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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1277/2021

JTAPI/985/2021 du 28.09.2021 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION INCIDENTE;DOMMAGE IRRÉPARABLE;PERMIS DE CONDUIRE;RETRAIT DE SÉCURITÉ;EXPERTISE;PROCÉDURE PÉNALE
Normes : LPA.57.letc; LCR.15d.al1.letc; LCR.16d.al1.letc; LCR.31.al2; OCR.2.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1277/2021 LCR

JTAPI/985/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 septembre 2021

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______, représenté par Me Mathilde RAM-ZELLWEGER, avocate, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DES VEHICULES

 

 

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ (ci-après : le recourant), né le ______ 2002, réside dans le canton de Genève depuis le 21 février 2021. Avant cela, il était domicilié en France. Il est titulaire du permis d'élève-conducteur pour les catégories A et B depuis le 16 avril 2021. Il a obtenu le permis de conduire français pour la catégorie AM le 6 juillet 2017 (délivrée à l’issue d’une formation d’une durée minimale de huit heures, celle-ci permet de conduire dès 14 ans des cyclomoteurs [motocyclettes de moins de 50 cm3] et des voiturettes [quadricycles légers] ; cf. https://www.securite-routiere.gouv.fr/les-differents-permis-de-conduire/permis-cyclomoteur-categorie-am).

2.             Par décision du 7 décembre 2020, entrée en force, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) lui a adressé un avertissement en application de l'art. 16a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) suite à un excès de vitesse de 17 km/h, marge de sécurité déduite, commis à l'intérieur d'une localité (sur le pont du Mont-Blanc) le 1er juin 2020.

3.             Le 15 juin 2020, il a eu une altercation avec un autre usager de la route en ville de Genève. A teneur du rapport de renseignements établi suite à cet événement, il lui était reproché, après avoir conduit à vive allure un motocycle en mettant en danger les autres usagers de la route, d'avoir frappé et brisé le pare-brise d'un scootériste, après que celui-ci lui avait fait une remarque au sujet de sa conduite dangereuse, puis de ne pas avoir respecté la phase lumineuse, au rouge, en prenant la fuite par la piste cyclable. Le scootériste lésé avait déposé plainte à son encontre. Trois personnes, témoins des faits, avaient corroboré les déclarations de ce dernier et le fait qu'il avait pris la fuite par la piste cyclable, alors que la signalisation lumineuse était rouge pour les voitures. Entendu par la police le 14 septembre 2020, il avait reconnu avoir endommagé le pare-brise du plaignant, mais contesté avoir conduit à vive allure en effectuant des zigzags et circulé sur la piste cyclable, alors que la signalisation lumineuse était au rouge.

4.             Le 11 novembre 2020, il a été arrêté par la police à Chambésy. A teneur des rapports de renseignements y relatifs, il avait tenté d'éviter son interpellation en prenant la fuite, puis s'était violemment opposé à l'action des policiers en se débattant et en saisissant par la nuque l'un d'entre eux, qu'il avait blessé au genou droit et dont il avait endommagé la montre. Les policiers avaient dû faire usage de la force pour le maîtriser. Il lui était reproché d'avoir circulé, « moteur hurlant », à une vitesse inadaptée au guidon d'un motocycle, lequel n'était pas conforme à de nombreuses prescriptions. Les irrégularités en question avaient été constatées par un expert de l'OCV ; notamment, sa moto pouvait atteindre 118 km/h, alors que son usage était limité à 45 km/h (sans que cette modification n'ait fait l'objet d'une annonce officielle) et l'échappement de celle-ci, sans catalyseur et trop bruyant, n'était pas homologué. Par ailleurs, il n'était pas en possession de son permis de conduire français, ni du permis de circulation de son motocycle. Il avait partiellement reconnu les faits qui lui étaient reprochés.

5.             Le 21 janvier 2021, il a une nouvelle fois été interpelé par la police genevoise, alors qu'il conduisait un motocycle appartenant à un tiers sans disposer du permis de conduire nécessaire à la catégorie correspondante, avait circulé sur un site propre réservé aux trams et avait franchi ou empiété sur une ligne de sécurité à l'intérieur d'une localité. Il avait reconnu les faits lui étant reprochés.

6.             Par ordonnance pénale du 23 février 2021, considérant que, nonobstant ses dénégations partielles, les faits qui lui étaient reprochés étaient établis par les éléments du dossier, notamment les déclarations de plaignants et témoins, ainsi que par les rapports de renseignements de la police, le Ministère public l'a condamné à une peine pécuniaire de 160 jours-amende, avec sursis pendant trois ans, et à une amende de CHF 960.- pour lésions corporelles simples, dommages à la propriété, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et conduite sans permis de conduire (art. 95 al. 1 let. a LCR), ainsi qu'à une amende de CHF 4'000.- pour violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et pour infraction à l'art. 93 al. 1 LCR, à l'art. 99 ch. 1 let. a et b LCR et à l'art. 219 al. 2 let. f de l'ordonnance concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers du 19 juin 1955 (OETV - RS 741.41).

7.             Par courrier du 1er mars 2021, l'OCV lui a fait savoir que les autorités de police lui avaient transmis leurs rapports, attirant notamment son attention sur le fait qu'une mesure administrative (avertissement, retrait du permis de conduire ou interdiction de piloter un véhicule à moteur) pouvait être prise à son encontre, indépendamment de l'amende ou d'une autre sanction pénale, de sorte qu'un délai de quinze jours ouvrables lui était imparti pour produire ses observations écrites.

8.             Par courrier du 11 mars 2021, sous la plume de son conseil, il a indiqué à l'OCV qu'il avait fait opposition à l'ordonnance pénale que le Ministère public avait rendue à son encontre, l'invitant par conséquent à surseoir au prononcé d'une sanction administrative.

9.             Par décision du 30 mars 2021, prise en application de l'art. 15d al. 1 let. c LCR, l'OCV lui a fait obligation de se soumettre à une expertise auprès de l'unité de médecine et psychologie du trafic du centre universitaire romand de médecine légale. L'examen du dossier l'incitait à concevoir des doutes quant à son aptitude caractérielle à la conduite des véhicules à moteur, raison pour laquelle cet examen était ordonné. S'il ne donnait pas suite aux requêtes et convocations des experts, il lui serait interdit de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse à titre préventif. Une décision finale serait prise « à l'issue de la procédure pénale pour les faits du 21 janvier 2021 ou à réception du rapport des experts ». Les frais d'expertise seraient à sa charge. Un éventuel recours aurait effet suspensif.

10.         Par acte du 12 avril 2021, sous la plume de son conseil, il a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, dont il a requis l'annulation, avec suite de frais et dépens.

Alors que le dossier de police lui avait été intégralement transmis, l'OCV avait considéré dans un premier temps que seule une mesure administrative classique (avertissement, retrait, etc.) paraissait s'imposer, indépendamment de toute obligation de se soumettre à une expertise. Contre toute attente, il avait rendu la décision attaquée un mois plus tard. Le dossier pénal avait essentiellement trait à des infractions n'ayant strictement rien à voir avec la circulation routière et, plus généralement, la question de savoir s'il avait une inaptitude caractérielle à la conduite d'un véhicule automobile. Il contestait les infractions en lien avec la LCR qui lui étaient reprochées et avait fait opposition à l'ordonnance pénale du Ministère public du 23 février 2021. Il ne reconnaissait que les infractions commises le 21 janvier 2021, lesquelles n'apparaissaient pas suffisamment graves pour justifier à elles seules l'obligation de se soumettre à une expertise. Il avait commis des infractions (celles qu'il reconnaissait) le 15 juin 2020, le 11 novembre 2020 et le 21 janvier 2021 non pas en raison d'une inaptitude caractérielle à la conduite, mais parce qu'il était, durant toute cette période, dans un état émotionnel particulièrement compliqué en raison du cancer du poumon diagnostiqué chez sa mère au mois de mars 2020, laquelle était décédée le 14 novembre 2020. Il en avait d'ailleurs fait état lors de son audition par la police le 11 novembre 2020. Comme il l'avait fait valoir auprès de l'autorité intimée dans ses observations du 11 mars 2021, celle-ci aurait dû attendre l'issue de la procédure pénale avant de prononcer toute mesure administrative incluant également toute décision d'obligation de se soumettre à une expertise.

Dès lors, les conditions de l'art. 15d al. 1 let. d LCR n'étaient pas réalisées et l'OCV n'était pas autorisé, à tout le moins en l'état, et sous réserve de la décision finale du juge pénal, à lui ordonner de se soumettre à une expertise.

11.         Le 10 juin 2021, l'OCV a produit son dossier et conclu au rejet du recours.

Le cumul des infractions reprochées au recourant lui semblait incontestablement dénoter un comportement exempt de considération pour les autres usagers de la route (inconscience des risques, impulsivité, agressivité et immaturité en matière de gestion des conflits). La mise en œuvre d'une expertise de psychologie du trafic visant à déterminer son aptitude caractérielle à la conduite n'était dès lors pas disproportionnée, ce d'autant plus qu'il avait renoncé à l'associer à un « retrait préventif du permis de conduire ».

Pour le surplus, et à toutes fins utiles, il a précisé avoir ouvert une nouvelle procédure à l'encontre du recourant le 27 mai 2021 en relation avec deux autres excès de vitesse commis les 28 juin et 15 juillet 2020.

12.         Aux termes du rapport de renseignements établi par la police en lien avec ces deux événements, communiqué à l'OCV le 12 mai 2021, le recourant avait été contrôlé à deux reprises, aux dates précitées, par un radar situé sur le pont du Mont-Blanc, où la vitesse est limitée à 50 km/h, alors qu'il circulait à 86 km/h (dépassement de 31 km/h, marge de sécurité déduite), respectivement à 79 km/h (dépassement de 24 km/h, marge de sécurité déduite) au guidon d'un motocycle (appartenant à son père), sans disposer du permis de conduire nécessaire à la catégorie correspondante, infractions dont il avait reconnu être l'auteur.

13.         Le recourant n'a pas répliqué dans le délai (14 juillet 2021) que le tribunal lui avait imparti le 14 juin 2021.

EN DROIT

1.            Interjeté en temps utile, c’est-à-dire dans le délai de dix jours, s’agissant d’une décision incidente (art. 4 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), car prise pendant le cours de la procédure et ne représentant qu’une étape vers la décision finale (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 1 ; cf. aussi ATA/765/2021 du 15 juillet 2021 consid. 1 et l'arrêt cité ; Cédric MIZEL, La preuve de l'aptitude à la conduite et les motifs autorisant une expertise, Circulation routière 3/2019, p. 35 ; cf. encore, par analogie, ATF 122 II 359 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_212/2021 du 16 juin 2021 consid. 1.1 ; 1C_154/2018 du 4 juillet 2018 consid. 1.1 et 1C_514/2016 du 16 janvier 2017 consid. 1.1, portant sur le retrait à titre préventif du permis de conduire), et devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 115 et 116 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05 ; art. 17 al. 1, 3 et 4, 57 let. c, 62 al. 1 let. b, 62 al. 3 1ère phr. et 63 al. 1 let. c LPA).

2.            A teneur de l'art. 57 let. c LPA, les décisions incidentes sont susceptibles de recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

3.            Lorsqu’il n’est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d’expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; 133 II 353 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 1 ; ATA/765/2021 du 15 juillet 2021 consid. 2).

4.            Selon la jurisprudence, une décision est susceptible de causer un préjudice irréparable si le recourant encourt un retrait provisoire du permis de conduire et doit avancer les frais de l'examen médical auquel il doit se soumettre et qui ne lui seront peut-être pas restitués (arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 1 ; 1C_248/2011 du 30 janvier 2012 consid. 1 et les références ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 1 ; cf. également arrêt 1C_328/2011 du 8 mars 2012 consid. 1).

5.            En l'occurrence, le recourant ne s'est aucunement prononcé sur cette question, alors qu'il lui incombait de le faire. Néanmoins, dès lors que ladite décision stipule, conformément à ce que prévoit l'art. 45 du règlement sur les émoluments de l’office cantonal des véhicules du 15 décembre 1982 (REmOCV - H 1 05.08), que les frais d'expertise seront à sa charge (cf. à cet égard art. 9 al. 1 let. d du règlement du centre universitaire romand de médecine légale, site de Genève, du 25 septembre 2013 - RCURML - K 1 55.04), qu'il devra (très vraisemblablement) s'acquitter d'une avance et que s'il ne se soumet pas à l'expertise, il pourra lui être fait interdiction de faire usage en Suisse de son permis de conduire français, la condition de l'art. 57 let. c LPA apparaît réalisée, si bien qu'il convient d'entrer en matière (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 1 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 1).

6.            Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés ci-après dans la mesure nécessaire (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).

7.            Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

8.            Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui a atteint l’âge minimal requis (let. a), a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et dont les antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

9.            Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fait l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1), notamment en cas d'infractions aux règles de la circulation dénotant un manque d'égards envers les autres usagers de la route (art. 15d al. 1 let. c LCR).

Les faits objet des hypothèses de l’art. 15d al. 1 LCR fondent un soupçon préalable que l'aptitude à la conduite pourrait être réduite (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5d et la référence). Si des indices concrets soulèvent des doutes quant à l'aptitude à la conduite de la personne concernée, un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un médecin et/ou un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un psychologue du trafic doivent être ordonnés (art. 28a al. 1 OAC ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_41/2019 du 4 avril 2019 consid. 2.1 ; 1C_76/2017 du 19 mai 2017 consid. 5 ; cf. aussi ATF 139 II 95 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1).

10.        Aux termes de l'art. 16 al. 1 1ère phr. LCR, les permis et les autorisations de conduire sont retirés lorsque l'autorité constate que les conditions légales de leur délivrance ne sont pas ou ne sont plus remplies. Cette disposition se réfère en particulier à l'art. 14 LCR (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1). Précisant le régime applicable au retrait du permis de conduire pour cause d'inaptitude, l'art. 16d al. 1 LCR prévoit que le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée notamment lorsque la personne en cause, en raison de son comportement antérieur, ne peut garantir qu'à l'avenir elle observera les prescriptions et fera preuve d'égards envers autrui en conduisant un véhicule automobile (let. c).

Ces mesures constituent un retrait de sécurité (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 122 II 359 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1 ; 1C_384/2011 du 7 février 2012 consid. 2.3.1), en ce sens qu'elles ne tendent pas à réprimer et ne supposent pas la commission d'une infraction fautive à une règle de la circulation, mais sont destinées à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs inaptes (cf. not. ATF 133 II 331 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819/2013 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 2).

La décision de retrait de sécurité du permis pour cause d'inaptitude à la conduite constitue une atteinte grave à la personnalité et à la sphère privée de l'intéressé ; elle doit donc reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes. Le pronostic doit être posé sur la base des antécédents du conducteur et de sa situation personnelle (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_496/2018 du 20 mai 2019 consid. 5.1 et 1C_264/2018 du 5 octobre 2018 consid. 3.1, au sujet de l'art. 16d al. 1 let. c LCR).

11.        Le but de l'art. 16d al. 1 let. c LCR est uniquement d’écarter de la circulation ceux dont les aptitudes caractérielles sont inconciliables avec la sécurité du trafic. Cette disposition ne constitue pas un moyen de combattre la criminalité, mais seulement d’assurer un comportement responsable dans la circulation, afin de protéger les usagers de la route (cf. Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, p. 170).

Un retrait du permis fondé sur l'art. 16d al. 1 let. c LCR n'est possible que s'il existe des indices suffisants que l'intéressé conduira sans observer les prescriptions et sans égard pour autrui (ATF 125 II 492 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_496/2018 du 20 mai 2019 consid. 5.1 ; 1C_134/2011 du 14 juin 2011 consid. 2.1). Un retrait de sécurité en raison d'une inaptitude caractérielle se justifie, même en l'absence d'un état pathologique, s'il ressort du comportement extérieur du conducteur que celui-ci ne présente pas la garantie d'observer les prescriptions et de respecter autrui lorsqu'il est au volant, c'est-à-dire lorsqu'un pronostic défavorable doit être posé quant au comportement futur de l'intéressé. L'art. 16d al. 1 let. c LCR est notamment applicable lorsqu'un conducteur a violé délibérément les règles de la circulation routière de manière réitérée, de sorte que son comportement le fait apparaître comme susceptible de ne pas respecter, consciemment ou non, ces règles et de ne pas avoir égard à autrui (arrêts du Tribunal fédéral 1C_496/2018 du 20 mai 2019 consid. 5.1 ; 1C_134/2011 du 14 juin 2011 consid. 2.1 ; 1C_189/2008 du 8 juillet 2008 consid. 2.1 et 1C_321/2007 du 17 décembre 2007 consid. 3.2 ; ATA/632/2017 du 6 juin 2017 consid. 4d).

Par exemple, plusieurs excès de vitesse massif (« délit de chauffard ») ou un autre comportement en matière de circulation routière qui se révèle être particulièrement dangereux sans égard pour autrui peuvent constituer des indices suffisants pour une possible inaptitude à la conduite. On peut en déduire des motifs caractériels ou de santé psychique permettant d'envisager un retrait du permis de conduire. Même un premier excès de vitesse massif peut, dans certaines circonstances, faire douter de l'aptitude à la conduite, ce qui justifie notamment une expertise psychologique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_154/2018 du 4 juillet 2018 et les arrêts cités).

12.        De façon générale, conformément aux art. 31 al. 2 LCR et 2 al. 1 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11), toute personne qui n’a pas les capacités physiques et psychiques nécessaires pour conduire un véhicule, parce qu’elle est sous l’influence de l’alcool, de stupéfiants, de médicaments ou pour d’autres raisons, par exemple parce qu’elle est surmenée, est réputée incapable de conduire pendant cette période et doit s’en abstenir.

La capacité de conduire est l'aptitude physique et psychique momentanée à conduire de manière sûre un véhicule sur l'ensemble d'un trajet. Doit être assurée une capacité générale à conduire ; celle-ci comprend, outre les compétences de base, une capacité à pouvoir réagir aux difficultés qui peuvent survenir brusquement dans le trafic, sur la route et/ou en raison de l'environnement. En d'autres termes, le conducteur doit être en mesure de conduire en toute sécurité son véhicule, y compris lorsqu'une situation imprévisible se présente et/ou si le trafic est difficile (ATF 130 IV 32 consid. 3.1 p. 35 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_252/2016 du 15 novembre 2016 consid. 4.2). 

Constituant une mise en danger abstraite, qui ne saurait être qualifiée de légère, puisque le risque d'accident, dans un tel cas, est particulièrement élevé (cf. ATF 126 II 206 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_555/2008 du 1er avril 2009 consid. 4), lorsqu'elle est fautive, l'incapacité de conduire au sens des dispositions précitées entraîne en soi un retrait d'admonestation du permis de conduire de durée déterminée selon les art. 16a à c LCR (cf. Cédric MIZEL, Aptitude à la conduite automobile, exigences médicales, procédure d’examen et secret médical, in PJA 2008 p. 586). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il s'agit d'une infraction grave (cf. art. 16c al. 1 let. c LCR ; arrêt 1C_252/2016 du 15 novembre 2016 consid. 4.2).

13.        À teneur de l'art. 42 al. 1 de la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (RS 0.741.10), conclue à Vienne le 8 novembre 1968, entrée en vigueur pour la Suisse le 11 décembre 1992 et pour la France le 9 décembre 1971, les parties contractantes ou leurs subdivisions peuvent retirer à un conducteur qui commet sur leur territoire une infraction susceptible d'entraîner le retrait du permis de conduire en vertu de leur législation le droit de faire usage sur leur territoire du permis de conduire, national ou international, dont il est titulaire.

Le droit suisse prévoit que l'usage d'un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse (art. 45 al. 1 OAC ; cf. ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 3b).

Les règles et principes énoncés ci-dessus sont donc applicables mutatis mutandis à l'interdiction de faire usage du permis de conduire étranger, notamment français, sur le territoire suisse.

14.        En l'espèce, il n'appartient ni au recourant ni, à ce stade, au tribunal de se déterminer sur la question de l'aptitude à la conduite de celui-là, à laquelle l'expertise souhaitée par l'OCV doit répondre. La seule question qui se pose ici revient en effet à savoir s'il existe ou non des doutes quant à cette aptitude, susceptible de justifier la mise en œuvre d'une telle expertise. Or, au vu du cumul et de la nature des infractions et comportements reprochés au recourant entre le 1er juin 2020 et le 21 janvier 2021 (notamment excès de vitesse, conduite dangereuse, vitesse inadaptée, opposition aux actes de l'autorité et violence exercée contre un membre de celle-ci, conduite sans être titulaire du permis pour la catégorie visée, conduite d'un motocycle non conforme aux prescriptions), auxquelles s'ajoutent les deux excès de vitesse tout à fait importants et la conduite d'un motocycle sans être titulaire du permis pour la catégorie correspondante remontant aux 28 juin et 15 juillet 2020, il ne saurait être reproché à l'OCV d'avoir mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant qu'il se trouvait face à des indices suffisants pouvant suggérer une inaptitude caractérielle à la conduite et commandant que le recourant se soumette à une enquête, comme l'envisage l’art. 15d al. 1 let. d LCR. On comprend d'ailleurs mal pourquoi et comment, dans un tel contexte, le recourant a pu se voir délivrer un permis d'élève-conducteur le 16 avril 2021 (cf. à cet égard art. 14a al. 1 let. b LCR). S'il ne peut être nié que l'état émotionnel dans lequel ce dernier indique s'être trouvé a pu jouer un rôle dans les comportements qui lui sont reprochés, cette éventualité ne saurait remettre en cause l'analyse de la situation à laquelle l'OCV a procédé. Au contraire, on peut légitimement se demander si, compte tenu d'un tel état, le recourant aurait précisément dû s'abstenir de conduire. Il s'agira sans doute d'un élément sur lequel les experts devront se pencher.

Enfin, il sera rappelé que lorsqu'il s'agit d'un retrait de sécurité, il n'est pas critiquable de ne pas attendre l'issue de la procédure pénale et de statuer sans délai (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_191/2016 du 5 juillet 2016 consid. 5).

Il résulte de ce qui précède que la mesure querellée ne prête pas le flanc à la critique.

15.        Dès lors, le recours, mal fondé, sera rejeté.

16.        Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA et du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Vu l'issue du litige, le recourant n’a pas droit à une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA a contrario).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

 

1.            déclare recevable le recours interjeté le 12 avril 2021 par Monsieur A______ contre la décision prise à son égard par l'office cantonal des véhicules le 30 mars 2020 ;

2.            le rejette ;

3.            met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

4.            dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.            dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 57 let. c, 62 al. 1 let. b et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

 

 

La greffière