffrances demeurent toutefois réservés. En effet, l'art. 83 al. 4 LEI est une disposition exceptionnelle tenant en échec une décision d'exécution du renvoi et ne saurait être interprété comme une norme qui comprendrait un droit de séjour lui-même induit par un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que les structures de soins et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé que l'on trouve en Suisse. Ce qui compte, ce sont, d'une part, la gravité de l'état de santé et, d'autre part, l'accès à des soins essentiels. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels que, en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de son intégrité physique à son retour au pays. De même, l'exécution du renvoi est raisonnablement exigible si l'accès à des soins essentiels, au sens défini ci-dessus, est assuré dans le pays d'origine ou de provenance. Il pourra s'agir, le cas échéant, de soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui - tout en correspondant aux standards du pays d'origine - sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, fussent-ils d'un niveau de qualité, d'une efficacité de terrain (ou clinique) et d'une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse ; en particulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de génériques) d'une génération plus ancienne et moins efficaces peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6559/2018 du 3 octobre 2019 consid. 3.6 et les références citées ; cf. aussi not. ATA/883/2021 du 31 août 2021 consid. 9b).

Les troubles psychiques sérieux - y compris avec un risque suicidaire - sont couramment observés chez les personnes confrontées à l'imminence d'un renvoi. Les autorités ne sauraient retenir, en l'absence de graves pathologies dont découlerait directement l'impossibilité d'exiger le renvoi, qu'une telle situation s'oppose d'emblée à l'exécution de cette mesure. Ni une tentative de suicide ni des tendances suicidaires ne s'opposent d'ailleurs à l'exécution du renvoi, y compris sous l'angle de l'exigibilité, seule une mise en danger concrète devant être prise en considération. Enfin, on ne saurait, de manière générale, prolonger indéfiniment le séjour d'une personne en Suisse au seul motif que la perspective d'un retour exacerbe un état psychologique perturbé (arrêt D-5756/2012 du 13 décembre 2012 ; cf. aussi not. ATA/883/2021 du 31 août 2021 consid. 9c ; ATA/1217/2020 du 1er décembre 2020 consid. 12d ; ATA/585/2013 du 3 septembre 2013).

10.         De jurisprudence constante, en matière de mesures de contrainte, la procédure liée à la détention administrative ne permet pas, sauf cas exceptionnels, de remettre en cause le caractère licite de la décision de renvoi ou d'expulsion (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_932/2017 du 27 novembre 2017 consid. 3.2 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2). Les objections y relatives doivent être invoquées et examinées par les autorités compétentes lors des procédures ad hoc et ce n'est que si cette décision apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, étant donné que l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_383/2017 du 26 avril 2017 consid. 3 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 7 ; 2C_206/2014 du 4 mars 2014 consid. 3).

11.         En l'occurrence, en sa qualité de juge de la détention, le tribunal ne peut que constater et prendre en compte le fait que M. A______ ne dispose pas de statut en Suisse et qu'il fait l'objet d'une décision de renvoi fédérale définitive et exécutoire.

Le SEM, puis le Tribunal administratif fédéral ont considéré, après un examen circonstancié de sa situation, que l'exécution de son renvoi était licite, notamment parce qu'il ne démontrait pas qu'il existait pour lui un véritable risque concret et sérieux d'être victime de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays, possible et raisonnablement exigible. Rien n'indique que cette appréciation serait arbitraire, l'attestation récente de son avocat sri lankais quant à l'existence d'une procédure diligentée à son encontre (sans autre précision au demeurant) n'apparaissant pas suffisante à cet égard. Il s'ensuit que les motifs y relatifs dont il se prévaut à nouveau ici, déjà examinés par les autorités fédérales compétentes, sont irrecevables et, partant, ne sauraient être à nouveau examinés (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2C_206/2014 du 4 mars 2014 consid. 3).

Sans minimiser sa détresse, fort compréhensible, il faut constater qu'il se trouve visiblement dans la situation psychologique décrite plus haut et ayant déjà été envisagée par le Tribunal administratif fédéral, ce qui ne permet pas de retenir que son renvoi serait impossible. Les difficultés qu'il éprouve, qui ne sauraient en aucun cas être niées, ne peuvent conduire à sa remise en liberté, étant rappelé qu'il a la possibilité de recevoir des soins au centre de détention dans lequel il est retenu. Par ailleurs, les problèmes de santé dont il fait état n'atteignent pas le degré de gravité exigé par la jurisprudence (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.3) et ne devraient pas l'empêcher de voyager ; en toutes hypothèses, un examen médical devra avoir lieu avant le départ pour s'assurer de son aptitude à voyager et, le cas échéant, un accompagnement médical pourra lui être fourni dans le cadre du renvoi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 6.2 ; ATA/601/2017 du 24 mai 2017 consid. 8 ; ATA/1105/2016 du 28 décembre 2016 consid. 8 ; ATA/180/2016du 25 février 2016 consid. 11d ; cf. aussi art. 27 al. 3 de la loi sur l'usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération du 20 mars 2008 [loi sur l'usage de la contrainte - LUsC - RS 364]).

Partant, l'impossibilité du renvoi n'apparaît pas patente et ne peut être prise en compte par le tribunal, en sa qualité de juge de la détention (cf. not. ATA/88/2012 du 15 février 2012 consid. 6 ; ATA/449/2011 du 20 juillet 2011 consid. 5).

12.         Compte tenu de ce qui précède, l'ordre de mise en détention litigieux, conforme au droit, sera confirmé.

13.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocate et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 2 février 2022 à l’encontre de Monsieur A______ pour la durée décidée de soixante jours, soit jusqu'au 2 avril 2022 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur Sangarraj A______, à son avocate, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

 

Genève, le

 

La greffière