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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1236/2021

ATA/678/2022 du 28.06.2022 sur JTAPI/934/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1236/2021-PE ATA/678/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 juin 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A_______
représenté par Me Ana Krisafi Rexha, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 septembre 2021 (JTAPI/934/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A_______, né le ______ 1989, est ressortissant du Kosovo.

2) Il a été condamné le 25 janvier 2011 par le Ministère public de l'arrondissement de la Côte pour entrée illégale, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.

3) Par décision du 8 avril 2011, l'office cantonal de la population (devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations ; ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse en lui impartissant un délai au 20 mai 2011 pour quitter la Suisse.

4) Suite à une demande de reconsidération ayant donné lieu à un refus d'entrer en matière de l'OCPM en date du 1er septembre 2011, un nouveau délai au 1er octobre 2011 lui a été imparti pour quitter la Suisse.

5) M. A_______ a été derechef condamné pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation par le Ministère public de Genève le 24 novembre 2011.

6) À la suite de son mariage à B_______ avec une personne titulaire d'une autorisation d'établissement, M. A_______ a obtenu une autorisation de séjour le 22 septembre 2012.

7) Il a été condamné à deux reprises, le 21 novembre 2013 puis le 31 juillet 2014, par le Ministère public de Genève, pour conduite sans permis de conduire.

8) M. A_______ a annoncé aux autorités neuchâteloises son départ de B_______ (NE) pour Genève, avec effet au 10 novembre 2015.

9) À la suite de la séparation d'avec son épouse, il a fait l'objet d'une décision de non-renouvellement de son permis de séjour. Les autorités de migration du canton de Neuchâtel lui ont imparti un délai au 31 décembre 2015 pour quitter la Suisse.

10) Le 18 octobre 2018, M. A_______ a été interpellé par la police genevoise pour séjour sans autorisation nécessaire. Le lendemain, il a fait l'objet d'une nouvelle condamnation prononcée par le Ministère public du canton de Genève pour infraction aux dispositions légales sur les étrangers.

11) Par décision du 29 octobre 2018, l'OCPM a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 29 novembre 2018 pour quitter le territoire.

12) Le 21 décembre 2018, M. A_______ a déposé une demande d'autorisation de séjour sous l'angle de l'« opération Papyrus ». Il a indiqué être parfaitement bien intégré, disposer de bonnes connaissances en français et d'un casier judiciaire vierge à l'exception d'infractions pour séjour illégal, ajoutant qu'il n'avait jamais bénéficié de l'aide de l'Hospice général (ci-après : l'hospice).

13) Par courriers des 24 juillet et 24 septembre 2019, l'OCPM a informé M. A_______ qu'il ne remplissait pas les critères de l'« opération Papyrus », car il avait été au bénéfice d'une autorisation de séjour en Suisse. En outre, il faisait l'objet de poursuites avoisinant un montant de CHF 40'000.-.

14) Écroué à la prison de Champ-Dollon le 31 août 2019 suite à une plainte pour viol, M. A_______ a été acquitté de contrainte sexuelle par jugement du Tribunal correctionnel du 2 octobre 2020, mais reconnu coupable de séjour illégal et activité lucrative sans autorisation.

15) Par décision du 11 mars 2021, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de M. A_______ avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) en vue de la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité. En outre, il a prononcé son renvoi de Suisse, ce qui impliquait qu'il était également tenu de quitter le territoire des États membres de l'Union européenne et des États associés à Schengen.

M. A_______ avait fait l'objet d'un nombre important de condamnations durant son séjour en Suisse. Si une condamnation n'était pas en elle-même rédhibitoire, pour autant que l'infraction soit de faible gravité, une seconde condamnation constituait une récidive et était rédhibitoire pour l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il avait par ailleurs fait l'objet d'une décision de non-renouvellement de son permis de séjour de la part des autorités neuchâteloises, un délai au 31 décembre 2015 lui ayant été imparti pour quitter la Suisse.

Il n'avait pas non plus démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable et ne pouvait se prévaloir d'une intégration professionnelle particulièrement marquée. Enfin, la durée de son séjour sur le territoire suisse devait être relativisée par rapport aux nombreuses années qu'il avait passées dans son pays d'origine, où il avait vécu toute sa jeunesse et son adolescence. Il n'avait pas non plus démontré qu'une réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place.

16) Par acte du 9 avril 2021, M. A_______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, en concluant à son annulation et à ce que le dossier soit renvoyé à l'OCPM afin qu'il préavise positivement sa requête auprès du SEM.

Il était arrivé en Suisse en 2008 et une partie de sa famille s'y trouvait déjà bien avant son arrivée. Il avait ainsi pu d'emblée bénéficier du soutien de ses deux frères, qui actuellement vivaient et travaillaient toujours à Genève, ainsi que de son oncle et de la famille de celui-ci. Il avait toujours travaillé en tant que peintre en bâtiment et gagné sa vie sans jamais faire appel à l'aide sociale. Cependant, suite à son divorce au terme d'une procédure longue et conflictuelle, il s'était retrouvé endetté à raison d'environ CHF 40'000.-, dette uniquement liée aux conséquences de son divorce. Il avait d'ailleurs l'intention de rembourser cette dette très prochainement, ayant de bons espoirs de recevoir une indemnité de plus de CHF 70'000.- de la part de l'État de Genève, suite à son acquittement prononcé par le Tribunal correctionnel.

Il avait fait preuve d'une très bonne intégration, comme en attestaient plusieurs personnes dont il produisait les déclarations écrites, deux d'entre elles indiquant le connaître depuis 2016, deux autres depuis 2017, une depuis 2019 et enfin une sixième n'indiquant pas de date.

Il travaillait désormais en qualité de poseur de faux plafonds pour un salaire mensuel brut de plus de CHF 6'200.-.

S'il convenait de ne pas minimiser les condamnations prononcées contre lui, elles portaient néanmoins sur des infractions mineures et étaient liées à son statut administratif. En outre, il avait entrepris toutes les démarches possibles afin de régulariser sa situation et avait fait appel à un avocat, s'étant en outre engagé à rembourser entièrement ses dettes. Il était inconcevable de prétendre qu'un retour au Kosovo serait sans conséquences sur sa situation personnelle, étant donné qu'il avait passé treize ans à s'intégrer en Suisse, tant sur le plan social que professionnel.

17) Le 3 juin 2021, l'OCPM, renvoyant aux arguments de sa décision litigieuse, a conclu au rejet du recours.

18) Par courrier du 16 juillet 2021, M. A_______ a indiqué qu'il ne souhaitait pas répliquer, mais a fait parvenir au TAPI copie de l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR - AARP/152/2021), lequel constate le retrait de l'appel formé par la partie civile contre le jugement du Tribunal correctionnel du 2 octobre 2020.

19) Par jugement du 15 septembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Même si M. A_______ était arrivé en Suisse en 2008 et y avait obtenu une autorisation de séjour en 2012, la suite de son séjour en Suisse n'était absolument pas documentée, hormis une audition par la police en 2013 et une autre en 2014, ainsi qu'une annonce faite en 2015 à la Ville de B_______. On ne pouvait dès lors exclure avec un degré de vraisemblance suffisant que M. A_______ avait en réalité fait des séjours plus ou moins sporadiques en Suisse, selon les occasions professionnelles qui se présentaient à lui.

En outre, à la suite du refus du renouvellement de son autorisation de séjour, M. A_______ s'était vu notifier à deux reprises, en 2015 puis en 2018, une décision de renvoi de Suisse. Ainsi, quand bien même son séjour se serait déroulé de manière ininterrompue en Suisse depuis 2008, cela aurait été au mépris de deux décisions lui ordonnant de quitter le territoire et il ne serait donc pas possible non plus de tenir compte d'un séjour poursuivi dans ces conditions.

L'intégration socioprofessionnelle du recourant en Suisse n'était, quoi qu'il en fût, pas exceptionnelle au sens de la jurisprudence, de sorte que ce critère ne pouvait suppléer l'absence d'un séjour continu de très longue durée. Enfin, concernant les conséquences d'un retour au Kosovo, il ne s'agissait certes pas de les nier, mais d'examiner si elles pourraient être sensiblement plus difficiles pour M. A_______ que pour n'importe lequel de ses compatriotes retournant au Kosovo après un séjour à l'étranger. À cet égard, l'intéressé se contentait d'affirmations toutes générales, sans expliquer de manière circonstanciée en quoi, dans son cas, un retour dans son pays d'origine le mettrait dans une situation d'une gravité particulière.

20) Par acte posté le 18 octobre 2021, M. A_______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, au renvoi de la cause à l'OCPM afin que celui-ci préavise favorablement son cas auprès du SEM, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Il était arrivé en Suisse en 2008, soit treize ans auparavant. Son séjour avait été continu, et le TAPI avait procédé à cet égard à une appréciation erronée des faits. Il s'était certes retrouvé endetté à hauteur de CHF 40'000.- environ en lien avec son divorce, mais il avait l'intention de rembourser cette dette très prochainement. Il devait du reste percevoir une indemnité pour tort moral en lien avec sa détention injustifiée.

Ses condamnations pénales étaient uniquement en lien avec son statut administratif, et les premières ne devaient pas être prises en compte car il avait subséquemment obtenu une autorisation de séjour en 2012, en lien avec son mariage. Sa maîtrise de la langue française était bonne, et il pouvait produire une attestation si nécessaire.

Vu la durée de son séjour il pouvait se prévaloir du droit au respect de sa vie privée, et la mesure de renvoi était disproportionnée. Il était inconcevable d'imaginer qu'une éventuelle réintégration au Kosovo serait sans conséquence sur sa situation personnelle, alors qu'il avait passé treize ans de sa vie à s'intégrer en Suisse.

21) Le 25 novembre 2021, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés, en substance semblables à ceux développés en première instance, n'étaient pas de nature à modifier à sa position.

22) Le 3 janvier 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 4 février 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

23) L'OCPM a indiqué le 26 janvier ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires, et M. A_______ en a fait de même le 4 février 2022.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. L'objet du recours est la décision de l'OCPM du 11 mars 2021 refusant de délivrer un titre de séjour au recourant et prononçant son renvoi de Suisse, ou plus précisément, en vertu de l'effet dévolutif du recours, sa confirmation par le TAPI.

b. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l’opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit, étant précisé que la plupart des dispositions sont demeurées identiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

b. La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

c. L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, contient une liste exemplative des critères à prendre en considération pour la reconnaissance des cas individuels d’une extrême gravité, comme l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), et financière (let. d), la durée de la présence en Suisse (let. e), l’état de santé (let. f), ainsi que les possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er mars 2022 [ci-après : directives LEI], ch. 5.6.10).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 145 I 308 consid. 3.3.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/62/2022 du 25 janvier 2022 consid. 3b).

d. La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 et les références citées).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de la réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

e. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c).

4) L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées sans titre de séjour, « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; communiqué de presse du 21 février 2017 : https://www.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017) et répondant à différents critères, à savoir : avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Dans le cadre du projet pilote « Papyrus », le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agissait pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

L'« opération Papyrus » n'emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c). L'« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018 (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a).

5) En l’espèce, contrairement à ce qu'il affirme, le recourant n'a pas prouvé séjourner de manière continue en Suisse depuis 2008. Le dossier contient des pièces établies par les autorités, qui attestent de la présence du recourant sur sol suisse à certains moments, notamment lors de contrôles ou d'auditions par la police ou les autorités pénales en général. Les seuls éléments de preuve fournis par le recourant sont des attestations fournies au stade du recours devant le TAPI, et présentées à nouveau devant la chambre de céans, datant de 2021, et un extrait de compte de l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS). Or les personnes ayant établi les attestations en faveur du recourant disent connaître ce dernier depuis « quelques années » pour l'une, et depuis 2016, 2017 ou même 2019 pour les autres. Quant à l'extrait de compte AVS, on constate que les montants cotisés sont très faibles en 2009, 2010 et 2012, et faibles en 2011, 2013 et 2016. Le TAPI a donc correctement apprécié les preuves disponibles en estimant que le recourant n'avait pas prouvé un séjour continu en Suisse depuis 2008.

Ainsi, faute d'apporter la preuve d'un tel séjour continu de dix ans en Suisse au moment du dépôt de sa demande du 21 décembre 2018, le recourant ne saurait être mis au bénéfice de l’« opération Papyrus », n'en remplissant pas l'un des critères cumulatifs. Il convient de plus de prendre en compte le fait qu'une partie non négligeable de ce séjour s'est déroulé dans l'illégalité, le recourant étant venu en Suisse sans titre de séjour, et n'ayant pas déféré aux décisions des autorités de migrations ayant prononcé son renvoi à partir de 2015.

Le recourant ne remplit par ailleurs pas les conditions permettant de déroger aux conditions ordinaires de séjour. S'il ressort du dossier que le recourant n'a jamais émargé à l’aide sociale, n'a fait l'objet de condamnations pénales qu'en rapport avec son statut de droit des étrangers, et a fourni une attestation de niveau A2 à l'oral en français, il s'agit là d'éléments pouvant être attendus de tout étranger désirant s’établir durablement en Suisse. Il résulte par ailleurs du dossier que le recourant a des poursuites pour dettes à son encontre à hauteur d'environ CHF 40'000.-, poursuites qu'il dit vouloir rembourser sans toutefois avoir prouvé qu'il avait commencé à le faire depuis les affirmations en ce sens contenues dans son recours devant la juridiction de première instance.

Les relations d’amitié et de voisinage nouées pendant son séjour sont dans la norme pour une personne ayant vécu plusieurs années en Suisse. Le recourant ne démontre par ailleurs aucune implication particulière dans la vie locale ni une intégration particulièrement forte en Suisse.

Les activités professionnelles qu’il a exercées à Genève, notamment dans le domaine du second œuvre, ne sont pas constitutives d’une ascension professionnelle remarquable et ne l'ont pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu’il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d’origine. Ces emplois ne lui permettent donc pas de se prévaloir d’une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence stricte en la matière au point de justifier une exception aux mesures de limitation.

De plus, le recourant, âgé de 33 ans, est venu en Suisse pour la première fois à l'âge de 19 ans. Il a dès lors passé au Kosovo toute son enfance et son adolescence, ainsi que les premières années de sa vie d'adulte, à savoir des périodes décisives pour la formation de la personnalité et l’intégration socioculturelle.

Partant, ni son âge, ni la durée de son séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients d'ordre professionnel et personnel auxquels il pourra certes se heurter dans son pays d'origine, ne constituent des circonstances si singulières qu'il faille considérer qu'il se trouverait dans une situation de détresse personnelle devant justifier une exception aux mesures de limitation, étant rappelé que le cas d'extrême gravité doit concerner la situation personnelle de l'étranger et non les difficultés auxquelles peut se heurter l'ensemble de la population de son pays d'origine. En l'espèce, c'est de manière toute générale que le recourant fait valoir des difficultés de réintégration dans son pays d'origine.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, c’est à bon droit que l’autorité intimée a retenu que les conditions d’un cas d’extrême gravité justifiant de déroger aux règles ordinaires d’admission n’étaient pas remplies, ce que l’instance précédente a confirmé à juste titre.

6) a. Selon l’art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou n’a pas été prolongée (let. c) en assortissant ce renvoi d’un délai de départ raisonnable (al. 2).

b. Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). Il n’est pas possible lorsque l’intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Il n’est pas licite lorsqu’il serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Il n’est pas raisonnablement exigible s’il met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

c. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l’OCPM devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que l'exécution dudit renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 octobre 2021 par Monsieur A_______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 septembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A_______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Ana Krisafi Rexha, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.