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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1236/2021

JTAPI/934/2021 du 15.09.2021 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/678/2022

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1236/2021

JTAPI/934/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 septembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Ana KRISAFI REXHA, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1989, est ressortissant du Kosovo.

2.             Par décision du 11 mars 2021, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (SEM) en vue de la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité. En outre, il a prononcé son renvoi de Suisse, ce qui impliquait qu'il était également tenu de quitter le territoire des Etats membres de l'Union européenne et des Etats associés à Schengen.

S'agissant des faits, l'OCPM a retenu qu'après son interpellation par la police vaudoise le 5 janvier 2011, M. A______ avait été condamné le 25 janvier 2011 par le Ministère public de l'arrondissement de la Côte pour entrée illégale, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. Par décision du 8 avril 2011, l'office cantonal de la population (devenu depuis lors l'OCPM) avait prononcé son renvoi de Suisse en lui impartissant 11 délai au 20 mai 2011. Suite à une demande de reconsidération qui s'était soldée par un refus de l'office cantonal de la population en date du 1er septembre 2011, un nouveau délai au 1er octobre 2011 lui avait été imparti pour quitter la Suisse. Une nouvelle condamnation pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation avait été prononcée à son encontre par le Ministère public de Genève le 24 novembre 2011.

Suite à son mariage avec une personne titulaire d'une autorisation d'établissement à La Chaux-de-Fonds, il avait obtenu une autorisation de séjour le 22 septembre 2012, puis avait ensuite été condamné à deux reprises, le 21 novembre 2013 puis le 31 juillet 2014, par le Ministère public de Genève, pour conduite sans permis de conduire.

Suite à sa séparation, il avait fait l'objet d'une décision de non-renouvellement de son permis de séjour et le canton de Neuchâtel lui avait imparti un délai au 31 décembre 2015 pour quitter la Suisse. La ville de La Chaux-de-Fonds avait informé l'OCPM le 10 novembre 2015 du fait que M. A______ avait annoncé son départ pour le canton de Genève.

Le 18 octobre 2018, il avait été interpellé par la police genevoise pour séjour sans autorisation nécessaire. Le lendemain, il avait fait l'objet d'une nouvelle condamnation prononcée par le Ministère public du canton de Genève pour infraction aux dispositions légales sur les étrangers. Par décision du 29 octobre 2018, l'OCPM avait prononcé son renvoi de Suisse et lui avait imparti un délai au 29 novembre 2018 pour quitter le territoire.

Par l'intermédiaire de son mandataire, le 21 décembre 2018, M. A______ avait déposé une demande d'autorisation de séjour sous l'angle de l'opération Papyrus. Il avait indiqué être parfaitement bien intégré, disposer de bonnes connaissances en français et d'un casier judiciaire vierge à l'exception d'infractions pour séjour illégal, ajoutant qu'il n'avait jamais bénéficié de l'aide de l'hospice général.

Par courriers des 24 juillet et 24 septembre 2019, l'OCPM l'avait informé qu'il ne remplissait pas les critères de l'opération Papyrus, car il avait été au bénéfice d'une autorisation de séjour en Suisse. En outre, il faisait l'objet de poursuites avoisinant un montant de CHF 40'000.-.

Écroué à la prison de B______ le 31 août 2019 suite à une plainte pour viol, il avait été acquitté de contrainte sexuelle par jugement du Tribunal correctionnel du 2 octobre 2020, mais reconnu coupable de séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.

Sur le plan juridique, la décision du 11 mars 2021 retient que M. A______ avait fait l'objet d'un nombre important de condamnations durant son séjour en Suisse. Si une condamnation n'était pas en elle-même rédhibitoire, pour autant que l'infraction soit de faible gravité, une seconde condamnation constituait une récidive et était rédhibitoire pour l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il avait par ailleurs fait l'objet d'une décision de non-renouvellement de son permis de séjour de la part des autorités neuchâteloises, un délai au 31 décembre 2015 lui ayant été imparti pour quitter la Suisse.

M. A______ n'avait pas non plus démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable et ne pouvait se prévaloir d'une intégration professionnelle particulièrement marquée. Enfin, la durée de son séjour sur le territoire suisse devait être relativisée par rapport aux nombreuses années qu'ils avaient passées dans son pays d'origine, où il avait vécu toute sa jeunesse et son adolescence. Il n'avait pas non plus démontré qu'une réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place.

3.             Par acte du 9 avril 2021, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), en concluant à son annulation et à ce que le dossier soit renvoyé à l'OCPM afin qu'il préavise positivement sa requête auprès du SEM.

En sus des faits évoqués ci-dessus, il a indiqué qu'il était arrivé en Suisse en 2008 et qu'une partie de sa famille s'y trouvait déjà bien avant son arrivée. Il avait ainsi pu d'emblée bénéficier du soutien de ses deux frères, qui actuellement vivaient et travaillaient toujours à Genève, ainsi que de son oncle et de la famille de celui-ci. Il avait toujours travaillé en tant que peintre en bâtiment et gagné sa vie sans jamais faire appel à l'aide sociale. Cependant, suite à son divorce au terme d'une procédure longue et conflictuelle, il s'était retrouvé endetté à raison d'environ CHF 40'000.-, dette uniquement liée aux conséquences de son divorce. Il avait d'ailleurs l'intention de rembourser cette dette très prochainement, ayant de bons espoirs de recevoir une indemnité de plus de CHF 70'000.- de la part de l'État de Genève, suite à son acquittement prononcé par le Tribunal correctionnel.

Il avait fait preuve d'une très bonne intégration, comme en attestaient plusieurs personnes dont il produisait les déclarations écrites (pièces 2 à 7 de son recours) deux d'entre elles indiquant le connaître depuis 2016, deux autres depuis 2017, une depuis 2019 et enfin une sixième n'indiquant pas de date.

Actuellement, il travaillait en qualité de poseur de faux plafonds pour un salaire mensuel brut de plus de CHF 6'200.-.

Sur le plan juridique, s'il convenait de ne pas minimiser les condamnations prononcées contre lui, elles portaient néanmoins sur des infractions mineures et étaient liées à son statut administratif. En outre, il avait entrepris toutes les démarches possibles afin de régulariser sa situation et avait fait appel à un avocat, s'étant en outre engagé à rembourser entièrement ses dettes. Il était inconcevable de prétendre qu'une éventuelle intégration Kosovo serait sans conséquences sur sa situation personnelle, étant donné qu'il avait passé 13 ans à s'intégrer en Suisse, tant sur le plan social que professionnel.

4.             Par courrier du 3 juin 2021, l'OCPM, renvoyant aux arguments de sa décision litigieuse, a répondu au recours en concluant à son rejet.

5.             Par courrier du 16 juillet 2021, M. A______ a indiqué qu'il ne souhaitait pas répliquer, mais a fait parvenir au tribunal copie de l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (AART/152/2021), lequel constate le retrait de l'appel formé par la partie civile contre le jugement du Tribunal correctionnel du 2 octobre 2020.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

4.             Les conditions d'entrée d'un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI. Les dérogations aux prescriptions générales d'admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l'art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d'admission dans le but de tenir compte des cas individuels d'extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs (let. b).

L'art. 31 al. 1 OASA, qui fixe les critères déterminants pour la reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité au sens de la disposition légale précitée, prévoit que lors de l’appréciation d’un cas d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

5.             Il ressort de la formulation de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, qui est rédigé en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission pour cas individuel d'une extrême gravité et, partant, à l'octroi (respectivement au renouvellement ou à la prolongation) d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (cf. ATF 138 II 393 consid. 3.1 et ATF 137 II 345 consid. 3.2.1). Aussi, conformément à la pratique et à la jurisprudence constantes en la matière, les conditions mises à la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu'une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. La reconnaissance d'une situation d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d'extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l'intéressé avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger de lui qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine.

6.             L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/92/ 2020 du 28 janvier 2020 consid.4f).

7.             Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités). À titre d'exemple, le Tribunal fédéral a notamment retenu en faveur d'un étranger installé depuis plus de onze ans en Suisse qu'il y avait développé des liens particulièrement intenses dans les domaines professionnel (création d'une société à responsabilité limitée, emploi à la délégation permanente de l'Union africaine auprès de l'ONU) et social (cumul de diverses charges auprès de l'Eglise catholique) (arrêt 2C_457/2014 du 3 juin 2014 consid. 4 et les références citées).

8.             La durée totale du séjour constitue un critère important de reconnaissance d'un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d'admettre un cas personnel d'une extrême gravité. En outre, la durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4145/2017 du 10 octobre 2018 consid. 5.1 et les références citées).

Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Cela étant, il ne faut enfin pas perdre de vue qu'il est parfaitement normal qu'une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Aussi, les relations d'amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l'étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3).

Quoi qu'il en soit, le fait de travailler pour ne pas dépendre de l'aide sociale, d'éviter de commettre des actes répréhensibles et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il ne s'agit pas là de circonstances exceptionnelles permettant, à elles seules, de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée, susceptible de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur (cf. Vuille/Schenk, L'article 14 alinéa 2 de la loi sur l'asile et la notion d'intégration, in: Cesla Amarelle [éd.], Pratiques en droit des migrations, L'intégration des étrangers à l'épreuve du droit suisse, 2012, p. 122s).

9.             L'opération « Papyrus » consiste en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, élaboré par le département de la sécurité et de l'économie (DSE), dont les compétences en la matière échoient actuellement au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES), « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 : https://demain.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017). Le DSES a ainsi précisé - en tenant compte de la marge d'appréciation possible (cf. brochure officielle publiée en février 2017, disponible en ligne sur le lien : https://demain.ge.ch/document/brochure-papyrus) - les critères objectifs et cumulatifs permettant aux personnes concernées de demander la légalisation de leur séjour selon ce programme, soit : un séjour continu de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires, le séjour devant être documenté ; une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ; une absence de condamnation pénale ; une indépendance financière complète. S'agissant des justificatifs de séjour à Genève, un document par année de séjour est exigé pour les preuves de catégories A (à savoir, extraits AVS, attestations de l'administration fiscale, de scolarité ou de suivi d'un cours de langue à Genève, fiches de salaire, contrats de travail ou de bail, polices d'assurance, abonnements TPG nominatifs, extraits de compte bancaires ou postaux, factures nominatives de médecin, de téléphone ou des SIG). Pour les preuves de catégories B (à savoir, abonnements de fitness, témoignages « engageants » notamment d'enseignants, d'anciens employeurs ou de médecins ou des documents attestant de différentes démarches) trois à cinq documents par année de séjour sont exigés.

10.         Selon les critères de l'opération Papyrus, la durée prise en considération doit correspondre à un séjour continu. Si une ou deux courtes interruptions annuelles, correspondant par exemple à la durée usuelle de quatre semaines de vacances, sont admissibles, la continuité du séjour en Suisse n'est par contre pas compatible avec des absences répétées ou des allers-retours avec le pays d'origine, notamment lorsqu'aucun emploi ne peut être trouvé en Suisse, ou encore avec des séjours répétés dans d'autres pays pour des motifs familiaux ou professionnels. Dans ces cas, en effet, même lorsque la personne vit la majeure partie du temps en Suisse, cela dénote un mode de vie fondé sur des déplacements selon les opportunités et, quand bien même elle parvient à établir un réseau social en Suisse, on ne peut considérer qu'elle y a vraiment installé son centre de vie et que son départ au bout de plusieurs années constituerait pour elle un véritable déracinement.

11.         Le Conseil fédéral a précisé que, dans le cadre de ce projet pilote, le secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) avait procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agissait donc pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse, ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur simplement parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur, en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation de ses enfants (cf. ATA/1234/2019 du 13 août 2019 consid. 6b ; ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 7b ; ATA/208/2018 du 6 mars 2018 consid. 9b ; ATA/37/2018 du 16 janvier 2018).

12.         L'opération Papyrus a pris fin le 31 décembre 2018, « date limite pour le dépôt des dossiers de régularisation dans le cadre du projet » (cf. communiqué de presse du DCES et département de la cohésion sociale du 4 mars 2019, in https://www.ge.ch/document/point-situation-intermediaire-relatif-cloture-du-projet-papyrus-0).

13.         Il sied enfin de rappeler que dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). Sauf prescription particulière de la loi ou d'un traité international, l'étranger n'a donc en principe aucun droit à la délivrance et au renouvellement d'un permis de séjour pour cas de rigueur. L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties.

14.         En l'espèce, il convient d'emblée de relever que même si le recourant est arrivé en Suisse en 2008 et y a obtenu une autorisation de séjour en 2012, la suite de son séjour en Suisse n'est absolument pas documentée, hormis pour ce qui concerne une audition par la police en 2013 et une autre en 2014, ainsi qu'une annonce faite en 2015 à la ville de La Chaux-de-Fonds, concernant son départ pour le canton de Genève. Or, comme cela a été exposé plus haut (cf. consid. 10), la durée du séjour en Suisse n'est prise en compte, dans le cadre de l'opération Papyrus de même que sous l'angle des critères légaux relatifs au cas individuel d'extrême gravité, que lorsqu'il s'agit d'un séjour continu. Ainsi, il est nécessaire que la personne qui requiert la régularisation de son séjour démontre qu'elle s'est établie en Suisse de manière ininterrompue. Une telle preuve fait défaut lorsqu'une documentation insuffisante laisse simplement apparaître la présence de la personne concernée en Suisse à des intervalles de temps de plusieurs semaines ou plusieurs mois. C'est bien le cas en l'espèce, seules quelques rares traces permettant de retenir la présence en Suisse du recourant entre 2013 et 2016, voire 2017. En effet, les attestations produites par le recourant à l'appui de son recours, émanant de personnes de son entourage, concernent la période à partir de 2016, mais ne signifient pas non plus que le recourant aurait, dès cette année-là, séjourné en Suisse de manière continue.

Dans ces conditions, on ne saurait exclure avec un degré de vraisemblance suffisant que le recourant a en réalité fait des séjours plus ou moins sporadiques en Suisse, selon les opportunités professionnelles qui se présentaient à lui, et qu'il retournait par ailleurs régulièrement dans son pays d'origine. Dès lors, on ne saurait considérer qu'il aurait depuis longtemps et de manière pratiquement définitive perdu tout lien avec son pays et qu'un départ de Suisse constituerait pour lui un véritable déracinement.

15.         À ces éléments s'ajoute encore le fait qu'à la suite du refus du renouvellement de son autorisation de séjour, le recourant s'est vu notifier à deux reprises, en 2015 puis en 2018, une décision de renvoi de Suisse. Ainsi, quand bien même son séjour se serait déroulé de manière ininterrompue en Suisse depuis 2008, cela aurait été au mépris de deux décisions lui ordonnant de quitter le territoire et il ne serait donc pas possible non plus de tenir compte d'un séjour poursuivi dans ces conditions.

16.         Le tribunal ajoutera encore que l'intégration socioprofessionnelle du recourant en Suisse n'est pas exceptionnelle au sens de la jurisprudence mentionnée plus haut, de sorte qu'à lui seul, ce critère ne saurait suppléer l'absence d'un séjour continu de très longue durée.

17.         Enfin, concernant les conséquences d'un retour au Kosovo, il ne s'agit certes pas de les nier, mais d'examiner si elles pourraient être sensiblement plus difficiles pour le recourant que pour n'importe lequel de ses compatriotes retournant au Kosovo après un séjour à l'étranger. À cet égard, le recourant se contente d'affirmations toutes générales, sans expliquer de manière circonstanciée en quoi, dans son cas, un retour dans son pays d'origine le mettrait dans une situation d'une gravité particulière.

18.         Au vu de ce qui précède, il s'avère que le recours est infondé et qu'il devra donc être rejeté.

19.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

20.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 avril 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 11 mars 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière