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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4324/2021

JTAPI/1337/2021 du 29.12.2021 ( MC ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ASSIGNATION À RÉSIDENCE;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DEVOIR DE COLLABORER
Normes : LEI.74; LPA.60; LPA.22
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4324/2021 MC

JTAPI/1337/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 décembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Corinne DUFLON, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, connu sous de nombreux alias, est né le ______1982 et est originaire du Maroc.

2.             Le 3 mai 1999, il a déposé une demande d'asile en Suisse, laquelle a été radiée par le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) en raison du retrait de ladite demande.

3.             Depuis son entrée en Suisse, il est connu défavorablement de la justice pénale et a été condamné à pas moins de quinze reprises notamment pour entrée illégale, séjour illégal, vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse - CP - RS 311.0), dommages à la propriété, recel, violation de domicile et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup - RS 812.121).

4.             Le 18 août 2011, le SEM a prononcé à l'encontre de l'intéressé une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 17 août 2016, laquelle lui a été notifiée le 12 janvier 2013.

5.             Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 24 janvier 2013, l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, en application de l’art. 64 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et a chargé les services de police de procéder à l’exécution de cette mesure dès sa remise en liberté.

6.             Le 24 avril 2014, il s'est vu notifier une prolongation de l'interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 17 août 2026.

7.             Par jugement du 15 novembre 2019, le Tribunal de police de Genève a déclaré l'intéressé coupable notamment de vol par métier, de violation de domicile, de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), et l’a condamné à une peine privative de liberté de 6 mois, sous déduction de 151 jours de détention avant jugement. Le Tribunal de police a également ordonné l’expulsion de l’intéressé pour une durée de 5 ans, selon l’art. 66a al. 1 CP.

8.             Le 8 février 2021, l’OCPM a imparti à l’intéressé un délai au 10 février 2021 pour quitter la Suisse, à défaut de quoi il serait susceptible de requérir à son encontre l’application de mesures de contrainte impliquant une détention administrative en vue de son expulsion, conformément aux articles 76 et suivants de la LEI, après s'être vu donné la possibilité d'être entendu.

9.             En date du 1er octobre 2021, M. A______ a été identifié par les autorités marocaines.

10.         Le 27 décembre 2021, l'intéressé a été acheminé par Jail Train Street dans le canton de Genève, en raison de l'expulsion judiciaire dont il fait l'objet, en provenance du canton de Vaud, canton dans lequel il a été interpellé.

11.         Le 27 décembre 2021 à 12h30, le commissaire de police a prononcé à l’encontre de M. A______ une interdiction de quitter la commune de B______, tel que délimité par le plan annexé à ladite décision, pour une durée de douze mois. Il lui était également enjoint de se présenter auprès de l'OCPM, au Vieil Hotel de Police, tous les mercredis à 15h00 précises, la première fois le mercredi 5 janvier 2022, pour attester de sa présence sur le territoire helvétique.

12.         M. A______ a formé opposition immédiatement contre cette décision devant le commissaire de police, lequel l'a transmis pour raison de compétence, par courriel du même jour à 13h43, au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), relevant que l'intéressé avait formé opposition au motif qu'il avait pour habitude de vivre au D______ et qu'il ne connaissait rien à la commune de B______. Malheureusement, il était démuni de numéro de téléphone. Le commissaire de police lui avait transmis les documents pour qu'il puisse loger au foyer des C______ et lui avait expliqué de prendre contact avec le tribunal pour se renseigner sur l'audience.

13.         Le même jour, le tribunal a convoqué une audience prévue le 28 décembre 2021 à 15h15. Le tribunal a également désigné un avocat pour la défense des intérêts de M. A______, conformément à ce que prévoit l'art. 12 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), ainsi qu'un interprète en langue arabe.

14.         Lors de l’audience du 28 décembre 2021, M. A______ ne s'est pas présenté. Le tribunal a informé la représentante du commissaire de police et le conseil de l'intéressé que compte tenu de l'absence de mention de l'adresse de l'intéressé, il avait voulu publier la convocation dans la Feuille d’avis officielle mais que cela n'avait pas été possible, en tant que les avis officiels n'étaient publiés que les jours ouvrables. La représentante du commissaire de police a confirmé qu'ils avaient indiqué le jour précédent à M. A_____ qu’il pouvait se rendre au foyer des C______. A ce jour, ils ne pouvaient pas savoir s’il y avait fait une entrée. L'avocate de M. A______ a indiqué n'avoir pu joindre son client en l'absence de moyens de le contacter et qu'elle le représentait à l’audience.

La représentante du commissaire de police a exposé qu'ils avaient choisi la commune de B______ comme lieu d'assignation car il s’agissait d’une grande commune, disposant de toutes les infrastructures nécessaires. La durée de douze mois avait été fixée au vu de la jurisprudence, qui admettait une telle durée, et au vu de la situation sanitaire qui était difficile. Les autorités marocaines avaient déjà fermé leur frontière jusqu’à fin janvier 2022 et l’intéressé n’avait pas encore obtenu de laissez-passer, un tel document prenant du temps à obtenir déjà en temps normal.

La représentante du commissaire de police a demandé la confirmation de la décision d'assignation pour une durée de douze mois dans la commune de B______, telle que délimitée dans le plan remis à l'intéressé le 27 décembre 2021. L'avocate de M. A______ s'en est rapportée à justice dans la mesure où elle n’avait pas pu s’entretenir avec son client.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner, sur opposition, la légalité et l’adéquation des interdictions de quitter un territoire assigné prononcées par le commissaire de police (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a LaLEtr).

2.             Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de nonante-six heures courant dès sa saisine que lui impose l'art. 9 al. 1 let. a LaLEtr.

3.             L'opposition de M. A______ ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure entreprise, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.

4.             Pour qu’un recours soit recevable, il faut également que son auteur ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit annulée ou modifiée (art. 60 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA-GE - E 5 10).

5.             Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée (ATF 131 II 361 consid. 1.2; 128 II 34 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_52/2008 du 2 juin 2008 consid. 1.1 ; 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2).

L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement rayé du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 ; 118 Ib 1 consid. 2 ; arrêt 2A.732/2006 du 23 avril 2007 consid. 1 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 consid. 3 et 4) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; 118 Ia 46 consid. 3c ; arrêt 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007).

Lorsqu'un justiciable se désintéresse de la procédure qu'il a lui-même introduite, celle-ci est réputée perdre son intérêt actuel, condition de l'examen de la cause sur le fond. Si celle-ci résulte d'un recours, celui-ci est déclaré irrecevable (ATA/236/2011 du 12 avril 2011; ATA/649/2010 du 21 septembre 2010).

6.             Selon l’art. 22 LPA, les parties sont tenues de collaborer à l’établissement des faits dans les procédures qu’elles introduisent elles-mêmes et la sanction de l’inobservation de cette règle peut être l’irrecevabilité de leurs conclusions (cf. not. ATA/837/2019 du 30 avril 2019 ; ATA/956/2018 du 18 septembre 2018 ; ATA/772/2016 du 13 septembre 2016).

7.             En l'espèce, l'intéressé a été dûment renseigné tant par le commissaire de police que par le formulaire d'opposition qu'il lui a remis qu'il serait convoqué par le tribunal, lequel devait statuer dans les 96 heures dès sa saisine. Le commissaire de police lui également expliqué de prendre contact avec le tribunal pour se renseigner sur l'audience.

En initiant une procédure par l'envoi de son acte, l'intéressé devait ainsi s'attendre à recevoir une communication du tribunal dans les jours suivant le dépôt de son opposition et aurait dû prendre les mesures pour que celle-ci lui parvienne, ce qu'il n'a pas fait (cf. ATF 137 III 208 consid. 3.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_295/2016 du 10 juin 2016 consid. 4.2 ; 2C_10/2015 du 2 mars 2015 consid. 4.2 et les arrêts cités). Il lui appartenait de prendre les dispositions nécessaires pour avoir connaissance en temps utile des communications éventuelles du tribunal et de pouvoir réagir utilement, en particulier désigner une adresse où il pourrait être atteint (cf. ATF 141 II 429 consid. 3.1 ; 139 IV 228 consid. 1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2017 du 20 février 2017 ; 1C_174/2016 du 24 août 2016 consid. 2.1 ; 1C_115/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.1).

Or l'intéressé n'a indiqué aucune adresse ou numéro de téléphone qui aurait permis à la juridiction de le joindre d'une façon ou d'une autre. A ce jour, il n'a pas contacté le tribunal afin de prendre connaissance de la date à laquelle il serait entendu et ne s'est pas non plus manifesté, par exemple en mandatant un avocat. Certes, le tribunal a nommé d'office un avocat pour défendre ses intérêts qui l'a représenté lors de l'audience devant le tribunal. Celle-ci n'ayant toutefois été instruite par son mandant d'aucune manière, il faut retenir à ce jour que M. A______ s'est désintéressé de la procédure (cf. à cet égard JTAPI/1085/2021 du 28 octobre 2021 ; JTAPI/946/2019 du 28 octobre 2019). Son opposition doit ainsi être déclarée irrecevable.

8.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émoluments (art. 87 al. 1 LPA et 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités de procédure administrative - RFPA - E 5 10.03).

9.             Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M.  A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

10.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrrecevable l'opposition formée le 27 décembre 2021 par M. A______contre la décision d’assignation d'un lieu de résidence prise à son encontre par le commissaire de police pour une durée de douze mois ;

2.             dit que la procédure est franche d’émolument ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

4.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

 


Genève, le

 


La greffière