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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/510/2021

JTAPI/897/2021 du 03.09.2021 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION DE RENVOI;DOMICILE À L'ÉTRANGER
Normes : LEI.40.al2; LEI.64.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/510/2021

JTAPI/897/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 septembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1973, est ressortissant du Cameroun. Il est titulaire d'une carte de résident française qui l'autorise à séjourner et travailler en France.

2.             Il est associé gérant et président de la société B______ à Genève (ci-après : la SÀRL), inscrite au registre du commerce de Genève le ______ 2017 et qui a son siège au chemin C______.

3.             Le 25 novembre 2020, la SÀRL a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour et de travail en faveur de M. A______.

4.             Par décision du 23 décembre 2020 adressée à la SÀRL, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a refusé de donner une suite favorable à la demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative concernant M. A______.

5.             Par décision du 1er février 2021, l'OCPM a refusé l'octroi d'une autorisation de séjour et de travail et prononcé le renvoi de Suisse de M. A______.

6.             Par acte posté le 8 février 2021, M. A______ a interjeté recours contre la décision de l'OCIRT du 23 décembre 2020 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), lequel l'a inscrit sous le numéro de procédure A/1______.

7.             Par acte également posté le 8 février 2021, M. A______ a recouru auprès du tribunal contre la décision de l'OCPM du 1er février 2021, laquelle fait l'objet de la présente procédure, concluant à son annulation et à l'octroi d'un permis de travail.

Son recours était identique à celui concernant la décision de l'OCIRT. Il a notamment procédé à une analyse des conditions d’admission en vue de l’exercice d’une activité lucrative prévues aux art. 18 ss de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

S’agissant de la décision de renvoi, il ne comprenait pas en quoi elle trouvait application dans son cas, étant donné qu’il ne résidait pas en Suisse, mais en France voisine (D______).

Le détail de son argumentation sera repris dans la mesure utile dans la partie « En droit ».

8.             Dans ses observations du 23 avril 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours « pour autant qu’il ait encore un objet ».

Il a notamment relevé que certains arguments du recourant concernaient la décision de l’OCIRT du 23 décembre 2020, laquelle était « à ce jour entrée en force ».

Dès lors que l’OCPM était lié par la susdite décision de l’OCIRT, le refus de celui-ci de délivrer une autorisation de séjour et de travail avait pour conséquence inéluctable de prononcer le renvoi du recourant de Suisse.

Lors du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative, le recourant avait indiqué comme adresse de domicile à Genève, le chemin C______, chez Monsieur E______. Ce dernier l’avait d’ailleurs confirmé par attestation du 20 novembre 2020, indiquant qu’il louait au recourant un appartement depuis le mois d’août 2016 pour un loyer mensuel de CHF 3'000.-. La décision était dès lors fondée au regard des éléments du dossier.

Cela étant, l’OCPM prenait note que le recourant était désormais domicilié en France.

9.             Invité à se déterminer suite aux observations de l'OCPM, le recourant n'a pas répliqué.

10.         Par jugement de ce jour dans la procédure A/1______, le tribunal a déclaré irrecevable, pour cause de tardiveté, le recours contre la décision de l’OCIRT du 23 décembre 2020.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n'est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), comme en l'espèce.

6.             Selon l'art. 40 al. 2 LEI, lorsqu'un étranger ne possède pas de droit à l'exercice d'une activité lucrative, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l'admettre en vue de l'exercice d'une activité lucrative, ainsi que pour l'autoriser à changer d'emploi ou à passer d'une activité lucrative salariée à une activité lucrative indépendante.

Dans le canton de Genève, la compétence pour rendre une telle décision est attribuée à l'OCIRT (art. 2 al. 2 LaLEtr et 6 al. 4 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers, du 17 mars 2009 - RaLEtr - F 2 10.01), dont la décision préalable lie l'OCPM (art. 6 al. 6 RaLEtr ; cf. aussi directives et circulaires du secrétariat d'État aux migrations, domaine des étrangers, état au 1er janvier 2021, ch. 1.2.3.2).

7.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/311/2019 du 26 mars 2019 ; ATA/1364/2018 du 18 décembre 2018 consid. 4b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1364/2018 du 18 décembre 2018 consid. 4b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b et les arrêts cités).

8.             Par ailleurs, l'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou se modifier qualitativement au fil des instances. Il peut uniquement se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l'autorité de recours. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été traitées dans la procédure antérieure (ATA/1364/2018 du 18 décembre 2018 consid. 4b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 ; ATA/648/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2b et les arrêts cités).

9.             Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/311/2019 précité ; ATA/648/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2b et les arrêts cités).

10.         En l’espèce, par décision du 23 décembre 2020, l’OCIRT a refusé de délivrer une autorisation de séjour avec activité lucrative au recourant. Saisi d’un recours contre cette décision, le tribunal de céans l’a déclaré irrecevable pour cause de tardiveté, par jugement de ce jour dans la cause A/1______.

Dans le cadre de la présente procédure, le recourant n'est pas fondé à remettre en cause la décision de l'OCIRT, laquelle lie l’OCPM. Dès lors, une bonne partie des arguments qu’il avance ne sont pas pertinents dans la mesure où ils se rapportent exclusivement au domaine de la main-d’œuvre étrangère. Ils excèdent ainsi le cadre de la présente procédure, dont l'objet n'a trait qu'au refus d'autorisation de séjour pour activité lucrative et à la mesure de renvoi prononcée à son encontre.

11.         L’OCPM étant ainsi lié par la décision de l’OCIRT, c’est à bon droit qu’il a refusé l’octroi de l’autorisation de séjour et de travail. La décision sera dès lors confirmée sur ce point.

12.         Aux termes de l'art. 64 al. 1 LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (let. b) et d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

13.         Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; ATA/228/2015 du 2 mars 2015 consid. 8 ; ATA/598/2014 du 29 juillet 2014 consid. 12 ; ATA/182/2014 du 25 mars 2014 consid. 12).

14.         Dès qu'une décision administrative n'est plus susceptible de recours, l'application du régime qu'elle établit est censée être conforme à l'ordre juridique, même si, en réalité, cette décision est viciée. La nullité absolue, qui empêche la décision d'exister et peut être invoquée en tout temps devant toute autorité ayant à en connaître, y compris devant une autorité d'exécution, ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Hormis dans les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision. Entrent avant tout en considération, comme motifs de nullité, l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (cf. ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; 137 I 273 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2 ; 8C_355/2016 du 22 mars 2017 consid. 5.3 ; 1C_111/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5.1). L'illégalité d'une décision ne constitue donc pas par principe un motif de nullité ; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies ordinaires de recours (cf. ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_538/20136B_563/2013 du 14 octobre 2013 consid. 5.3). Un acte administratif illégal est ainsi simplement annulable, dès lors que la plupart des décisions viciées le sont par leur contenu. Selon la jurisprudence, reconnaître la nullité autrement que dans des cas tout à fait exceptionnels conduirait à une trop grande insécurité ; par ailleurs, le développement de la juridiction administrative offrant aux administrés suffisamment de possibilités de contrôle sur le contenu des décisions, on peut attendre d'eux qu'ils fassent preuve de diligence et réagissent en temps utile (cf. ATF 138 III 49 consid. 4.4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_1/2013 du 11 janvier 2013 consid. 4 ; 9C_333/2007 du 24 juillet 2008 consid. 2.1).

15.         En l’espèce, le tribunal observe que le recourant, domicilié à D______ (France), ne séjourne pas en Suisse, de sorte que son renvoi de ce pays n’est pas possible et n’a pas lieu d’être.

16.         La question de savoir si cette décision de renvoi doit être considérée comme nulle peut rester ouverte, dès lors qu’elle est annulable, le recourant ayant conclu à son annulation dans le cadre de la présente procédure ordinaire de recours.

17.         Par conséquent, la décision de renvoi sera annulée.

18.         Le recours étant partiellement admis, un émolument réduit à CHF 250.-, couvert par l’avance de frais d’un même montant versée à la suite du dépôt du recours, sera mis à la charge du recourant, en application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03).

19.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

20.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 février 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 1er février 2021 ;

2.             le rejette en ce qui concerne l’octroi d’une autorisation de séjour et de travail ;

3.             annule la décision de renvoi ;

4.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 250.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière